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Cosmopolis (Cronenberg)

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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 11:13

je crois qu'il est question d'Einstein au tout début, mais pas du tout comme la citation d'Augustin, pas du tout avec la même emphase.

Augustin, pour ce que j'en sais, est aussi un penseur de l'histoire - le temps, c'est pour lui d'abord le lieu de l'histoire, la condition sine qua non du changement, du retournement : le sien et plus généralement la conversion du monde. d'un côté Les Confessions, ou Les Aveux d'après la belle traduction de Frédéric Boyer : que m'est-il arrivé ? qui étais-je pour devenir ce que je suis ? et où est parti et comment a disparu celui que j'étais ? d'un autre côté La Cité céleste : comment l'avènement du Royaume céleste est pris dans le processus de la Cité terrestre ? et aussi, comment je peux décrire cette procession du Royaume transcendant dans une histoire immanente ? entendre "dans" comme exprimant à la fois le lieu de la procession et le lieu depuis lequel se fait la description. le truc, ici, c'est qu'Augustin a raté son coup assez largement : il a bien réuni la Cité céleste et la Cité terrestre dans un seul ouvrage mais il n'a pas réussi à les faire converger, l'une se développe à côté de l'autre.


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Message par Borges Ven 1 Juin 2012 - 11:33

cosmopolis est avant tout un film sur le temps; un homme qui détruit le présent (où tout est déjà toujours trop vieux, trop matériel, imparfait...) pour un futur qui ne sera jamais présent, retourne à son passé (lieu de sa première coupe de cheveux, avec la lutte contre le père qui voulait l'assoir à un siège qu'il refusait) dans un souci d'éternité...

c'est chez le coiffeur qu'il réussit à s'endormir : "que peut-il y avoir de plus simple que de s'endormir?" (on pense au dernier Klotz); chez le coiffeur, "où le temps passé demeure en suspens dans l'air, imprégnant les objets matériels et les visages des hommes. C'est là qu'il se sentait en sécurité."

C'est vraiment une recherche du temps perdu, pas du passé, mais du temps lui-même;



"Qu'est-ce que en effet que le temps ? Qui saurait en donner avec aisance et brièveté une explication ? ... Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu'un pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus. "

http://www.assomption.org/Ressources/ItinerairesAugustiniens/IA23/SensTpsChezAugst.html
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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 12:46

je parlais de la morale augustinienne de Cronenberg dans mon article de cet automne.
cette morale a tout à voir avec sa conception du temps.
dieu, pour lui, ne s'incarne dans le temps que comme chance de fuite personnelle hors du temps, vers le hors du temps divin. le Sauveur sauve du temps : le Salut, c'est échapper au temps, au monde temporel, pour un monde éternel. et ce qui vient avec ça, c'est évidemment l'idée judiciaire d'un péché originel, quand la justice divine et éternelle s'exprime comme condamnation sans retour – ou comme atermoiement illimité.

Eric est le Sauveur du film. ou bien, il aurait dû être le Sauveur – ce que lui dit Benno Levi dans la séquence finale, dans la scène finale même, quand il le tient en joue (mais il ne tire pas, pas plus que Max Renn dans Videodrome, et je crois qu'il faut bien accepter le film sans cette mort d'Eric).
le cybercapitalisme représenté par Eric aurait dû être le Salut des gars comme Benno. aussi bien des gars qui manifestent en balançant des rats ou en se déguisant en rats. rat/art, mais aussi rat/argent.
Eric est celui qui crée l'argent-le rat, en même temps qu'il crée ceux-les rats qui manifestent contre lui, ou contre le système qu'il incarne. « le capitalisme fourbit les armes de sa propre destruction », dit Marx. Eric est « packer », à la fois un emballeur, mais surtout un créateur de meutes et de bandes : a pack of wolves, a pack of rats. bien sûr, on retrouve le lien avec Capitalisme et schizophrénie.
Benno : i've got my symptoms, you've got your complex. Benno, l'homme aux noms multiples, aux personnalités multiples et Eric le grand paranoïaque enfermé dans sa limousine et pour qui l'extérieur est toujours synonyme de dangers : visé par la Noire à l'hôtel, mis en garde par le coiffeur, canardé par Benno, et même danger lui-même quand il flingue son garde du corps. comme disait Eyquem : Oedipe. autrement dit, Eric est dieu pour Benno : à la fois le Père en tant qu'il est son créateur : c'est à lui que Benno doit sa fixette sur les flux aussi bien que sa chute ; et le Fils, le Sauveur, avec ses stigmates (la balle dans la main, avec un résultat très franciscain – mais toute la décadence volontaire de Eric n'est-elle pas franciscaine ?), le capitalisme arrivé au point où il est devenu incapable de bloquer les flux plus longtemps, libérant le terrain pour la course du désir.
mais Eric n'est pas le Sauveur et les flux, au lieu d'être libérés, sont complètement congelés, à la fois par le Président (la démocratie politique ?), les manifestants (la démocratie sociale ?) et l'enterrement d'un rappeur soufi (islam ? spiritualité ? gangsters ? tout ensemble ?).

en jeu, la possibilité d'un Salut de l'intérieur même du monde pécheur. et les deux conceptions du péché : défaut du monde, inessentialité ; ou culpabilité substantielle. Augustin était un grand contorsionniste en affirmant à la fois les deux.


