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Cosmopolis (Cronenberg)

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Message par Invité Ven 8 Juin 2012 - 20:50

Bien aimé, un peu dans la même veine "Intello-Chiant avec souffle en phase avec les tendances les plus avancées du capital" que jadis "New Rose Hotel" de Ferrara. Mais quand-même dans les bons moment du tout bon Cronenberg du niveau de Videodrome et Scanner, en tout cas la seconde partie, à partir de la conversation avec l'agent de sécurité sur le révolver (il faut que le personnage principal commette une meurtre pour sortir dehors) et la visite au coiffeur (qui m'a fait bizarrement penser à Abraham Bomba dans Shoah).
S'il y a un écrivain dont Cronenberg est proche, cela me semble plus Joseph Conrad dans Nostromo (aussi un roman sur le capital) que Beckett en génral. La phrase "c'est en parlant aux chauffeus de taxi ici que l'on s'aperçoit vraiment des parties du monde qui souffrent là-bas", elle pourrait être dans Nostromo, tout comme le dialogue avec Ibrahim, où le récit dit une vérité histiorique à la palce d'un personnage qui veut la taire, l'oublier, ou bien la mûrir (ce qui revient souvent chez Conrad, pas seulement dans "Nostromo" dans "le Duel", ou peut-être aussi à un autre niveau "Heart of Darkness").

Le personnage central est à la fois le capitaliste qui instaure un état parallèle à l'état, et l'aventurier qui est joué par ce pouvoir,à la fois Nostromo (il meurt de la même manière que lui) et le propriétaire de la mine (pour lequel chez Croneberg comme chez Conrad, la menace de la ruine imminente est sinon la preuve de son honnêteté, du moins ce qui lie le capital à une raison). Mais cet "à la fois" est ce qui est au nouveau, car en 1905, quand Conrad écrivait, on était encore soit l'un soit l'autre. L'aventurier pouvait voler le capitaliste, mais mourrait avent de jouir de son argent. Autre différence chez Conrad: le pouvoir suriviait à la faillite de sa base économique spéculative (les régime politiques se transformaient, de la réublique bananière à la répulique bourgeoise).
Mais les autres personnages n'ont pas changés, la femme de Packer, c'est aussi Madame Gould, délaissée sexuellement et stérilisée politiquement, pour la punir de sa lucidité, de la même manière.
Cronenberg perçoit les Indignés comme Conrad voyait les socialistes et les nationalistes anti-coloniaux: leur combat est la forme momentanée, parcellaire, d'une lutte contre un absurde permanent, ils incarnent une valeur et une révole psychologique, mais qui ne relève pas d'une analyse poltiique: le fait que ce soit justement la discontinuité de la domination économique qui rende celle-ci peut-être invincible et en même temps diffuse est un point aveugle pour tous les deux.

Deux points que j'aimerais développer: le spéculateur milliardaire amasse et aliène massivement, mais le monde reste pour lui un objet d'herménetique, investi par l'interprétation et le questionnement après le moment de sa destruction et de sa soumission. Packer est à égalité et sincère avec Benno, dans la mesure où il découvre réellement la vérité psychologique sur le sytème que Benno énonce, tout en gardant le pouvoir (celui d'un bon DRH), en sachant d'avance et à raison que Benno se méconnaît lui-même.

Je crois qu'une idée du film c'est que par rapport au monde capitaliste de Conrad, pré-informatique, mais déjà mondialisé, la position du maître capitaliste a changé, comme dit plus haut, mais peut-être plus rapidement que celle des dominés, qui déploient toujours sinon le même discours historique, du moins un discurs qui s'inscrit dans la tradition marxienne. Comme Conrad, Cronenberg et sans doute de Lillo ne diront dira pas "c'est vrai il existe une tradition de lutte anti-capitaliste", mais plutôt "la part positive de leur colère n'est pas originale, elle a la vérité de la souffrance psychologique"). Ce qui constitue le capitaliste et son système moral: arriver à penser l'histoire comme une forme d'altérité sur sa propre identité. Alors que les femmes de Packer et Madame Gould se conçoivent elles encore comme des sujets dans l'histoire, et non pas d'autres sujets que l'histoire elle-même.

