La prisonnière du désert
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Sibelius
Borges
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La prisonnière du désert
Hier à la télé belge, ils ont montré "la prisonnière du désert"; et c'était en HD. Une horreur; de quoi se lamenter. Tout était net, défini, précis; l'image avait perdu toute profondeur, la marque du temps. Vous aviez le sentiment d'un joli film.
Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
Le blu-ray du film a bonne réputation, hormis des problèmes de colorimétrie.
Sibelius- Messages : 102
Re: La prisonnière du désert
hello Borges,
Pour le fun, la réception de La prisonnière, dans les Cahiers en 1956 :
Les mêmes notes que "C'est arrivé à Aden", de Michel Boisrond.
Il n'y a pas eu de critique à proprement parler, mais deux lignes perdues dans l'agenda des sorties:
Personne ne le cite dans son "Top 10" de 56 : le western de l'année, pour Rivette, Rohmer, and Co, c'est "La charge des tuniques bleues", de Mann.
(mais Bazin en reparlera l'année d'après comme d'un grand film, sacrifié par une sortie en plein été à Paris, seulement en version française)
Plus que l'image, c'est le son que les restaurations "dénaturent" le plus, je trouve : ils se sentent obligés de spatialiser, dolbyser ou je ne sais quoi ; et souvent, ça sonne faux, parce qu'on a le sentiment de voir un film et d'en entendre un autre.Borges a écrit:Hier à la télé belge, ils ont montré "la prisonnière du désert"; et c'était en HD. Une horreur; de quoi se lamenter. Tout était net, défini, précis; l'image avait perdu toute profondeur, la marque du temps. Vous aviez le sentiment d'un joli film.
Pour le fun, la réception de La prisonnière, dans les Cahiers en 1956 :
Les mêmes notes que "C'est arrivé à Aden", de Michel Boisrond.
Il n'y a pas eu de critique à proprement parler, mais deux lignes perdues dans l'agenda des sorties:
Personne ne le cite dans son "Top 10" de 56 : le western de l'année, pour Rivette, Rohmer, and Co, c'est "La charge des tuniques bleues", de Mann.
(mais Bazin en reparlera l'année d'après comme d'un grand film, sacrifié par une sortie en plein été à Paris, seulement en version française)
Eyquem- Messages : 3126
Re: La prisonnière du désert
Y a pire: la tête de con satisfait de Hughes Dayez, le monsieur cinéma de la rtbf, en HD:
- Spoiler:
Aussi compétent en cinoche que je suis danseur étoile à l'opéra du Bolchoï. Selon la formule consacrée.
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
Eyquem a écrit:Personne ne le cite dans son "Top 10" de 56 : le western de l'année, pour Rivette, Rohmer, and Co, c'est "La charge des tuniques bleues", de Mann.
Dans l'absolu, pourquoi pas, Mann est un aussi grand réalisateur que Ford, à la filmographie sans failles, et "la charge..." est très bien. Après The Searchers a acquis au fil des années une telle aura que les critiques de l'époque avaient forcément tort.
Sibelius- Messages : 102
Re: La prisonnière du désert
oui, tout le monde peut commettre des erreurs, mais pas quand elles ne doivent rien aux oeuvres et tout à la bêtise de la politique de l'auteur; n'oublions pas que les gars qui oeuvraient aux cahiers se la jouaient génie de hawks contre nullité de ford...
Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
Eyquem a écrit:
Plus que l'image, c'est le son que les restaurations "dénaturent" le plus, je trouve : ils se sentent obligés de spatialiser, dolbyser ou je ne sais quoi ; et souvent, ça sonne faux, parce qu'on a le sentiment de voir un film et d'en entendre un autre.
parfaitement
Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
Il ya aussi un problème liés aux nouveaux écrans de télévision TFT.
Apparemment les images sont calculées par des algorithme de vectorisations censés "fluidifier" l'image, mais la correspondance entre la trame et l'image original que le cathodique maintenait encore est désormais complétement perdue.
