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Michael (M. Schleinzer)

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Message par Invité Sam 19 Nov 2011 - 15:59

Eyquem a écrit:
Baldanders, sur Enculture, a écrit:
E Renzi a écrit:Filmée en plan large, la scène suggère que les deux acteurs se trouvent face à face. C’est une illusion. En vérité, Michael Fuith n’a jamais montré son sexe à David Rauchenberger. Il s’agit d’un trucage. Mais pourquoi avoir créé cette illusion – là où un simple champ/contre-champ aurait suffit – sinon pour dire au spectateur : "regarde, j’ai osé faire ça".



C'est hallucinant, quand on y repense. Renzi est en train de nous dire comment Schleinzer aurait dû filmer sa scène. Si Schleinzer a filmé comme ci, nous dit-il, c'est forcément pour se la jouer. Pour ne pas se la jouer (priorité des priorités pour Renzi semble-t-il), il fallait filmer comme ça (en champ/contrechamp - quelle inventivité, hein ?).
Bien entendu, c'est stupide et ça prouve qu'il n'a rien compris aux choix de mise en scène dans ce film, dans cette scène (et j'ajoute : à la mise en scène tout court).
La scène en question, filmée en un seul plan large, est par là même volontairement dédramatisée, pour bien faire sentir/comprendre au spectateur qu'il s'agit là du quotidien du garçon. Un champ/contrechamp aurait insisté sur les réactions de l'un puis de l'autre, et aurait donné à la scène une importance dramatique, ce que précisément Schleinzer ne voulait pas, pas à ce moment-là. Il a, comme on le voit, d'autres chats à fouetter que de se la jouer : il construit un film.
Mais Renzi a manifestement été atteint par le syndrome Comolli (vous savez, ce spectre qui hante le forum des spectres). Il n'est (presque) plus un critique, et à ce rythme il ne sera bientôt plus qu'un distributeur automatique d'arguments d'autorité.
Un vrai débat de fond, sur enculture : comment j'ai appris à arrêter de m'en faire et à bien filmer une scène de pédophilie, sans dramatiser.
J'ai hâte d'aller voir ce "Michael", pour savoir enfin à quoi ressemble le quotidien d'un pédophile, mis en scène avec talent.
Eyquem a écrit:
Baldanders a écrit:
Eyquem a écrit:Un vrai débat de fond, sur enculture : comment j'ai appris à arrêter de m'en faire et à bien filmer une scène de pédophilie, sans dramatiser.
J'ai hâte d'aller voir ce "Michael", pour savoir enfin à quoi ressemble le quotidien d'un pédophile, mis en scène avec talent.
si j'ai bien compris, filmer un pédophile nécessite une dramatisation de tous les instants

un choix de mise en scène c'est "filmer bien", or comme "filmer bien" un pédophile c'est affreux, un choix de mise en scène dans un film sur un pédophile c'est affreux

la relation entre un pédophile et sa victime ça se met en scène sans talent
non, c’est pas ça. Il y a un choix de mise en scène qui se fait avant celui qui décide de filmer la scène comme ci ou comme ça, en plan large ou en champ contrechamp, en dramatisant ou non. C’est le choix qui décide des scènes à faire ou pas.

Je relis la description de Renzi :
Allongé sur son canapé en train de regarder la télé, Michael semble s’amuser. Une réplique d’un film de porno Z lui arrache un sourire : « Ça, c’est mon couteau. Ça, c’est ma bite. Avec quoi veux-tu être pénétrée en premier ? ». Plus tard, à table, il se lève, ouvre sa braguette, brandit sexe, couteau, et répète la réplique à l’enfant qu’il a kidnappé un an plus tôt. Celui-ci répond, sans hésitation : "avec le couteau".
Franchement, avant même d’être filmée, cette scène promet d’être une grosse bouse, et c’est pas le fait qu’elle soit filmée en un plan ou en deux qui va changer grand-chose à l’affaire. C'est même pas qu'elle est abjecte, c'est juste qu'il y a zéro idée qui hisse un peu le sujet au-dessus du réalisme ras des pâquerettes de l'esthétique fait divers.
Tu défends la scène au nom de sa justesse, en disant qu’elle fait bien sentir en quoi consiste le quotidien d’un gamin séquestré et régulièrement violé. C’est bien le problème. Je me demande ce qui peut sortir d’intéressant et de valable d’une expérience pareille. Les films qui utilisent la puissance d’identification du cinéma pour mettre les spectateurs dans la situation des victimes, ça donne toujours des résultats bien dégueus.

