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Le temps et l'espace dans les séries

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Message par adeline Lun 7 Fév 2011 - 19:05

On avait eu des discussions il y a quelques temps autour des séries, notamment des séries produites récemment, à grand succès, genre HBO. J'en ai regardé quelques unes, jamais totalement encore, mais peu à peu j'y viens. Je pense que l'une des choses sur laquelle ça vaut le coup de réfléchir, et la grande chose qui différencie les "séries" d'un "film", et du cinéma, c'est la gestion du temps.

C'est juste des idées. En regardant Deadwood, je me suis vue complètement épatée vers la fin de la première saison je crois, en me rendant compte que six mois avaient passé depuis l'arrivée de Seth Bullock à Deadwood. J'aurais dit qu'il s'était passé un mois tout au plus. La série sur ce coup a complètement foiré la manière de rendre ce temps qui passe. Dans The Wire, ce temps-là est bien mieux géré, et ça se sent de plus en plus au fur et à mesure que les saisons passent. Souvent cependant, j'ai l'impression que les séries se mentent sur leur capacité à gérer leur temporalité.

Dans un film, un livre, un récit qui se donne une durée a priori (une ou deux heures, cent ou quatre cent pages), la gestion du temps est la colonne vertébrale du récit. On se sert de conventions, de figures de style ou autre. Lorsqu'il y a une convention, elle organise le récit. Par exemple en quatre heures de temps, on vous raconte la vie de Dr Jivago, donc, attendez-vous à des ellipses, du maquillage pour le vieillissement, des conflits qui se résolvent dans les ellipses parce qu'il le faut bien.
Dans Big Love, dont j'ai vu quelques épisodes de la quatrième saison, c'est comme si la série faisait se succéder des événements forts, demandant du temps pour que les personnages les avalent, les gèrent, s'en débarrassent, sans avoir recours à des conventions du type de la sitcom (un épisode, une histoire, la vie des personnages intégrant l'idée que les épisodes communiquent assez peu les uns avec les autres), mais sans accepter le temps qu'il faudrait pour qu'au rythme de la série ils soient résolus. Ainsi, d'un épisode sur l'autre, les trucs les plus fous et les plus incroyables pour les personnages sont réglés, oubliés. Le besoin de tenir la série en constante tension rend impossible une gestion du temps correspondant à la volonté de rendre la vie de la famille au quotidien. Et c'est ne grande faiblesse.

adeline

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Message par willie Lun 7 Fév 2011 - 19:58

je suis d'accord avec toi Dead Wood Saison 1, c'est 6 mois à la va vite mais je crois que le fait que tout la série soit montée en 3 saisons oblige David Milch à nous faire du vite fait bien fait ...

Certain épisode sont extra en tout cas.

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Message par adeline Mar 8 Fév 2011 - 10:45

Hello willie, welcome here !

Je ne suis pas sûre que ce soit cette raison qui rende le temps dans la première série bizarroïde, car la série au début devait compter quatre saisons, et finalement la quatrième a été changée en deux téléfilms, qui n'ont jamais été tournés.

Ce que dit wikipedia sur le temps des épisodes :

On June 5, 2006, HBO and creator David Milch agreed to make two two-hour television films in place of a fourth season, after Milch declined a short-order of 6 episodes. This was because in the show's original form, each season was only a few weeks in length, with each episode being one day, in the town of Deadwood. The final two-hour format would release these time restraints and allow for a broader narrative to finish off the series.

* Season 1: Mid 1876
o The first season of Deadwood takes place six months after the founding of the camp, soon after Custer's Last Stand. Many come to Deadwood with dreams of easy riches; however, new citizens soon find that Deadwood is a lawless place where greed and corruption rule and only the strong, canny, and lucky survive.
* Season 2: Early 1877
o One year after the events of Season 1, the camp has become somewhat more orderly and civilized. Deadwood is progressing swimmingly, enjoying many contemporary conveniences such as the telegraph and a bank.
* Season 3: Mid 1877
o Six weeks after the events of Season 2, government and law, as well as the interests of powerful commercial entities, begin to enter (or perhaps encroach upon) the town as Deadwood prepares itself for entry into Dakota Territory.

Est-ce alors le passage de la première à la deuxième saison qui n'est pas bien géré ? Je me souviens d'avoir eu l'impression d'une sorte de présent continu. Mais il faudrait la revoir...

adeline

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Message par willie Mar 8 Fév 2011 - 15:55

De toute façons cette série aurait du être plus longue et plus détaillée, les personnages étaient très originaux et en même temps très mystérieux.

Au passage, la dame de la série joue le rôle de la petite fille à l'âge adulte dans le dernier film des Frère Coen, elle n'a qu'un petit rôle à la fin du film, mais rien que le fait de la revoir dans une autre production de type Western a rajouté une demi étoile (au total 3,5/5 ;-) à ce bon film des Frère Coen.