Sur des films filmés directement en support numériques, rien ne se remarque, mais sur des films issus de la pellicule, chaque travelling ou zoom donne une impression d'accélération et de piqué, de s'enfoncer dans de la compote, ou de coma en accéléré (j'ai essayé de voir la Femme au Portrait qui s'ouvre sur un panoramique dans une église, et c'était impossible). On perd la sensation des 24 images secondes qu'il y a avait encore avec le cathodique
Après il y a des modes pré sélectionnés qui permettent de restituer un peu du "rythme" de l'image normale, mais qui rendent les couleurs plus ternes, presque en sépia, je ne sais pas si c'est lié à une nécessité technologique où un rapprochement censé anticiper le regard du public sur les vieux films.
Ce qui est horrible également c'est la vogue des grands écrans plats, qui recouvrent des murs entiers, aux dimensions orwelliennes.
Apparemment les images sont calculées par des algorithme de vectorisations censés "fluidifier" l'image, mais la correspondance entre la trame et l'image original que le cathodique maintenait encore est désormais complétement perdue.
Sur des films filmés directement en support numériques, rien ne se remarque, mais sur des films issus de la pellicule, chaque travelling ou zoom donne une impression d'accélération et de piqué, de s'enfoncer dans de la compote, ou de coma en accéléré (j'ai essayé de voir la Femme au Portrait qui s'ouvre sur un panoramique dans une église, et c'était impossible). On perd la sensation des 24 images secondes qu'il y a avait encore avec le cathodique
Après il y a des modes pré sélectionnés qui permettent de restituer un peu du "rythme" de l'image normale, mais qui rendent les couleurs plus ternes, presque en sépia, je ne sais pas si c'est lié à une nécessité technologique où un rapprochement censé anticiper le regard du public sur les vieux films.
Ce qui est horrible également c'est la vogue des grands écrans plats, qui recouvrent des murs entiers, aux dimensions orwelliennes.
Dernière édition par Tony le Mort le Mer 4 Juil 2012 - 15:48, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
"A cette époque-là [celle de The shooting], je n'avais pas encore vu The searchers. Plus tard, je l'ai vu, et c'était difficile, parce que c'est un film tellement vénéré - on se pose des questions si on ne réagit pas de la manière dont on est supposé réagir. Aussi est-ce la première fois que j'ose dire que je déteste The Searchers.
Après avoir revu ces deux films la nuit dernière, je persiste à penser que The searchers est aussi mauvais que Clementine est excellent.
The searchers est une histoire intense mais le scénario est horrible.... [Le film] contient tous les trucs, tous les clichés, toutes les caricatures, tous les personnages excentriques qu'on trouve habituellement dans les plus mauvais films de Ford. Et les acteurs y jouent mal, à l'exception bien sûr de Wayne, qui est merveilleux. De plus le film donne une vue raciste, bigote, terrible de l'humanité.
Dans Clementine, le "picturalisme" de Ford s'exprime par des compositions précises. Il tourna le film comme un magnifique tableau, et en même temps c'est dramatiquement irréfutable. Alors que dans The searchers, c'est presque comme s'il essayait d'imiter les plans magnifiques qu'il avait faits autrefois. C'est quand même un peu difficile en couleur après le noir et blanc. Les compositions dans The searchers sont emphatiques. Quand quelqu'un se tient au premier plan en train de faire signe de la main à quelqu'un qui disparaît au loin, on est conscient d'une composition pas d'une scène.
Ce qui est étonnant, c'est que dans ses films de famille comme The searchers, on ne ne trouve pas de sens véritable de la famille. C'est toujours des clichés, beaucoup de niaiserie. Où voyez-vous une famille dans laquelle se reconnaître dans The searchers ? Je crois qu'il aimait la notion de famille mais c'était dans sa tête une telle fantaisie..." (Monte Hellman, en 1990)
"Quand quelqu'un se tient au premier plan en train de faire signe de la main à quelqu'un qui disparaît au loin..." : je n'ai pas l'impression que ce plan existe dans The searchers.