J’ai vu la bande annonce, j’ai l’impression que ce metteur en scène, il croit un peu trop vite qu’il suffit de faire "du cinéma", des plans au cordeau qui font "mise en scène", pour transfigurer magiquement ce qu’il y a de sordide dans l’exploitation de ce type de fait divers.
Le comte a écrit:Hello Sébastien,

Une nouvelle fois, je ne suis pas d'accord avec toi. Bon, ici, c'est plus sérieux, pas comme sur Contagion, qui ne vaut pas grand chose, et dont je reconnais bien volontiers la faiblesse.

Michael est un de mes films préférés de cette année, loin derrière le déjà immortel L'étrange affaire Angélica, loin aussi de Hors Satan, mais c'est un film audacieux et fort qui ne parle pas, en premier lieu, de la pédophilie. Je ne comprends pas le "procès" que tu fais à la mise en scène ou à l'entreprise du film en général, car c'est justement là, dans la mise en scène, dans la construction du point de vue, que tout se joue. Je m'explique plus loin.

Disons avant ça que Michael, ce n'est pas le film d'un petit malin qui cherche à "choquer le public" ou à créer un scandale autour de son film. Il n'est pas question de relativiser les actes du pédophiles ou de rabâcher ce lieux commun stupide et irresponsable : "On ne juge pas les personnages".

J'aime beaucoup Michael parce que son premier sujet, c'est la face cachée du spectateur, cette part d'ombre qui sommeille en chacun de nous et qu'on se refuse de voir, telle cette porte blindée qui renferme le secret du pédophile. A travers le portrait pathétique de ce type, il est moins question d'un voyeurisme ou d'une morale sur un acte odieux que d'une réflexion sur le ce qui pousse chacun d'entre nous à regarder des images tout en occultant notre vie.

Le film dit ainsi que le spectateur, aujourd'hui, lorsqu'il va au cinéma, met entre parenthèse son propre vécu, ses maux personnels, ses défauts inavoués. Or, Michael lui rappelle qu'il n'est pas mieux que ce type, qu'il devrait d'abord réfléchir à qui il est et interroger ses propres secrets barricadés derrière la porte blindée et insonore où ils attendent.

Bien sûr, je ne dis pas par là que ce mécanisme permet, corrélativement, de minimiser les actes du personnage. Je ne dis donc pas : "nous sommes aussi monstrueux que lui, alors laissons le tranquille ! ". Ce qui est très fort dans Michael, c'est que le portrait pathétique du personnage semble nous regarder directement, droit dans les yeux. Toutes les scènes sont incroyablement vides, déréalisées, comme si elles n'étaient que le miroir lisse et sans autre échappatoire du lieu qui les contemple, à savoir l'espace du spectateur. C'est un film d'une frontalité radicale où le rapport entre le film et le spectateur se réalise de manière brute, avec la plus petite médiation.

Le film est une question : quel monstre sommes-nous ? Mais Michael ne le pose pas n'importe comment, cette question, et certainement pas en tombant dans le piège que tend ce type de film. L'histoire, la fiction, importent peu, car c'est un des rares films à mettre en scène directement le spectateur. Tout ce qu'on voit n'a pas d'existence narrative, il n'y a pas de personnage, pas d'histoire, pas de scènes clés. Il n'y a qu'un espace-temps impalpable où nagent des projections spectatorielles pures. Pourquoi regarde-t-on un tel film ? Pourquoi cherchons-nous à voir des choses aussi horribles ? Et pourquoi, dans pareil moment, on n'oublie que, nous aussi, nous avons notre part d'ombre ?

