Hong Sang-Soo
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wootsuibrick
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Le_comte
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Hong Sang-Soo
"Les films narratifs me fatiguent" disait récemment Kiarostami dans une interview autour de Copie conforme. Il est vrai qu'il n'y a rien de plus stimulant que de voir tous ces cinéastes (Kiarostami donc, mais aussi Godard, Oliveira et, bien sûr, Sang-Soo) écrire avec la vie même, à partir d'elle, comme si le cinéma n'était plus narration et récit, mais morceaux de vie, de conscience, d'intimité. Une écriture non plus clôturée, mais ouverte, éparse, dynamique et sujette aux variations les plus inattendues. Plus que jamais, la fable contrariée du cinéma dont nous parlais Rancière tend vers sa dimension la plus "esthétique", loin des codes aristotéliciens de l'action.
Tout ça n'est pas nouveau, bien entendu. Mais ma découverte récente du cinéma d'Hong Sang-soo donne matière à ré-ouvrir le dossier. Ce qui me marque, me bouleverse, c'est cette simplicité avec laquelle le cinéaste écrit avec la vie même, abandonnant les codes du récit pour laisser aux "personnages" la possibilité de diriger le film. Seul Rohmer, le maître, a su atteindre un tel type d'écriture. Les deux cinéastes ont en commun trois choses, en plus de leur style d'écriture :
-Cette espèce de dissemblance entre la parole et les images, les intentions des personnages et leur action. Chez Rohmer, les personnages ont un plan précis, une morale, un code de conduite qui va se fragmenter dans l'action pour ne plus laisser place qu'à la contingence de la vie. Tout personnage rohmérien finit presque toujours par se réfugier dans son contraire, emporter par la situation. Chez Hong Sang-Soo, le personnage, bien qu'il semble vivre d'amour et d'eau fraîche, n'en demeure pas moins animé un "code d'amour". A la fin, lui aussi, il sera vaincu par la contingence.
-Le proverbe. Chaque film d'Hong Sang-Soo reprend une sorte de proverbe dont il exprime le sens. Par exemple, dans Turning gate, le personnage principal subit le même sort que dans la légende du serpent, la "porte tournante" (qui provient d'un lieu touristique). Pourquoi le proverbe ? Contrairement à ce que signifie généralement un "proverbe", les deux cinéastes ne donnent pas de leçon. Il en ressort plutôt une forme d'humilité, de non-possession. On pourrait croire que Sang-Soo est misogyne, or, justement, l'échec relatif de ses personnages laisse toujours à la femme le dernier mot. Cette humilité est partagée, je crois, avec Rohmer.
-La simplicité, l'évidence du quotidien. Chez les deux cinéastes, il se développe une sorte de point de vue subjectif où la conscience des personnages remplace l'objectivité du récit. Ce sont eux qui prennent en charge les morceaux de vie, et non plus le cinéaste, anti-auteur, qui apportent seulement le cadre ou ces hommes et femmes (pour ne pas dire personnages) s'expriment. Bien sûr, il ne faut pas non plus minimiser le travail de Sang-Soo : c'est toute une vie, des années travail qui sont nécessaires pour arriver à un tel résultat.
Quel résultat, donc ? Une sorte de minimalisme qui se résume à un cadre fixe mais profondément ouvert, aéré. Très peu de mouvements de caméra si ce n'est, dans les derniers films, l'usage abondant du zoom. Aucun effet, aucun "style", mais une marque, une structure transcendantale (oui !) qui se donne aux personnages. Une pensée donc, profonde, magnifique.
Disons, pour parler très subjectivement, que c'est le cinéaste que je cherchais. Si j'avais la possibilité de faire des films, et bien j'aurais fait ceux-là, exactement. J'avais rapproché Ha ha ha de La garconnière de Wilder. L'humour et la mélancolie se mêlent ensemble de manière très subtile, neuve. C'est à la fois très drôle et en même temps tragique. Par exemple, le personnage se fait humilier par sa mère, ça n'a l'air de rien, on rit beaucoup, mais derrière, on sent la douleur. On sent toujours la détresse des personnages qui se mêlent à une légèreté, un plaisir de vivre. Je trouve ça absolument magnifique, neuf, vrai, authentique.