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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 13:12

évidemment, je suis trop « informé » par mon précédent travail sur Cronenberg pour distinguer tous les enjeux de ce film. je ne me fais pas trop d'illusions là dessus, même si je pense que mon article peut servir de base à la lecture de Cosmopolis.

ce qui me marque plutôt dans le film tient en deux points :

-d'abord, il y a la faiblesse narrative du film. ce n'est pas que DC serait passé au delà de la narration, ou en deça, délibérément. c'est plutôt l'impression qu'il n'est plus capable de construire un récit, une histoire – ce n'est pourtant pas le premier bouquin qu'il adapte. même la bagnole cesse d'être une bagnole pour devenir un signe : signe d'une voiture, signe d'un enfermement (qu'on repense à Crash, même si on n'aime pas, à la tire de Vaughn). ici, tout est... non, ce n'est même pas froid et désincarné. c'est conceptuel. il ne reste plus qu'une idée ressassée pendant des années jusqu'à perdre tout son potentiel vital. c'est triste comme un Scorcese de ces dernières années.

-lié avec cette absence de récit, il y a le travail plastique. tout est propre, léché, impeccable (encore). tout respire la plus grande maîtrise. en écrivant ceci, je pense aux remarques que Borges fait sur la maîtrise à propos du Twixt de Coppola ( à lire sur notre site ). rapport aussi de la maîtrise et du temps. ce n'est pas un hasard si DC s'intéresse à Packer plutôt qu'aux manifestants ou qu'à Benno Levi (et c'est justement le grand virage de son oeuvre) : Cosmopolis est le film d'un grand paranoïaque au sujet d'un grand paranoïaque. et la fétichisation et la mystification sont partout présentes.


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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 14:19

Borges a écrit:Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 Untitled-5

(pour qui ne sait pas, on dirait un mec en train de se décomposer, pourrir...)



...comme dans "Poison" de Todd Haynes (dont intéressant d'évaluer l'influence réciproque sur plusieurs films de Cronenberg d'ailleurs)

Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 85450e-image-de-Poison-3418

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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 17:35

mais c'est quoi ces assauts de bouffissures ?

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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 17:41

Pichelin, le tiers du quart du dixième de ce que tu écris serait dans les cahiers, tu sortirais ton arme : et tu aurais raison !

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Message par Eyquem Dim 3 Juin 2012 - 12:29

Le Monde publiait la semaine dernière un article assez cronenberguien :

« Les humains sont apparentés aux virus » : un entretien avec Clément Gilbert

"il faut savoir que l’écrasante majorité des virus non seulement ne peut pas infecter l’homme mais joue un rôle crucial dans son « écosystème » interne.
...

Un des résultats majeur de la métagénomique a été de révéler l’incroyable diversité génétique des virus. Une étude a par exemple montré qu’un kilogramme de sédiments marins prélevé sur le littoral californien pouvait contenir jusqu’à 1 million de génotypes viraux. De plus, entre 75 et 90 % des séquences produites dans toutes les études de métagénomique virale publiées depuis 2002 n’ont pas d’homologues dans les banques de données de génomes déjà séquencés. Autrement dit, ces séquences correspondent à des gènes qui ne ressemblent à aucun gène connu jusqu’alors. Les virus forment donc un réservoir presque infini de gènes et certains pensent que ce réservoir a constitué et constitue toujours une source majeure de nouveauté génétique sans laquelle les formes de vie telles qu’on les connaît aujourd’hui (y compris notre propre espèce) n’auraient jamais existé.
...

On parle de virus endogènes pour décrire des génomes ou fragments de génomes viraux intégrés dans le génome de leurs espèces hôtes et transmis de manière héréditaire de génération en génération. On sait désormais que, depuis l’origine des vertébrés il y a environ 500 millions d’années, de nombreuses insertions de rétrovirus se sont produites dans le génome des gamètes (spermatozoïdes et ovules) de leurs espèces hôtes. Certaines de ces insertions impliquant des génomes viraux incapables de continuer de se répliquer ou suffisamment atténués pour ne pas affecter la fertilité de leur hôte, elles ont pu être transmises de manière héréditaire à tous les descendants des espèces chez lesquelles elles se sont originellement produites. Le résultat de ce long processus d’accumulation de séquences d’origine rétrovirale dans le génome des vertébrés est assez surprenant, voire troublant, puisqu’il apparaît que plus de 8 % du génome humain dérivent de rétrovirus. Autrement dit, étant donné que sur les 3,5 milliards de paires de base constituant notre génome, environ 300 millions sont d’origine virale, on peut dire que nous sommes d’une certaine manière apparentés aux virus !
...