Bref, Michael est pour moi un essai fascinant et une réflexion sur le regard et la fascination pour les images. Le film questionne aussi les principes du scénario à travers le périple du gosse pour se libérer de son bourreaux. C'est terrible quand même de voir comment le cinéaste joue avec les mécanismes de l'attente pour mieux les déconstruire. Il semble dire : pourquoi voulez-vous que je libère le garçon ? Est-ce que ça se passe aussi facilement ? Êtes-vous prêts, vous les spectateurs, à ouvrir aussi facilement votre pièce cachée ? Et puis quoi encore, vous croyez que je vais le faire en sachant qu'une fois sorti de la salle, vous retrouverez votre quotidien en gardant bien la porte fermée à double tour ?

Eyquem a écrit:
Le film est une question : quel monstre sommes-nous ? [...] Pourquoi regarde-t-on un tel film ? Pourquoi cherchons-nous à voir des choses aussi horribles ? [...] Bref, Michael est pour moi un essai fascinant et une réflexion sur le regard et la fascination pour les images.
Salut Le comte,

tu me dis que tu n'es pas d'accord avec moi, eh bien c'est un tort : regarde un peu, à cause de ce film, quelles questions tu en viens à te poser ? Une vraie torture : quel monstre je suis ? est-ce que je ne suis pas, moi aussi, un violeur d'enfants ? "Wir sind alle Pädophilen" : nous sommes tous des pédophiles au fond, à droite, à côté de la porte blindée.

Nous sommes tous de tels monstres en puissance : quel dégoût de nous-mêmes ! Nous nous dégoûtons mais nous cherchons partout notre image : pourquoi regarde-t-on des choses aussi horribles, sachant déjà quels monstres nous sommes ? Pourquoi chercher partout notre image, notre reflet, dans lequel nous regarder "droit dans les yeux", pour pouvoir nous perdre dans la contemplation de notre propre abjection ? Ne serait-ce pas parce qu'il y a là, malgré tout, un petit plaisir ? Oui, nous sommes immondes, nous autres les monstres, mais nous ne pouvons nier qu'il y a un petit plaisir à nous savoir tels, à nous interroger sans fin sur notre propre monstruosité, à nous complaire honteusement, voluptueusement, dans la fascination, dans les délices du dégoût de nous-mêmes ?


C'est ça, le questionnement sérieux de ce film ? Je l'avais subodorée à 15 kilomètres, la malignité de ce truc. Je ne savais pas à quel point j'avais raison.


Il faut que tu te veuilles du mal, et à moi aussi, pour essayer de nous convaincre tous deux de l'intérêt d'une telle expérience, qu'elle soit de projection spectatorielle pure, ou pas. Je n'aime pas les projections spectatorielles pures, tu devrais le savoir depuis le temps que nous nous entrelisons. Je les déteste d'autant plus quand elles effectuent simultanément une injection idéologique impure. Rien de pire, à mon avis, qu'un film qui mesure sa propre pureté d'objet filmique impalpable à l'impureté de son contenu. Et c'est bien ce qu'essaie de faire ce film, à t'en croire, qui sera un chef d'oeuvre d'autant plus grand qu'il nous aura convaincus, nous autres, que nous sommes petits, minables, des Michaels pathétiques, des pédophiles en puissance, des criminels en stand-by. Il y a pas mal de gens malintentionnés, en ce moment, qui tentent de nous convaincre de ça : la criminalité c'est génétique ; l'homme est une bête au fond ; dès que la Raison a un moment d'inattention, on peut compter sur les pulsions pour lui planter un poignard dans le dos ; vous êtes tous des criminels en puissance, etc. Sous ce prétexte, on piste les enfants dès la crèche, on organise de grands fichiers, on donne l'autorisation de collecter et conserver sur chaque citoyen une masse d'informations privées, parce que, you never know, il se pourrait que tout ça fasse sens et que l'un d'eux passe à l'acte, devienne un criminel actif, car telle est la nature de l'homme.