PS : j'écrirai un texte sérieux après, mieux écris, en parlant plus des films, etc. Ici, je n'ai fait que taper un bête texte "en instantané" sur le forum. La comparaison avec Rohmer est grotesque, elle mérite bien sûr des approfondissements. Texte à suivre donc, je lance juste le topic.
Tout ça n'est pas nouveau, bien entendu. Mais ma découverte récente du cinéma d'Hong Sang-soo donne matière à ré-ouvrir le dossier. Ce qui me marque, me bouleverse, c'est cette simplicité avec laquelle le cinéaste écrit avec la vie même, abandonnant les codes du récit pour laisser aux "personnages" la possibilité de diriger le film. Seul Rohmer, le maître, a su atteindre un tel type d'écriture. Les deux cinéastes ont en commun trois choses, en plus de leur style d'écriture :
-Cette espèce de dissemblance entre la parole et les images, les intentions des personnages et leur action. Chez Rohmer, les personnages ont un plan précis, une morale, un code de conduite qui va se fragmenter dans l'action pour ne plus laisser place qu'à la contingence de la vie. Tout personnage rohmérien finit presque toujours par se réfugier dans son contraire, emporter par la situation. Chez Hong Sang-Soo, le personnage, bien qu'il semble vivre d'amour et d'eau fraîche, n'en demeure pas moins animé un "code d'amour". A la fin, lui aussi, il sera vaincu par la contingence.
-Le proverbe. Chaque film d'Hong Sang-Soo reprend une sorte de proverbe dont il exprime le sens. Par exemple, dans Turning gate, le personnage principal subit le même sort que dans la légende du serpent, la "porte tournante" (qui provient d'un lieu touristique). Pourquoi le proverbe ? Contrairement à ce que signifie généralement un "proverbe", les deux cinéastes ne donnent pas de leçon. Il en ressort plutôt une forme d'humilité, de non-possession. On pourrait croire que Sang-Soo est misogyne, or, justement, l'échec relatif de ses personnages laisse toujours à la femme le dernier mot. Cette humilité est partagée, je crois, avec Rohmer.
-La simplicité, l'évidence du quotidien. Chez les deux cinéastes, il se développe une sorte de point de vue subjectif où la conscience des personnages remplace l'objectivité du récit. Ce sont eux qui prennent en charge les morceaux de vie, et non plus le cinéaste, anti-auteur, qui apportent seulement le cadre ou ces hommes et femmes (pour ne pas dire personnages) s'expriment. Bien sûr, il ne faut pas non plus minimiser le travail de Sang-Soo : c'est toute une vie, des années travail qui sont nécessaires pour arriver à un tel résultat.
Quel résultat, donc ? Une sorte de minimalisme qui se résume à un cadre fixe mais profondément ouvert, aéré. Très peu de mouvements de caméra si ce n'est, dans les derniers films, l'usage abondant du zoom. Aucun effet, aucun "style", mais une marque, une structure transcendantale (oui !) qui se donne aux personnages. Une pensée donc, profonde, magnifique.
Disons, pour parler très subjectivement, que c'est le cinéaste que je cherchais. Si j'avais la possibilité de faire des films, et bien j'aurais fait ceux-là, exactement. J'avais rapproché Ha ha ha de La garconnière de Wilder. L'humour et la mélancolie se mêlent ensemble de manière très subtile, neuve. C'est à la fois très drôle et en même temps tragique. Par exemple, le personnage se fait humilier par sa mère, ça n'a l'air de rien, on rit beaucoup, mais derrière, on sent la douleur. On sent toujours la détresse des personnages qui se mêlent à une légèreté, un plaisir de vivre. Je trouve ça absolument magnifique, neuf, vrai, authentique.
PS : j'écrirai un texte sérieux après, mieux écris, en parlant plus des films, etc. Ici, je n'ai fait que taper un bête texte "en instantané" sur le forum. La comparaison avec Rohmer est grotesque, elle mérite bien sûr des approfondissements. Texte à suivre donc, je lance juste le topic.