Après avoir revu ces deux films la nuit dernière, je persiste à penser que The searchers est aussi mauvais que Clementine est excellent.
The searchers est une histoire intense mais le scénario est horrible.... [Le film] contient tous les trucs, tous les clichés, toutes les caricatures, tous les personnages excentriques qu'on trouve habituellement dans les plus mauvais films de Ford. Et les acteurs y jouent mal, à l'exception bien sûr de Wayne, qui est merveilleux. De plus le film donne une vue raciste, bigote, terrible de l'humanité.
Dans Clementine, le "picturalisme" de Ford s'exprime par des compositions précises. Il tourna le film comme un magnifique tableau, et en même temps c'est dramatiquement irréfutable. Alors que dans The searchers, c'est presque comme s'il essayait d'imiter les plans magnifiques qu'il avait faits autrefois. C'est quand même un peu difficile en couleur après le noir et blanc. Les compositions dans The searchers sont emphatiques. Quand quelqu'un se tient au premier plan en train de faire signe de la main à quelqu'un qui disparaît au loin, on est conscient d'une composition pas d'une scène.
Ce qui est étonnant, c'est que dans ses films de famille comme The searchers, on ne ne trouve pas de sens véritable de la famille. C'est toujours des clichés, beaucoup de niaiserie. Où voyez-vous une famille dans laquelle se reconnaître dans The searchers ? Je crois qu'il aimait la notion de famille mais c'était dans sa tête une telle fantaisie..." (Monte Hellman, en 1990)
"Quand quelqu'un se tient au premier plan en train de faire signe de la main à quelqu'un qui disparaît au loin..." : je n'ai pas l'impression que ce plan existe dans The searchers.
Eyquem- Messages : 3126
Re: La prisonnière du désert
y a pas mal de gens qui trouvent "the searchers" surfait...mais bon en général, c'est des niaiseries (comme ici de la part de MH)
Y a tant de plans dans nos têtes qui n'existent pas dans les films, c'est comme ça...
Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
Borges a écrit:oui, tout le monde peut commettre des erreurs, mais pas quand elles ne doivent rien aux oeuvres et tout à la bêtise de la politique de l'auteur; n'oublions pas que les gars qui oeuvraient aux cahiers se la jouaient génie de hawks contre nullité de ford...
Mark Robson s'en tire encore mieux que Hawks, avec "the Harder they Fall", bon film noir classique sur un boxeur sacrifié avec un Bogart en fin de vie, désimpliqué, et un ton progressiste qui permet d'aborder de biais la situation de la communauté hispanique aux USA. Et c'est Rohmer qui le met en deuxième position. Comme quoi faut pas croire tout ce que l'on raconte dans les livres.
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
t'es un doux rêveur Eyquem, tu vis trop la tête dans les étoiles.
garde la tu nous diras dans 50 ans qui, de Low life ou faust est encore en lice ... j'ai ma petite idée
garde la tu nous diras dans 50 ans qui, de Low life ou faust est encore en lice ... j'ai ma petite idée
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
Sinon Monte Hellman a raison.
Si on compare avec "la Flêche Brisée", il est politiquement arriéré, même pour les USA de l’époque. C'est quand-même le prototype du film américain où une minorité est coincée entre une faute collective vis-à-vis de l'ensemble de la société qui la relègue du côté de la barbarie, et un bon personnage individuel à l'Oedipe mal résolu, pour lequel l'intégration dans la société comble une recherche de père et passe par une fonction de police ( chez Ford subalterne, c'est d'ailleurs là qu'on mesure que le film est moins cynique que les productions actuelles), et qui finit par se sacrifier (Fuller montre un peu la même chose dans ses films de guerre, mais en la déconstruisant, en radicalisant une violence dans laquelle les personnages ne croient plus) .
Dans "la Prisonnière du Désert" les discours sur les Indiens est posé en terme de sang et d'origine, tandis chez Delmer Daves il y a le regard sociologique que les Indiens ont sur eux-même qui justement les constitue comme irréductible à la colonisation. Chez Daves, le mot "guerre" est lancé, et la colonisation est représentée dans ce qui en fait elle-même la négation d'une loi.