En vérité, je ne vois pas pourquoi, dès lors, tu perdrais ton temps à rêver à l'émancipation de l'homme, si tu le crois, par essence, aussi monstrueux. Si l'homme n'est rien d'autre, rien de plus que le criminel que tu décris, autant ne plus t'en faire et songer, tranquillement, simplement, à la meilleure manière d'organiser le grand Hôpital de demain.

Le film est une question
Très certainement, car les questions ne préexistent pas au film qui les organise. Les questions ne poussent pas au-dessus de nos têtes comme des fruits qu'il suffirait ensuite de cueillir. Le film est une question, mais la question est : sur quel terrain le film se place-t-il pour poser sa question ? de quelle manière la question du film organise-t-elle le monde, quel monde organise-t-elle ?

Définir l'être humain comme un monstre en puissance, ça n'a rien d'une projection ni spectatorielle ni pure. C'est de l'idéologie, de celle qui prétend définir l'humain par sa seule prédisposition au mal. L'homme, c'est ce qui fait le mal ; par essence, il est un monstre. Mais on peut définir l'homme autrement que comme cette bête qui a besoin d'être gendarmée, policée en permanence, et qui a besoin de s'entourer de prisons et d'hôpitaux. On peut faire un pas de côté et sortir de ce questionnement stérile, torturant, dans lequel le film, visiblement, enferme son spectateur, comme l'enfant derrière la porte blindée. On peut décider qu'il n'y a pas de porte blindée, que la porte blindée n'existe que pour ceux qui croient que l'homme n'est qu'une bête qui n'a rien de mieux à faire que de mettre en scène, organiser sa propre monstruosité, avec des cages et des miroirs, des prisons et des reflets, tout un petit théâtre sado-maso intérieur, son Apollonide à lui.


Les questions que tu te poses (quel monstre sommes-nous, pourquoi cherchons-nous à voir des choses aussi horribles), je te conseille d'en sortir, si tu ne veux pas étouffer derrière la porte blindée. Car ce questionnement, je le trouve asphyxiant, pas très sain, à vrai dire.


J'aurais des choses à dire aussi, sur la fin de ton message : tu prétends que le film montre, présente, sans aucune médiation, une pure monstruosité. Je pense que par définition, c'est impossible, et serait-ce possible, les dieux nous en gardent !

Bien des films, des oeuvres, nous ont déjà dit quel monstre incompréhensible était l'homme. Mais ils ne le faisaient pas sans y mettre les formes : il y fallait bien des masques, des détours, des fictions, des médiations, car la monstruosité, c'est ce qui méduse, ce qui pétrifie, comme la Gorgone que Persée doit affronter. On ne l'affrontera que par un détour, un jeu de miroir, et peut-être alors aura-t-on une chance de lui couper la tête, mais jamais, en aucune façon, on ne pourra la regarder "droit dans les yeux", sans médiation.



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Message par Invité Sam 19 Nov 2011 - 16:18

pour rigoler, parce qu'on le vaut bien :
"Wir sind alle Pädophilen"
la formule exacte n'est-elle "Wir sind alle deutsche pädophilen" ? Wink