Le_comte- Messages : 336
Re: Hong Sang-Soo
Salut,
En attendant ton texte, nous avions déjà un peu discuté du cinéaste par ici.
Je n'ai pas vu d'autre film du cinéaste depuis, pourtant je crois qu'il y en a eu un ou deux qui sont sorti en salle.
En attendant ton texte, nous avions déjà un peu discuté du cinéaste par ici.
Je n'ai pas vu d'autre film du cinéaste depuis, pourtant je crois qu'il y en a eu un ou deux qui sont sorti en salle.
Invité- Invité
Re: Hong Sang-Soo
"Disons, pour parler très subjectivement, que c'est le cinéaste que je cherchais. Si j'avais la possibilité de faire des films, et bien j'aurais fait ceux-là, exactement. "
Pour parler tout aussi subjectivement, je pense la même chose. Hong Sang-Soo, Rohmer et Nanni Moretti voilà les cinéastes que je suis, bien sûr on ne décide pas un jour de se dire "si j'étais un cinéaste je serais..." mais cela s'impose naturellement à nous, dans une évidence.
Sinon un petit truc récurrent mais révoltant : la traduction du titre de l'avant-dernier Hong Sang-Soo, intitulé "Les femmes de mes amis" s'appelle en fait "Si tu savais tout", et cela en dit beaucoup plus sur le film.
Pour parler tout aussi subjectivement, je pense la même chose. Hong Sang-Soo, Rohmer et Nanni Moretti voilà les cinéastes que je suis, bien sûr on ne décide pas un jour de se dire "si j'étais un cinéaste je serais..." mais cela s'impose naturellement à nous, dans une évidence.
Sinon un petit truc récurrent mais révoltant : la traduction du titre de l'avant-dernier Hong Sang-Soo, intitulé "Les femmes de mes amis" s'appelle en fait "Si tu savais tout", et cela en dit beaucoup plus sur le film.
Re: Hong Sang-Soo
J'ai un pote qui contre Hong Sang Soo, propose un film qui s'appelle camel(s).
Vu cet oeuvre assez curieuse, son dispositif m'a beaucoup parlé.
http://www.cinemasie.com/fr/fiche/oeuvre/camel(s)/
sinon j'aime beaucoup l'oeuvre de Hong sang soo, dont je n'ai vu pour le moment que les 5 premiers films.
Vu cet oeuvre assez curieuse, son dispositif m'a beaucoup parlé.
http://www.cinemasie.com/fr/fiche/oeuvre/camel(s)/
sinon j'aime beaucoup l'oeuvre de Hong sang soo, dont je n'ai vu pour le moment que les 5 premiers films.
Re: Hong Sang-Soo
Salut,
intéressant, ton texte, LeComte. Pour l'instant, j'ai peur d'être un peu passé à côté de Hong Sang-soo. Vus : Turning Gate et La femme est l'avenir de l'homme. Qui m'ont laissé tous les deux peu de choses. Mais ça fait un baille. Et tu donnes envie d'approfondir.
C'est marrant mais ce que tu décris me ferait presque pensé à une espèce de néo-réalisme desséché, revenu de l'espoir... Est-ce ton sentiment face à Hong ? Ou face à Rohmer ?!
intéressant, ton texte, LeComte. Pour l'instant, j'ai peur d'être un peu passé à côté de Hong Sang-soo. Vus : Turning Gate et La femme est l'avenir de l'homme. Qui m'ont laissé tous les deux peu de choses. Mais ça fait un baille. Et tu donnes envie d'approfondir.
C'est marrant mais ce que tu décris me ferait presque pensé à une espèce de néo-réalisme desséché, revenu de l'espoir... Est-ce ton sentiment face à Hong ? Ou face à Rohmer ?!