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Message par Invité Mar 8 Fév 2011 - 20:58

il y a beau temps qu'on a vu grandir jean-pierre sous l'oeil de françois.
qu'ont inventé les séries ?

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Message par willie Mer 9 Fév 2011 - 19:23

rien inventé juste "amené" cette petit touche depuis quelque temps déjà ...
Dans mes souvenirs ça remonte déjà bien loin ;-)

willie

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Message par Invité Mer 9 Fév 2011 - 21:17

au sens alors où hollywood a su faire une touche planétaire avec ses séries, un produit, fruit d'une industrie, que l'on ne veut pas, nous on veux des atalantes

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Message par willie Mer 9 Fév 2011 - 22:53

oui mais on sort du sujet ... ;-)

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Message par wootsuibrick Jeu 10 Fév 2011 - 7:31

slimfast a écrit: il y a beau temps qu'on a vu grandir jean-pierre sous l'oeil de françois.
qu'ont inventé les séries ?

que dire d'Harry Potter?
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Message par adeline Jeu 10 Fév 2011 - 9:05

Exactement Woot, que dire d'Harry Potter ? Wink

Ah willie, tu remarques exactement comme moi les migrations d'acteurs ! Récemment, j'ai vu Stringer Bell de The Wire dans la bande-annonce de 28 semaines plus tard (je ne sais pas s'il est aussi bon que 28 jours plus tard ?), Lester Freamon dans Marley and Me, etc.

Je trouve que la manière dont les séries organisent leur temporalité est l'un des trucs les plus intéressants en ce qui les concerne. Il y a beau temps qu'on a remarqué que le temps dans n'importe quel mode de narration que ce soit est important...

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Message par Rotor Jeu 10 Fév 2011 - 10:46

C'est presque devenu une évidence de dire aujourd'hui que les séries sont plus créatives que le cinéma. Et que les grands évènements sont plutôt à chercher du côté de Twin Peaks, The Wire ou Breaking Bad que dans ce qui reste du cinéma américain.
Il me semble qu'en plus de la temporalité, les séries ont également une complexité psychologique qui n'existe plus dans le cinéma.
Dans "The Wire" qui est peut-être la plus riche, chaque personnage a une dizaine de facettes psychologiques. Il a le droit d'être paumé, sérieux, dur, compatissant dans un même épisode. De tomber, de se relever, de changer...
Comme si les personnages avaient le droit à l'erreur et pouvaient quitter la linéarité. D'une certaine façon, ce sont les personnages qui font l'histoire et non une histoire vécue par des personnages.

On est ici, beaucoup plus proche du roman. Et moins du côté de la fresque qui consiste à héroïser des personnages.
Pour ma part, je suis complètement fasciné par Breaking Bad. Qui est pour moi, l'expérience télévisuelle la plus moderne. Une véritable invention et un regard porté sur le monde actuel, assez stupéfiant en ce que la série prend en charge la plupart des thèmes discutés aujourd'hui dans les oeuvres modernes : brutalité, athéisme, morale, frustrations, désir de reconnaissance sociale.
Pour moi, c'est la grande série sur la crise. Et quand je la regarde, je retrouve la même sensation d'intensité et de talent qu'il y a dans les meilleurs Peckinpah, Walsh ou James Gray.
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Message par Invité Jeu 10 Fév 2011 - 14:40

Breaking Bad c'est le prof qui deal la drogue. Ah bon, cest bien ?

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Message par willie Jeu 10 Fév 2011 - 17:20

ne résumons pas tout aussi vite

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Message par Rotor Jeu 10 Fév 2011 - 23:01

Oui, c'est le pitch de la série. Mais c'est bien meilleur que ce résumé.
A partir de cette situation de départ, un scénario très inventif commence. Je recommande chaudement, malgré vos réserves.
Et si vous voulez un argument intellectuel, je dirai que c'est une série spectaculaire dans son questionnement moral.
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Message par Invité Ven 11 Fév 2011 - 9:57

vu le pilote qui traînait par là.
on est assez loin du cinéma comme Mystère selon Godard.
Mais c'est chentil.

Wink

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Message par adeline Ven 11 Fév 2011 - 10:30

Salut Rotor, tous,

c'est tellement devenu une évidence de dire que le cinéma se trouve dans les séries et non pas dans les films, qu'il faut la questionner cette évidence ! Peut-être que tu as raison pour la complexité psychologique des personnages dans certaines séries, mais est-ce là tout ce qui fait le cinéma ? Dans mon post, je disais que les séries gèrent en général très mal leur temporalité, c'était une critique.
Mais bon, ça demanderait avant tout de définir ce qu'est "du cinéma" dans un film ou une série, c'est pas évident et ça nous prendrait beaucoup de temps.