plus sérieusement :
J'aurais des choses à dire aussi, sur la fin de ton message : tu prétends que le film montre, présente, sans aucune médiation, une pure monstruosité. Je pense que par définition, c'est impossible, et serait-ce possible, les dieux nous en gardent !
il y a des années, j'ai bossé aux archives photos d'un quotidien. il y avait des rangées et des rangées de clichés faits par les photographes du canard ou récupérés auprès des agences de presse. on passait le plus clair de notre temps dans les travées, à chercher les illustrations pour l'édition du lendemain. beaucoup de photos terribles, mais suffisamment softs pour le grand public. et puis, quand j'avais du temps libre, je farfouillais dans les boîtes de curiosités impubliables qui trainaient un peu partout. et forcément, j'ai fini par tomber sur une série de photos consacrées aux atrocités nazies. mais elles avaient ceci de particulier que ce n'était pas des témoignages pour l'Histoire, des représentations médiatisées sur un plan humaniste. c'était les photos que les bourreaux nazis faisaient eux-mêmes pour se souvenir de leurs délicieuses vacances à Buchenwald, Matthausen, etc... de pures photos petites-bourgeoises de ce point de vue. je vous passe les détails. de toutes façons, vous les avez déjà vus dans des reconstitutions fictionnelles. des monstruosités mais déjà médiatisées par la fonction rassurante qu'on leur donne. la vraie monstruosité de ces photos, qui me poursuit depuis vingt ans, c'est leur ingénuité. et une fois le document en main, cette ingénuité du tortionnaire vous saute à la gueule pratiquement sans médiation. je ne le souhaite à personne.
(dans la même période, je voyais les gars rentrés de reportages au Rwanda ; cette fois, pas de médiation du tout. c'était tout à fait autre chose que de voir un film.)


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Message par Invité Lun 21 Nov 2011 - 9:33

Je suis d'accord avec Eyquem sur le fait que l'absence de médiation est impossible. Sauf à être un snuff-movie (rassurez-moi) et même s'il en adopte l'esthétique, Michael ne peut pas être un film pédophile mais une représetnation, un film sur la pédophilie. Ce n'est pas la réalité mais un discours, un système de signes prélevés (+ ou -) sur la réalité. C'est banal d'écrire ça, mais il faut bien rappeler qu'un film n'est que le médium de ce qu'il montre. Je n'ai pas besoin d'avoir vu Michael (et je ne pense pas aller le voir) pour savoir qu'il ne parle pas la pédophilie, n'agit pas la pédophilie, mais parle SUR la pédophilie et agit autre chose.

Bon, j'avoue que j'ai du mal à encaisser l'idée très à la mode que la pédophilie est le Mal absolu. C'est assez récent comme idée. Il y a 50-60 ans, la pédophilie faisait partie des petits aléas de l'existence. C'était pas « bien » mais on s'en accommodait. Le Mal, c'était l'homosexualité, qui était un peu vue comme une version superlative de la pédophilie : le fait du pédé (Freud et l'homosexualité comme blocage dans la sexualité infantile). La tolérance actuelle de l'homosexualité n'est pas du tout un déplacement des frontières de l'inacceptable, c'est juste une inversion des rôles : l'homosexualité est innocentée et la pédophilie stigmatisée. On n'imagine même plus la possibilité d'une relation sexuelle consentie d'un enfant avec un adulte : l'enfant est forcément la victime de la relation comme, avant, l'homosexualité mettait en scène nécessairement une victime et un corrupteur. Tout ça ne signifie que la diffusion à l'ensemble de la société de la répression de la sexualité infantile et, en fait, de toutes les sexualités, même si c'est donné comme le contraire. La pédophilie est l'image qui distribue les différentes formes de sexualité sur l'axe de la normalité : sexualité normale ou conjugale, même pour les homos (ah, le mariage gay) ; sexualités perverses comme l'échangisme, le S-M et, pour les esprits qui se veulent forts, la zoophilie ; sexualités inacceptables : la zoophilie pour les faibles et la pédophilie pour tout le monde.

Pourquoi la domination pédophile est -elle plus scandaleuse que la domination sexuelle d'un patron sur une secrétaire ou sur une femme de ménage d'un grand hôtel new-yorkais ? Et aussi, pourquoi la pédophilie est -elle plus scandaleuse aujourd'hui qu'hier ? C'est que l'enfant n'est une personne ni dans un cas ni dans l'autre. Là où la famille est l'unité sociale de base, l'enfant n'en est qu'un appendice et nul n'a rien à dire si s'impose à lui la volonté du chef de famille (le père d'abord, mais l'éducateur ou l'abbé peuvent s'y substituer facilement). Mais quand la famille a été remplacée par l'entreprise comme socle social, l'enfant lui échappe et n'est plus qu'une chose en attente d'un statut socio-économique qui lui donnera sa substance. Il y est d'ailleurs activement préparé par l'école, les jeux éducatifs et les sports à plus-value morale, et nul n'a de titre à lui imposer sa volonté sauf à être agent d'une institution agissant « pour son bien » : l'école justement. Autrement dit, le viol entre adultes peut trouver des circonstances socio-économiques atténuantes mais pas le viol d'enfant qui est mauvais immédiatement et quelles que soient les circonstances.