Invité- Invité
Re: Hong Sang-Soo
Salut Stéphane
Je n'emploierais pas le terme de "néo-réalisme" pour qualifier Rohmer et Sang-soo, mais plutôt celui d'un cinéma de l'authenticité. Je suis obsédé par cette question lol, c'est-à-dire par la réalité et la manière dont on la représente au cinéma. Il est vrai que je m'emmêle les pinceaux, car j'admire un "cinéma de la vie", qui touche donc à une certaine authenticité, tout en détestant les dérives de la naturalisation, à savoir l'image à caractère documentaire sans dehors. Moi, je n'ai jamais trouvé ma position contradictoire, même si, au bout du compte, j'aime les films qui écrivent avec et sur la vie, plutôt que ceux qui la considère comme déjà-là. Ces deux tendances poursuivent une même finalité, et ce que je défends partage les mêmes ambitions que ce que je déteste le plus, mais au final je pense que les résultats sont très différents, que ce n'est pas la même "vie" qu'on nous présente à l'écran.
Donc, pour revenir à ta question, je diviserais, dans un premier temps, deux formes de réalisme :
1) Le néo-réalisme, celui dans lequel tu suggères de placer Rohmer et Sang-soo, ce avec quoi je ne suis pas d'accord. Le néo-réalisme serait incarné par Rossellini ou Kiarostami. Leurs films s'ouvrent à une sorte de macrocosme, au grand flux de l'histoire et à une forme de réalité sociétale. Généralement, on retrouve l'idée d'un trajet, d'une destinée que suit le cinéaste, qui va construire son film en fonction de ce trajet. Le point de départ ne serait donc pas la matérialité des corps, de la parole et des situations, mais le regard par lequel le monde est révélé.
2) Le cinéma de l'authenticité, par contre, repart justement des êtres et des morceaux de vie amenés jusqu'à leur éclosion. Le cinéaste semble céder le point de vue et l'organisation du récit aux personnages et aux situations qu'ils créent. Du moins, l'écriture tend à favoriser cette pratique. De plus, je pense que le cinéma de authenticité est fondamentalement traversé par d'autres logiques artistiques. Il est en somme beaucoup plus impur que le néo-réalisme. Il peut s'ouvrir au théâtre et à la littérature en générale. Il est plus intime aussi. Ce serait donc Cassavetes, Pialat et, donc, Rohmer et Sang-soo.
On connait bien sûr les influences de Rohmer, son style littéraire, l'hybridité de ses films. Chez Sang-soo, il y a une conception du cadre très stricte et assez typique d'une tradition asiatique. Ces deux cinéastes ne considèrent pas que la réalité se donne d'elle-même dès que la caméra enregistre (image documentaire, naturaliste?). Ils ne croient pas non plus au regard du grand imagier qui viendrait révéler la réalité en tant que tel (image néo-réaliste donc). Pour eux, c'est le travail d'écriture avec et sur la vie, au départ des êtres, et sous l'influence d'autres traditions artistiques, qui détermine l'originalité de leurs films. Ainsi, ils seraient donc, selon moi, plus "authentiques" que "néo-réalistes".
Ce qui m'intéresse vraiment chez Rohmer et Sang-soo, mais aussi chez Cassavetes ou Pialat, c'est, à la différence d'autres traditions réalistes, ce sacrifice à la matérialité de la vie. Celui-ci, et uniquement celui-ci, constituera le poumon du film. C'est pourquoi je parle, à tort ou à raison, d'une écriture de la vie, qui se trouve poussée à l'extrême chez ces quelques cinéastes. Chaque découverte de ce genre m'a toujours bouleversé. Alors oui, bien sûr, je suis traversé par un forme de dogmatisme, je crois à la réalité, pour reprendre la phrase de Bazin. Mais pas à n'importe quelle réalité montrée : celle qui se révèle par l'écriture artistique, par écart, par hétérogénéité. Ceci n'est qu'une part du cinéma que j'aime, étant donné que seuls quelques cinéastes partagent cette esthétique. Ainsi, la découverte d'Hong Sang-soo est importante pour moi.