Tu parles de la complexité psychologique des personnages, très développée dans les séries, mieux qu'au cinéma. Il me semble que ça fait partie de leur cahier des charges, si elles veulent tenir la durée. C'est un aller-retour : si tu veux développer un personnage psychologiquement, il te faut du temps, mais si tu veux tenir longtemps, il faut des personnages qui évoluent psychologiquement. Le truc dur à faire, c'est du Boetticher : rendre des personnages psychologiquement forts et profonds en une heure et quart.

Les facettes des personnages dans The Wire, ou encore dans Deadwood, vient aussi du fait que le principe des séries HBO, grosso modo, c'est de rendre sympathiques les méchants. Un tel qu'on trouve horrible finalement s'avère avoir une morale à toute épreuve, ou cacher sous des aires de durs une vraie charité... Justement, je trouve que ça tourne parfois au "truc" de scénario, et j'y vois à la fin une sorte de faiblesse...

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Message par careful Ven 11 Fév 2011 - 10:50

adeline a écrit: le principe des séries HBO, grosso modo, c'est de rendre sympathiques les méchants.

Autant que le principe du réel est de rendre antipathique les gentils ?
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Message par Invité Ven 11 Fév 2011 - 11:39

effectivement chez Adeline on lave toujours plus blanc

Wink

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Message par careful Ven 11 Fév 2011 - 12:30

lol Mais non je ne voulais pas être désagréable. Plusieurs séries de chez HBO peuvent, à mon sens, tendre vers ce que dit Adeline. Je suis juste septique sur les deux exemples donnés.

Rotor a écrit:C'est presque devenu une évidence de dire aujourd'hui que les séries sont plus créatives que le cinéma. Et que les grands évènements sont plutôt à chercher du côté de Twin Peaks, The Wire ou Breaking Bad que dans ce qui reste du cinéma américain

Je dirais même une bêtise.

Combien de The Wire, Doctor Who, Sopranos, Freaks and Geeks...finalement ? Breaking Bad représente parfaitement pour moi la supercherie de ces énonciations qu'on accole à ce régime d'image(s). Depuis quelques années la presse , dite cinéphile, est bien trop indulgente face aux séries.

A l'image de la dernière couv lolesque des cdc.
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Message par careful Ven 11 Fév 2011 - 14:10

La question du temps dans les séries.

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Message par Invité Ven 11 Fév 2011 - 21:39

ce qui me gêne dans les séries est leur façon narquoise de jouer avec la mort du cinéma.

le cinéma est mortel : il est le fruit d'une technologie et une technologie en chasse une autre, c'est inévitable.

mais temps, pas temps, tant, pas tant, je ne crois à l'idée de mort du cinéma, je crois à sa résistance.

et j'approuve Karim et Adeline au sujet de cette mode des séries.

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Message par Invité Sam 12 Fév 2011 - 10:10

slimfast a écrit:le cinéma est mortel : il est le fruit d'une technologie et une technologie en chasse une autre, c'est inévitable.

salut Slimfast.
perso, j'écris sur ordinateur et à la main. pas toi ? Wink
ceci dit, je n'attends pas grand chose des séries. pas trop passionné par la virtuosité et à ce que je lis ici ou là (car je n'en regarde plus) c'est leur principale qualité, non ?

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Message par Invité Sam 12 Fév 2011 - 12:00

S. Pichelin a écrit :

perso, j'écris sur ordinateur et à la main. pas toi ?


je ne vois pas ce que tu veux dire, le rapport entre écrire et les médias pour saisir et projeter les images ?

Cool

l'écriture est comme le théâtre, le fruit d'une convention, donc immortels.

Olivier Py en parle très bien dans les bonus d'un DVD de trois films de Jacques Maillot ( Froid comme l'été, Corps inflammables et 75 cl de prière ) que j'avais bien aimés ( au côté vaguement catho de gauche près ).

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Message par Borges Sam 12 Fév 2011 - 12:40




Le procédé n’est pas aussi simple, il ne s’agit pas de rendre sympathiques les méchants, et antipathiques les gentils, mais, me semble-t-il, de dépasser le personnage public, la fonction, vers l’être privé, familial, social, la vie interne, les sentiments, plus ou moins profonds, c’est pourquoi la psychanalyse joue un grand rôle dans ces séries.

Il s’agit d’aller au-delà des apparences, de la beauté de l’être héroïque, de désenchanter le monde, de le réduire finalement au privé, à l'économique, au social.


Le spectateur est à la fois proche des personnages, et leur valet, en un sens, si on accepte avec Hegel, je crois, l’idée qu’il n’y a pas de grand homme pour son valet.

