et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
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Borges
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et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
les films qui vous font rire,
vous ont fait rire,
vous feront rire;
sans réfléchir, et sans mentir; ceux qui me reviennent à la mémoire, sans aller les chercher
-jour de fête,
-Vos gueules les mouettes
-the party (mais à la troisième vision)
-des tas de scènes dans des tas de jerry lewis (y a de grands moments d'ennui, vides chez lui); celle du billard,par exemple, dans "family jewels"
-the philadelphia story (un somment absolu)
-bringing up baby (autre sommet)
-school of rock
-arsenic et vieilles dentelles (la première fois, rire sans fin; la seconde, presque plus; j'ai trouvé ça sinistre)
-les marx brothers (maintenant plus du tout; j'en ai arrêté plusieurs sans les finir, récemment)
-charlot-chaplin
-deux ou trois pièces de feydeau, vues à la télé
et puis des têtes, des visages, des voix, de darry cowl, jeune, bernard ménez, par exemple...
je regarde ma liste, hyper américaine : dans son bouquin sur les comédies de remariage, cavell parle sans complexe de la supériorité du cinéma américain en matière de comédie; les américains ont le génie du comique, en plus d'être transcendantaux...
vous ont fait rire,
vous feront rire;
sans réfléchir, et sans mentir; ceux qui me reviennent à la mémoire, sans aller les chercher
-jour de fête,
-Vos gueules les mouettes
-the party (mais à la troisième vision)
-des tas de scènes dans des tas de jerry lewis (y a de grands moments d'ennui, vides chez lui); celle du billard,par exemple, dans "family jewels"
-the philadelphia story (un somment absolu)
-bringing up baby (autre sommet)
-school of rock
-arsenic et vieilles dentelles (la première fois, rire sans fin; la seconde, presque plus; j'ai trouvé ça sinistre)
-les marx brothers (maintenant plus du tout; j'en ai arrêté plusieurs sans les finir, récemment)
-charlot-chaplin
-deux ou trois pièces de feydeau, vues à la télé
et puis des têtes, des visages, des voix, de darry cowl, jeune, bernard ménez, par exemple...
je regarde ma liste, hyper américaine : dans son bouquin sur les comédies de remariage, cavell parle sans complexe de la supériorité du cinéma américain en matière de comédie; les américains ont le génie du comique, en plus d'être transcendantaux...
Borges- Messages : 6044
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
- les Monty Python : Sacré Graal, La vie de Brian (gamin)
- Buster Keaton, presque tous
- les Marx Brothers, presque tous mais surtout à l'Opéra et à Casablanca (mourir de rire - gamin)
- Les temps modernes + quelques courts de Chaplin
- Bringing up Baby
- les Moretti depuis trois ou quatre ans
quelques inavouables :
- Astérix : mission Cléopâtre
- Hysterical (y a longtemps)
- Frankenstein Junior (y a longtemps aussi et j'aimerais bien loe revoir par curiosité)
et encore :
-des Jerry Lewis quand j'étais môme (j'aimerais aussi les revoir)
- La grosse valse
- Oscar (gamin)
- Tati, of course : Jour de Fête et Playtime principalement (les autres sont plus nostalgiques, mais ça fait une éternité que je n'ai pas revu Trafic) (hier, aujourd'hui et j'espère demain)
m'ont laissé consterné : les films du Splendide, les Bronzés, l'Aile ou la cuisse, Don Camillo, les Gendarmes de St Trop
aussi Arsenic et vieille dentelle ne m'a pas fait rire ; je ne comprenais pas pourquoi tout le monde se bidonnait autour de moi alors que le film était d'une tristesse à pleurer.
mais les rires que je préfère ne sont pas au cinéma. ce que j'aime par dessus tout, c'est rire avec la musique : pas Bobby Lapointe (ou plus, mais j'essaierai d'y revenir) - mais rire en écoutant le 2° mouvement de la 5° de Beethoven dirigé par Furtwängler, ou Bach joué par Isoire, ou Olé de Coltrane - voire certains passages instrumentaux de Zappa, etc... ça c'est essentiel...
- Buster Keaton, presque tous
- les Marx Brothers, presque tous mais surtout à l'Opéra et à Casablanca (mourir de rire - gamin)
- Les temps modernes + quelques courts de Chaplin
- Bringing up Baby
- les Moretti depuis trois ou quatre ans
quelques inavouables :
- Astérix : mission Cléopâtre
- Hysterical (y a longtemps)
- Frankenstein Junior (y a longtemps aussi et j'aimerais bien loe revoir par curiosité)
et encore :
-des Jerry Lewis quand j'étais môme (j'aimerais aussi les revoir)
- La grosse valse
- Oscar (gamin)
- Tati, of course : Jour de Fête et Playtime principalement (les autres sont plus nostalgiques, mais ça fait une éternité que je n'ai pas revu Trafic) (hier, aujourd'hui et j'espère demain)
m'ont laissé consterné : les films du Splendide, les Bronzés, l'Aile ou la cuisse, Don Camillo, les Gendarmes de St Trop
aussi Arsenic et vieille dentelle ne m'a pas fait rire ; je ne comprenais pas pourquoi tout le monde se bidonnait autour de moi alors que le film était d'une tristesse à pleurer.
mais les rires que je préfère ne sont pas au cinéma. ce que j'aime par dessus tout, c'est rire avec la musique : pas Bobby Lapointe (ou plus, mais j'essaierai d'y revenir) - mais rire en écoutant le 2° mouvement de la 5° de Beethoven dirigé par Furtwängler, ou Bach joué par Isoire, ou Olé de Coltrane - voire certains passages instrumentaux de Zappa, etc... ça c'est essentiel...
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
aussi quelques Kitano : Getting any, Glory to the filmmaker.
l'été de Kikujiro : une grande tristesse.
a scene at the sea après plusieurs visionnages.
l'été de Kikujiro : une grande tristesse.
a scene at the sea après plusieurs visionnages.
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
but does Humor Belong in Music?Stéphane Pichelin a écrit:
mais les rires que je préfère ne sont pas au cinéma. ce que j'aime par dessus tout, c'est rire avec la musique - rire en écoutant le 2° mouvement de la 5° de Beethoven dirigé par Furtwängler, ou Bach joué par Isoire, ou Olé de Coltrane - voire certains passages instrumentaux de Zappa, etc... ça c'est essentiel...
ce que tu décris là, c'est la joie, une plénitude d'être, que l'on peut éprouver devant toute oeuvre d'art ( en lisant certains auteurs, je souris "bêtement"), même si la musique jouit ici d'un avantage...
Borges- Messages : 6044
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
une plénitude ? justement, ce n'est pas un sourire. c'est un "trop" plein. il faut une rupture, comme un point de contention. par analogie : une syncope. éclater de rire ou tomber en syncope.
la syncope.
une valeur drôle.
avec la syncope, est-ce qu'on ne replace pas le rire face à l'événement ?
(pas plus pour l'instant : j'écris debout, dans un bar, après une journée de boulot : pas vraiment les bonnes conditions.)
la syncope.
une valeur drôle.
avec la syncope, est-ce qu'on ne replace pas le rire face à l'événement ?
(pas plus pour l'instant : j'écris debout, dans un bar, après une journée de boulot : pas vraiment les bonnes conditions.)
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Zappa, dieu sait combien je suis fan de Zappa, ne m'a jamais fait rire, excepté une imitation de Dylan par Adrian Belew dans Sheik Yerbouti, et le "dessin animé musical" Greggery peccary" dans Studio Tan. J'essaie rarement, voire jamais, de comprendre les paroles de ses chansons trop bavardes, mais musicalement, il me donne de l'allégresse. Je suis ses développements musicaux comme on suit ceux d'un Bach.
L'humour en musique, tiens, j'y crois pas tellement. L'intention de faire "rire" avec la musique, le phénomène musical comme tel j'entends, ça tend au contraire à me crisper (la citation, le pastiche, etc: si c'est réussi, ça produit une émotion musicale, joie ou tristesse, ou sérénité, ou recueillement, en dehors de toute intention réelle ou supposée du compositeur).
Je ne sais pas si Zappa croyait véritablement que l'humour appartient à la musique. Je pense que l'humour, chez Zappa, n'est jamais vraiment dans la musique elle-même (malgré sa volonté, son goût pour ça, l'héritage de Spike Jones, etc), mais dans le registre des significations, du commentaire social. Y compris sur la musique, bien sûr. Mais les épisodes ou phénomènes musicaux où Zappa procède au commentaire sur la musique (rock, ou classique, considérées comme habitus social, avec leurs trucs et ficelles) se placent par là-même comme phénomènes extra-musicaux.
Les épisodes purement musicaux (y compris en tant que songs), chez Zappa - ce que je préfère chez lui -, ne visent pas au rire (rappelons la phrase, dans Joe's garage: “Information is not knowledge, Knowledge is not wisdom, Wisdom is not truth, Truth is not beauty, Beauty is not love, Love is not music, Music is the best)”
Varèse, son maître, ça ne fait pas "rire". Stravinsky, son autre maître, même comme pastichiste (Pulcinella), ça ne fait pas rire: ça charme, ça enchante (ou pas).
L'humour de Satie, Debussy, Ravel. Oui, mais est-ce une musique drôle, qui peut faire "rire"? Je ne le pense pas.
Le jazz, Dolphy, les autres maîtres de Zappa: ces gars ne sont pas des humoristes, mais parmi les mecs les plus sérieux, les plus graves qui soient.
Olé, de Coltrane, marrant? Là, faudra que tu m'expliques, Stéphane. Mais bon, j'ai compris. Tu ne parles en effet pas de "rire", mais de "bonheur".
Je ne connais pas, dans l'histoire du Jazz, de musique plus sérieuse, mystiquement investie, sacerdotale, sans second degré aucun, dans sa recherche obstinée de l'extase, que la musique de Coltrane.
(Chacun inscrira sur son visage sa façon de vivre l'expérience musicale, particulièrement celle de l'extase. En ce qui me concerne, dans ces moments là, mon visage se ferme, j'ai alors l'air sérieux, presque sombre, pas l'ombre d'un sourire, alors qu'en moi, c'est une joie profonde).
L'humour, sous une forme acerbe, véhémente, au fond tragique, on le trouvera dans l'école Mingus. Et son disciple le plus éminent, Rahsaan Roland Kirk, qui pratiquait un humour plus léger. Là encore pas tant dans le discours musical lui-même que dans son commentaire extra ou péri-musical.
Prokofiev, "drôle"... Lieutenant Kijé par ex., c'est génial, mais pas drôle du tout.
Dimitri Shostakovich, on murmure qu'il avait énormément d'humour et que ça se sent dans ses partitions. Grinçant, l'humour. J'adore Shosta, mais quand je l'écoute (ses quatuors à cordes étant sa somme), je confesse ne pas avoir tellement envie de rire. Même dans "Le nez", opéra-bouffe, qui est une sorte de descente paniquante en enfer, finalement.
Etc.
Les bouffes parisiennes, alors? Jacques Offenbach. Honnêtement, si ça a pu faire rire aux éclats, nous dit-on, est-ce en raison du discours musical comme tel? Vraiment, je pense pas.
Je pense, par association d'idées, aux accompagnements pianistiques des films muets de la grande époque du burlesque. Ce genre de musique n'a jamais été drôle, enfin, de mon point de vue. Je dois impérativement couper le son, sinon c'est une torture.
André Delvaux accompagnait au piano les films muets à la cinémathèque de Bruxelles... J'espère que c'étaient pas les films burlesques. Je frémis rien qu'à cette idée. André Delvaux et l'humour, c'est comme un oranger sur le sol irlandais, ça n'existera jamais.
Chaplin, c'est autre chose, sa musique. Parfois très belle, mais qui ne cherche pas à être "drôle".
Par contre, l'usage de la musique comme élément participant à la rhétorique comique (répétitions, interruptions, contre-temps, etc), bien sûr, mais c'est un phénomène qui devrait s'analyser non tant comme musical que comme composante de l'image et indésolidarisable d'elle - image temps ou image mvt.
La musique dans les Tex-Avery: elle organise la temporalité comique du récit, la logique des images: fragmentation, concassage, élongation, ruptures, etc. On peut écouter à part la musique d'un Tex Avery et se marrer, oui, mais en repensant à la séquence, en réactivant le souvenir de ce qu'on a vu. Pas autrement.
Utilisée par antiphrase, aussi: Fats Waller, dans Eraserhead, ça devient étrange, et cette étrangeté fait partie du burlesque étrange que Lynch met en place.
Je fais mienne la phrase de Stravinsky, si mal comprise: "je considère la musique comme impuissante dans son essence à exprimer quoi que ce soit". On la lui a assez bien reprochée, cette phrase, sortie de son contexte. Il ne voulait pas dire par là que la musique ne pouvait pas transmettre des émotions, bien sûr. Il visait par là le postulat mimétique ou illustratif de la musique. Tout comme Debussy émettait des réserves sur la pastorale de Beethoven, se désolant que Beethoven ait voulu faire entendre, ici, une bourrasque, là l'oiseau du matin qui fait tireli-tireli, etc.
J'ai tendance à considérer que le phénomène "rire" relève de la signification (comme excès ou carence de signification). Or j'ai tendance également à considérer que la musique, ce qui fait de la musique un art des plus mystérieux, c'est qu'elle se tient quelque part en deçà ou au delà du régime des significations, mais qu'elle n'en est ni un excès ni une carence.
* * * *
En cinéma, à brûle pourpoint. Sans creuser dans mes archives, là encore. Et en vrac, au fur et à mesure que ça me revient en écrivant.
Alors, comme pour la peur, je parle de rire physique exclusivement. Pas de délices spirituels intérieurs. Donc, là encore, pas de trucs toujours "nobles". Mais tout est avouable, il n'y a pas d'inavouables.
Jerry Lewis, dans l'enfance surtout, mais plus tard aussi, également pour certaines séquences, rarement pour un film complet:
- Jerry la grande gueule: un de ses moins cotés, je crois. Mais y a plusieurs trucs qui m'ont tué dans ce film.
- le tombeur de ces dames. Plusieurs séquences dont une, dantesque, qui ne marche peut-être que sur moi: le perchman qui lui beugle un truc dans l'oreille avec un porte-voix, sur le plateau de tournage installé dans la pension. En réplique à un hurlement de Lewis dans le micro pour un test (: "géronimo", cri qui a brisé ses lunettes). Puis il se demande où a pu passer Lewis. Il découvre Lewis dans un canapé juste à côté. Je dis bien "dans": allongé, raide, en dessous des coussins - bien en ordre - qu'il enlève un par un. Tous ces trucs qui ne sont plus drôles du tout quand tu essaies de les raconter, of course.
Le principe lewissien de la catastrophe prévisible, de la destruction matérielle d'absolument tout dans le décor, c'est une des choses aussi qui chez lui me fait monter au plafond, impossible de m'y soustraire.
Dans Le tombeur des ces dames, par exemple: il doit passer le plumeau sur des bibelots en cristal hyper-rares, auxquels la matrone tient comme à la prunelle de ses yeux. Des trucs impossibles: des espèces de cigognes ou flamands roses, à longue pattes toutes fines.
La rapidité stupéfiante avec laquelle il réduit ça en pures miettes, sans aucun suspense possible, c'est un processus qui, à chaque fois, même en y pensant, m'atteint physiquement et nerveusement.