les problèmes, somme toute assez rares, causés par les virus endogènes sont un maigre tribut à payer comparé aux énormes bénéfices évolutifs que ces séquences ont apportés à leurs hôtes durant des millions d’années.
Prenons par exemple le cas de deux gènes humains appelés syncytine 1 et 2, qui sont impliqués dans la formation du placenta. Ils dérivent d’un gène rétroviral codant une protéine permettant normalement aux virus de fusionner avec la membrane des cellules de l’hôte et de pénétrer à l’intérieur du compartiment cellulaire. Les syncytines ont retenu leur capacité fusogénique d’origine mais elles sont désormais impliquées dans la fusion de cellules du placenta pour former une couche qui permet les échanges de nutriments entre la mère et le fœtus.


http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/05/28/les-humains-sont-apparentes-aux-virus/
De quoi compliquer les rapports entre santé et maladie, dedans et dehors, identité et altérité.


Je repensais à cet article parce que je lisais ça, ce matin : "Autonomy, autoimmunity, and the Stretch Limo" d'un certain Michael Naas, qui démontre que le sujet du livre, ce n'est pas Eric Packer, c'est l' "autos" lui-même, le mot grec pour "soi-même" ou "le même", qui est au départ de la philosophie ("Connais-toi toi-même") : Cosmopolis (le roman) serait une déconstruction du "soi-même" de l'identité, de sa prétendue naturalité, de sa pseudo-évidence (Naas est un derridien).
S'ensuit une liste de tous les "autos" du roman, discutés, critiqués : automobile ; autonomie ; autobiographie ; autarcie ; autopsie...

Je ne résumerai pas l'article : il est lisible, presque en entier, via google books. Intéressant, j'ai trouvé.

Le concept d'auto-immunité (repris de "Voyous" apparemment) résume l'idée du roman, selon lui : l' "auto-immunité", ça ne veut pas dire "se protéger soi-même" mais au contraire "protéger de soi-même, ou contre soi-même". Le périple de Packer, c'est celui d'un type qui abat lui-même toutes ses défenses : il dilapide sa fortune, son pouvoir, il sort de sa voiture blindée, il abat son garde du corps. Il y a quelque chose de suicidaire dans ce processus, quelque chose d'une auto-destruction, tout en rappelant que ce qui est visé, c'est le "sui" de "suicide", l' "autos" de "autodestruction" : il s'agit de trouver ce qui résiste dans cette "auto-destruction", ce qui ne se confond pas avec l' "autos" et qui n'est pas détruit dans ce processus, ou, dans les termes du roman, ce qui ne se laisse pas convertir en données, ce qui échappe aux flux d'informations.

La conclusion de l'article :

Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 Cosmop11
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Message par Borges Dim 3 Juin 2012 - 13:40

ah, pour moi, c'est plutôt le processus inverse; il s'agit précisément d'arriver à un soi, pur, propre, authentique, en se débarrassant de tout ce qui n'est pas soi; le film trace le mouvement, le processus d'un dépouillement comme je disais plus haut; il s'agit d'arriver au soi, à l'autonomie précisément; plus de chauffeur, par exemple...de garde du corps, ne plus dépendre d'un autre pour sa propre défense, dans le roman, il tue le mec parce que placé sous sa protection, il lui donne prise sur lui; une fois le garde tué, il ne devra plus compter que sur lui-même; inverse donc de Derrida; un soi sans prothèse, sans supplément; comme je disais il faut voir le religieux dans le film, la volonté de l'indemne, du sacré... en ce sens, le film fonctionne comme "somewhere" , le chanteur soufi est le Gandhi de EP... à la fin du film la star, on en avait parlé, quitte aussi sa bagnole, et s'en va seul, dans le désert... tout le film de Cronenberg décrit une peur de l'altérité, de la pénétration par le dehors, la peur du virus, informatique, la peur du cancer...c'est une des origines du terme de derrida, qui on le sait est mort d'un cancer... auto-immunité, ça ne veut pas du tout dire se protéger de soi : L’auto-immunité est plutôt "la capacité destructrice d’un être vivant de supprimer ses défenses immunitaires, comme si elles étaient un facteur étranger, au point de se détruire du fait de cette altérité." C'est par exemple un des risques que court la démocratie qui se supprime pour lutter contre le non-démocratique.... on en a souvent parlé, devenir un monstre pour lutter contre les monstres...

la destruction dans le film fonctionne comme une affirmation du pouvoir, à la fin il est question de potlatch; sartre disait que la fin ultime de toute possession est la destruction...