Dans "the searcher", les Indiens ne sont plus qu'une trace sans présence, mais qui envahi fanstamatiquement tout le désert, Daves, c'est la trace comme stratégie élément d'une négociation politique, pour contrôler le sens politique de sa présence (mais c'est la création des réserves).
Le premier film en couleur de Ford, "Drums among the Mohawk" de 1939 est politiquement et esthétiquement beaucoup plus avancé (un film sur toute une communauté saisie à la fois par la peur fantasmatique du siège et le besoin de s'enraciner).
Quand je pense que l'on a ici reproché à Hawks de représenter les Italiens comme des "monstres" dans Scarface, et que l'on réduit par ailleurs les préventions de Hellman sur the Searchers à des "niaiseries".
Si on compare avec "la Flêche Brisée", il est politiquement arriéré, même pour les USA de l’époque. C'est quand-même le prototype du film américain où une minorité est coincée entre une faute collective vis-à-vis de l'ensemble de la société qui la relègue du côté de la barbarie, et un bon personnage individuel à l'Oedipe mal résolu, pour lequel l'intégration dans la société comble une recherche de père et passe par une fonction de police ( chez Ford subalterne, c'est d'ailleurs là qu'on mesure que le film est moins cynique que les productions actuelles), et qui finit par se sacrifier (Fuller montre un peu la même chose dans ses films de guerre, mais en la déconstruisant, en radicalisant une violence dans laquelle les personnages ne croient plus) .
Dans "la Prisonnière du Désert" les discours sur les Indiens est posé en terme de sang et d'origine, tandis chez Delmer Daves il y a le regard sociologique que les Indiens ont sur eux-même qui justement les constitue comme irréductible à la colonisation. Chez Daves, le mot "guerre" est lancé, et la colonisation est représentée dans ce qui en fait elle-même la négation d'une loi.
Dans "the searcher", les Indiens ne sont plus qu'une trace sans présence, mais qui envahi fanstamatiquement tout le désert, Daves, c'est la trace comme stratégie élément d'une négociation politique, pour contrôler le sens politique de sa présence (mais c'est la création des réserves).
Le premier film en couleur de Ford, "Drums among the Mohawk" de 1939 est politiquement et esthétiquement beaucoup plus avancé (un film sur toute une communauté saisie à la fois par la peur fantasmatique du siège et le besoin de s'enraciner).
Quand je pense que l'on a ici reproché à Hawks de représenter les Italiens comme des "monstres" dans Scarface, et que l'on réduit par ailleurs les préventions de Hellman sur the Searchers à des "niaiseries".
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
Tony, Tony; de tout ça, il a été 1000000 fois question sur le forum des cahiers, ici...je ne dis pas que hellman raconte des niaiseries quand il cause "racisme", "famille" (ce qui est une banalité, si ça ne va pas plus loin) mais quand il affirme le film pas terrible, ford filmant ce qu'il a déjà filmé...etc;
"the searchers " est un film absolument déterminant, "destinal", dans l'histoire du cinéma.
un bon commentaire de "la prisonnière du désert", c'est "shining" et le grand texte de dhlawrence sur Fenimore Cooper :
The Red Man died hating the white man. What remnant of him lives, lives hating the white man. Go near the Indians, and you just feel it. As far as we are concerned, the Red Man is subtly and unremittingly diabolic. Even when he doesn't know it. He is dispossessed in life, and unforgiving. He doesn't believe in us and our civilization, and so is our mystic enemy, for we push him off the face of the earth.
Belief is a mysterious thing. It is the only healer of the soul's wounds. There is no belief in the world.