C'est inexorable et pourtant toujours surprenant. Surprenant parce qu'inexorable ou le contraire (cette logique que les deux Suisses, là, appliquent dans leur court métrage expérimental "le cours des choses").
Alors, les fameuses "grimaces" de J.L., qu'on a parfois sévèrement raillé (mauvais acteur, etc), pas toutes réussies, loin de là. Mais c'est la même logique du cataclysme: c'est une fractale, ou un sismographe. Qui figure, en se dé-figurant, le chaos matériel d'une situation a-sensique. Quand elle est réussie, c'est du pur génie. La recherche, audacieuse autant que casse-gueule, de Lewis, ne concernant plus du tout le "jeu d'acteur", mais le prolongement mutant du dessin animé, de Chuck Jones, Avery, dans le corps et l'espace photo-cinétiques.
Walter Matthau, qui m'a fait souvent craquer nerveusement, réussissait aussi ce genre de truc. Notamment dans un film très secondaire comme "fleur de cactus", avec Ingrid Bergman, ou un autre, dont j'ai jamais connu le titre: un père qui marie sa fille, laquelle, le jour de son mariage, s'enferme dans les toilettes; et tout le film, c'est Matthau qui essaie de la convaincre d'en sortir.
Dans "fleur de cactus", il est dentiste, et Ingrid Bergman son assistante, qu'il croit coincée ou frigide. Y a une scène dans ce film, peut-être une de celles qui m'a fait le plus rire dans ma vie, indescriptible. Il comprend un truc, très en retard (lié à Bergman, une révélation, de son désir, ou autre chose, je sais plus). Effet retard: alors qu'il est en train d'examiner devant son patient les radiographies de ce dernier, matthau se fige dans une espèce de catatonie ou pétrification faciale, la pensée pure comme interruption de toute action. Évidemment, le patient croit que c'est à cause de ses radios. Il lui pose des questions, très angoissé, et Matthau tient les radios, y répond pas, off, silence radio.
Bon, faut voir la scène, quoi. lol. Introuvable sur youtube.
- Dans la foulée: king of comedy, de Scorsese. Pas seulement pour Lewis, drôle parce que PAS drôle du tout, justement, mais aussi De Niro, pour les mêmes raisons. Film intensément tragique, mais vraiment drôle aussi, pour moi. Puis aussi l'autre Scorsese, qui fait la paire avec king of comedy, After hours, si souvent cité ici comme running gag. Je trouve Griffin Dune absolument drôle, attendrissant, épatant.
Miss pain de sucre, les presse-papier en plâtre, les pièges à souris autour de son lit, l'accumulation des problèmes, la scène où il essaie d'expliquer au mec atterré tout ce qui est lui arrivé, ça le fait à tous les coups chez moi.
Scorsese, on ne l'a pas assez encouragé dans cette voie, a ou avait un réel talent d'auteur comique.
- Rowan Atkinson dans Mister Bean. Mais aussi dans certains épisodes de la Vipère noire, qui constitue le pendant "hyper verbal" (trop méconnu) du comique silencieux de situation de Bean. Même le film "les vacances de Mister Bean", je ris très facilement. Atkinson, pour moi, c'est un génie de l'humour.
- Laurel & Hardy m'ont énormément fait rire môme. Je ne sais pas du tout l'effet que ça me ferait aujourd'hui.
- Oscar (Molinaro) avec De Funes: souvenirs de rires en famille, où tout le monde s'étranglait par terre. De Funes, j'adorais, je lui vouais un culte. Aujourd'hui, moins. Bourvil m'a toujours horripilé, par contre. Fernandel, je détestais enfant (parce que j'associais ça aux dimanches pluvieux chez une vieille tante, qui adorait ça). Bcp plus tard, j'ai découvert que Fernandel pouvait être d'un comique achevé
- L'emmerdeur (Molinaro): surtout pour Lino Ventura qui, dans ce film, atteint des sommets de comique sans bouger le petit doigt. C'est la situation, le contraste qui font tout. Il n'a presque besoin de rien faire, rien dire. Et ça, il le fait superbement.
- Y a-t-il un pilote dans l'avion, et Y a-t-il un flic pour sauver la reine (the naked gun) (Zucker-Abraham): pas tout, dans ces films, bien sûr. Y a des trucs qui ne marchent pas du tout. Mais attention, quand ça marche, c'est une tuerie absolue. Et Leslie Nielsen: rien que de penser à la tronche de ce mec, je me marre. Un génie comique, lui aussi.
- Curieusement, dira-t-on peut-être: un film de Ferreira-Barbosa, dont j'avais déjà parlé: "j'ai horreur de l'amour". A cause de cet hypocondriaque-paranoïaque, l'inexorable Richard Piotr, qui harcèle la doctoresse Jeanne Balibar pendant tout le film, de plus en plus gravement, surgit chaque fois du néant et avec des propos de plus en plus hénaurmes, terrifiants. Une pure leçon de burlesque tétanisant, extrêmement rare dans le cinéma français.
- Adaptation, de Spike Jonze: brillantissime et très drôle.
- Plusieurs trucs dans Mary à tout prix et Fous d'Irène, avec Jim Carrey. Dumb & Dumber, aussi.
- Impossible pas français, de Robert Lamoureux. Eh oui, moi, ça me fait super-rire, ce truc (pas tout, certes). Mais aussi des trucs dans La septième compagnie, j'avoue, j'avoue... Pierre Tornade était mon préféré de la bande. Ce mec m'achevait: sa voix, ses expressions, son regard. Et des comédies frenchies improbables des seventies (comme Le permis de conduire, avec Louis Velle et Marhe Keller). Mais bon, souvenirs d'enfance surtout.
- Certains Lautner des années 70 (la valise, pas de problème, etc). Jean-Pierre Marielle me faisait bcp rire (rien que pour lui, les galettes de Pont-Avent, c'est fendard). Je pense à son tandem avec Claude Brasseur dans "signes extérieurs de richesse".
- Nommant Claude Brasseur, je me souviens de la mini saga d'Yves Robert: Un éléphant ça trompe énormément (avec le fameux étudiant "Bouli" - Christophe Bourseiller, futur spécialiste de Guy Debord - le personnage le plus drôle du film), & Nous irons tous au paradis.
Yves Robert a d'ailleurs signé des films fort drôles. Bébert et l'omnibus (je veux un feu de Bengale), j'avais adoré. Un de ses derniers, "le bal des casse-pieds", contenait des moments qui m'ont bien fait marrer.
- Borges parle de Bernard Menès. Au delà de l'immense Maine océan de Rozier, qui est d'ailleurs drôle (plus euphorisant que comique...) en plus de tout le reste, il y a plusieurs trucs de Pascal Thomas, assistant de Rozier rappelons-le: les zozos, le chaud lapin (mais la tonalité triste l'emporte). Pour le rire, son film à sketches: "celles qu'on a pas eues" - du moins certains sketches.
- Comment réussir quand on est con est pleurnichard: ce truc totalement misanthrope et nihiliste de Michel Audiard est vraiment drôle. En tout cas, moi, je ris.
- Certaines comédies de Patrice Leconte, comme "les bronzés" (1 & 2, d'une méchanceté énormissime, des répliques qui tuent, des personnages tous plus immondes les uns que les autres), "circulez y a rien à voir" (Michel Blanc en petit inspecteur teigneux harcelant Jane Birkin. Blanc, à l'époque, était stupéfiant, presque angoissant-déjà). Toute cette équipe qui n'est plus drôle du tout depuis plus de 20 ans. Je ne sais pas si je rirais autant en les revoyant aujourd'hui.
- Le père Noël est une ordure (un peu moins aujourd'hui, je le connais trop, comme les bronzés). Ah oui, comment oublier, du même Poiré: Papy fait de la résistance. Ce film est hallucinant de drôlerie, quasi en état de grâce. Il faudrait presque tout citer là-dedans.
- Préparez vos mouchoirs (Blier): le tandem Dewaere-Depardieu m'avait fait bcp rire, à l'époque (En tout cas, le clarinettiste, il est pas manchot. - Cherche pas c'est le meilleur. Puis, à Serrault qui tambourine à la porte: toi, tu vas taire ta gueule et écouter Gervase de Brumer avec nous, plus grand clarinettiste du monde. - Je peux pas, j'ai le fisc au cul, l'ursaf au cul, la france entière au cul...). Aujourd'hui, ils me font plutôt sourire, mais bon, c'était "époqual", quoi.
- Jacques Tati, son style de "comique", ne m'a absolument jamais arraché un seul sourire. A part peut-être Jour de fête et Les vacances de Mr Hulot. Mais je le trouve trop franchouillard, vieille France, sinon.
Ce qui m'exaspère dans la suite ne fait qu'un avec cette sorte de musique-musak façon "bal musette" ou "piano bar" nostalgineuse et fantômatique qui me donne des sueurs froides. La seule chose que je peux rapprocher de cette véritable torture sonore, c'est... Bobby Lapointe, peut-être (takatitakité takitékatati, avanie et framboiiiiise. Ouille).
Alors que Robert Lamoureux, dont on pourrait certes me répondre vertement qu'y a pas plus franchouillard, ben, je trouve son comique plutôt anglo-saxon...
Playtime est un film que j'adore, qui me fascine visuellement, mais je regarde ça comme on regarderait un Antonioni, un truc tragique sans l'ombre d'un truc qui fasse rire là-dedans.
- C'est arrivé près de chez vous. Le film est assez quelconque, mais quasiment toutes les phrases que prononce Poelvoorde sont une tuerie comique. Il n'a jamais retrouvé ça (pire: il m'a toujours indisposé par la suite).
- Peter Sellers dans certaines scènes des différentes Panthères roses. Je devrais réinsister pour "the party". Je sens bien que c'est dans l'insistance que ça se passe.
- Je me souviens d'avoir bcp ri, ado, à "on se fait la valise, docteur?" avec Barbra Streisand et Ryan O'Neal. Mais je ne me souviens de rien d'autre.
- Ryan O'Neal me rappelle Kubrick... Donc, obligatoirement, docteur Folamour, qui me fait pisser de rire: les précieux fluides corporels, le distributeur de coca, le bombardier texan qui lit la notice de sa box de survie, etc.
- School of rock. Le film qui par excellence met la banane. Et la révélation de ce phénomène de fraicheur et de générosité qu'est Jack Black. Du moins dans ce film. Je ne l'avais vu que dans le King-Kong de Jackson, et ne soupçonnais pas à quel point ce mec était drôle.
- Charlie et ses drôles de dames, le 1er: j'ai trouvé ça hyper-drôle et hyper-fun. La patate du début à la fin, mais dans un style différent.
- Big Lebowski, des Coen: pas la peine de m'étendre, j'en ai déjà pas mal causé. Juste dire qu'à chaque vision, je me marrais plus, alors qu'à la toute première, pas tellement.
- Je suis un autarcique et ecce bombo, de Moretti: franchement irrésistible, et dans les contre-temps, les inventions de situations, de soliloques.
- L'as de pique, de Forman. Au feu les pompiers.
- Pulp fiction de Tarantino: hyper-méga poilade. L'épisode Bruce Willis, la montre du père qui a circulé de cul en cul jusqu'à Walken; les dials, les situations. Presque tout, en fait.
- Sacré Graal, des M.P.: mais attention, faut vraiment que je sois disposé. Y a certaines périodes propices. D'autres où ça m'indiffère à un point qui m'inquiète franchement. Mais c'est énorme. Parfois bien plus dans le souvenir légèrement différé que dans la vision proprement dite.
- Prends l'oseille et tire toi, meurtre mystérieux à Manhattan, Deconstructing Harry: les trois Woody Allen les plus drôles pour moi.
- Les dessins animés.
Comment ne pas citer les dessins animés. Ceux qui m'ont fait le plus rire enfant, c'est certainement les Titi et Grominet de Chuck Jones (la voix française de Grominet: chapeau), et plus secondairement bip-bip & le vil coyote.
Tex Avery, mais pas pour tout: il y a une période de génie pur chez lui, dans les 50s, avec notamment les séries fondées sur la poursuite entre chat et chien. Ou alors, juste un chat comme héros (celui qui supporte plus le bruit et les gens, celui qui supporte plus le son du coucou, etc). Puis le "couple" de chiens: le petit bavard et le gros lymphatique qui comprend jamais rien. Notamment quand ils sont employés à la fourrière, ou gardes anti-incendies de forêt. Et chacun de ses ratage se conclut invariablement sur une fessée. C'est tellement drôle pour moi que ça en devient presque douloureux. Depuis: trop vu et revu. Dégoûté.
Les Simpsons, les meilleures saisons étant pour moi de 2 à 9. ça reste grand, très grand. Je ne les regarde qu'en français.
Pas mal de pixar: mais là, c'est moins le rire que l'émotion (la tendresse, la bonté), puis l'émerveillement devant l'invention poétique, plastique, picturale.
Puis les bds. J'ai appris à rire avec les bds, et mes plus grands rires d'enfant, puis d'ado surtout, c'était dans les bds.
Les bijoux de la castafiore au sommet - l'affaire Tournesol, Objectif lune étant d'autres sommets de l'humour "hergéen" - clairement impossibles à "adapter" au ciné, il ne s'y passe quasiment jamais rien, et c'est ça qu'est drôle.
La tribu terrible et Hagär Dunor (des trips dans pif gadget, je crois, qui surclassaient tout le reste de cent coudées, au point qu'on se demande ce que ça foutait là), les Gaston Lagaffe de la grande époque (médiane: ceux avec Prunelle, et les éternels contrats insignables de Demesmaeker), la rubrique à brac de Gotlib, Edika (trop prolixe, mais il a eu sa grande époque).
Plus tard Quino, Garry Larson. Et surtout Daniel Goossens: le "Derrida" de la bd, de l'humour, de la déconstruction minutieuse des lieux communs, de la bêtise, de la connaissance, de l'art (cinématographique, souvent). "Laisse autant le vent emporter tout". "George & Louis romanciers", etc. Un Flaubert moderne. On le reconnaîtra peut-être enfin un jour comme un des plus grands auteurs, tous genres confondus, et le siècle sera goossensien.
JL et le jazz, une grande affaire - west coast; le corps, la danse, la syncope. "Je chante le corps électronique". Lewis précurseur du break et du smurf.
Belles pages de Deleuze dans Image-temps ("autant de ratés de danse, un degré zéro prolongé et renouvelé, varié de toutes les manières possibles, jusqu'à ce que naisse la danse parfaite (the pasty). Il faudrait citer les deux pages en totalité. Flemme.
La musique, dans ces extraits, est sublime (enfin, pour moi), elle ne fait pas "rire".
Les scènes en question, du point de vue de l'humour, ne sont pas forcément convaincantes (quoique, quoique... La séquence en NB avec Basie, je la trouve géniale), mais je ne pense pas que l'humour ait jamais été leur but premier. C'est sous un autre angle que ça se passe, qui se diffuse depuis la musique et déplace, en le divisant, le contenu de ces scènes vers un horizon émotionnel autre, plus secret. Et sous cet angle musical/corporel, qui est peut-être leur seule destination véritable, elles sont grandes.