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Message par Borges Dim 3 Juin 2012 - 15:55

étonné que SP ne nous ait pas encore parlé de l'analité dans le film, de ses valeurs freudiennes, et des fonctions sales de l'organisme (on mange dans le film, on pisse...); à la fin E ne trouve rien de mieux à faire qu'aller s'assoir sur la cuvette de Benno, et de lui demander comment il se débarrasse de la merde (j'invente pas, je crois); il passe d'ailleurs une grande partie du film assis, sur un type de siège ou l'autre...c'est un film sur le derrière, aussi; le rêve du mec n'est pas tant de se faire coiffer (en pensant aux deux sens du mot) que de revenir à l'endroit où se trouve le siège sur lequel son père l'avait forcé à s'assoir...
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Message par Eyquem Dim 3 Juin 2012 - 16:01

Le film décrit un processus d' "épuration", c'est certain, mais la question, c'est de savoir ce qui reste au bout : un soi enfin pur, authentique, ou bien alors, rien du tout, un vide, un trou (comme le trou que Packer se fait dans la main dans la scène finale) ?

Admettons ceci : Packer cherche quelque chose de pur, d'authentique, de non-décomposable, d'identique à soi. Mais où trouver une telle chose, quand le monde qui nous est décrit établit précisément qu'il est devenu impossible de distinguer le réel de ses simulacres ?
Dans le film, tout est suspect, tout est impur : on ne peut même pas opposer le simulacre de la finance à quoi que ce soit d'extérieur, puisque le film montre que les manifestations antimondialistes sont elles-mêmes parfaitement intégrées à ce monde du simulacre généralisé (cf en particulier le dialogue avec l'entarteur, dont les interventions sont avant tout des performances dont la portée politique est nulle).

Qu'est-ce qui reste de "pur" dans tout ça ? En gros, rien, c'est-à-dire le rien, le néant, le néant de la mort. C'est pour ça que Packer cherche sa mort : la mort, mourir, voilà une expérience authentique. Quand on meurt, c'est pour de bon, on peut pas faire semblant (sauf si on est un acteur de cinéma, bien sûr). Et encore, il y a lieu de se méfier et de douter : même la mort a quelque chose de suspect dans ce monde : on ne peut pas se fier à la mort des autres (tuer le garde du corps ne prouve rien : on ne verra pas son cadavre, il fait peut-être semblant) ; et puis il y a cette idée, déjà évoquée, que quelque chose survit : "les gens ne meurent pas, ils sont absorbés dans le flux d'informations". Il n'y a que sa mort, sa mort à soi, qui soit vraiment authentique.

Le problème insoluble, c'est évidemment que la mort, quand elle survient, nous dépossède de notre capacité à posséder quoi que ce soit, y compris de la possibilité de s'approprier ce qu'il y a en elle de pur et d'authentique. Autrement dit : la mort nous prive de la mort même.
(c'est peut-être pour ça, dans le film, que les images s'arrêtent avant le coup de feu : Packer ne mourra jamais, n'atteindra jamais ce qu'il cherchait.)







On n'a pas assez parlé des deux peintres placés au début et à la fin du film : au début Pollock, à la fin Rothko. Ca veut sans doute dire quelque chose. On range les deux dans la même catégorie, l'expressionnisme abstrait, mais ils y parviennent par des méthodes très différentes.
A leur manière, ils ont tenté, eux aussi, de parvenir à quelque chose de pur et d'authentique, en détruisant ce que la "tradition" picturale avait de faux, d'inauthentique. Mais ils suivent deux voies différentes :

- Pollock opère par la violence, il détruit et il consume : avant de trouver la méthode du dripping, il peignait des toiles comme ça : "The flame" (vers 1934-1938)
Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 CRI_6701

On pourrait dire, en un sens, que Packer suit cette voie, à sa façon, qui n'est pas celle d'un artiste : détruire, brûler, extirper tout ce qui est faux, autre, par la force, la violence. Ca paraît un échec, puisque ce processus n'a pas de fin, n'atteint jamais vraiment son but.

- Rothko, c'est une tout autre voie : la recherche de l'authentique ne passe pas par la destruction de l'inauthentique : ce qui est réel et vrai, ce n'est pas quelque chose, qu'il faudrait aller débusquer en éliminant tout le reste; ce qui est authentique, c'est seulement un "entre-deux", une différence, même minime.
Un grand regret de Packer est de ne pouvoir s'offrir la Rothko Chapel. Or, qu'est-ce que c'est que cette chapelle ? Un lieu spirituel, mais dédié à aucune forme de spiritualité particulière. On y voit des tableaux qui sont à peine des tableaux ; les visiteurs ont l'habitude de demander : "mais où sont les peintures de Rothko ?" Elles sont là, pourtant, jouant des différences minimales entre deux gris, deux noirs. A peine des peintures, et pourtant ce ne sont rien d'autre que des peintures : ce sont absolument des peintures.

Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 Rothko+chapel+3

Cette recherche de la différence minimale (ce que peut-être le film entend par "asymétrie"), ce n'est pas la voie suivie par Packer : c'est celle que suit Cronenberg. C'est le cinéaste, au début, qui filme des limousines toutes identiques, un garde du corps et un milliardaire à peine discernables dans leurs costumes noirs ; c'est lui qui filme à la fin le long dialogue final comme la confrontation entre deux doubles, deux types qui sont le reflet l'un de l'autre. Il ne détruit pas : il joue, il découpe, il fait ses montages, ses différences.

Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 Cosmop13
Cosmopolis (Cronenberg) - Page 2 Cosmop14
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Message par Borges Dim 3 Juin 2012 - 17:27

Dans le siècle, la passion du réel s'est divisée en deux : la passion du réel comme identitaire, saisir l'identité du réel, ce qui suppose de le démasquer, de démasquer ses copies, c'est une passion de l'authentique, c'est une catégorie de Heidegger et même de Sartre qui pourtant est un théoricien du néant. La passion identitaire est destruction, c'est sa force critique. Bien des choses méritent d'être détruites ; l'autre forme de la passion du réel, c'est une passion différentielle, di fférenciante, qui, elle, se voue a construire la différence minimale, donner l'axiomatique de la di fférence minimale ( "carré blanc sur fond blanc" ) est une proposition en pensée, une axiomatique. Saisie dans sa di fférence minimale, cela s'oppose a la destruction maximale.

Les deux renvoient a une conviction du commencement, la passion c'est la passion du nouveau, mais quel nouveau.

(badiou, le siècle)



-très honnêtement, je vois a aucun rapport entre cette recherche de la différence minimale, et le film; je ne vois pas du tout comment tu peux dire que la différence entre le super milliardaire de génie beau et tout et tout et l'homme-rat complètement dévoré par le ressentiment est minimale; c'est la plus grande différence possible, dans le monde...dans le transcendantal du matérialisme démocratique...un mec qui sur-existe et un autre qui inexiste, un fou, qui vit dans la saleté, répugnant, sale et tout ce qu'on veut..

-le mec s'en tape de la Rothko Chapel, en tant qu'oeuvre d'art; il veut juste l'acheter, l'avoir chez lui; et on lui fait la leçon, elle est à l'humanité, tu ne peux pas te l'approprier... etc...

-ce qui anime le mec, c'est la passion de sa différence, de sa distinction, son originalité... comment accomplir un acte authentique? la mort propre; passion comme disait l'autre fasciste...

-curieux que tu prennes aux sérieux ces fadaises sur les gens qui ne meurent plus, c'est pas parce qu'on s'en tape de leur mort, qu'on ne la remarque pas, qu'ils ne meurent pas; ils meurent aussi les gens qui meurent sans qu'on les remarque, les morts qui sont des zéros, et qui meurent une mort anonyme... ils meurent même si leur mort n'est signalée que par deux lignes : "5 insurgés présumés tués par des drones américains"; c'est eux les zéro morts, les néants qui meurent...sans parler de toutes les victimes du capitalisme... qui meurent bien, même si elles ne meurent pas la mort de notre héros.




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Message par Borges Dim 3 Juin 2012 - 17:49

Eyquem a écrit:Le film décrit un processus d' "épuration", c'est certain, mais la question, c'est de savoir ce qui reste au bout : un soi enfin pur, authentique, ou bien alors, rien du tout, un vide, un trou (comme le trou que Packer se fait dans la main dans la scène finale) ?

Admettons ceci : Packer cherche quelque chose de pur, d'authentique, de non-décomposable, d'identique à soi. Mais où trouver une telle chose, quand le monde qui nous est décrit établit précisément qu'il est devenu impossible de distinguer le réel de ses simulacres ?
Dans le film, tout est suspect, tout est impur : on ne peut même pas opposer le simulacre de la finance à quoi que ce soit d'extérieur, puisque le film montre que les manifestations antimondialistes sont elles-mêmes parfaitement intégrées à ce monde du simulacre généralisé (cf en particulier le dialogue avec l'entarteur, dont les interventions sont avant tout des performances dont la portée politique est nulle).

Qu'est-ce qui reste de "pur" dans tout ça ? En gros, rien, c'est-à-dire le rien, le néant, le néant de la mort. C'est pour ça que Packer cherche sa mort : la mort, mourir, voilà une expérience authentique. Quand on meurt, c'est pour de bon, on peut pas faire semblant (sauf si on est un acteur de cinéma, bien sûr). Et encore, il y a lieu de se méfier et de douter : même la mort a quelque chose de suspect dans ce monde : on ne peut pas se fier à la mort des autres (tuer le garde du corps ne prouve rien : on ne verra pas son cadavre, il fait peut-être semblant) ; et puis il y a cette idée, déjà évoquée, que quelque chose survit : "les gens ne meurent pas, ils sont absorbés dans le flux d'informations". Il n'y a que sa mort, sa mort à soi, qui soit vraiment authentique.