The Red Man is dead, disbelieving in us. He is dead and unappeased. Do not imagine him happy in his Happy Hunting Ground. No. Only those that die in belief die happy. Those that are pushed out of life in chagrin come back unappeased, for revenge.
jack torrance, c'est ethan poursuivi par l'indien "diabolique"à qui ce dernier a tiré dans les yeux;
kubrick a poussé au bout la logique de la poursuite de ethan : danny (le petit blanc contaminé par le contact avec l'indien, et le noir), c'est debbie...
pensons au cimetière où surgit l'indien, comme de sous terre, comparons la manière dont le père met la petite fille dehors, à wendy faisant sortir danny
c'est cette scène qui est à l'origine de toutes les attaques par les monstres, les zombies de maisons isolées...pas du tout "rio bravo"; pensons à "signes" de Shyamalan par exemple
de tout ça, j'ai déjà causé; mais si tu ne me lis pas, tu vas pas faire de progrès
Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
arrête ta frime, Borges ...
oui mais ça tout le monde l'aura su après, pas après le film mais après même qu'il ait été déterminant, et encore parce qu'un bon nombre l'aura asséné.
Ces alchimies sont secrètes moins linéaires que tu ne le laisse paraître. D'ailleurs la question des influences n'a jamais vraiment été sérieusement posée au cinéma. Ici tout reste à faire et les étoiles des cahiers ne peuvent tenir lieu de cette tâche ni par le plus ni par le moins.
Borges a écrit :
"the searchers " est un film absolument déterminant, "destinal", dans l'histoire du cinéma.
oui mais ça tout le monde l'aura su après, pas après le film mais après même qu'il ait été déterminant, et encore parce qu'un bon nombre l'aura asséné.
Ces alchimies sont secrètes moins linéaires que tu ne le laisse paraître. D'ailleurs la question des influences n'a jamais vraiment été sérieusement posée au cinéma. Ici tout reste à faire et les étoiles des cahiers ne peuvent tenir lieu de cette tâche ni par le plus ni par le moins.
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
le plan est brutal et l'indien est ramené au niveau des animaux.
mais il est poussif dans le rapport qu'il entretient aux franchissements des portes et des fenêtres.
il y a dans la grande illusion un mouvement de caméra, un seul, où l'on quitte un personnage à l'extérieur d'une maison pour le retrouver après ce mouvement de caméra si simple et naturel qu'on est franchement surpris de l'y découvrir, là, encore derrière la fenêtre quand à l'intérieur de la maison elle s'ouvre sur lui.
tu me diras ça n'a rien à voir.
c'est vrai d'un côté le génie aérien d'un Renoir de l'autre l'application buttée d'un Ford.
Il a eu de la chance d'être poussé par l'armada du nouvel hollywood, qui n'est pas meilleure pour la mise en scène, mais bon l'Histoire ...
mais il est poussif dans le rapport qu'il entretient aux franchissements des portes et des fenêtres.
il y a dans la grande illusion un mouvement de caméra, un seul, où l'on quitte un personnage à l'extérieur d'une maison pour le retrouver après ce mouvement de caméra si simple et naturel qu'on est franchement surpris de l'y découvrir, là, encore derrière la fenêtre quand à l'intérieur de la maison elle s'ouvre sur lui.
tu me diras ça n'a rien à voir.
c'est vrai d'un côté le génie aérien d'un Renoir de l'autre l'application buttée d'un Ford.
Il a eu de la chance d'être poussé par l'armada du nouvel hollywood, qui n'est pas meilleure pour la mise en scène, mais bon l'Histoire ...
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
Je n'ai aucune raison de progresser ni de dénigrer Ford gratuitement; ma mère aimait bien la scène du duel dans "L'homme qui tua Liberty Valance".
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
Une autre scène à l'origine de toutes les attaques de monstres, sans même parler des zombies et maisons isolées :Borges a écrit: c'est cette scène qui est à l'origine de toutes les attaques par les monstres, les zombies de maisons isolées...pas du tout "rio bravo";
Contamination du plan, les bras surgissent, les mains se tendent... Noirs, noirs, les monstres sont déchainés !