Count Basie:
gershwinesque:
"This is a rarity", comme il dit:
L'humour en musique, tiens, j'y crois pas tellement. L'intention de faire "rire" avec la musique, le phénomène musical comme tel j'entends, ça tend au contraire à me crisper (la citation, le pastiche, etc: si c'est réussi, ça produit une émotion musicale, joie ou tristesse, ou sérénité, ou recueillement, en dehors de toute intention réelle ou supposée du compositeur).
Je ne sais pas si Zappa croyait véritablement que l'humour appartient à la musique. Je pense que l'humour, chez Zappa, n'est jamais vraiment dans la musique elle-même (malgré sa volonté, son goût pour ça, l'héritage de Spike Jones, etc), mais dans le registre des significations, du commentaire social. Y compris sur la musique, bien sûr. Mais les épisodes ou phénomènes musicaux où Zappa procède au commentaire sur la musique (rock, ou classique, considérées comme habitus social, avec leurs trucs et ficelles) se placent par là-même comme phénomènes extra-musicaux.
Les épisodes purement musicaux (y compris en tant que songs), chez Zappa - ce que je préfère chez lui -, ne visent pas au rire (rappelons la phrase, dans Joe's garage: “Information is not knowledge, Knowledge is not wisdom, Wisdom is not truth, Truth is not beauty, Beauty is not love, Love is not music, Music is the best)”
Varèse, son maître, ça ne fait pas "rire". Stravinsky, son autre maître, même comme pastichiste (Pulcinella), ça ne fait pas rire: ça charme, ça enchante (ou pas).
L'humour de Satie, Debussy, Ravel. Oui, mais est-ce une musique drôle, qui peut faire "rire"? Je ne le pense pas.
Le jazz, Dolphy, les autres maîtres de Zappa: ces gars ne sont pas des humoristes, mais parmi les mecs les plus sérieux, les plus graves qui soient.
Olé, de Coltrane, marrant? Là, faudra que tu m'expliques, Stéphane. Mais bon, j'ai compris. Tu ne parles en effet pas de "rire", mais de "bonheur".
Je ne connais pas, dans l'histoire du Jazz, de musique plus sérieuse, mystiquement investie, sacerdotale, sans second degré aucun, dans sa recherche obstinée de l'extase, que la musique de Coltrane.
(Chacun inscrira sur son visage sa façon de vivre l'expérience musicale, particulièrement celle de l'extase. En ce qui me concerne, dans ces moments là, mon visage se ferme, j'ai alors l'air sérieux, presque sombre, pas l'ombre d'un sourire, alors qu'en moi, c'est une joie profonde).
L'humour, sous une forme acerbe, véhémente, au fond tragique, on le trouvera dans l'école Mingus. Et son disciple le plus éminent, Rahsaan Roland Kirk, qui pratiquait un humour plus léger. Là encore pas tant dans le discours musical lui-même que dans son commentaire extra ou péri-musical.
Prokofiev, "drôle"... Lieutenant Kijé par ex., c'est génial, mais pas drôle du tout.
Dimitri Shostakovich, on murmure qu'il avait énormément d'humour et que ça se sent dans ses partitions. Grinçant, l'humour. J'adore Shosta, mais quand je l'écoute (ses quatuors à cordes étant sa somme), je confesse ne pas avoir tellement envie de rire. Même dans "Le nez", opéra-bouffe, qui est une sorte de descente paniquante en enfer, finalement.
Etc.
Les bouffes parisiennes, alors? Jacques Offenbach. Honnêtement, si ça a pu faire rire aux éclats, nous dit-on, est-ce en raison du discours musical comme tel? Vraiment, je pense pas.
Je pense, par association d'idées, aux accompagnements pianistiques des films muets de la grande époque du burlesque. Ce genre de musique n'a jamais été drôle, enfin, de mon point de vue. Je dois impérativement couper le son, sinon c'est une torture.
André Delvaux accompagnait au piano les films muets à la cinémathèque de Bruxelles... J'espère que c'étaient pas les films burlesques. Je frémis rien qu'à cette idée. André Delvaux et l'humour, c'est comme un oranger sur le sol irlandais, ça n'existera jamais.
Chaplin, c'est autre chose, sa musique. Parfois très belle, mais qui ne cherche pas à être "drôle".
Par contre, l'usage de la musique comme élément participant à la rhétorique comique (répétitions, interruptions, contre-temps, etc), bien sûr, mais c'est un phénomène qui devrait s'analyser non tant comme musical que comme composante de l'image et indésolidarisable d'elle - image temps ou image mvt.
La musique dans les Tex-Avery: elle organise la temporalité comique du récit, la logique des images: fragmentation, concassage, élongation, ruptures, etc. On peut écouter à part la musique d'un Tex Avery et se marrer, oui, mais en repensant à la séquence, en réactivant le souvenir de ce qu'on a vu. Pas autrement.
Utilisée par antiphrase, aussi: Fats Waller, dans Eraserhead, ça devient étrange, et cette étrangeté fait partie du burlesque étrange que Lynch met en place.
Je fais mienne la phrase de Stravinsky, si mal comprise: "je considère la musique comme impuissante dans son essence à exprimer quoi que ce soit". On la lui a assez bien reprochée, cette phrase, sortie de son contexte. Il ne voulait pas dire par là que la musique ne pouvait pas transmettre des émotions, bien sûr. Il visait par là le postulat mimétique ou illustratif de la musique. Tout comme Debussy émettait des réserves sur la pastorale de Beethoven, se désolant que Beethoven ait voulu faire entendre, ici, une bourrasque, là l'oiseau du matin qui fait tireli-tireli, etc.
J'ai tendance à considérer que le phénomène "rire" relève de la signification (comme excès ou carence de signification). Or j'ai tendance également à considérer que la musique, ce qui fait de la musique un art des plus mystérieux, c'est qu'elle se tient quelque part en deçà ou au delà du régime des significations, mais qu'elle n'en est ni un excès ni une carence.
* * * *
En cinéma, à brûle pourpoint. Sans creuser dans mes archives, là encore. Et en vrac, au fur et à mesure que ça me revient en écrivant.
Alors, comme pour la peur, je parle de rire physique exclusivement. Pas de délices spirituels intérieurs. Donc, là encore, pas de trucs toujours "nobles". Mais tout est avouable, il n'y a pas d'inavouables.
Jerry Lewis, dans l'enfance surtout, mais plus tard aussi, également pour certaines séquences, rarement pour un film complet:
- Jerry la grande gueule: un de ses moins cotés, je crois. Mais y a plusieurs trucs qui m'ont tué dans ce film.
- le tombeur de ces dames. Plusieurs séquences dont une, dantesque, qui ne marche peut-être que sur moi: le perchman qui lui beugle un truc dans l'oreille avec un porte-voix, sur le plateau de tournage installé dans la pension. En réplique à un hurlement de Lewis dans le micro pour un test (: "géronimo", cri qui a brisé ses lunettes). Puis il se demande où a pu passer Lewis. Il découvre Lewis dans un canapé juste à côté. Je dis bien "dans": allongé, raide, en dessous des coussins - bien en ordre - qu'il enlève un par un. Tous ces trucs qui ne sont plus drôles du tout quand tu essaies de les raconter, of course.
Le principe lewissien de la catastrophe prévisible, de la destruction matérielle d'absolument tout dans le décor, c'est une des choses aussi qui chez lui me fait monter au plafond, impossible de m'y soustraire.
Dans Le tombeur des ces dames, par exemple: il doit passer le plumeau sur des bibelots en cristal hyper-rares, auxquels la matrone tient comme à la prunelle de ses yeux. Des trucs impossibles: des espèces de cigognes ou flamands roses, à longue pattes toutes fines.
La rapidité stupéfiante avec laquelle il réduit ça en pures miettes, sans aucun suspense possible, c'est un processus qui, à chaque fois, même en y pensant, m'atteint physiquement et nerveusement.
C'est inexorable et pourtant toujours surprenant. Surprenant parce qu'inexorable ou le contraire (cette logique que les deux Suisses, là, appliquent dans leur court métrage expérimental "le cours des choses").
Alors, les fameuses "grimaces" de J.L., qu'on a parfois sévèrement raillé (mauvais acteur, etc), pas toutes réussies, loin de là. Mais c'est la même logique du cataclysme: c'est une fractale, ou un sismographe. Qui figure, en se dé-figurant, le chaos matériel d'une situation a-sensique. Quand elle est réussie, c'est du pur génie. La recherche, audacieuse autant que casse-gueule, de Lewis, ne concernant plus du tout le "jeu d'acteur", mais le prolongement mutant du dessin animé, de Chuck Jones, Avery, dans le corps et l'espace photo-cinétiques.
Walter Matthau, qui m'a fait souvent craquer nerveusement, réussissait aussi ce genre de truc. Notamment dans un film très secondaire comme "fleur de cactus", avec Ingrid Bergman, ou un autre, dont j'ai jamais connu le titre: un père qui marie sa fille, laquelle, le jour de son mariage, s'enferme dans les toilettes; et tout le film, c'est Matthau qui essaie de la convaincre d'en sortir.
Dans "fleur de cactus", il est dentiste, et Ingrid Bergman son assistante, qu'il croit coincée ou frigide. Y a une scène dans ce film, peut-être une de celles qui m'a fait le plus rire dans ma vie, indescriptible. Il comprend un truc, très en retard (lié à Bergman, une révélation, de son désir, ou autre chose, je sais plus). Effet retard: alors qu'il est en train d'examiner devant son patient les radiographies de ce dernier, matthau se fige dans une espèce de catatonie ou pétrification faciale, la pensée pure comme interruption de toute action. Évidemment, le patient croit que c'est à cause de ses radios. Il lui pose des questions, très angoissé, et Matthau tient les radios, y répond pas, off, silence radio.
Bon, faut voir la scène, quoi. lol. Introuvable sur youtube.
- Dans la foulée: king of comedy, de Scorsese. Pas seulement pour Lewis, drôle parce que PAS drôle du tout, justement, mais aussi De Niro, pour les mêmes raisons. Film intensément tragique, mais vraiment drôle aussi, pour moi. Puis aussi l'autre Scorsese, qui fait la paire avec king of comedy, After hours, si souvent cité ici comme running gag. Je trouve Griffin Dune absolument drôle, attendrissant, épatant.
Miss pain de sucre, les presse-papier en plâtre, les pièges à souris autour de son lit, l'accumulation des problèmes, la scène où il essaie d'expliquer au mec atterré tout ce qui est lui arrivé, ça le fait à tous les coups chez moi.
Scorsese, on ne l'a pas assez encouragé dans cette voie, a ou avait un réel talent d'auteur comique.
- Rowan Atkinson dans Mister Bean. Mais aussi dans certains épisodes de la Vipère noire, qui constitue le pendant "hyper verbal" (trop méconnu) du comique silencieux de situation de Bean. Même le film "les vacances de Mister Bean", je ris très facilement. Atkinson, pour moi, c'est un génie de l'humour.
- Laurel & Hardy m'ont énormément fait rire môme. Je ne sais pas du tout l'effet que ça me ferait aujourd'hui.
- Oscar (Molinaro) avec De Funes: souvenirs de rires en famille, où tout le monde s'étranglait par terre. De Funes, j'adorais, je lui vouais un culte. Aujourd'hui, moins. Bourvil m'a toujours horripilé, par contre. Fernandel, je détestais enfant (parce que j'associais ça aux dimanches pluvieux chez une vieille tante, qui adorait ça). Bcp plus tard, j'ai découvert que Fernandel pouvait être d'un comique achevé
- L'emmerdeur (Molinaro): surtout pour Lino Ventura qui, dans ce film, atteint des sommets de comique sans bouger le petit doigt. C'est la situation, le contraste qui font tout. Il n'a presque besoin de rien faire, rien dire. Et ça, il le fait superbement.
- Y a-t-il un pilote dans l'avion, et Y a-t-il un flic pour sauver la reine (the naked gun) (Zucker-Abraham): pas tout, dans ces films, bien sûr. Y a des trucs qui ne marchent pas du tout. Mais attention, quand ça marche, c'est une tuerie absolue. Et Leslie Nielsen: rien que de penser à la tronche de ce mec, je me marre. Un génie comique, lui aussi.
- Curieusement, dira-t-on peut-être: un film de Ferreira-Barbosa, dont j'avais déjà parlé: "j'ai horreur de l'amour". A cause de cet hypocondriaque-paranoïaque, l'inexorable Richard Piotr, qui harcèle la doctoresse Jeanne Balibar pendant tout le film, de plus en plus gravement, surgit chaque fois du néant et avec des propos de plus en plus hénaurmes, terrifiants. Une pure leçon de burlesque tétanisant, extrêmement rare dans le cinéma français.
- Adaptation, de Spike Jonze: brillantissime et très drôle.
- Plusieurs trucs dans Mary à tout prix et Fous d'Irène, avec Jim Carrey. Dumb & Dumber, aussi.
- Impossible pas français, de Robert Lamoureux. Eh oui, moi, ça me fait super-rire, ce truc (pas tout, certes). Mais aussi des trucs dans La septième compagnie, j'avoue, j'avoue... Pierre Tornade était mon préféré de la bande. Ce mec m'achevait: sa voix, ses expressions, son regard. Et des comédies frenchies improbables des seventies (comme Le permis de conduire, avec Louis Velle et Marhe Keller). Mais bon, souvenirs d'enfance surtout.
- Certains Lautner des années 70 (la valise, pas de problème, etc). Jean-Pierre Marielle me faisait bcp rire (rien que pour lui, les galettes de Pont-Avent, c'est fendard). Je pense à son tandem avec Claude Brasseur dans "signes extérieurs de richesse".
- Nommant Claude Brasseur, je me souviens de la mini saga d'Yves Robert: Un éléphant ça trompe énormément (avec le fameux étudiant "Bouli" - Christophe Bourseiller, futur spécialiste de Guy Debord - le personnage le plus drôle du film), & Nous irons tous au paradis.
Yves Robert a d'ailleurs signé des films fort drôles. Bébert et l'omnibus (je veux un feu de Bengale), j'avais adoré. Un de ses derniers, "le bal des casse-pieds", contenait des moments qui m'ont bien fait marrer.
- Borges parle de Bernard Menès. Au delà de l'immense Maine océan de Rozier, qui est d'ailleurs drôle (plus euphorisant que comique...) en plus de tout le reste, il y a plusieurs trucs de Pascal Thomas, assistant de Rozier rappelons-le: les zozos, le chaud lapin (mais la tonalité triste l'emporte). Pour le rire, son film à sketches: "celles qu'on a pas eues" - du moins certains sketches.
- Comment réussir quand on est con est pleurnichard: ce truc totalement misanthrope et nihiliste de Michel Audiard est vraiment drôle. En tout cas, moi, je ris.
- Certaines comédies de Patrice Leconte, comme "les bronzés" (1 & 2, d'une méchanceté énormissime, des répliques qui tuent, des personnages tous plus immondes les uns que les autres), "circulez y a rien à voir" (Michel Blanc en petit inspecteur teigneux harcelant Jane Birkin. Blanc, à l'époque, était stupéfiant, presque angoissant-déjà). Toute cette équipe qui n'est plus drôle du tout depuis plus de 20 ans. Je ne sais pas si je rirais autant en les revoyant aujourd'hui.
- Le père Noël est une ordure (un peu moins aujourd'hui, je le connais trop, comme les bronzés). Ah oui, comment oublier, du même Poiré: Papy fait de la résistance. Ce film est hallucinant de drôlerie, quasi en état de grâce. Il faudrait presque tout citer là-dedans.