Le problème insoluble, c'est évidemment que la mort, quand elle survient, nous dépossède de notre capacité à posséder quoi que ce soit, y compris de la possibilité de s'approprier ce qu'il y a en elle de pur et d'authentique. Autrement dit : la mort nous prive de la mort même.
(c'est peut-être pour ça, dans le film, que les images s'arrêtent avant le coup de feu : Packer ne mourra jamais, n'atteindra jamais ce qu'il cherchait.)

je ne sais pas si tu prends à ton compte ces analyses...

-la trou dans la main, c'est pas le trou de sartre, mais comme a dit SP, le trou dans la main de jésus...EP est une espèce de jésus, un super mec qui descend du sommet de sa tour et qui s'incarne, jusqu'à son sacrifice finale...étrange le super milliardaire qui meurt pour sauver les ratés, ou du moins un raté

-je ne vois pas pourquoi seule ma mort serait authentique; comme chacun est soi pour soi toute mort est authentique, propre, même quand elle est plutôt sale et indigne; ne parlons pas de la mort de l'autre... proche ou lointain...

-l'être pur est néant pur, la désir de pureté est toujours un désir de mort...

-étonné qu'un lecteur de rancière ("le spectateur émancipé", par exemple) comme toi prennes au sérieux cette capacité du capitalisme à tout récupérer (capitalisme et anticapitalistes, c'est la même chose)


-le mouvement du film est double, un mouvement de purification, vers le haut, premier moment de la vie de EP, et un mouvement d'impurification, retour à la saleté des origines... deux formes du sacré...désincarnation-incarnation
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Message par Invité Dim 3 Juin 2012 - 18:00

Borges a écrit :

passion comme disait l'autre fasciste...



voila ce qui borne l'horizon du forum puisque ce mot n'en appelle aucun autre.

mais ce mec - comme tu dis - dans sa limousine il n'est pas plus fasciste que toi et moi, il est gangréné lui aussi comme l'homme rat, sauf que leurs gangrènes respectives sont comme l'huile et l'eau non miscibles ; c'est bien le sens de cette scène - que je n'aime pas - de les voir se repousser, ils ne peuvent pas entrer en contact ils sont irrémédiablement éloignés, le contraire d'aimantés et chacun aura affaire avec lui même. Drôle de jugement dernier ou plutôt c'est ainsi toujours que les choses se passent, seuls.

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Message par Eyquem Dim 3 Juin 2012 - 18:02

Borges a écrit:je ne sais pas si tu prends à ton compte ces analyses...
non : les gens qui ne meurent plus, le capitalisme qui récupère tout,... c'est ce que disent Packer et le "coach" en théorie.
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Message par Invité Dim 3 Juin 2012 - 18:04

je crois par ailleurs que la scène ou "le mec" tire de façon désabusée sur son garde du corps, quelque part, si on aime l'humour noir, est comique.
Le film ne me semble pas suivre un ton, une tonalité unique, il passe par beaucoup d'états que le cinéma peut rendre.

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Message par Borges Dim 3 Juin 2012 - 18:36

slimfast a écrit:
Borges a écrit :

passion comme disait l'autre fasciste...



voila ce qui borne l'horizon du forum puisque ce mot n'en appelle aucun autre.

mais ce mec - comme tu dis - dans sa limousine il n'est pas plus fasciste que toi et moi, il est gangréné lui aussi comme l'homme rat, sauf que leurs gangrènes respectives sont comme l'huile et l'eau non miscibles ; c'est bien le sens de cette scène - que je n'aime pas - de les voir se repousser, ils ne peuvent pas entrer en contact ils sont irrémédiablement éloignés, le contraire d'aimantés et chacun aura affaire avec lui même. Drôle de jugement dernier ou plutôt c'est ainsi toujours que les choses se passent, seuls.

ah, oui; disons alors qu'il y a une différence minimale entre toi et moi : pour moi tout mec qui possède des dizaines de milliards de dollars est un fasciste, un tueur, ce que dit le film, d'ailleurs, si je me souviens bien...dois-je rappeler son amour du chasseur soviétique, qu'il aurait bien aimé piloter avec ses charges nucléaires...

son désir de mort, de mort authentique est un désir fasciste...

sinon, je vois pas du tout ce que tu veux dire...avec cette affaire de gangrène, de jugement dernier...



sinon quand je lie fascisme et mort, ou désir de mort, je pense bien entendu à deleuze

(...) par culte de la mort, j'entends aussi le fascisme. On reconnaît le fasciste au cri, encore une fois : Vive la mort !. Toute personne qui dit Vive la mort ! est un fasciste. Donc, ce culte de la mort peut être représenté par le fasciste, mais peut être représenté au besoin par de toutes autres choses, à savoir, une certaine complaisance suicidaire, un certain narcissisme suicidaire, par les entreprises suicidaires. Toutes les entreprises suicidaires font partie et impliquent une espèce de champs de mort, de culte de la mort.