Situation bloquée : le cinéma n'a de cesse de revisiter la scène, la même, exactement. Les monstres "évoluent", manière de refouler l'origine, là où Griffith agissait tout à découvert, frontalement (et devinez donc qui se cache sous l'Alien : https://www.youtube.com/watch?v=xpKi41a1rJI : un corps nègre qui convenait à merveille). Shining œuvre à retracer cette généalogie, insiste : le monstre est historique, politique, social, de classe, etc. Un siècle au compteur, temps bloqué (voir le fait divers cannibale il y a quelques semaines aux USA : la même chose, rejouée encore et toujours : la chair attaquée, corps découpés dans le cadre et coups de flingue pour stopper la bête). Si le zombie de Romero n'a que peu à voir avec le zombie vaudou des 50's, ce n'est pas parce que Romero invente là quelque chose mais parce qu'il se reconnecte à la source du monstre, rejoue lui aussi la scène inaugurale, à peine voilée, tout juste déplacée.
Dans Naissance d'une Nation, on trouve aussi un passage à la fenêtre avec attaque de l'ennemi intérieur (grand concept anti-insurrectionnel) liée à l'apparition d'une proto-Maman Bates :
Et même, si l'on veut, un avant-goût de torture-movies (ah ! ce poing noir, qui menace, qui menace...) :
Et de la "petite cabane" perdue au milieu de nulle part, il y aurait aussi tant à dire : de celle de Naissance d'une Nation (que l'on défend et conserve), en passant par celle de la Prisonnière (que l'on fuit, que l'on perd), celle de La Nuit des Morts-Vivants (qu'on réinvestit, ultime tentative), jusqu'à, par exemple, celle de La Guerre des Mondes (le dernier refuge autistique, que certains s'évertuent à creuser de tunnels paranoïaques pour communiquer avec Washington, en pure perte).
lucane- Messages : 21
Re: La prisonnière du désert
salut, merci pour ces précisions;
"Naissance d'une Nation"; j'avais autrefois raconté que shining était un renversement de ce film : un noir qui va au secours d'une blanche et de son gosse poursuivis par un raciste délirant... même dans la construction formelle...avec l'alternance des plans...
n'oublions pas que les USA se sont construits autour de quelques points isolés dans l'immensité du wilderness, des colons entouré de désert, de forêts, et de démons rouges...
Le fort chez ford, Malick dans "le nouveau monde" lui a donné une espèce de puissance originaire...fondatrice...
(les usa et l'enfermement; la revue "panic", avait consacré un numéro à cette thématique, je crois me souvenir)
"Naissance d'une Nation"; j'avais autrefois raconté que shining était un renversement de ce film : un noir qui va au secours d'une blanche et de son gosse poursuivis par un raciste délirant... même dans la construction formelle...avec l'alternance des plans...
n'oublions pas que les USA se sont construits autour de quelques points isolés dans l'immensité du wilderness, des colons entouré de désert, de forêts, et de démons rouges...
Le fort chez ford, Malick dans "le nouveau monde" lui a donné une espèce de puissance originaire...fondatrice...
(les usa et l'enfermement; la revue "panic", avait consacré un numéro à cette thématique, je crois me souvenir)
Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
Oh que oui :Borges a écrit:Malick dans "le nouveau monde" lui a donné une espèce de puissance originaire...fondatrice...
C'est qu'avant l'attaque du fort, la déroute du fort, le réinvestissement, la réinvention, les déclinaisons, il a bien fallu l'édifier le machin, l'édifier là où il n'y avait "rien" (Shyamalan dans Le Village dévoilait ça aussi : comment ça débute avant d'être défendu, quelle origine). Et là, bien sûr, terrible, le petit secret qui remonte. Les portes du fort s'ouvrant dans Le Nouveau Monde sur le cauchemar historique : le templum de la raison est dédié à Thanatos, tous à bosser pour la Mort.