- Préparez vos mouchoirs (Blier): le tandem Dewaere-Depardieu m'avait fait bcp rire, à l'époque (En tout cas, le clarinettiste, il est pas manchot. - Cherche pas c'est le meilleur. Puis, à Serrault qui tambourine à la porte: toi, tu vas taire ta gueule et écouter Gervase de Brumer avec nous, plus grand clarinettiste du monde. - Je peux pas, j'ai le fisc au cul, l'ursaf au cul, la france entière au cul...). Aujourd'hui, ils me font plutôt sourire, mais bon, c'était "époqual", quoi.
- Jacques Tati, son style de "comique", ne m'a absolument jamais arraché un seul sourire. A part peut-être Jour de fête et Les vacances de Mr Hulot. Mais je le trouve trop franchouillard, vieille France, sinon.
Ce qui m'exaspère dans la suite ne fait qu'un avec cette sorte de musique-musak façon "bal musette" ou "piano bar" nostalgineuse et fantômatique qui me donne des sueurs froides. La seule chose que je peux rapprocher de cette véritable torture sonore, c'est... Bobby Lapointe, peut-être (takatitakité takitékatati, avanie et framboiiiiise. Ouille).
Alors que Robert Lamoureux, dont on pourrait certes me répondre vertement qu'y a pas plus franchouillard, ben, je trouve son comique plutôt anglo-saxon...
Playtime est un film que j'adore, qui me fascine visuellement, mais je regarde ça comme on regarderait un Antonioni, un truc tragique sans l'ombre d'un truc qui fasse rire là-dedans.
- C'est arrivé près de chez vous. Le film est assez quelconque, mais quasiment toutes les phrases que prononce Poelvoorde sont une tuerie comique. Il n'a jamais retrouvé ça (pire: il m'a toujours indisposé par la suite).
- Peter Sellers dans certaines scènes des différentes Panthères roses. Je devrais réinsister pour "the party". Je sens bien que c'est dans l'insistance que ça se passe.
- Je me souviens d'avoir bcp ri, ado, à "on se fait la valise, docteur?" avec Barbra Streisand et Ryan O'Neal. Mais je ne me souviens de rien d'autre.
- Ryan O'Neal me rappelle Kubrick... Donc, obligatoirement, docteur Folamour, qui me fait pisser de rire: les précieux fluides corporels, le distributeur de coca, le bombardier texan qui lit la notice de sa box de survie, etc.
- School of rock. Le film qui par excellence met la banane. Et la révélation de ce phénomène de fraicheur et de générosité qu'est Jack Black. Du moins dans ce film. Je ne l'avais vu que dans le King-Kong de Jackson, et ne soupçonnais pas à quel point ce mec était drôle.
- Charlie et ses drôles de dames, le 1er: j'ai trouvé ça hyper-drôle et hyper-fun. La patate du début à la fin, mais dans un style différent.
- Big Lebowski, des Coen: pas la peine de m'étendre, j'en ai déjà pas mal causé. Juste dire qu'à chaque vision, je me marrais plus, alors qu'à la toute première, pas tellement.
- Je suis un autarcique et ecce bombo, de Moretti: franchement irrésistible, et dans les contre-temps, les inventions de situations, de soliloques.
- L'as de pique, de Forman. Au feu les pompiers.
- Pulp fiction de Tarantino: hyper-méga poilade. L'épisode Bruce Willis, la montre du père qui a circulé de cul en cul jusqu'à Walken; les dials, les situations. Presque tout, en fait.
- Sacré Graal, des M.P.: mais attention, faut vraiment que je sois disposé. Y a certaines périodes propices. D'autres où ça m'indiffère à un point qui m'inquiète franchement. Mais c'est énorme. Parfois bien plus dans le souvenir légèrement différé que dans la vision proprement dite.
- Prends l'oseille et tire toi, meurtre mystérieux à Manhattan, Deconstructing Harry: les trois Woody Allen les plus drôles pour moi.
- Les dessins animés.
Comment ne pas citer les dessins animés. Ceux qui m'ont fait le plus rire enfant, c'est certainement les Titi et Grominet de Chuck Jones (la voix française de Grominet: chapeau), et plus secondairement bip-bip & le vil coyote.
Tex Avery, mais pas pour tout: il y a une période de génie pur chez lui, dans les 50s, avec notamment les séries fondées sur la poursuite entre chat et chien. Ou alors, juste un chat comme héros (celui qui supporte plus le bruit et les gens, celui qui supporte plus le son du coucou, etc). Puis le "couple" de chiens: le petit bavard et le gros lymphatique qui comprend jamais rien. Notamment quand ils sont employés à la fourrière, ou gardes anti-incendies de forêt. Et chacun de ses ratage se conclut invariablement sur une fessée. C'est tellement drôle pour moi que ça en devient presque douloureux. Depuis: trop vu et revu. Dégoûté.
Les Simpsons, les meilleures saisons étant pour moi de 2 à 9. ça reste grand, très grand. Je ne les regarde qu'en français.
Pas mal de pixar: mais là, c'est moins le rire que l'émotion (la tendresse, la bonté), puis l'émerveillement devant l'invention poétique, plastique, picturale.
Puis les bds. J'ai appris à rire avec les bds, et mes plus grands rires d'enfant, puis d'ado surtout, c'était dans les bds.
Les bijoux de la castafiore au sommet - l'affaire Tournesol, Objectif lune étant d'autres sommets de l'humour "hergéen" - clairement impossibles à "adapter" au ciné, il ne s'y passe quasiment jamais rien, et c'est ça qu'est drôle.
La tribu terrible et Hagär Dunor (des trips dans pif gadget, je crois, qui surclassaient tout le reste de cent coudées, au point qu'on se demande ce que ça foutait là), les Gaston Lagaffe de la grande époque (médiane: ceux avec Prunelle, et les éternels contrats insignables de Demesmaeker), la rubrique à brac de Gotlib, Edika (trop prolixe, mais il a eu sa grande époque).
Plus tard Quino, Garry Larson. Et surtout Daniel Goossens: le "Derrida" de la bd, de l'humour, de la déconstruction minutieuse des lieux communs, de la bêtise, de la connaissance, de l'art (cinématographique, souvent). "Laisse autant le vent emporter tout". "George & Louis romanciers", etc. Un Flaubert moderne. On le reconnaîtra peut-être enfin un jour comme un des plus grands auteurs, tous genres confondus, et le siècle sera goossensien.
JL et le jazz, une grande affaire - west coast; le corps, la danse, la syncope. "Je chante le corps électronique". Lewis précurseur du break et du smurf.
Belles pages de Deleuze dans Image-temps ("autant de ratés de danse, un degré zéro prolongé et renouvelé, varié de toutes les manières possibles, jusqu'à ce que naisse la danse parfaite (the pasty). Il faudrait citer les deux pages en totalité. Flemme.
La musique, dans ces extraits, est sublime (enfin, pour moi), elle ne fait pas "rire".
Les scènes en question, du point de vue de l'humour, ne sont pas forcément convaincantes (quoique, quoique... La séquence en NB avec Basie, je la trouve géniale), mais je ne pense pas que l'humour ait jamais été leur but premier. C'est sous un autre angle que ça se passe, qui se diffuse depuis la musique et déplace, en le divisant, le contenu de ces scènes vers un horizon émotionnel autre, plus secret. Et sous cet angle musical/corporel, qui est peut-être leur seule destination véritable, elles sont grandes.
Count Basie:
gershwinesque:
"This is a rarity", comme il dit:
Dernière édition par jerzy P le Sam 4 Fév 2012 - 6:57, édité 27 fois
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Allez j’y vais, liste sage et prévisible
Récemment (je ne me suis pas trop marré en fait) :
-la Cité de l’Indicible Peur de Mocky (Poiret, Véronique Nordey et Raymond Rouleau en maire sont excellents), Bourvil pas mal. Les musiques des films de Mocky sont aussi géniales, soit par leur emphase (Solo) soit drôle comme la chansons de « la Cité »."Ville à Vendre" pas mal mais moins que "la cité", congelé dans l'élégance désincarnée des années 80.
-La Comédie du Travail de Luc Moulet (la scène immense du directeur de l’ANPE –je sais plus qui est l’acteur puis peu après Noël Simsolo en curé - engueulants Sabine Haudepin). J’aime bien aussi le personnage de Sabine Haudepin mais sa manière de parler et de bouger me rappelle trop une ancienne amie, ça crée un malaise je m’étale.
-même dans le Miroir de Tarkovski il ya cette phrase du mari sur le nouveau mari de sa femme : « ton écrivain il s’appelle comment, Dostoïevski ?!», scène dîgne de Pialt, peut-tre meilleure)
-des Jours et des Nuits dans la Forêt de Satyavit Ray est fort drôle, plans drague loupé de la bourgeoisie bengalie qui court après la mode « gauchiste » européenne depuis l’intérieur ‘une caste, entre Renoir et Pasolini, beaux personnages de femmes qui font un peu voler le cadre
-je pense que « Comment je Me suis Disputé » de Desplechin, qui m’avait « bouleversé », m’apparaîtrait maintenant comme une bonne comédie
Avant :
des films vus en famille, liés à la VHS, les films du Splendid et de Leconte (même si le personnage de Leconte est triste, mais ses films sont quand-même mieux que Jeunet pour finalement le même rapport au public), les Valseuses et Tenu de Soirée, plus les films du ciné-club de France 3, « Drôle de Drame » « L’Auberge Rouge » (tôt le sentiment que ces vieux films pouvaient être plus drôles que les actuels, que la fibre anar qui remontait même chez dans la bourgeoise était morte), des films de Scola (« le Bal », « Nous nous sommes tant aimés »,).
Mon père adorait « To Be or Not to Be » et « la vie est Belle » de Capra. « La Vie est un Long Fleuve Tranquille » était aussi assez bien vu pour cerner la bourgeoisie du nord de la France et un peu de la Belgique (les cours de catéchisme « de gauche », qui permettent de se compter). Mais le métier de publicitaire implique la caricature. Brialy dans les premiers Chabrol, même si ce sont des films en fait très sérieux, sur le doute moral et la perte de foi. A un moment sur Arte il y avait Harlis de Van Ackeren, « Crazy Love » de Derrudere, j’avais bien amé le côté Fassbinder light, le sexe faisait rire en famille, quand l’idée de transgression existait à propos de choses en fait innocentes, et donc ni jugées ni franchies. Baisers Volés de Truffaut. « Tampopo » d’Itâmi faisait bien rire mes parents, je crois que c’était à cause des Préludes de Liszt sur les scènes de cuissons et de sexe. Amadeux de Forman.
Un Astérix en VHS (celui avec Bardot et l’administration). Quand j’étais tout petit mon père m’avait emmené au ciné voir « le Dieux sont Tombés sur la Tête » qui avait fait un carton, j’ai encore des images du film dans la tête je crois que je riais sans comprendre, je ne sais pas si il est drôle, le sujet joue sur l’exotisme vaseux du bon sauvage naïf. A une époque la BBC (la Belgique a été très tôt très câblée, dès le début des années 80) diffusait des films français la nuit par snobisme, avec une sorte de croisement entre Ewan McGregor et Hugues Dayez à la présentation, des Renoir comme le Crime de Monsieur Lange et la Grande Evasion, des Rohmer « Ma Nuit chez Maud» . Le fait que le présentateur du ciné-club de france3 soit resté invisible est un avantage énorme
A la fin cette émission "cinéphile" partait complètement en couille, pour leur dernier numéro c’était « le Ciel les Oiseaux et ta Mère « (regardable en fait mais bon pas marquant)
De Funès est à la mode, Dhéry a déjà été cité, le Petit Baigneur ça ,ne me faisait pas rire enfant mais le licenciement de l’ingénieur est drôle (et à présent réaliste sur les rapports de travail, alors qu’à l’époque c’était un pétage de plomb pathologique, c'est même en dessous de la réalité de situations vécues).
Je me souviens qu'un prof de primaire l'avait conseillé quand il passait à la télé
Certains trucs des Inconnus (la Lecture du Petit Prince dans je ne sais plus quel film).
Séries télé : Alf, le Prince de Bel Air, Quoi de Neuf Docteur, bien nul et réac mais je le percevais pas (jusqu’à l’épisode lacrymal où le copain de la fille meurt). « Ma Sorcière bien Aimée » ne me faisait pas rire mais maintenant si, c’est super bien écrit, en apparence léger, mais lucide sur l’aspect tue-l’amour du mariage et de la maison unifamilale (trop adulte pour un enfant). L'épisode où la NASA vérifie que la mère de Samantha n'est pas une arme, pas mal, drison de la gurrre froide et de la guerre du viet nam.
A vrai dire l’engouement récent pour les séries me semble faux, celles des années 60 sont déjà excellentes et cohérentes dans leur esthétiques. Une fois il y a 10 ans j’ai vu un épisode des Soprano qui était marrant mais complètement copié sur « Femmes entre Elles » de Pavese sur une tenancière de boutique bourgeoisie désoeuvrée qui tombe amoureuse de son ouvrier (je pense plus par paresse scénaristique que par hommage, genre " de toute manière Paverse c'est italien cmme la mafia non?"), Mad Men je peux pas tenir, un film comme "A Single Man" dit la même chose très bien en 1h30, et il faudrait que ça dure 10 ans. Et je ne peux pas m'attacher à un personnage, je sens le sueur du scénariste qui pisse de la copie et qui a un moment doit déléguer à d'autres qui ne sont pas crédités. Cela me fait aussi penser à la scène de Fahrenheit 451 de Truffaut où le spectateur est obligé d'avoir un "avis" sur l'intrigue. Les 10 minutes que j'ai vu de "Lost" c'était complètement con. "Friends" à 17 ans j'étais trop jeune et à 18 trop vieux. « A la Maison Blanche » c’est la légitimation par avance des néo-cons (un épisode horrible vu juste avant le 11 septembre, où Martin Sheen dit du Président pakistanais qui veut déclencher une guerre nucléaire au Cachemire: "arrosez le c'est le prix de la paix et de notre style de vie", sans aucune ironie, c'est le mot de la fin comme si c'était une leçon de vie sur les concession impliquée par l'âge adulte)
Récemment (je ne me suis pas trop marré en fait) :
-la Cité de l’Indicible Peur de Mocky (Poiret, Véronique Nordey et Raymond Rouleau en maire sont excellents), Bourvil pas mal. Les musiques des films de Mocky sont aussi géniales, soit par leur emphase (Solo) soit drôle comme la chansons de « la Cité »."Ville à Vendre" pas mal mais moins que "la cité", congelé dans l'élégance désincarnée des années 80.
-La Comédie du Travail de Luc Moulet (la scène immense du directeur de l’ANPE –je sais plus qui est l’acteur puis peu après Noël Simsolo en curé - engueulants Sabine Haudepin). J’aime bien aussi le personnage de Sabine Haudepin mais sa manière de parler et de bouger me rappelle trop une ancienne amie, ça crée un malaise je m’étale.