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Message par Borges Dim 3 Juin 2012 - 18:43

slimfast a écrit:je crois par ailleurs que la scène ou "le mec" tire de façon désabusée sur son garde du corps, quelque part, si on aime l'humour noir, est comique.
Le film ne me semble pas suivre un ton, une tonalité unique, il passe par beaucoup d'états que le cinéma peut rendre.

oui, c'est comique, comme est comique la manifestation de la liberté absolue : qui "ne peut produire ni une oeuvre positive ni une opération positive ; il ne lui reste que l’opération négative ; elle est seulement la furie de la destruction... elle se divise dans l’universalité simple inflexible, froide, et dans la discrète, absolue, dure rigidité de la ponctualité égoïstique de la conscience de soi effective... L’unique oeuvre et opération de la liberté universelle est donc la mort... C’est ainsi la mort la plus froide et la plus plate, sans plus de signification que de trancher une tête de chou ou d’engloutir une gorgée d’eau".
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Message par Eyquem Dim 3 Juin 2012 - 18:58

Borges a écrit:je ne vois pas du tout comment tu peux dire que la différence entre le super milliardaire de génie beau et tout et tout et l'homme-rat complètement dévoré par le ressentiment est minimale; c'est la plus grande différence possible, dans le monde...dans le transcendantal du matérialisme démocratique...un mec qui sur-existe et un autre qui inexiste, un fou, qui vit dans la saleté, répugnant, sale et tout ce qu'on veut..
à la fin, ils tendent quand même à se rapprocher, non ? Packer est ruiné, il est plus si beau ; et il est aussi dévoré de l'intérieur par une passion de destruction.

Bon, de toute façon, cette scène, j'ai l'impression de passer totalement à côté, parce qu'il m'a semblé qu'elle était filmée comme une scène de confession : il y a notamment un plan où Packer et Levin sont filmés de part et d'autre d'une cloison, on a vraiment l'impression de voir un prêtre et un pénitent.
Il y a un tas d'allusions religieuses (outre la main percée) que je ne comprends pas.


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Message par Invité Lun 4 Juin 2012 - 13:28

le dernier plan reprend un motif récurrent chez DC :

-dans Videodrome, Max se tire une première fois une balle dans la tête après avoir prononcé son "long live the new flesh", et puis on le revoit se poser le flingue sur la tempe et murmurer la phrase fatidique, et puis Noir sans qu'on entende de seconde détonation
-dans The death of the last jew of the world in the last cinema of the world, le peronnage incarné par DC lui-même se met l'arme sur la tempe, puis Noir et détonation

dans les deux cas, il y a ambiguïté entre suicide volontaire et meurtre, suicide provoqué. dans Cosmopolis, l'ambiguïté est renversée en un meurtre provoqué, ou un suicide camouflé si on prête à EP des tendances suicidaires. mais ce serait trop simple, "des tendances suicidaires" et voilà tout. ça n'a aucun contenu. et puis ce qui se passe dans la tête de EP, ses intentions, etc.... ça ne ma parait pas très intéressant si on ne le replace pas sur un plan politique. DC a au moins cette qualité de faire des films avant tout politiques.

Cosmopolis se finit sur aucune détonation, ce qui distribue au moins trois possibilités de conclusion du récit : Benno Levi renonce et Packer s'en va + BL tire + il ne se passe rien et la tension continue indéfiniment sur ce climax. est -ce qu'on peut choisir l'une plutôt que l'autre ?

-si BL renonce, EP s'en va et, vu la clôture du film sur le personnage, il faut que tout recommence depuis le début - peut-être pas avec le corps de EP, avec sa voix, avec son visage, avec son nom, mais la même chose, le même processus de dépouillement avec un autre EP.

-si BL tire, EP meurt. mais on a déjà suggéré que EP a quelque chose d'un vampire. la gueule de Pattinson, déjà. et le Capital vampire aussi en ce qu'il se nourrit de ses crises, vit dans sa propre mort, de sa propre mort. et le stigmate ouvre encore plus la voie d'une résurrection. alors si EP meurt, il faut qu'il se relève et que tout recommence encore une fois. et encore, je crois que c'est rendu nécessaire par la clôture du film sur le personnage. et pas seulement du film mais de tout le monde du film qui tourne autour de EP, n'existe et ne vit que par sa présence attractive-répulsive - comme la limousine qui va mourir-dormir dans un non-monde dès qu'il la quitte. autrement dit, l'immortalité de EP (son absence au temps de la mortalité) conditionne toutes les possibilités d'existence.