Je n'emploierais pas le terme de "néo-réalisme" pour qualifier Rohmer et Sang-soo, mais plutôt celui d'un cinéma de l'authenticité. Je suis obsédé par cette question lol, c'est-à-dire par la réalité et la manière dont on la représente au cinéma. Il est vrai que je m'emmêle les pinceaux, car j'admire un "cinéma de la vie", qui touche donc à une certaine authenticité, tout en détestant les dérives de la naturalisation, à savoir l'image à caractère documentaire sans dehors. Moi, je n'ai jamais trouvé ma position contradictoire, même si, au bout du compte, j'aime les films qui écrivent avec et sur la vie, plutôt que ceux qui la considère comme déjà-là. Ces deux tendances poursuivent une même finalité, et ce que je défends partage les mêmes ambitions que ce que je déteste le plus, mais au final je pense que les résultats sont très différents, que ce n'est pas la même "vie" qu'on nous présente à l'écran.
Donc, pour revenir à ta question, je diviserais, dans un premier temps, deux formes de réalisme :
1) Le néo-réalisme, celui dans lequel tu suggères de placer Rohmer et Sang-soo, ce avec quoi je ne suis pas d'accord. Le néo-réalisme serait incarné par Rossellini ou Kiarostami. Leurs films s'ouvrent à une sorte de macrocosme, au grand flux de l'histoire et à une forme de réalité sociétale. Généralement, on retrouve l'idée d'un trajet, d'une destinée que suit le cinéaste, qui va construire son film en fonction de ce trajet. Le point de départ ne serait donc pas la matérialité des corps, de la parole et des situations, mais le regard par lequel le monde est révélé.
2) Le cinéma de l'authenticité, par contre, repart justement des êtres et des morceaux de vie amenés jusqu'à leur éclosion. Le cinéaste semble céder le point de vue et l'organisation du récit aux personnages et aux situations qu'ils créent. Du moins, l'écriture tend à favoriser cette pratique. De plus, je pense que le cinéma de authenticité est fondamentalement traversé par d'autres logiques artistiques. Il est en somme beaucoup plus impur que le néo-réalisme. Il peut s'ouvrir au théâtre et à la littérature en générale. Il est plus intime aussi. Ce serait donc Cassavetes, Pialat et, donc, Rohmer et Sang-soo.
On connait bien sûr les influences de Rohmer, son style littéraire, l'hybridité de ses films. Chez Sang-soo, il y a une conception du cadre très stricte et assez typique d'une tradition asiatique. Ces deux cinéastes ne considèrent pas que la réalité se donne d'elle-même dès que la caméra enregistre (image documentaire, naturaliste?). Ils ne croient pas non plus au regard du grand imagier qui viendrait révéler la réalité en tant que tel (image néo-réaliste donc). Pour eux, c'est le travail d'écriture avec et sur la vie, au départ des êtres, et sous l'influence d'autres traditions artistiques, qui détermine l'originalité de leurs films. Ainsi, ils seraient donc, selon moi, plus "authentiques" que "néo-réalistes".
Ce qui m'intéresse vraiment chez Rohmer et Sang-soo, mais aussi chez Cassavetes ou Pialat, c'est, à la différence d'autres traditions réalistes, ce sacrifice à la matérialité de la vie. Celui-ci, et uniquement celui-ci, constituera le poumon du film. C'est pourquoi je parle, à tort ou à raison, d'une écriture de la vie, qui se trouve poussée à l'extrême chez ces quelques cinéastes. Chaque découverte de ce genre m'a toujours bouleversé. Alors oui, bien sûr, je suis traversé par un forme de dogmatisme, je crois à la réalité, pour reprendre la phrase de Bazin. Mais pas à n'importe quelle réalité montrée : celle qui se révèle par l'écriture artistique, par écart, par hétérogénéité. Ceci n'est qu'une part du cinéma que j'aime, étant donné que seuls quelques cinéastes partagent cette esthétique. Ainsi, la découverte d'Hong Sang-soo est importante pour moi.
Le_comte- Messages : 336
Re: Hong Sang-Soo
Le_comte a écrit:
2) Le cinéma de l'authenticité, par contre, repart justement des êtres et des morceaux de vie amenés jusqu'à leur éclosion. Le cinéaste semble céder le point de vue et l'organisation du récit aux personnages et aux situations qu'ils créent. Du moins, l'écriture tend à favoriser cette pratique. De plus, je pense que le cinéma de authenticité est fondamentalement traversé par d'autres logiques artistiques. Il est en somme beaucoup plus impur que le néo-réalisme. Il peut s'ouvrir au théâtre et à la littérature en générale. Il est plus intime aussi. Ce serait donc Cassavetes, Pialat et, donc, Rohmer et Sang-soo.