Mais pour qu'elle devienne l'instrument par lequel on nous fait un sexe coupable, la pédophilie doit d'abord être posée comme un réel indépassable, inanalysable et non manipulable. Il faut en donner toujours une représentation frontale et sans excuse qui veut nous faire croire à l'absence de la médiation (qui fait tout pour signifier cette absence impossible). La pédophilie, c'est la pédophilie. La monstruosité de la pédophilie, c'est encore la pédophilie. Toute médiation assumée sera aussi suspecte que l'élaboration d'un rêve conçue, nous dit-on, pour cacher plutôt que pour révéler les contenus inconscients et pour faire droit aux pulsions. Et c'est bien ce dont il s'agit avec la représentation de la pédophilie : la révélation du caractère tyrannique des pulsions humaines, réputées asociales par essence et ne respectant rien, pas même l'enfance. Les pulsions sont les ennemies de la civilisation, elles sont dangereuses et destructrices si on leur laisse libre cours, il faut les mater. Peu importe que Margaret Meade ait montré le contraire puisque personne ne la lit plus. L'essentiel est qu'il faille opposer aux dangers déclarés de la tyrannie des pulsions libres un système politique qui nous en protège et qui sache les contraindre – en somme, un système de domination à justification rationnelle contre l'irrationnalité pulsionnelle et le délire du désir.

À vous lire, Eyquem et Lecomte, j'ai l'impression que Michael va exactement dans ce sens là. Nous sommes coupables, tous voyeurs au moins, potentiellement pédophiles. Ce qui prouve notre culpabilité, c'est la monstration sans médiation. Et ce qui protège notre moi innocent de notre dictature égotiste, ce ne peut être que le fascisme sous une forme ou une autre (cf. ce qui se passe en Grèce et en Italie).



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Message par Eyquem Lun 21 Nov 2011 - 17:08

Baldanders a écrit:Eyquem (qui parle toujours d'un film qu'il n'a pas vu) préfère répondre à Le comte plutôt qu'à moi qui, justement, ne parle que de médiation, à savoir de mise en scène.
Deux choses :
- tu n'as strictement rien dit sur ce film à part que Schleinzer "construisait un film" et que c'était "mis en scène". Beaucoup de films sont des films en effet : tu as raison de commencer par le commencement, on n'est jamais trop méthodique.
- je passe mon temps à avoir un avis sur des films que je n'ai pas vus ; pas toi ?
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Message par Eyquem Lun 21 Nov 2011 - 19:40

Baldanders a écrit:j'ai dit l'essentiel sur le film
Permets-moi d'en douter ; tu parles d'empathie, d'épaisseur des personnages, ce qui reste quand même vague ; tu évoques "un corps en révolte" sans qu'on sache trop de quoi il s'agit ; mais passons : la raison qui m'a fait intervenir au tout début, c'est ce que tu écrivais sur la prétendue "dédramatisation" de la scène critiquée par Renzi.
J'ai du mal à imaginer qu'une scène où un type dit à un gamin "tu veux que je t'enfile avec ma bite ou avec un couteau ?" ne soit pas "dramatique", au sens le plus courant du terme ; et qu'il suffirait de filmer en un seul plan plutôt qu'en deux pour qu'on s'en fasse pas trop et qu'on se dise : "bof, pas de quoi s'émouvoir, c'est la routine du môme, quoi". Mouvement du film ou pas mouvement du film. C'était mon étonnement, au départ.
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