Sinon la première partie en limousine est intéressante, mais frustrante cinématographiquement. Belle première séquence, ou même dehors, la bourse ressemble à un film projeté sur un écran pour simler le mouvement, ce qui annonce ce vieux trucage que Cronenberg réactualise ensuite dans la limo. L'intérieur de la limo équipée comme la cabine d'un navire de marine du XVIIème siècle: finalement les écrans tactiles à l'ergonomie absurde, gyroscopes jouent le même rôle que les cartes et horloges de l'époque (ils sont à la fois ce qui permet la persistance du capital, et en eux-même déjà viellis et techniquement déassées au moment de leur plus grande effcacité). Belles idées. Eyquem a aussi remarqué le sablier.
La diction des personnages est agaçante, on croirait entendre une méthode Victor pour apprendre l'anglais, mais cela ne nuit pas à la cohérence du film, qui entend désincarner les hommes qui font l'analyse du monde.
Pensé à Benjamin Fondane: dans ses très beaux textes (que Godard a sans doute plagié quand il énonce le primat du montage, pratiquement dans les mêmes termes que Fondane), il dit qu'un bon film parlant ne serait pas ridicule s'il était muet, et recommande de faire l'expérience de l'imaginer tel. A cet égard Cosmopolis serait vraiment ridicule, car on bavarde tout le temps, mais en même temps ce n'est plus un film de l'époque où le cinéma avait un âge d'homme, et on ne peut pas le lui reprocher cela sans mavaise foi.
Esthétiquement, le film est complètement en rupture avec le modernisme des années 60-70. La mise en scène est un seul flux littéraire à la Balzac (à la pensée du personnage correspond immédiatement ses actions et déplacements, il n'y a pas la possibilité d'un décalage que le style peut introduire, comme chez Flaubert, et le cinéma modere). Il évoque à la fois un bopic traditionnel comme "the Social Network" et des films des années 50 comme "En 4ème Vitesse" (là aussi le type se rend chez son meurtrier pour clore le récit ).



Dernière édition par Tony le Mort le Sam 9 Juin 2012 - 13:21, édité 5 fois

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Message par Invité Ven 8 Juin 2012 - 21:50

Sinon dans la série des films que j'ai dénigrés sans les avoir vus, je cherche à voir "Low Life" pas sorti en Belgique (dans Cosmopolis, Cronenberg pas si loin de "Ressources Humaines" ).

Tiens d'ailleurs c'est un peu une spé vu de Belgique d'avoir fait jouer le Gloupier par Amalric.

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Message par Invité Ven 8 Juin 2012 - 22:54

Stéphane Pichelin a écrit:le dernier plan reprend un motif récurrent chez DC :

-dans Videodrome, Max se tire une première fois une balle dans la tête après avoir prononcé son "long live the new flesh", et puis on le revoit se poser le flingue sur la tempe et murmurer la phrase fatidique, et puis Noir sans qu'on entende de seconde détonation
-dans The death of the last jew of the world in the last cinema of the world, le peronnage incarné par DC lui-même se met l'arme sur la tempe, puis Noir et détonation

dans les deux cas, il y a ambiguïté entre suicide volontaire et meurtre, suicide provoqué. dans Cosmopolis, l'ambiguïté est renversée en un meurtre provoqué, ou un suicide camouflé si on prête à EP des tendances suicidaires. mais ce serait trop simple, "des tendances suicidaires" et voilà tout. ça n'a aucun contenu. et puis ce qui se passe dans la tête de EP, ses intentions, etc.... ça ne ma parait pas très intéressant si on ne le replace pas sur un plan politique. DC a au moins cette qualité de faire des films avant tout politiques.