-même dans le Miroir de Tarkovski il ya cette phrase du mari sur le nouveau mari de sa femme : « ton écrivain il s’appelle comment, Dostoïevski ?!», scène dîgne de Pialt, peut-tre meilleure)
-des Jours et des Nuits dans la Forêt de Satyavit Ray est fort drôle, plans drague loupé de la bourgeoisie bengalie qui court après la mode « gauchiste » européenne depuis l’intérieur ‘une caste, entre Renoir et Pasolini, beaux personnages de femmes qui font un peu voler le cadre
-je pense que « Comment je Me suis Disputé » de Desplechin, qui m’avait « bouleversé », m’apparaîtrait maintenant comme une bonne comédie
Avant :
des films vus en famille, liés à la VHS, les films du Splendid et de Leconte (même si le personnage de Leconte est triste, mais ses films sont quand-même mieux que Jeunet pour finalement le même rapport au public), les Valseuses et Tenu de Soirée, plus les films du ciné-club de France 3, « Drôle de Drame » « L’Auberge Rouge » (tôt le sentiment que ces vieux films pouvaient être plus drôles que les actuels, que la fibre anar qui remontait même chez dans la bourgeoise était morte), des films de Scola (« le Bal », « Nous nous sommes tant aimés »,).
Mon père adorait « To Be or Not to Be » et « la vie est Belle » de Capra. « La Vie est un Long Fleuve Tranquille » était aussi assez bien vu pour cerner la bourgeoisie du nord de la France et un peu de la Belgique (les cours de catéchisme « de gauche », qui permettent de se compter). Mais le métier de publicitaire implique la caricature. Brialy dans les premiers Chabrol, même si ce sont des films en fait très sérieux, sur le doute moral et la perte de foi. A un moment sur Arte il y avait Harlis de Van Ackeren, « Crazy Love » de Derrudere, j’avais bien amé le côté Fassbinder light, le sexe faisait rire en famille, quand l’idée de transgression existait à propos de choses en fait innocentes, et donc ni jugées ni franchies. Baisers Volés de Truffaut. « Tampopo » d’Itâmi faisait bien rire mes parents, je crois que c’était à cause des Préludes de Liszt sur les scènes de cuissons et de sexe. Amadeux de Forman.
Un Astérix en VHS (celui avec Bardot et l’administration). Quand j’étais tout petit mon père m’avait emmené au ciné voir « le Dieux sont Tombés sur la Tête » qui avait fait un carton, j’ai encore des images du film dans la tête je crois que je riais sans comprendre, je ne sais pas si il est drôle, le sujet joue sur l’exotisme vaseux du bon sauvage naïf. A une époque la BBC (la Belgique a été très tôt très câblée, dès le début des années 80) diffusait des films français la nuit par snobisme, avec une sorte de croisement entre Ewan McGregor et Hugues Dayez à la présentation, des Renoir comme le Crime de Monsieur Lange et la Grande Evasion, des Rohmer « Ma Nuit chez Maud» . Le fait que le présentateur du ciné-club de france3 soit resté invisible est un avantage énorme
A la fin cette émission "cinéphile" partait complètement en couille, pour leur dernier numéro c’était « le Ciel les Oiseaux et ta Mère « (regardable en fait mais bon pas marquant)
De Funès est à la mode, Dhéry a déjà été cité, le Petit Baigneur ça ,ne me faisait pas rire enfant mais le licenciement de l’ingénieur est drôle (et à présent réaliste sur les rapports de travail, alors qu’à l’époque c’était un pétage de plomb pathologique, c'est même en dessous de la réalité de situations vécues).
Je me souviens qu'un prof de primaire l'avait conseillé quand il passait à la télé
Certains trucs des Inconnus (la Lecture du Petit Prince dans je ne sais plus quel film).
Séries télé : Alf, le Prince de Bel Air, Quoi de Neuf Docteur, bien nul et réac mais je le percevais pas (jusqu’à l’épisode lacrymal où le copain de la fille meurt). « Ma Sorcière bien Aimée » ne me faisait pas rire mais maintenant si, c’est super bien écrit, en apparence léger, mais lucide sur l’aspect tue-l’amour du mariage et de la maison unifamilale (trop adulte pour un enfant). L'épisode où la NASA vérifie que la mère de Samantha n'est pas une arme, pas mal, drison de la gurrre froide et de la guerre du viet nam.
A vrai dire l’engouement récent pour les séries me semble faux, celles des années 60 sont déjà excellentes et cohérentes dans leur esthétiques. Une fois il y a 10 ans j’ai vu un épisode des Soprano qui était marrant mais complètement copié sur « Femmes entre Elles » de Pavese sur une tenancière de boutique bourgeoisie désoeuvrée qui tombe amoureuse de son ouvrier (je pense plus par paresse scénaristique que par hommage, genre " de toute manière Paverse c'est italien cmme la mafia non?"), Mad Men je peux pas tenir, un film comme "A Single Man" dit la même chose très bien en 1h30, et il faudrait que ça dure 10 ans. Et je ne peux pas m'attacher à un personnage, je sens le sueur du scénariste qui pisse de la copie et qui a un moment doit déléguer à d'autres qui ne sont pas crédités. Cela me fait aussi penser à la scène de Fahrenheit 451 de Truffaut où le spectateur est obligé d'avoir un "avis" sur l'intrigue. Les 10 minutes que j'ai vu de "Lost" c'était complètement con. "Friends" à 17 ans j'étais trop jeune et à 18 trop vieux. « A la Maison Blanche » c’est la légitimation par avance des néo-cons (un épisode horrible vu juste avant le 11 septembre, où Martin Sheen dit du Président pakistanais qui veut déclencher une guerre nucléaire au Cachemire: "arrosez le c'est le prix de la paix et de notre style de vie", sans aucune ironie, c'est le mot de la fin comme si c'était une leçon de vie sur les concession impliquée par l'âge adulte)
Dernière édition par Tony le Mort le Sam 4 Fév 2012 - 12:54, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Il y a des souvenirs lointains de Louis de Funès, Bud Spencer et Terrence Hill, Coluche, Pierre Richard, Michel Serrault, Audiard, les Bronzés et compagnie.
Il me reste toujours Peter Sellers (The Party, Docteur Folamour), les Monty Python, Billy Wilder (Certains l'aiment chaud), La vie aquatique (ça ne fait rire que moi apparemment), moins avouable mais mal de ventre tellement j'ai ri: OSS 117 Rio ne répond plus (magnifique Pierre Bellemare, merci Malika ;-)).
Si le reste ne me revient pas tout de suite, c'est que ce ne sera pas si important.
Il me reste toujours Peter Sellers (The Party, Docteur Folamour), les Monty Python, Billy Wilder (Certains l'aiment chaud), La vie aquatique (ça ne fait rire que moi apparemment), moins avouable mais mal de ventre tellement j'ai ri: OSS 117 Rio ne répond plus (magnifique Pierre Bellemare, merci Malika ;-)).
Si le reste ne me revient pas tout de suite, c'est que ce ne sera pas si important.
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Stéphane Pichelin a écrit:une plénitude ? justement, ce n'est pas un sourire. c'est un "trop" plein. il faut une rupture, comme un point de contention. par analogie : une syncope. éclater de rire ou tomber en syncope.
la syncope.
une valeur drôle.
avec la syncope, est-ce qu'on ne replace pas le rire face à l'événement ?
(pas plus pour l'instant : j'écris debout, dans un bar, après une journée de boulot : pas vraiment les bonnes conditions.)
oui, je vois très bien ce que tu veux dire, et sent; il faut que le corps réagisse; il faut rire, battre des mains, danser, enlever ses vêtements... mais c'est pas le rire-comique, c'est le rire d'une plénitude, d'un contentement tel qu'il n'y a plus rien à demander; comme dirait lacan, le rire commence au-delà de la demande.
c'est surtout musical, je crois; mais ça arrive aussi avec les autres arts
dans un documentaire sur les ramones, une fille raconte que la première fois qu'elle les a vus sur scène, les gens riaient, non pas du rire devant l'olympia (de manet, je précise) mais d'un rire qui traduisait un sentiment du genre "comme c'est beau, comment est-ce possible";
sinon il y a de la musique comique, drôle : par exemple, les sparks, que je semble le seul à aimer sur ce forum
Borges- Messages : 6044
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Borges a écrit:les sparks, que je semble le seul à aimer sur ce forum
Je m'en vais écouter de ce pas!
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
J'ai vu Hallal Police d'état il y a trois jours, et je dois vous dire qu'il faut être exceptionnellement bien disposé pour rire à ce film. Ce qui est néanmoins loin d'être impossible. Vous serez prevenu.
NC- Messages : 44
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
py a écrit:Borges a écrit:les sparks, que je semble le seul à aimer sur ce forum
Je m'en vais écouter de ce pas!
hello py
c'est un bon pas, et dans la bonne direction :
comment ne pas rire, des deux rires, celui de la plénitude devant la perfection musicale, pop, et celui de l'humour, du comique, devant :
When I kiss you, when I kiss you
I hear Charlie Parker playing
je trouve sublime, hyper jubilatoire ce rapprochement
Borges- Messages : 6044
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
oui, "de quoi rit-on?", je vous le demande. parce que c'est très étonnant que des affects tellement différents aient une même traduction physique.Borges a écrit:Stéphane Pichelin a écrit:une plénitude ? justement, ce n'est pas un sourire. c'est un "trop" plein. il faut une rupture, comme un point de contention. par analogie : une syncope. éclater de rire ou tomber en syncope.
la syncope.
une valeur drôle.
avec la syncope, est-ce qu'on ne replace pas le rire face à l'événement ?
(pas plus pour l'instant : j'écris debout, dans un bar, après une journée de boulot : pas vraiment les bonnes conditions.)
oui, je vois très bien ce que tu veux dire, et sent; il faut que le corps réagisse; il faut rire, battre des mains, danser, enlever ses vêtements... mais c'est pas le rire-comique, c'est le rire d'une plénitude, d'un contentement tel qu'il n'y a plus rien à demander; comme dirait lacan, le rire commence au-delà de la demande.
c'est surtout musical, je crois; mais ça arrive aussi avec les autres arts
dans un documentaire sur les ramones, une fille raconte que la première fois qu'elle les a vus sur scène, les gens riaient, non pas du rire devant l'olympia (de manet, je précise) mais d'un rire qui traduisait un sentiment du genre "comme c'est beau, comment est-ce possible";
sinon il y a de la musique comique, drôle : par exemple, les sparks, que je semble le seul à aimer sur ce forum
on part de Bobby Lapointe, je le rappelle. j'ai ri, beaucoup, avec Lapointe. et je ris, réellement, avec Olé. j'aimerais bien comprendre pourquoi, comment c'est possible.
le rire et le sourire. rire avec Olé et sourire avec le Live in Japan (Coltrane, tout ça). continuité ? si ouui, comment ?
plénitude de l'être ? d'accord, mais je ne commencerai pas là, parce que c'est la fin et que ça me laisse une impression Little Bouddha, non ?
Singing in the rain, film hilarant à mes yeux.
avec Jerzy : y-a-t'il un pilote dans l'avion ?, mais plus depuis un moment.
Tati ne fait pas nécessairement rire, je comprends bien ça. Les vacances : non. nostalgie, coeur serré. mais Playtime, la scène dans le restau, les grands bureaux, etc...
et puis Avery, sans aucun doute.
avec Tony, Des jours et des nuits dans la forêt, grand comique humaniste -pourtant l'humanisme me fait rarement rire.
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Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Les Sparks j'aimais bien, y compris leur période Moroder. Sur YouTube il y a le passage à "Top of the Pop" de "This town is ain't enough for Both of Us" où Ron Mae a la moustache d'Hitler. A un moment son frère est brusquement terrorisé, temporairement hors de son propre concept; il comprend qu'il sont en train d'inventer l'usage esthétique du point Godwin avant le point Godwin lui-même, qui aura la longévité qu'on lui connaît.
Cette moustache est bien sûr d'un moyen d'indiquer qu'ils ont lus comme tout le monde d'abord Adorno et Eisler sur la musique comme motif pour les masses, puis seulement ensuite Heidegger sur l'être qui n'a pas de motif, en vieillissant. Et comme en général on donne raison à ce qu'on découvre...
La radio flamande avait fait une compilation des années 70 avec cette chanson (j'adorais les trois solos en deux minutes). Mais dans le genre glam para-bowien décalé je préfère Steve Harley & Cockney Rebel ("Death Trip" ou "Sebastian" morceaux énormes, aussi sur le CD de 1974)
Cette moustache est bien sûr d'un moyen d'indiquer qu'ils ont lus comme tout le monde d'abord Adorno et Eisler sur la musique comme motif pour les masses, puis seulement ensuite Heidegger sur l'être qui n'a pas de motif, en vieillissant. Et comme en général on donne raison à ce qu'on découvre...
La radio flamande avait fait une compilation des années 70 avec cette chanson (j'adorais les trois solos en deux minutes). Mais dans le genre glam para-bowien décalé je préfère Steve Harley & Cockney Rebel ("Death Trip" ou "Sebastian" morceaux énormes, aussi sur le CD de 1974)
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Il y a 3 ans "les Barons " m'avaient fait rire (a dernière fois au cinéma).
Dans la première moitié du film on est au dessus des Bronzés, proche de la comédie italienne des années 70.
Après il fait mourir n personnage pour deux bonne et une très mauvaise raison:
-marquer de l'intéreur du récit la fin de la satire (la réel implique autr chose qu'elle)
-éviter qu'il y ait un "les Baron II"
-créer de l'émotion et de l'affect, comme si la comédie n'en avait pas.
Dans la première moitié du film on est au dessus des Bronzés, proche de la comédie italienne des années 70.
Après il fait mourir n personnage pour deux bonne et une très mauvaise raison:
-marquer de l'intéreur du récit la fin de la satire (la réel implique autr chose qu'elle)
-éviter qu'il y ait un "les Baron II"
-créer de l'émotion et de l'affect, comme si la comédie n'en avait pas.
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Tony le Mort a écrit: ils ont lus comme tout le monde d'abord Adorno et Eisler sur la musique comme motif pour les masses, puis seulement ensuite Heidegger sur l'être qui n'a pas de motif, en vieillissant. Et comme en général on donne raison à ce qu'on découvre...
comme tout le monde, peut-être, mais certainement pas comme moi.
Borges- Messages : 6044
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Il y a un plan-séquence incroyable dans Jour de fête.
François le facteur rentre dans une maison. Je ne me souviens plus très bien si le plan commence porte fermée et qu'il l'ouvre immédiatement, ou s'il est déjà en train de l'ouvrir au début. Peu importe. L'important, c'est qu'on ne voit pas, on n'a pas le temps de voir ce qu'il y a derrière la porte. Mais la porte donne sur une petite pièce, basse de plafond (ou est-ce une illusion du cadrage ?), dans laquelle se trouve un bonhomme un eu âgé, assis, immobile, habillé de noir, qui tourne la tête vers François pour l'écouter. Premier contraste entre ce bonhomme sans mouvement, muet, et François, volubile et éléctrique, réjoui par la fête qui se prépare. Second contraste entre la pénombre de la pièce, les vêtements noirs des deux hommes qui y participent, et le pan éclairé, blanc, de la porte à gauche de l'image. Puis François sort en fermant la porte derrière laquelle on découvre un cadavre sur un lit.
On rit, mais de quoi ?