Comment on découvre que ce point isolé, le fort, la cabane, qui tient bon, qui résiste, n'est pas à l'origine civilisation fragile échouée au milieu du wilderness, entourée de démons ou de désert, mais pure naufrage, pur ravage, pur désert démoniaque, point de départ d'une épidémie. Se rappeler la décoration intérieure de la maison dans Massacre à la Tronçonneuse, et comment tout le vivant y est recyclé :
Rien ne peut vivre dans ce "nouveau monde" (et lorsque quelqu'un quitte le Village c'est bien entendu pour partir en quête du Medicine Man, chercher guérison hors les limites du camp d'internement). Les mauvaises herbes, tête de pont de la rébellion, tentent tant bien que mal de réinvestir l'endroit, flaques croupies, no man's land terminal (et ça ne fait pourtant qu'à peine débuter). L'Overlook Hotel, à être construit sur un cimetière, risquerait presque de nous induire en erreur : on n'a pas fondé la cabane sur un cimetière, la cabane est un cimetière.
lucane- Messages : 21
Re: La prisonnière du désert
C'est très intéressant ce que tu dis, lucane, particulièrement de Griffith, des origines du cinéma.
Je n'ai jamais vu ces grands films de Griffith les remettant toujours à plus tard.
Tu vas être le déclic pour que ce soit maintenant ;
J'ai en mémoire un numéro spécial des cahiers du cinéma intitulé Scénographie dans lequel quelques dispositifs scéniques chez Griffith laissaient voir que tout s'inventait réellement.
Je voulais lire ce que Ford racontait dans Amis américains. Pas le temps.
Je n'ai jamais vu ces grands films de Griffith les remettant toujours à plus tard.
Tu vas être le déclic pour que ce soit maintenant ;
J'ai en mémoire un numéro spécial des cahiers du cinéma intitulé Scénographie dans lequel quelques dispositifs scéniques chez Griffith laissaient voir que tout s'inventait réellement.
Je voulais lire ce que Ford racontait dans Amis américains. Pas le temps.
Invité- Invité
Re: La prisonnière du désert
Bon, tant mieux.slimfast a écrit:Je n'ai jamais vu ces grands films de Griffith les remettant toujours à plus tard. Tu vas être le déclic pour que ce soit maintenant
Une dernière chose : nombres des "monstres noirs" de Naissance d'une Nation sont des acteurs blancs grimés. La proto-Maman Bates est déjà tout en schize, quelqu'un se déguise pour l'incarner (est-ce un homme ?). Le "monstre", pour apparaître, nécessite maquillage, artifice, effets spéciaux. C'était là avant le cinéma :
Et on peut noter combien l'esthétique monstrueuse évolue parfois bien peu :
(l'hirsute à front bas, avec la bouche qui lui dévore le visage... et si l'on perd la couleur de peau, on récupère l'épatement du nez...)
Dans Shining, on se souvient que, posée au sol, une poupée Golliwog fixe l'endroit où Halloran sera assassiné :
lucane- Messages : 21
Re: La prisonnière du désert
cette image est très connue; trop connue.
il est intéressant de rapprocher les deux suivantes :
dans la grotte, il y a la fille, Debbie, elle a pris la place de la mère... Nous sommes des années après l'arrivée de Ethan dans la maison de son frère, mais nous sommes aussi des milliers d'années avant, projetés dans le passé, dans la préhistoire; le mouvement de recherche de ethan est un mouvement de régression, d'éloignement de la civilisation, une remontée du temps (c'est le mouvement de Jack Torrance aussi, mais laissons). Il passe de la maison sédentaire, au camp indien nomade, et arrive à la grotte, à la première maison...
cette histoire de la demeure est aussi bien entendu une histoire de la dernière demeure, de la tombe, de l'enterrement...des rites funéraires...de l'âme et de l'esprit, des fantômes...
c'est ce qui rend l'image finale intéressante : qui regarde s'éloigner Ethan, le fantôme de Martha? et pourquoi serait-elle devenue un fantôme?
On s'est toujours demandé s'il y a (eu) quelque chose entre Martha et Ethan, si Debbie était la fille de Ethan; possible; elle l'a aimé; c'est évident; ici, on a le même triangle que dans "l'homme qui tua liberty" : la femme a choisi d'épouser le moins dangereux des deux hommes, le mariage, la famille, à la passion. Le destin des quatre personnages est très différent, c'est ethan qui survit à la mort de Martha, contrairement à ce qui se passe dans "l'homme qui...".