Ozu Yasujiro, Naruse Mikio aussi ça rentre là dedans?
Re: Hong Sang-Soo
Je n'ai pas encore vu de films de Naruse. Ozu, ça me paraît assez clair oui.
On pourrait évoquer Mizoguchi et même Kitano. Mais ça me semble assez différent quand même, c'est autre chose, pas le même type d'écriture ni la même imbrication des logiques esthétiques.
On pourrait évoquer Mizoguchi et même Kitano. Mais ça me semble assez différent quand même, c'est autre chose, pas le même type d'écriture ni la même imbrication des logiques esthétiques.
Le_comte- Messages : 336
Re: Hong Sang-Soo
[quote="Le_comte]
Le néo-réalisme, celui dans lequel tu suggères de placer Rohmer et Sang-soo, ce avec quoi je ne suis pas d'accord. [/quote]
Non, je ne suggère pas ça, c'était juste une impression que me laissait ton texte et je me demandais si c'était ton point de vue.
Sinon, les cinéastes que tu cites me sont assez peu connus. Que de mondes de cinéma à découvrir encore !
Le néo-réalisme, celui dans lequel tu suggères de placer Rohmer et Sang-soo, ce avec quoi je ne suis pas d'accord. [/quote]
Non, je ne suggère pas ça, c'était juste une impression que me laissait ton texte et je me demandais si c'était ton point de vue.
Sinon, les cinéastes que tu cites me sont assez peu connus. Que de mondes de cinéma à découvrir encore !
Invité- Invité
Re: Hong Sang-Soo
Attention avec les noms asiatiques monsieur le conte : dans "Hong Sang-Soo", "Sang-Soo" c'est le prénom !
Erreur courante, mais toujours désagréable ^^
Sinon, c'est moi l'ami de Woot qui n'aime pas HSS.
Et c'est pas la vision de ces derniers films (Les Femmes de mes amis et Hahaha) qui me fera changer d'avis. Mais j'avoue que le bonhomme est passionnant dans son évolution vers des films branquignols et comiques. Le pire c'est donc que j'ai eu du plaisir à les voir !
PS : donc oui je conseille Camel(s) comme antidote (il n'a en fin de compte pas tant que ça à voir avec le cinéma de Hong, mais à première vue les deux rentrent dans la catégorie "film d'auteur chiant en plan fixe"). Park Ki-Yong est un cinéaste vraiment intéressant et protéiforme, malheureusement peu connu et encore moins prolifique.
Erreur courante, mais toujours désagréable ^^
Sinon, c'est moi l'ami de Woot qui n'aime pas HSS.
Et c'est pas la vision de ces derniers films (Les Femmes de mes amis et Hahaha) qui me fera changer d'avis. Mais j'avoue que le bonhomme est passionnant dans son évolution vers des films branquignols et comiques. Le pire c'est donc que j'ai eu du plaisir à les voir !
PS : donc oui je conseille Camel(s) comme antidote (il n'a en fin de compte pas tant que ça à voir avec le cinéma de Hong, mais à première vue les deux rentrent dans la catégorie "film d'auteur chiant en plan fixe"). Park Ki-Yong est un cinéaste vraiment intéressant et protéiforme, malheureusement peu connu et encore moins prolifique.
Re: Hong Sang-Soo
"Woman on the beach"
Passionnant personnage du cinéaste-scénariste aux prises avec les autres personnages, son environnement. HSS est ici extraordinaire dans sa manière de filmer les questionnements d'un homme (alter-ego?) qui se répercutent aux spectateurs via la structure même de son film. C'est donc que HSS est grand : il est parvenu à capter quelque chose de la vie qu'il a rendu sous forme de mouvement (cinématographique). Avant la fin, les intentions des personnages ne sont jamais clairement définissables, il y a toujours une sorte de "marge de doute" qui nous place dans la position inconfortable de Kim. Sa question : "Comment cerner l'autre, sinon par touches successives trop intenses, cachant les autres, nous en donnant une image incomplète ?"