La fin me fait penser à "Scanners" en renversé: en 1981 la tête de l'expert-employé qui explose quand on ne s'y attend pas, qui échoue sur le "weirdos", en 2012 l'attente qui ne montre que l'explication psychologique et économique de cette explosion transférés sur le patron, mais rien de plus. Dans Scanners, l'explosé est payé par une grosse firme pour mourrir en affrontant accidentellement le personnage principal. Dans Cosmopolis, transfert: l'exploseur, lui aussi ex employé, dont la psychose détermine exctement la place intermédiaire dans le capital, est parvenu à sortir du système et réussi à exploser le personnage principal. Il y a aussi une immolation dans les deux films...
Les experts financiers sont employés par la boîte de Packer exactement comme ConSec utlisait des Scanners. La prospective économique est de plus un métier techniquement identique à l'activité de garde du corps (l'officier de sécurité possède une oreillette qui lui permet aussi d'être artificiellement un scanner). On ne connaît pas d'ailleurs la nature du système informatique présenté comme invulnérable au début du film...même les cerveaux connaissent des sortes d'injections SQL....


Dernière édition par Tony le Mort le Sam 9 Juin 2012 - 17:17, édité 4 fois

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Message par Invité Ven 8 Juin 2012 - 23:02

Conrad et Cronenberg, c'est l'inverse complet des Thèses sur Feuerbach, ils dsent: "jusqu'ici les rois et les capitalistes se sont contentés de transformer le monde, il s'agît maintenant de l'interprêter".

"Le Duel" démarre sur Napoléon non montré, et des Hussards que son dégoût du duel voue paradoxalement à un duel permanent. , "Cosmopolis" sur un président des USA pareillement hors champs et pris dans un embouteillage, ce qui oblige un patron à se déplacer perpétuellement

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Message par Invité Sam 9 Juin 2012 - 13:28

J'avais bien aimé "Shame". La mise en scène, le ton sont très différents, mais c'est un peu le même personnage, le même rapport au sexe, la même absence de parent en position de pardonner qui fait de la réussite une compensation, Cronenberg est fantastique car il décrit son idéologie politique en la mettant sur le même niveau qu'un fantasme, McQueen réaliste car il montre la solitude de ce fantasme.
Mais il est singulier que le cinéma "classique" ne parvienne à percevoir la crise qu'à travers des récits de traders perdus. Le regard n'est porté que du côté à la fois du pouvoir et de l'absence de projet. Comme si la psychanalyse existentielle ne pouvait être valide que dans ce cas...

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Message par Invité Sam 29 Déc 2012 - 5:01

Vu. Et lu le topic. Intéressant, donnant une perspective, au moins, un angle d'appréhension, parce que, humblement, j'ai pas capté grand chose.

Pas grand chose à en dire, donc. Ennui plutôt constant, difficulté à accorder un minimum de crédit à ce qu'on s'y raconte (comme pour le précédent "dangerous method"). Je me suis de moyennement à fortement emmerdé pendant les 3/4. J'ai trouvé que ça devenait (vaguement) intéressant à partir du moment où le mec sort de sa bagnole, bute son garde du corps, va chez le vieux coupe-tifs puis tient colloque à la noix avec l'aut'gus à propos du système d'évacuation et de l'asymétrie de la prostate.
Sinon, j'ai déjà à peu près tout oublié.
Par contre, vu avant-hier Take shelter (puis lu le topic, là encore intéressant, stimulant): beau film, émouvant, qui lui, dans sa ténuité, laisse une trace, un peu comme une nouvelle de Raymond Carver...




Borges a écrit:

cet idiot à chemise blanche aussi crédible dans son processus de démolition que Bernard-Henri Lévy en révolutionnaire.


Pile poile. La scène de l'entartage, j'ai spontanément vu ça comme le remake de la vidéo dans laquelle on voyait bhl flanquer des coups de tatane au gloupier.