-3° solution : continuation pour un temps indéfini du climax final. mais finalement ça revient au même, le maintien du climax ou la réitération toujours semblable du processus qui y mène. même blocage des flux où le climax seul persiste comme situation sans issue.

dépouillement de EP vers quoi ? pas tant vers un dénuement, puisqu'il lui reste toujours sa puissance sur BL, que vers un dénudement, mettre son âme à nu, ce que veut dire moins mourir que s'arrêter au climax qui précède la mort, quand on est dépouillé de tout, et même déjà de la vie, virtuellement, mais pas encore de l'organe de la perception de cette perte. quand il n'ya plus que la perte + cette petite quantité de vie, la plus petite quantité de vie imaginable pour ressentir cette perte de toute la vie. et ça, c'est une définition du vampire, mais aussi une définition de l'Enfer et une définition du Mal. choisir le Mal, ce n'est pas jouir devant la douleur de l'autre parce qu'il y a encore trop de vie dans cette jouissance. choisir le Mal, c'est arranger la disparition du Mal pour ensuite pouvoir survivre en mort vivant à la perte. Packer : i want a hair cut. les fascistes de Salo disent : les bourreaux sont les victimes. ce n'est pas très différent.


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Message par Invité Lun 4 Juin 2012 - 17:10

un fasciste, avec un désir de mort qui baise sa garde du corps avec une telle sensualité ( et ça c'est pas delillo c'est cronenberg ) et qui a avec sa femme des rapports, aussi, d'une telle sensualité, là on est carrément du côté de lynch, et d'une telle modernité, y'a pas on parle pas du même mec.

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Message par Borges Mer 6 Juin 2012 - 8:58

Les gars qui bossent aux Cahiers sont vraiment de gros naïfs très impressionnables. Ils sont prêts à gober n'importe quelle fadaise qui a l'air un peu glamour. Cronenberg fait sa promotion en leur racontant que sa manière a changé, il se rapproche de Beckett, et ils laissent aller, sans pouffer de rire, faut croire qu'ils n'ont jamais ouvert un bouquin de Beckett, pas même vu "Film" : "Aujourd'hui, je me sens plus proche de quelqu'un comme Samuel Beckett. Je pense en terme d'austérité. Je suis plus précis dans ma mise en scène, je contrôle davantage. C'est simplement la maturité. Je suis arrivé à un âge où je sais ce qui marche et ce qui ne marche pas et je ne fais que ce qui marche. Je suis efficace." et Blablabla et blablabla. Cronenberg ne sait pas seulement ce qui marche, mais aussi qui marche. En entendant ces conneries, ils auraient du le tabasser :"Je me sens proche de Beckett, je ne fais que ce qui marche" . Oui, mais Beckett n'a jamais fait ce qui marchait; il aurait pas filmé un joli gars avec sa jolie chemise pendant des heures; il aurait commencé tout de suite avec Benno Levin, dans son taudis puant, dans les toilettes, assis sur la cuvette, jouant avec un rat, et monologuant interminablement. Petit budget, on se marre. Combien de ce budget est allé aux acteurs, à cet idiot à chemise blanche aussi crédible dans son processus de démolition que Bernard-Henri Lévy en révolutionnaire. La lâcheté de Cronenberg est visible, suffit de voir ce qu'il aurait voulu faire, et devant quoi il a reculé, parce que ça n'aurait pas marché.
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Message par Invité Mer 6 Juin 2012 - 9:31

on s'en fout de Beckett et BHL.
Mais pourquoi s'en tenir au cinéma quand on peut descendre un film au nom de tout autre chose, hein ? là, oui c'est du faschisme ordinaire - faire à priori du film une homothétie avec autre chose idolâtrée et dont le moindre écart fourbira des arguments contre lui.
quant à l'argument qui court ici : les cahiers aiment / j'aime pas, pas de quoi se vanter
.

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Message par Invité Mer 6 Juin 2012 - 11:39

slimfast a écrit:un fasciste, avec un désir de mort qui baise sa garde du corps avec une telle sensualité ( et ça c'est pas delillo c'est cronenberg ) et qui a avec sa femme des rapports, aussi, d'une telle sensualité, là on est carrément du côté de lynch, et d'une telle modernité, y'a pas on parle pas du même mec.
rhâââ, comme on aime se faire baiser avec une telle sensualité... Wink

mais au fait, slimfast, où est-ce que t'as entendu parler de sensualité ? je veux dire : c'est une chose que tu sais naturellement ou qu'on t'a appris, dans les films, dans les bouquins, dans les bars, au lit ? et que tu ais deux bras et deux jambes, tu le sais comment ? est-ce que tu le savais avant de reconnaître les mots bras et jambes ? et que tu es toi-même unitaire, ça, tu le sais comment ?
je blague pas, c'est pas de la rhétorique, ce sont de très bonnes questions...


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Message par Invité Mer 6 Juin 2012 - 15:15

il est évident que Borges sait beaucoup mieux que Cronenberg lui même ce que ce dernier aurait ( éventuellement ) à dire ;

alors pourquoi ne pas réécrire ce qui te déplaît dans l'entretien des cahiers selon une version plus conforme à tes désirs et ce qui est souhaitable, grand gourou ?

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