Il arrive bien à résoudre quelque chose à la fin puisqu'il parvient à terminer son scénario. Mais la résolution semble passer par la résurgence d'un souvenir, d'une image enfouie, révélation mise à plat sur l'oreiller : l'image de son ex-femme qui l'a trompé avec son ami. En d'autres termes, la recherche de l'image complète de l'autre n'est qu'un évitement, une manière désespérée de tenter vainement de refouler quelque chose en soi.
Jeu de miroir créant des attirances, où chacun se regarde et s'aime dans l'autre sans s'y voir.
Lorsque tout cela est résolu, c'est la délivrance : l'auteur a achevé son œuvre, l'objet (ici, les deux femmes du bord de mer) vers lequel se (dé)tournait la perversion de l'auteur-vampire peut retourner à sa liberté avec sa propre fêlure qui n'a jamais fait l'objet d'un quelconque refoulement (relations fille-mère, fille-père conflictuelles exprimées, dans l'émotion, mais clairement au cinéaste).
Drôle de schéma du cinéaste, la construction de sa quête de l'image juste fait presque penser à un cercueil. lol
Passionnant personnage du cinéaste-scénariste aux prises avec les autres personnages, son environnement. HSS est ici extraordinaire dans sa manière de filmer les questionnements d'un homme (alter-ego?) qui se répercutent aux spectateurs via la structure même de son film. C'est donc que HSS est grand : il est parvenu à capter quelque chose de la vie qu'il a rendu sous forme de mouvement (cinématographique). Avant la fin, les intentions des personnages ne sont jamais clairement définissables, il y a toujours une sorte de "marge de doute" qui nous place dans la position inconfortable de Kim. Sa question : "Comment cerner l'autre, sinon par touches successives trop intenses, cachant les autres, nous en donnant une image incomplète ?"
Il arrive bien à résoudre quelque chose à la fin puisqu'il parvient à terminer son scénario. Mais la résolution semble passer par la résurgence d'un souvenir, d'une image enfouie, révélation mise à plat sur l'oreiller : l'image de son ex-femme qui l'a trompé avec son ami. En d'autres termes, la recherche de l'image complète de l'autre n'est qu'un évitement, une manière désespérée de tenter vainement de refouler quelque chose en soi.
Jeu de miroir créant des attirances, où chacun se regarde et s'aime dans l'autre sans s'y voir.
Lorsque tout cela est résolu, c'est la délivrance : l'auteur a achevé son œuvre, l'objet (ici, les deux femmes du bord de mer) vers lequel se (dé)tournait la perversion de l'auteur-vampire peut retourner à sa liberté avec sa propre fêlure qui n'a jamais fait l'objet d'un quelconque refoulement (relations fille-mère, fille-père conflictuelles exprimées, dans l'émotion, mais clairement au cinéaste).
Drôle de schéma du cinéaste, la construction de sa quête de l'image juste fait presque penser à un cercueil. lol
Invité- Invité
Re: Hong Sang-Soo
sans vrai rapport; juste une association d'images
JM a écrit:
Drôle de schéma du cinéaste, la construction de sa quête de l'image juste fait presque penser à un cercueil. lol
Borges- Messages : 6044
Re: Hong Sang-Soo
"Monde noir, désert croissant : une machine solitaire ronfle sur une plage" (Anti-O)
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Hong Sang-Soo
Le_comte a écrit:Salut Stéphane
Je n'emploierais pas le terme de "néo-réalisme" pour qualifier Rohmer et Sang-soo, mais plutôt celui d'un cinéma de l'authenticité. Je suis obsédé par cette question lol, c'est-à-dire par la réalité et la manière dont on la représente au cinéma. Il est vrai que je m'emmêle les pinceaux, car j'admire un "cinéma de la vie", qui touche donc à une certaine authenticité, tout en détestant les dérives de la naturalisation, à savoir l'image à caractère documentaire sans dehors. Moi, je n'ai jamais trouvé ma position contradictoire, même si, au bout du compte, j'aime les films qui écrivent avec et sur la vie, plutôt que ceux qui la considère comme déjà-là. Ces deux tendances poursuivent une même finalité, et ce que je défends partage les mêmes ambitions que ce que je déteste le plus, mais au final je pense que les résultats sont très différents, que ce n'est pas la même "vie" qu'on nous présente à l'écran.