Ce qui nous est répété à chaque fois, et c’est une leçon qui remonte loin, c’est que derrière chaque personnage de série, il y a un être humain, qui se cache, pas si différent de nous, pas meilleur, aussi pitoyable, aussi miséreux. La psychologie des profondeurs n’est jamais très loin de la religion, de la misère de l’homme. Il faudrait suivre la représentation de Jésus au cinéma, comparer, par exemple, le film de Ray à celui de Scorsese. Jésus est de plus en plus humain, au sens lamentable du mot.


Le destin de l’image de dieu au cinéma est inséparable de celui de l’homme à la télé ; la télé, c’est le cinéma incarné, le cinéma des familles, avec ses désordres. Le but de séries nouvelles, c’est d’en finir avec le héros ; c’est pas neuf, évidemment, et au final, je crois que c’est religieux ; quand Nietzsche dit qu’il ne pardonnera jamais au christianisme d’avoir démoli un homme de la stature de Pascal, il nous apprend pas mal sur les séries nouvelles ; c’est aussi un peu la fin du rêve dit américain, de la puissance d’illusion qui crée de la surhumanité, des modèles, des paradigmes, des idées, finalement.


Pensons au sort que la série Deadwood réserve à l’un de ses personnages les plus importants, Swearengen. Jusque là, le personnage du western était rarement, sinon jamais malade, sa force venait à bout de tout ; s’il reçoit une balle, ou une flèche, un peu d’alcool suffit ; on casse la flèche, on retire la balle avec un couteau, et tout le monde se marre. C'est fini cette époque. On ne nous épargne rien de la maladie de Swearengen, de sa pisse, de son sang, de sa merde, de son sexe, de son derrière. Le même sort est réservé au corps médicalisé des prostituées, au pauvre prêtre, un simple idiot épileptique. À sa vision du monde se substitue une vision médicale, qui relève, et transfère au niveau du corps, la vision religieuse d’une âme pécheresse. Mieux, il n'y a pas d’âme, d’esprit, ou que sais-je, uniquement la violence d’un naturalisme humanitaire. L’homme c’est de la viande, sans la compassion que Deleuze voit dans Bacon ; une viande que l’on donne à manger au cochon.

Dans ces séries, le méchant n’est pas plus sympathique, il est plus humain, aussi humain que le héros, mais l’humanité est ici réduite à des tares, et des défauts, aux désordres de la famille, de la vie sexuelle, aux désordres affectifs.

Avant, le personnage de série, comme le super héros de comics, était un ; il n’évoluait pas plus que Dieu. Ses attributs sont essentiels ; ils déterminent son essence ; une essence publique, sans véritable intériorité. Ses problèmes ne concernent que son espace d’action publique ; on ne pouvait le juger moralement, ni s'identifier à lui, dans la conduite de son existence privée, qui lorsqu’elle était évoquée se réduisait à des schémas de relations sans consistances, sans intensités, sans risques.

La femme de Columbo sera toujours la même, son chien, ses cousins aussi, ils n’existent que dans les récits, les bavardages de Columbo, qu’on n'imagine pas divorcé, déprimé, buvant, luttant pour la garde des enfants, ou la pension alimentaire.

Pour le dire autrement, il y a une ligne de partage stricte entre le Peter Falk de la série et celui de Cassavettes ; ce qui s’est passé avec les séries nouvelles, c’est un peu un passage au-delà de cette ligne, c’est comme si les deux monde se rejoignaient, c’est comme si on découvrait que la vie de famille racontée par Columbo n’était au fond qu’un vaste mensonge, une illusion. Ce passage au-delà de la ligne ne l’aurait pas rendu plus sympathique, il aurait rendu la série moins politique. Columbo est très populaire, au deux sens du mot ; ses enquêtes ne sont pas seulement policières, il ne s’agit pas seulement de découvrir le criminel, de l’arrêter ; l’enquête policière est aussi une lutte politique d’un homme du peuple contre les élites, contre ses élites méprisantes. Pour le dire avec Rancière, l’enquête policière est le mouvement dialectique d’une démonstration d’égalité des intelligences ; l’univers de la série est presque entièrement mental, c’est une série du cerveau, pour reprendre cette vieille expression, là où les nouvelles séries sont essentiellement affaire de corps, et de langage ; dans Columbo, il y a pas de corps, pas de social, c’est une série mentale, et en même temps politique, beaucoup plus que The Wire, par exemple.

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Message par willie Sam 12 Fév 2011 - 12:51

je n'ai pas accroché à "Breaking bad" ausis vite qu'à "The wire" ou "Mad Men", après 2 épisodes ... je trouvais que les évènements s’enchaînaient beaucoup trop vite. Mais ça c'est le temps dans la série :-)

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