D'abord, sûrement, de l'impropriété des paroles du facteur tout à sa joie et ignorant du drame dans lequel il s'impose. Genre : « Quel gaffeur ! Il n'en fera jamais d'autre. » Mais on rit aussi de façon rétrograde. Souvent, chez Tati, le gag est préparé si loin en amont qu'il est déjà joué quand il survient. On ne rit pas de la surprise mais par reconnaissance. C'est un vieux trope du burlesque. Par exemple, chez Charlot devenu horloger confronté à un client vindicatif et ne cessant pas de rapprocher de lui un marteau, comme s'il était prêt à en donner un coup sur la tête de l'autre. Mais il ne le fait pas, c'est ce qui nous fait rire. À la place, il défonce un réveil avec le même marteau et on rit encore. On rit de l'horreur avortée et qui n'a lieu que dans notre imagination, et de nouveau quand cette horreur est convertie dans une destruction bénigne. Tati reprend cette façon de faire mais il la pousse un peu plus loin : on va d'abord rire de l'imagination du gag, puis de ceci, que ce que nous avons imaginé se réalise bel et bien. Dans la séquence en question, ça ne suffit pas de dire qu'on rit du contraste entre l'énergie aveugle de François et l'immobilité du mort. Cette différence finale en recouvre beaucoup d'autres : entre la fête et le deuil, entre l'énergie de François et l'immmobilité du veilleur, entre le pan blanc de la porte et l'obscurité de la pièce. Et tout ça ne se recouvre pas. François vient de l'extérieur, il en participe comme la porte, mais il est aussi sombre que le veilleur ; il vient et est de la fête mais il va et est du deuil. D'autre part, le deuil n'est évidemment pas la mort : la fête est en contraste avec la mort par la joie et le mouvement mais le deuil est en contraste avec la fête par retirement social (le veilleur est chez lui, enfermé après que François ait tiré la porte) et le veilleur est aussi dissocié du cadavre car on lui parle et non au cadavre et il regarde et pas le cadavre – plastiquement, les visages de l'un et de l'autre sont à deux bouts opposés de l'image.
Alors quand François ferme la porte, ce qu'il découvre, c'est tout bonnement le principe de toutes les différences que le plan a organisées ; principe qui est la mort comme déchirement existentiel, déchirement dans le tissu social et déchirement plastique des zones éclairées ou ombrées. On retombe sur une vision assez classique, je crois, du comique comme rupture d'un ordre. Mais ce que je trouve intéressant, c'est la temporalité donnée par Tati à cette rupture.
Ce qui est drôle, ce qui nous fait rire, y compris d'un rire « de bonheur », c'est cette rupture de l'ordre suivi de son rétablissement (François continue sa tournée, la fête se prépare. Ce n'est pas très original d'écrire ça. On rit face à l'abîme, face au non sens qui menace de tout faire craquer, s'effondrer, mais au moment où on échappe à cet effondrement. On rit d'une syncope.
Que la musique ne signifie rien, c'est très possible. Par contre, je crois qu'elle exprime quelque chose : elle s'exprime elle-même comme continuité gagnée sur le bruit chaotique. Comme disait Varese, elle est « bruit organisé », gestion du bruit ou de l'intensité, ou : comment faire monter le bruit sans tomber dedans ? Or la syncope est rupture de la continuité. Dans la syncope, il y a le risque que toute la musique vienne s'engouffrer pour retomber dans l'anomie du bruit. La musique peut-elle être comique ou humoristique selon une intention personnelle ou impersonnelle ? Pour l'instant, je ne sais pas. Mais elle peut être drôle, en tant que musique. Et un instrument, ou plutôt une condition de cette drôlerie, est dans la gestion de la syncope. c'est à dire dans le rapport de la continuité musicale et du bruit qu'elle survole.
François le facteur rentre dans une maison. Je ne me souviens plus très bien si le plan commence porte fermée et qu'il l'ouvre immédiatement, ou s'il est déjà en train de l'ouvrir au début. Peu importe. L'important, c'est qu'on ne voit pas, on n'a pas le temps de voir ce qu'il y a derrière la porte. Mais la porte donne sur une petite pièce, basse de plafond (ou est-ce une illusion du cadrage ?), dans laquelle se trouve un bonhomme un eu âgé, assis, immobile, habillé de noir, qui tourne la tête vers François pour l'écouter. Premier contraste entre ce bonhomme sans mouvement, muet, et François, volubile et éléctrique, réjoui par la fête qui se prépare. Second contraste entre la pénombre de la pièce, les vêtements noirs des deux hommes qui y participent, et le pan éclairé, blanc, de la porte à gauche de l'image. Puis François sort en fermant la porte derrière laquelle on découvre un cadavre sur un lit.
On rit, mais de quoi ?
D'abord, sûrement, de l'impropriété des paroles du facteur tout à sa joie et ignorant du drame dans lequel il s'impose. Genre : « Quel gaffeur ! Il n'en fera jamais d'autre. » Mais on rit aussi de façon rétrograde. Souvent, chez Tati, le gag est préparé si loin en amont qu'il est déjà joué quand il survient. On ne rit pas de la surprise mais par reconnaissance. C'est un vieux trope du burlesque. Par exemple, chez Charlot devenu horloger confronté à un client vindicatif et ne cessant pas de rapprocher de lui un marteau, comme s'il était prêt à en donner un coup sur la tête de l'autre. Mais il ne le fait pas, c'est ce qui nous fait rire. À la place, il défonce un réveil avec le même marteau et on rit encore. On rit de l'horreur avortée et qui n'a lieu que dans notre imagination, et de nouveau quand cette horreur est convertie dans une destruction bénigne. Tati reprend cette façon de faire mais il la pousse un peu plus loin : on va d'abord rire de l'imagination du gag, puis de ceci, que ce que nous avons imaginé se réalise bel et bien. Dans la séquence en question, ça ne suffit pas de dire qu'on rit du contraste entre l'énergie aveugle de François et l'immobilité du mort. Cette différence finale en recouvre beaucoup d'autres : entre la fête et le deuil, entre l'énergie de François et l'immmobilité du veilleur, entre le pan blanc de la porte et l'obscurité de la pièce. Et tout ça ne se recouvre pas. François vient de l'extérieur, il en participe comme la porte, mais il est aussi sombre que le veilleur ; il vient et est de la fête mais il va et est du deuil. D'autre part, le deuil n'est évidemment pas la mort : la fête est en contraste avec la mort par la joie et le mouvement mais le deuil est en contraste avec la fête par retirement social (le veilleur est chez lui, enfermé après que François ait tiré la porte) et le veilleur est aussi dissocié du cadavre car on lui parle et non au cadavre et il regarde et pas le cadavre – plastiquement, les visages de l'un et de l'autre sont à deux bouts opposés de l'image.
Alors quand François ferme la porte, ce qu'il découvre, c'est tout bonnement le principe de toutes les différences que le plan a organisées ; principe qui est la mort comme déchirement existentiel, déchirement dans le tissu social et déchirement plastique des zones éclairées ou ombrées. On retombe sur une vision assez classique, je crois, du comique comme rupture d'un ordre. Mais ce que je trouve intéressant, c'est la temporalité donnée par Tati à cette rupture.
Ce qui est drôle, ce qui nous fait rire, y compris d'un rire « de bonheur », c'est cette rupture de l'ordre suivi de son rétablissement (François continue sa tournée, la fête se prépare. Ce n'est pas très original d'écrire ça. On rit face à l'abîme, face au non sens qui menace de tout faire craquer, s'effondrer, mais au moment où on échappe à cet effondrement. On rit d'une syncope.
Que la musique ne signifie rien, c'est très possible. Par contre, je crois qu'elle exprime quelque chose : elle s'exprime elle-même comme continuité gagnée sur le bruit chaotique. Comme disait Varese, elle est « bruit organisé », gestion du bruit ou de l'intensité, ou : comment faire monter le bruit sans tomber dedans ? Or la syncope est rupture de la continuité. Dans la syncope, il y a le risque que toute la musique vienne s'engouffrer pour retomber dans l'anomie du bruit. La musique peut-elle être comique ou humoristique selon une intention personnelle ou impersonnelle ? Pour l'instant, je ne sais pas. Mais elle peut être drôle, en tant que musique. Et un instrument, ou plutôt une condition de cette drôlerie, est dans la gestion de la syncope. c'est à dire dans le rapport de la continuité musicale et du bruit qu'elle survole.
Dernière édition par Stéphane Pichelin le Sam 4 Fév 2012 - 15:13, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
moi y'a pas grand chose qui me fait rire, maintenant.
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
slimfast a écrit:moi y'a pas grand chose qui me fait rire, maintenant.
slimfast a écrit:ok alors ( il ont quand même le gps comme "cordon" ) ils partent où , en Hongrie ? lol
je lis bien "lol" dans ce message?
Borges- Messages : 6044
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
oui et non car je fréfère les autres émotions que le rire ; le rire m'ennuit au fond ; quand je rit je ne me sens pas moi-même, me montrer rire ou riant me gêne, par timidité par " précarité ".
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Moi, ce qui me fait rire, physiquement et sans arrière pensée, et veuillez m'en excuser, c'est la longue exégèse de Stéphane, qui me ferait penser à du Dreyer commentant Kierkegaard, pour nous expliquer tout ce qui l'a fait rire, et de bonheur aussi, dans ce Tati.
ça, c'est pour moi un ressort inaltérable du comique.
ça, c'est pour moi un ressort inaltérable du comique.
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
continue de rire, Jerzy, car ce n'est pas fini.
et puisque tu n'aimes pas Bobby Lapointe :
et puisque tu n'aimes pas Bobby Lapointe :
Bobby Lapointe, ni comme auteur ou chanteur, mais comme compositeur. La musique de Lapointe qui reprend le plus souvent des styles syncopés : tango, salsa.. . Même ses imitations de rock psyché sont plein de syncopes. C'est une musique qui est comique par intention. Qu'elle soit effetivement drôle, ou jamais drôle, ou parfois, n'est pas la question. Elle veut soutenir une drôlerie, et elle le fait d'abord par la syncope. Mais elle le fait aussi comme pastiche. Je veux dire que ce qui est pastiché chez Lapointe, c'est justement l'usage de la syncope imité du tango, de la salsa, etc... Chaque syncope d'un morceau renvoie au style pastiché, toujours le même et toujours de la même façon, sans variation. Et le nombre de styles pastichés dans tout l'oeuvre est très réduit. C'est même la grande différence avec Zappa, qui multiplie d'album en album, voir au sein d'un seul album ou d'un seul morceau, les références stylistiques. Chez Lapointe, les références sont peu nombreuses. Et la façon de faire référence est invariable d'un morceau à l'autre. La répétition est sans différence – ou vise à l'être. C'est toujours face à la même rupture qu'il se place et toujours la même manoeuvre d'évitement, ou le même retour à la continuité, qu'il opère. Réitération continue qui ressemble à celle del'autiste, beaucoup trop pour qu'il s'agisse d'un pur hasard. L'autisme, la glissade dans le bruit, est la tentation permanente de Lapointe et en permanence conjurée. Il se passe avec sa musique exactement ce qui se passe avec ses textes, ces enfilades de calembours creux, gratuits, où le langage risque à tou moments de se dissoudre. En dehors de la volonté comique, Lapointe me semble moins proche de Zappa que de Piper at the gate of dawn, le premier Pink Floyd, ou il faudrait dire le premier Syd Barrett – et on sait ce qu'il est advenu de Barrett. Les « rocks » saturés de l'un sont la version dégradée des descentes astronomiques de l'autre. Les moyens ne sont bien sûr pas les mêmes. Barrett travaille beaucoup la stéréophonie, la spatialité et la pénétration de la matière sonore. La syncope, ce n'est pas trop son affaire. Mais c'est qu'il file tout droit vers l'enfer alors que Lapointe essaie de le conjurer. Pour le dernier, la syncope est une manière de faire un pas en arrière au dernier moment face à l'abîme qu'on désigne. Dans ce sens, elle est le geste de Charlot ramenant à lui un marteau qu'il n'utilisera pas et pour dire qu'il ne l'utilisera pas. (Ce n'est pas le seul rapprochement possible à mes yeux entre Lapointe et Chaplin : ils cèdent tous les deux facilement à une sentimentalité larmoyante : A film with a laugh – and perhaps with a tear.)
Pas étonnant de retrouver ensemble la syncope musicale et le burlesque qui est le cinéma le plus rythmique, le plus syncopé.
(et pour ceux qui se poseraient la question, je n'écoute plus Bobby Lapointe mais toujours Zappa et Piper at the gate of dawn.)Pas étonnant de retrouver ensemble la syncope musicale et le burlesque qui est le cinéma le plus rythmique, le plus syncopé.
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Ah mais, je n'ai jamais contesté que la musique de Bobby Lapointe se fonde sur la syncope.
J'ai juste dit que c'était une syncope molle - au sens de non tonique, sans tonus. Et j'ajouterais une syncope très a-rythmique, suscitée d'ailleurs par la dimension un peu "machine autiste" (tout à fait, je te remercie de le souligner) du dispositif à jeux de mots en question.
Il y a syncope et syncope. La syncope en jazz - brisure dans le flux, ou flux dans la brisure, c'est pas vraiment cette manière, clairement.
Ces différences de syncopes donnent des styles burlesques très différents, forcément. Relis ce que dit Deleuze à propos de Lewis: le nouveau burlesque de Lewis, ce n'est plus l'âge de la machine et de l'outil se déréglant, comme chez Keaton ou Chaplin, c'est le signe optique-sonore pur comme énergie ondulatoire, une "nouvelle manière de danser et de moduler", se substituant au schème sensori-moteur du burlesque fondé sur le dérèglement de la machine...
"Le comique n'est plus le mécanique plaqué sur du vivant, mais du mouvement de monde emportant et aspirant le vivant".
Il est vrai qu'il associe Tati aussi à ce "nouvel âge" du burlesque, tant pour la nouvelle situation optique que sonore. Tout en soulignant les différences.
Il semblerait voir certaines similitudes entre Lewis et Tati. Pour ma part, je vois et ressens toutes les différences.
La musique, chez Tati, si elle ne participe plus à l'ordre de la mécanique déréglée par le sujet-agent, a cet aspect de musique-automate "en boucle" a-rythmique, en rapport avec le style de corps, de danse, de modulation, de Tati, sa syncope qui est de l'ordre du pas haché, un oscillographe buggé. Plus du côté de l'automate que du danseur.
Quelque chose qui serait davantage du côté du tragique, de l'égarement, de la perte, tu vois? C'est pour cela que je parle de "nostalgisme". Nostalgie d'un âge ancien, humaniste, où le sujet-agent avait encore prise sur la "machine", impersonnelle et anonyme; nostalgie infinie de la présence ou phonè perdues. Un nostalgisme qui, à mon sens, est chez lui authentiquement réactionnaire dans sa complainte sur la perte d'une authenticité première (qui n'a jamais eu lieu).
Tout le personnage de Hulot, son imper, son chapeau, sa pipe, sa courtoisie anachronique, ne se signifie-t-il pas comme le fantôme d'un âge d'antan, d'un ordre révolu, et dont il souhaite nous faire partager la nostalgie?