Donc, pour revenir à ta question, je diviserais, dans un premier temps, deux formes de réalisme :
1) Le néo-réalisme, celui dans lequel tu suggères de placer Rohmer et Sang-soo, ce avec quoi je ne suis pas d'accord. Le néo-réalisme serait incarné par Rossellini ou Kiarostami. Leurs films s'ouvrent à une sorte de macrocosme, au grand flux de l'histoire et à une forme de réalité sociétale. Généralement, on retrouve l'idée d'un trajet, d'une destinée que suit le cinéaste, qui va construire son film en fonction de ce trajet. Le point de départ ne serait donc pas la matérialité des corps, de la parole et des situations, mais le regard par lequel le monde est révélé.
2) Le cinéma de l'authenticité, par contre, repart justement des êtres et des morceaux de vie amenés jusqu'à leur éclosion. Le cinéaste semble céder le point de vue et l'organisation du récit aux personnages et aux situations qu'ils créent. Du moins, l'écriture tend à favoriser cette pratique. De plus, je pense que le cinéma de authenticité est fondamentalement traversé par d'autres logiques artistiques. Il est en somme beaucoup plus impur que le néo-réalisme. Il peut s'ouvrir au théâtre et à la littérature en générale. Il est plus intime aussi. Ce serait donc Cassavetes, Pialat et, donc, Rohmer et Sang-soo.
On connait bien sûr les influences de Rohmer, son style littéraire, l'hybridité de ses films. Chez Sang-soo, il y a une conception du cadre très stricte et assez typique d'une tradition asiatique. Ces deux cinéastes ne considèrent pas que la réalité se donne d'elle-même dès que la caméra enregistre (image documentaire, naturaliste?). Ils ne croient pas non plus au regard du grand imagier qui viendrait révéler la réalité en tant que tel (image néo-réaliste donc). Pour eux, c'est le travail d'écriture avec et sur la vie, au départ des êtres, et sous l'influence d'autres traditions artistiques, qui détermine l'originalité de leurs films. Ainsi, ils seraient donc, selon moi, plus "authentiques" que "néo-réalistes".
Ce qui m'intéresse vraiment chez Rohmer et Sang-soo, mais aussi chez Cassavetes ou Pialat, c'est, à la différence d'autres traditions réalistes, ce sacrifice à la matérialité de la vie. Celui-ci, et uniquement celui-ci, constituera le poumon du film. C'est pourquoi je parle, à tort ou à raison, d'une écriture de la vie, qui se trouve poussée à l'extrême chez ces quelques cinéastes. Chaque découverte de ce genre m'a toujours bouleversé. Alors oui, bien sûr, je suis traversé par un forme de dogmatisme, je crois à la réalité, pour reprendre la phrase de Bazin. Mais pas à n'importe quelle réalité montrée : celle qui se révèle par l'écriture artistique, par écart, par hétérogénéité. Ceci n'est qu'une part du cinéma que j'aime, étant donné que seuls quelques cinéastes partagent cette esthétique. Ainsi, la découverte d'Hong Sang-soo est importante pour moi.
Ce qui est troublant entre le néo-réalisme et HSS c'est la commune volonté de l'essentialisme. Mais après tous les sépare parce que dans le néo-réalisme ce sont d'abord les hommes face à une morale, alors que chez Rohmer et HSS ce sont les hommes livrés à eux mêmes. Ce qui compte pour le néo-réalisme c'est avant que le spectateur ait une idée précise de ce qu'il faut penser, il y a une forme d'impératif et le néoréalisme fait d'avantage appel aux Jugements alors que Rohmer (même dans les contes moraux si on met de côté la conclusion) et surtout HSS fait appel à l'entendement.
Ce que l'on voit dans le néo-réalisme c'est d'abord une morale alors que chez Rohmer et HSS des personnages en quête.
vivresavie- Messages : 13
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