Le prénom de Martha pourrait nous apprendre quelque chose : c'est un prénom biblique, son sens est "maîtresse de la maison", "la dame". Dans les évangiles, marthe est la soeur de Marie et de Lazare. Lisons :
"
Comme ils faisaient route, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Celle-ci avait une sœur appelée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, elle, était absorbée par les multiples soins du service. Intervenant, elle dit : “ Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m'aider ”. Mais le Seigneur lui répondit : “ Marthe, Marthe, tu te soucies et t'agites pour beaucoup de choses ; pourtant il en faut peu, une seule même. C'est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée ”. »
— Évangile selon saint Luc, chapitre 10, versets 38 à 42"
(dans le film le conflit, l'opposition des deux soeurs est gardée dans celle des deux frères)
C'est le début de "the searchers", mais celui qui arrive et qu'elle accueille c'est pas vraiment jésus, plutôt son contraire (ethan ne semble pas croire, il interrompt la cérémonie lors de l'enterrement, ne respecte pas les morts....). Martha va s'occuper de ethan, de ses affaires, de son manteau avec tendresse sous le regard du prêtre-capitaine... Elle délaisse son mari (jésus) si on veut, et elle sera punie : les indiens c'est le châtiment de dieu, en même temps que l'inconscient destructeur de ethan (Martha se protège les yeux quand il arrive, le soleil, se fera feux, avec le double négatif de ethan...); ce lien entre l'indien et ethan est bien entendu souligné par "l'homme qui tua..." ou tom met le feu lui-même à sa maison, à la maison, à la famille...et à tout ce qu'elle représente en terme de demeurance...On peut même dire que Debbie reproduit le destin de sa mère, en trahissant le mariage "propre" avec un sauvage... Si on regarde bien la séquence que j'ai postée , celle de l'attaque, on voit bien que Debbie est entraînée dans son devenir indienne bien avant la rencontre des indiens...:
(Debbie aura occupé deux positions dans la peur de la mort : au début lors de la l'attaque de la maison, petite blanche, elle a eu peur des indiens, et ensuite lors du massacre et de la destruction du village indien par les Blancs, devenue indienne, elle aura eu peur eu peur des Blancs )
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Borges- Messages : 6044
Re: La prisonnière du désert
Borges a écrit:Le prénom de Martha pourrait nous apprendre quelque chose : c'est un prénom biblique, son sens est "maîtresse de la maison", "la dame". Dans les évangiles, marthe est la soeur de Marie et de Lazare. Lisons :
"Comme ils faisaient route, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Celle-ci avait une sœur appelée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, elle, était absorbée par les multiples soins du service. Intervenant, elle dit : “ Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m'aider ”. Mais le Seigneur lui répondit : “ Marthe, Marthe, tu te soucies et t'agites pour beaucoup de choses ; pourtant il en faut peu, une seule même. C'est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée ”. »
— Évangile selon saint Luc, chapitre 10, versets 38 à 42"
Marie, c'est le prénom qui est inscrit sur la tombe de la grand-mère, là où Debbie se réfugie. plan qui pourrait être aussi celui d'un accouchement.
tout un jeu d'échanges de prénoms dans le film, de déboîtement par rapport à l'histoire biblique. Aaron, frère d'Ethan : dans la Bible, le frère de Moïse - Mose Harper. c'est Aaron qui est censé interpréter les paroles du bègue Moïse. dans le film, Aaron est mort et c'est à Ethan que revient l'interprétation, avant que Mose décide de ne plus s'adresser qu'à Martin - passage d'un prénom biblique à un prénom chrétien.
Ethan apparaît dans le Livre des Psaumes, comme rédacteur : Ethan "l'Ezrahite" - c'est-à-dire "l'autochtone" : les liens entre Scar l'Indien et Ethan Edwards.
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