ça devient central, cette question du "monde d'avant", à partir des Vacances, mais c'était déjà très sensible dans Jour de fête, et le court-métrage d'avant, l'Ecole des facteurs: l'opposition entre la lenteur française, artisanale, ce charme du petit village, et la vitesse technologique des "Américouwains". Tout la mécanique burlesque repose sur l'écart ou l'inadéquation entre d'une part la vitesse propre au vélocipède, destiné à la distribution du courrier, ancré sur la terre et ses chemins, mais ici poussé dans ses derniers retranchements, pris dans une accélération folle, et d'autre part la vitesse propre aux machines américaines de circulation de l'information (motorique, aérienne, "déterritorialisante" si on peut dire).
L'opposition, dans Mon Oncle, tellement signifiée et lourde, entre le "quartier" de Hulot, les palissades et les terrains vagues de l'enfance, espace du rêve et du jeu, la musique qui va avec, accordéon-bal musette, du vieux Paris gavrochien, et la maison des parents, vaste circuit électronique dans lequel on est finalement piégé, assiégé, enfermé. Alors il faut "repoétiser" tout ça: Hulot, par son inadéquation aux objets techniques, mais aussi aux œuvres d'art abstraites, encombrantes, inutiles, leur assigne, bien sûr, plus agi qu'agissant, sans volontarisme (mais je prétends que c'est tout le contraire), un autre usage, plus poétiquement archaïque, de l'ordre du geste premier, artisanal. Tout en ne cessant de s'effacer, poliment, comme un souvenir, sous la forme omniprésente d'un regret jamais prononcé. Car même sa langue, c'est la langue d'avant, inadéquate à la nouvelle langue, technique, froide.
Dans Playtime (ce qui me plait dans Playtime, c'est la poétique de la modernité, du lisse, des perspectives, du vitrage, etc, et le rapport plus ambivalent qu'il a à cette dernière). Subsiste cependant, et c'est tout aussi fondamental, la trace fantomatique et mélancolique, du monde d'avant, celui de la proximité et de la présence, des moindres distances, non séparé par des cloisons, fussent-elles des vitrages transparents, le monde de la parole vive, où on prenait le temps de se parler entre voisins, le monde à visage humain, à hauteur de main d'homme, le petit paris pré-améliepoulinien. Qui sent un peu la naphtaline.
Le bon goût des pâtisseries d'antan est gâché par le néon verdâtre de la pharmacie d'à côté, qui diffuse le sentiment de la maladie, du pourrissement des corps et des choses.
Puis le chaos du dancing/restaurant. Espaces traditionnellement séparés, mais téléscopés ici en une zone indistincte et confuse, marque du néo-habitat préfabriqué, en contreplaqué qui s'effondre de partout, et où personne ne trouve jamais sa juste place. Comme dans le stand commercial, où les boxs privatifs sont constamment violés, empiétés, bafoués (Hulot, en toute innocence, sème ce désordre aux yeux du représentant en portes silencieuses, justement: il l'accuse d'avoir fouillé dans ses tiroirs, etc).
Cette scène du resto/dancing, c'est pour moi la scène la plus laborieuse et languissante du film: c'est long, lent, interminable, bruyant, jacassant, pénible, et surtout jamais drôle. Espace indistinct, donc. Les espaces indistincts, chez Tati, sont toujours indexés comme anxiogènes, jamais propices à la rêverie ou à la contemplation, à la poétique du vide ouvert, comme ce serait plus le cas dans les premier Wenders par exemple. Il leur oppose systématiquement - toujours son insistance lourde là-dessus (l'insistance lourde, pour moi, ça ne fait pas vraiment rire) - le petit espace convivial chaleureux, familial, fragile rémanence de l'âtre du foyer. Et, forcément, la ritournelle bal-musette qui ne manque jamais de se radiner pour nous le rappeler.
Les espaces vides, eux, c'est de préférence les bruits électroniques a-communicationnels mais agressifs: bip bip, tzoooing, allo allo, voix incompréhensible déformée par le répondeur, semelles de chaussures qui claquent dans les longs couloirs, matière du fauteuil dans la salle d'attente, qui fait "bloppp pfshhhh" avant de retrouver sa forme originelle, stylo qui crisse et qui claque, etc (mais ces deux trucs, c'est drôle).
Le resto/dancing donc, division sans cloison, faisant ressortir l'atomisation des groupes, les dineurs, les danseurs, et les buveurs, agglomérés en séries confuses qui ne cessent de se percuter. Horreur de la danse, de sa mécanique. Refus de la "danse moderne" chez Tati: elle remplace le contact aimable des corps par la froide bousculade, ou la solitude inexorable.
Là encore, l'Américain brailleur est le facteur dispersif, entropique. La perte de soi, dans l'ivresse, la perte du chez-soi, du foyer: on erre, indéfiniment, sur la boucle circulaire des flèches directionnelles (qui ont remplacé les écriteaux "entrée" et "sortie" - la modernité comme réduction à l'abstraction du signe), qui font tourner en rond sur soi-même, sans jamais trouver la sortie.
La modernité est et ne peut être que dissolution du sens, entropie, dissémination, aliénation, éloignement par rapport un centre/arche pensé non pas selon une temporalité paradoxale ou disjointe, mais celle, fort classique et traditionnelle, de la ligne du temps non équivoque allant du passé perdu (où tout était meilleur) vers un avenir inéluctable (où tout sera pour le pire). Coincé entre le passé déjà passé et un avenir sans avenir. Comme les automobiles de l'embouteillage tournant inlassablement sur la place de Paris, poétisées là encore à titre de vieux manège de chevaux de bois des attractions d'antan.
La "ritournelle" tatienne entêtante du "home sweet home perdu" nous tient bien loin, difficile d'en douter, de Varèse, chantre du "modernisme", loin de ses Amériques, mêmes rêvées, des Déserts, d'Arcana, des sirènes urbaines et autres machines à vents.
L'imagerie du vieux Paris sous cloche de verre, fragile, qui apparaît subrepticement reflété par les vitres ultra-modernes (la tour Eiffel de carte postale, souvenir déplacé jusqu'à l'aéroport d'Orly) .
Tout comme apparaît subrepticement, à l'angle d'un feu rouge, le bon vieux rémouleur d'antan. Alors que les gamins américanisés passent, avec leur blouson et leur transistor, mimant (ridiculement) la coolitude américaine.
Le bouquet de lilas offert à la touriste américaine, tendre amour platonique et fugace, et qui transpose poétiquement les poteaux lumineux de l'autoroute, comme le rappel discret d'une grâce ou galanterie perdue, un art français de vivre, oublié, dans l'inhumaine mégalopole, les lignes filantes de l'autoroute dénaturante et sans fleurs. Etc etc.
Quant à Traffic, on peut dire que la boucle de la nostalgie s'est définitivement bouclée sur elle-même, dans un refus massif et amer, qui tient presque du désespoir: le monde d'avant est définitivement perdu. Ce ne sont plus que bandes routières, les voitures-habitacles, la vie asphyxiée et réduite à des séries de tropes, circonvolutions, qui ne vont nulle part. Et l'humain survit comme il peut, réactivant ça et là des esquisses de rites conversationnels, qui là encore ont ce parfum perdu du petit monde ordonné où tout le monde était à sa juste place: le bon gros mécano sympa, couvert de cambouis, la jeune femme élégante, etc, qui échangent les amabilités convenues.
Lewis, ce n'est pas le même genre "d'effacement", car il y a un effacement aussi, de la disparition, de la perte. Mais ce serait plus du côté de ce "coup de dés", aléatoire, mais finalement gagnant, que j'évoquais hier en citant Deleuze: "autant de ratés de danses, un degré zéro prolongé et renouvelé, varié de toutes les manières possibles, jusqu'à ce que naisse la danse parfaite".
" "Il "en fait trop" (figure du looser, du perdant-né), mais voilà que dans la dimension du burlesque, ce trop devient un mouvement du monde qui le sauve et va le rendre gagnant. Son corps est agité de spasmes et de courants divers, d'ondes successives, comme lorsqu'il va lancer les dés ("Hollywood or bust") "
Je ne suis pas affecté, mais rebuté, par la ritournelle a-rythmique buggée de Tati, alors que je suis littéralement happé par le jazz/danse/corps/smurf-break lewissien.
Pourtant donc, par bien des aspects, Tati et Lewis s'entrecroisent, s'entrecroisent précisément au point nodal à partir duquel ils se séparent dans des directions opposées. Y compris dans leur fascination commune pour les circuits électroniques, mais il n'en ont pas la même perception ou approche. La musique, le style de musique, vient souligner tout ça. Et la "syncope" dont il est question, est d'une nature toute différente. Manifestation d'une adaptation sans issue, dans un cas, se bouclant sur elle-même, obstinée, comme un souvenir clôturé. Relancée dans un devenir ou sur une ligne créatrice, dans l'autre.
Donc, je témoigne de l'expérience physique que j'ai de ces deux manières de "syncope".
Donc, du rire, qui arrive ou pas. Toi, tu ris en regardant Tati, pour toutes les raisons, finalement tragiques et déprimantes (lol) que tu as bien exposées. Moi, ça me rend triste et marteau. That's all.
Je ne nie pas non plus l'intérêt en soi du dispositif musical tatiesque - qui tend à cette ritournelle-boucle (au sens de DG ou pas - je préfère franchement Richard Pinhas) asthmatique - et qu'on retrouve chez Lapointe pour des motifs et une fonction assez voisine: et ça me fait plus penser à un rouleau mécanique qu'aurait inventé un Raymond Roussel - et cette filiation, dans le projet de Lapointe n'est certainement pas hasardeuse, je dis juste que, pour moi du moins, c'est une torture.
Mais je comprends et conçois que Lapointe, ce n'est pas rien.
Je pense, au contraire, que c'est bien toute la question. Qui ne sera en tout cas pas réglée par l'intervention de l'intention ou de la volonté de soutenir une drôlerie. Car ce vœu, cette volonté, indiquent déjà que ce n'est pas dans le phénomène musical lui-même, fut-il une "syncope" (et même après avoir distingué comme ici "les" types ou phénomènes de syncopes, qui ne sont pas du même ordre et qui produisent des styles burlesques différents), que résidera la drôlerie. Qui plus est, la volonté de soutenir une drôlerie est bien plus souvent le plus court chemin vers la non-drôlerie. Ah, la volonté d'être drôle... Difficile d'en sortir. Paradoxe insoluble, car la maîtrise ET la non-maitrise sont de la partie.
Je sens bien, trop bien même, chez Lapointe, l'intention ou la volonté d'être drôle, la trop grande maitrise et planification de cette intention même. Mais entre l'intention de drôlerie et la drôlerie effective, il y a tout un espace indéterminé, complexe, où se fomente, et d'où surgit la drôlerie. Le côté obsessionnel de Lapointe, c'est aussi la tentation de vouloir enclore le comique dans une "science exacte" (son amour des mathématiques, ce système bi-binaire qu'on lui attribue, censément précurseur de l'informatique).
La musique pauvre, l' esthétique de la pauvreté (comme réduction ou raréfaction du matériau).
Tout comme il y a "syncope" et "syncope", il y a "pauvreté" et "pauvreté".
Il y a bien sûr toute une autre pratique, toute une autre tradition musicale de cette "pauvreté". Qui remonte même à Pérotin, Roland de Lassus, le canon ad infinitum, etc.
Je suis hyper-sensible, réceptif, aux pièces de piano de Satie, mais Satie, c'est l'exact contraire de cette clôture asphyxiante: tout est dans l'intervallaire, l'allusif, les mesures impaires.
Dans l'héritage, ça donne un Gavin Bryars, un Brian Eno. On rapprochera difficilement l'atmosphère musicale de Satie-Eno de la ritournelle Tati-Lapointe.
Je suis pas sensible du tout à Syd Barrett; ça confirmerait plutôt qu'on ne rit et ne s'émeut pas tellement des mêmes "syncopes". No problemo, donc.
Pour Zappa, les pièces de lui que je préfère sont celles où il ne multiplie pas les références stylistiques. Elles sont bcp plus nombreuses qu'on ne le croit généralement. Mais même quand il instille ces ruptures de styles, c'est à l'intérieur de la logique polyrythmique, toujours reconnaissable, qui sous-tend l'ensemble, fournit l'architecture cohérente, unifiée, des "collages".
J'ai juste dit que c'était une syncope molle - au sens de non tonique, sans tonus. Et j'ajouterais une syncope très a-rythmique, suscitée d'ailleurs par la dimension un peu "machine autiste" (tout à fait, je te remercie de le souligner) du dispositif à jeux de mots en question.
Il y a syncope et syncope. La syncope en jazz - brisure dans le flux, ou flux dans la brisure, c'est pas vraiment cette manière, clairement.
Ces différences de syncopes donnent des styles burlesques très différents, forcément. Relis ce que dit Deleuze à propos de Lewis: le nouveau burlesque de Lewis, ce n'est plus l'âge de la machine et de l'outil se déréglant, comme chez Keaton ou Chaplin, c'est le signe optique-sonore pur comme énergie ondulatoire, une "nouvelle manière de danser et de moduler", se substituant au schème sensori-moteur du burlesque fondé sur le dérèglement de la machine...
"Le comique n'est plus le mécanique plaqué sur du vivant, mais du mouvement de monde emportant et aspirant le vivant".
Il est vrai qu'il associe Tati aussi à ce "nouvel âge" du burlesque, tant pour la nouvelle situation optique que sonore. Tout en soulignant les différences.
Il semblerait voir certaines similitudes entre Lewis et Tati. Pour ma part, je vois et ressens toutes les différences.
La musique, chez Tati, si elle ne participe plus à l'ordre de la mécanique déréglée par le sujet-agent, a cet aspect de musique-automate "en boucle" a-rythmique, en rapport avec le style de corps, de danse, de modulation, de Tati, sa syncope qui est de l'ordre du pas haché, un oscillographe buggé. Plus du côté de l'automate que du danseur.
Quelque chose qui serait davantage du côté du tragique, de l'égarement, de la perte, tu vois? C'est pour cela que je parle de "nostalgisme". Nostalgie d'un âge ancien, humaniste, où le sujet-agent avait encore prise sur la "machine", impersonnelle et anonyme; nostalgie infinie de la présence ou phonè perdues. Un nostalgisme qui, à mon sens, est chez lui authentiquement réactionnaire dans sa complainte sur la perte d'une authenticité première (qui n'a jamais eu lieu).
Tout le personnage de Hulot, son imper, son chapeau, sa pipe, sa courtoisie anachronique, ne se signifie-t-il pas comme le fantôme d'un âge d'antan, d'un ordre révolu, et dont il souhaite nous faire partager la nostalgie?
ça devient central, cette question du "monde d'avant", à partir des Vacances, mais c'était déjà très sensible dans Jour de fête, et le court-métrage d'avant, l'Ecole des facteurs: l'opposition entre la lenteur française, artisanale, ce charme du petit village, et la vitesse technologique des "Américouwains". Tout la mécanique burlesque repose sur l'écart ou l'inadéquation entre d'une part la vitesse propre au vélocipède, destiné à la distribution du courrier, ancré sur la terre et ses chemins, mais ici poussé dans ses derniers retranchements, pris dans une accélération folle, et d'autre part la vitesse propre aux machines américaines de circulation de l'information (motorique, aérienne, "déterritorialisante" si on peut dire).