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Message par Invité Sam 29 Déc 2012 - 13:00

fayot

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Message par Invité Sam 29 Déc 2012 - 18:18

Borges a écrit:
-le mec s'en tape de la Rothko Chapel, en tant qu'oeuvre d'art; il veut juste l'acheter, l'avoir chez lui; et on lui fait la leçon, elle est à l'humanité, tu ne peux pas te l'approprier... etc...



Tiens c'est marrant, j'ai juste appris aujourd’hui que la Rothko Chapel était une commande pour une sorte de musée privé créé au Texas par l'héritier Schlumberger (où une chapelle byzantine a été transférée). En voulant l'acheter, le personnage de Cosmopolis fait en fait concurrence à une image traditionnelle du patron mécène (et la dépasse, ce patron croit en la dialectique historique) .

C'est intéressant, parce que c'est tout le film: c'est précisément le geste d'assumer une filiation ou de reprendre une tradition du système capitaliste qui détruit le contexte moderne du capitaliste, le fait que le capitalisme soit global dès l'origine empêche sa reprise. Mais Cronenberg présente cette contradiction comme une ambiguïté, quis serait du même ordre que la bizarrerie surnaturelle des héros Scanner ou Vidéodrome (à la fois violents, et les seuls à pouvoir articuler une revendication humaniste à partir du manque de tendresse du monde environnant)


Dernière édition par Tony le Mort le Sam 29 Déc 2012 - 18:25, édité 1 fois

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Message par Borges Sam 29 Déc 2012 - 18:24

Notons que c'est une française qui joue le rôle de représentant de l'idéal humaniste...


j'ai beaucoup sué sur ce film, quand il m'a fallu écrire un texte pour la revue de woot (mondes du cinéma); texte nul, d'ailleurs; désolé woot Wink
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Message par Invité Sam 29 Déc 2012 - 18:34

Je crois que le film est produit par France 2 en fait (comme the Ghost Writer, qui a un peu la même lumière d'ailleurs)...d'où sans doute J. Binoche et M. Amalric
Il semble qu'il soit encore plus difficile de produire ce genre de film "du milieu" aux USA ou au Canada qu'en France (pas vraiment commercial, pas non plus indépendant)

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Message par Invité Mar 22 Jan 2013 - 16:39

When you walk with my back up
Any woman with no make up
How you gonna sing at all?
Fight what I fake up
Fake what I made up
How we gonna sing at all?

All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the way...

Walk with my back up
Woman with no make up
How you gonna sing at all?
When you gave what I gave up
Fake what I figured
How we gonna sing at all?

All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the way...

Haven't got long to live
Haven't got long to live
Haven't got long to live
To live
To live

All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the wire...
All the way...

Haven't got long to live
Haven't got long to live
Haven't got long to live
To live
To live

("Long To Live", Howard Shore & Metric)

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Message par wootsuibrick Mar 22 Jan 2013 - 20:14

Borges a écrit:

j'ai beaucoup sué sur ce film, quand il m'a fallu écrire un texte pour la revue de woot (mondes du cinéma); texte nul, d'ailleurs; désolé woot Wink
[/justify]

Je n'avais pas vu ce post. Shocked
je ne trouve pas ton texte nul...
wootsuibrick
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Message par Invité Mar 22 Jan 2013 - 21:35

Les films de Cronenberg témoigne presque une éthique de la chair. Il aura souvent montré des êtres rapiécés et défaits, se mutilant, s'empoisonnant, s'aliénant, mais sans voyeurisme pour le spectateur ni sadisme pour ses personnages. Avec empathie pour ces corps souffrants, comme dans un bloc opératoire plutôt qu'aux abattoirs.

Tout une forme de piété monastique dans les flagellations biologiques, accidentelles, mentales ou lysergique que s'infligent ses personnages, d'où émane un romantisme vénéneux tout droit issus des carnets noirs d'un vicaire victorien, fait de corsets qu'on arrache et de sangles qu'on ressert.

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