L'opposition, dans Mon Oncle, tellement signifiée et lourde, entre le "quartier" de Hulot, les palissades et les terrains vagues de l'enfance, espace du rêve et du jeu, la musique qui va avec, accordéon-bal musette, du vieux Paris gavrochien, et la maison des parents, vaste circuit électronique dans lequel on est finalement piégé, assiégé, enfermé. Alors il faut "repoétiser" tout ça: Hulot, par son inadéquation aux objets techniques, mais aussi aux œuvres d'art abstraites, encombrantes, inutiles, leur assigne, bien sûr, plus agi qu'agissant, sans volontarisme (mais je prétends que c'est tout le contraire), un autre usage, plus poétiquement archaïque, de l'ordre du geste premier, artisanal. Tout en ne cessant de s'effacer, poliment, comme un souvenir, sous la forme omniprésente d'un regret jamais prononcé. Car même sa langue, c'est la langue d'avant, inadéquate à la nouvelle langue, technique, froide.
Dans Playtime (ce qui me plait dans Playtime, c'est la poétique de la modernité, du lisse, des perspectives, du vitrage, etc, et le rapport plus ambivalent qu'il a à cette dernière). Subsiste cependant, et c'est tout aussi fondamental, la trace fantomatique et mélancolique, du monde d'avant, celui de la proximité et de la présence, des moindres distances, non séparé par des cloisons, fussent-elles des vitrages transparents, le monde de la parole vive, où on prenait le temps de se parler entre voisins, le monde à visage humain, à hauteur de main d'homme, le petit paris pré-améliepoulinien. Qui sent un peu la naphtaline.
Le bon goût des pâtisseries d'antan est gâché par le néon verdâtre de la pharmacie d'à côté, qui diffuse le sentiment de la maladie, du pourrissement des corps et des choses.
Puis le chaos du dancing/restaurant. Espaces traditionnellement séparés, mais téléscopés ici en une zone indistincte et confuse, marque du néo-habitat préfabriqué, en contreplaqué qui s'effondre de partout, et où personne ne trouve jamais sa juste place. Comme dans le stand commercial, où les boxs privatifs sont constamment violés, empiétés, bafoués (Hulot, en toute innocence, sème ce désordre aux yeux du représentant en portes silencieuses, justement: il l'accuse d'avoir fouillé dans ses tiroirs, etc).
Cette scène du resto/dancing, c'est pour moi la scène la plus laborieuse et languissante du film: c'est long, lent, interminable, bruyant, jacassant, pénible, et surtout jamais drôle. Espace indistinct, donc. Les espaces indistincts, chez Tati, sont toujours indexés comme anxiogènes, jamais propices à la rêverie ou à la contemplation, à la poétique du vide ouvert, comme ce serait plus le cas dans les premier Wenders par exemple. Il leur oppose systématiquement - toujours son insistance lourde là-dessus (l'insistance lourde, pour moi, ça ne fait pas vraiment rire) - le petit espace convivial chaleureux, familial, fragile rémanence de l'âtre du foyer. Et, forcément, la ritournelle bal-musette qui ne manque jamais de se radiner pour nous le rappeler.
Les espaces vides, eux, c'est de préférence les bruits électroniques a-communicationnels mais agressifs: bip bip, tzoooing, allo allo, voix incompréhensible déformée par le répondeur, semelles de chaussures qui claquent dans les longs couloirs, matière du fauteuil dans la salle d'attente, qui fait "bloppp pfshhhh" avant de retrouver sa forme originelle, stylo qui crisse et qui claque, etc (mais ces deux trucs, c'est drôle).
Le resto/dancing donc, division sans cloison, faisant ressortir l'atomisation des groupes, les dineurs, les danseurs, et les buveurs, agglomérés en séries confuses qui ne cessent de se percuter. Horreur de la danse, de sa mécanique. Refus de la "danse moderne" chez Tati: elle remplace le contact aimable des corps par la froide bousculade, ou la solitude inexorable.
Là encore, l'Américain brailleur est le facteur dispersif, entropique. La perte de soi, dans l'ivresse, la perte du chez-soi, du foyer: on erre, indéfiniment, sur la boucle circulaire des flèches directionnelles (qui ont remplacé les écriteaux "entrée" et "sortie" - la modernité comme réduction à l'abstraction du signe), qui font tourner en rond sur soi-même, sans jamais trouver la sortie.
La modernité est et ne peut être que dissolution du sens, entropie, dissémination, aliénation, éloignement par rapport un centre/arche pensé non pas selon une temporalité paradoxale ou disjointe, mais celle, fort classique et traditionnelle, de la ligne du temps non équivoque allant du passé perdu (où tout était meilleur) vers un avenir inéluctable (où tout sera pour le pire). Coincé entre le passé déjà passé et un avenir sans avenir. Comme les automobiles de l'embouteillage tournant inlassablement sur la place de Paris, poétisées là encore à titre de vieux manège de chevaux de bois des attractions d'antan.
La "ritournelle" tatienne entêtante du "home sweet home perdu" nous tient bien loin, difficile d'en douter, de Varèse, chantre du "modernisme", loin de ses Amériques, mêmes rêvées, des Déserts, d'Arcana, des sirènes urbaines et autres machines à vents.
L'imagerie du vieux Paris sous cloche de verre, fragile, qui apparaît subrepticement reflété par les vitres ultra-modernes (la tour Eiffel de carte postale, souvenir déplacé jusqu'à l'aéroport d'Orly) .
Tout comme apparaît subrepticement, à l'angle d'un feu rouge, le bon vieux rémouleur d'antan. Alors que les gamins américanisés passent, avec leur blouson et leur transistor, mimant (ridiculement) la coolitude américaine.
Le bouquet de lilas offert à la touriste américaine, tendre amour platonique et fugace, et qui transpose poétiquement les poteaux lumineux de l'autoroute, comme le rappel discret d'une grâce ou galanterie perdue, un art français de vivre, oublié, dans l'inhumaine mégalopole, les lignes filantes de l'autoroute dénaturante et sans fleurs. Etc etc.
Quant à Traffic, on peut dire que la boucle de la nostalgie s'est définitivement bouclée sur elle-même, dans un refus massif et amer, qui tient presque du désespoir: le monde d'avant est définitivement perdu. Ce ne sont plus que bandes routières, les voitures-habitacles, la vie asphyxiée et réduite à des séries de tropes, circonvolutions, qui ne vont nulle part. Et l'humain survit comme il peut, réactivant ça et là des esquisses de rites conversationnels, qui là encore ont ce parfum perdu du petit monde ordonné où tout le monde était à sa juste place: le bon gros mécano sympa, couvert de cambouis, la jeune femme élégante, etc, qui échangent les amabilités convenues.
Lewis, ce n'est pas le même genre "d'effacement", car il y a un effacement aussi, de la disparition, de la perte. Mais ce serait plus du côté de ce "coup de dés", aléatoire, mais finalement gagnant, que j'évoquais hier en citant Deleuze: "autant de ratés de danses, un degré zéro prolongé et renouvelé, varié de toutes les manières possibles, jusqu'à ce que naisse la danse parfaite".
" "Il "en fait trop" (figure du looser, du perdant-né), mais voilà que dans la dimension du burlesque, ce trop devient un mouvement du monde qui le sauve et va le rendre gagnant. Son corps est agité de spasmes et de courants divers, d'ondes successives, comme lorsqu'il va lancer les dés ("Hollywood or bust") "
Je ne suis pas affecté, mais rebuté, par la ritournelle a-rythmique buggée de Tati, alors que je suis littéralement happé par le jazz/danse/corps/smurf-break lewissien.
Pourtant donc, par bien des aspects, Tati et Lewis s'entrecroisent, s'entrecroisent précisément au point nodal à partir duquel ils se séparent dans des directions opposées. Y compris dans leur fascination commune pour les circuits électroniques, mais il n'en ont pas la même perception ou approche. La musique, le style de musique, vient souligner tout ça. Et la "syncope" dont il est question, est d'une nature toute différente. Manifestation d'une adaptation sans issue, dans un cas, se bouclant sur elle-même, obstinée, comme un souvenir clôturé. Relancée dans un devenir ou sur une ligne créatrice, dans l'autre.
Donc, je témoigne de l'expérience physique que j'ai de ces deux manières de "syncope".
Donc, du rire, qui arrive ou pas. Toi, tu ris en regardant Tati, pour toutes les raisons, finalement tragiques et déprimantes (lol) que tu as bien exposées. Moi, ça me rend triste et marteau. That's all.
Je ne nie pas non plus l'intérêt en soi du dispositif musical tatiesque - qui tend à cette ritournelle-boucle (au sens de DG ou pas - je préfère franchement Richard Pinhas) asthmatique - et qu'on retrouve chez Lapointe pour des motifs et une fonction assez voisine: et ça me fait plus penser à un rouleau mécanique qu'aurait inventé un Raymond Roussel - et cette filiation, dans le projet de Lapointe n'est certainement pas hasardeuse, je dis juste que, pour moi du moins, c'est une torture.
Mais je comprends et conçois que Lapointe, ce n'est pas rien.
Qu'elle soit effectivement drôle, ou jamais drôle, ou parfois, n'est pas la question. Elle veut soutenir une drôlerie, et elle le fait d'abord par la syncope.
Je pense, au contraire, que c'est bien toute la question. Qui ne sera en tout cas pas réglée par l'intervention de l'intention ou de la volonté de soutenir une drôlerie. Car ce vœu, cette volonté, indiquent déjà que ce n'est pas dans le phénomène musical lui-même, fut-il une "syncope" (et même après avoir distingué comme ici "les" types ou phénomènes de syncopes, qui ne sont pas du même ordre et qui produisent des styles burlesques différents), que résidera la drôlerie. Qui plus est, la volonté de soutenir une drôlerie est bien plus souvent le plus court chemin vers la non-drôlerie. Ah, la volonté d'être drôle... Difficile d'en sortir. Paradoxe insoluble, car la maîtrise ET la non-maitrise sont de la partie.
Je sens bien, trop bien même, chez Lapointe, l'intention ou la volonté d'être drôle, la trop grande maitrise et planification de cette intention même. Mais entre l'intention de drôlerie et la drôlerie effective, il y a tout un espace indéterminé, complexe, où se fomente, et d'où surgit la drôlerie. Le côté obsessionnel de Lapointe, c'est aussi la tentation de vouloir enclore le comique dans une "science exacte" (son amour des mathématiques, ce système bi-binaire qu'on lui attribue, censément précurseur de l'informatique).
La musique pauvre, l' esthétique de la pauvreté (comme réduction ou raréfaction du matériau).
Tout comme il y a "syncope" et "syncope", il y a "pauvreté" et "pauvreté".
Il y a bien sûr toute une autre pratique, toute une autre tradition musicale de cette "pauvreté". Qui remonte même à Pérotin, Roland de Lassus, le canon ad infinitum, etc.
Je suis hyper-sensible, réceptif, aux pièces de piano de Satie, mais Satie, c'est l'exact contraire de cette clôture asphyxiante: tout est dans l'intervallaire, l'allusif, les mesures impaires.
Dans l'héritage, ça donne un Gavin Bryars, un Brian Eno. On rapprochera difficilement l'atmosphère musicale de Satie-Eno de la ritournelle Tati-Lapointe.
Je suis pas sensible du tout à Syd Barrett; ça confirmerait plutôt qu'on ne rit et ne s'émeut pas tellement des mêmes "syncopes". No problemo, donc.
Pour Zappa, les pièces de lui que je préfère sont celles où il ne multiplie pas les références stylistiques. Elles sont bcp plus nombreuses qu'on ne le croit généralement. Mais même quand il instille ces ruptures de styles, c'est à l'intérieur de la logique polyrythmique, toujours reconnaissable, qui sous-tend l'ensemble, fournit l'architecture cohérente, unifiée, des "collages".
Invité- Invité
Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?
Ce n'est pas très glorieux, mais quand j'étais môme c'était cela :
Ou comment réaliser 17 films avec un seul scénario et les mêmes gimmicks. Les deux seuls qui se démarquaient un peu dans tout ce fatras étaient "Les deux supers flics" et "On l'appelle Trinira" (premier Western italien parodique, 3 ans avant "Mon nom est personne"). On les doit d'ailleurs au même réal (Enzo Barboni, ancien chef-op de Corbucci). "Trinita" a eu d'ailleurs des problèmes aux USA à cause de sa représentation "têtes à claques" des Mormons. Certaines scènes et dialogues, où deux jeunes mormones draguaient Spencer et Hill à coups de citations bibliques, ont été coupées dans les versions exports.
En même temps, ce sont des films qui assumaient leurs côtés gras, beaufs et lourdingues. Mis à part quelques bonnes actions (sauver des coréens en situation irrégulière, aider les Mormons contre les propriétaires terriens), c'étaient en général dénués de bons sentiments. Hill et Spencer campaient des personnages égoïstes, machos au possible, toujours très préoccupés par leurs portes monnaies et souvent ouvertement antipathiques. Comme je l'ai souligné, c'est de films en films toujours le même gimmick : deux types qui ne se supportent pas sont obligés de s'associer car ils ont un intérêt commun, toujours d'ordre pécuniaire (dévaliser une banque, retrouver un butin sur une île, arnaquer des touristes, réaliser une escroquerie à l'assurance).
En général, il y en a toujours un qui fini par blouser l'autre (Hill la plupart du temps). D'ailleurs quand ils agissent pour la communauté, c'est toujours à leurs dépend ou pour coucher avec une fille. Rien n'est désintéressé dans les Hill/Spencer.
Je crois qu'il n'y a que dans "Trinita" qu'on les dotent d'un lien de parenté (mais ils sont demi-frère, leur mère étant prostitué à la Nouvelle-Orléans).
Ou comment réaliser 17 films avec un seul scénario et les mêmes gimmicks. Les deux seuls qui se démarquaient un peu dans tout ce fatras étaient "Les deux supers flics" et "On l'appelle Trinira" (premier Western italien parodique, 3 ans avant "Mon nom est personne"). On les doit d'ailleurs au même réal (Enzo Barboni, ancien chef-op de Corbucci). "Trinita" a eu d'ailleurs des problèmes aux USA à cause de sa représentation "têtes à claques" des Mormons. Certaines scènes et dialogues, où deux jeunes mormones draguaient Spencer et Hill à coups de citations bibliques, ont été coupées dans les versions exports.
En même temps, ce sont des films qui assumaient leurs côtés gras, beaufs et lourdingues. Mis à part quelques bonnes actions (sauver des coréens en situation irrégulière, aider les Mormons contre les propriétaires terriens), c'étaient en général dénués de bons sentiments. Hill et Spencer campaient des personnages égoïstes, machos au possible, toujours très préoccupés par leurs portes monnaies et souvent ouvertement antipathiques. Comme je l'ai souligné, c'est de films en films toujours le même gimmick : deux types qui ne se supportent pas sont obligés de s'associer car ils ont un intérêt commun, toujours d'ordre pécuniaire (dévaliser une banque, retrouver un butin sur une île, arnaquer des touristes, réaliser une escroquerie à l'assurance).
En général, il y en a toujours un qui fini par blouser l'autre (Hill la plupart du temps). D'ailleurs quand ils agissent pour la communauté, c'est toujours à leurs dépend ou pour coucher avec une fille. Rien n'est désintéressé dans les Hill/Spencer.
Je crois qu'il n'y a que dans "Trinita" qu'on les dotent d'un lien de parenté (mais ils sont demi-frère, leur mère étant prostitué à la Nouvelle-Orléans).
Dr. Apfelgluck- Messages : 469
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