Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
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Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
like wanting to be loved without wanting to loveBorges a écrit:Wanting to write without wanting to read is like wanting to ____ without wanting to ____.
vos suggestions
Eyquem- Messages : 3126
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Commence vraiment très bien, le livre a en fait la même structure que le le Docteur Faustus déplacé par rapport aux USA des années 1950-1980. Le titre original est mieux "Just Above My Head".
J'ai presque finit la fin, je lirai le début ensuite. Bon d'accord il est à la fois bergsonien, protestant, pontifiant. Mais
1) il semble comprendre Heidegger
2) donne envie de réfléchir à partir d'autre chose que Heidegger, justement après 400 pages rédigées depuis l'intérieur de l'opposition entre "historique" et "historial", et concède que c'est normal
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
J'arrive en retard sur la page de ce cabinet, veuillez m'en excuser.
Eyquem, tu n'es certes pas sans savoir que la trad. Vezin est réputée pour son illisibilité. A peu près tout le monde s'accorde là dessus, même les amis de la poésie. C'est une sorte de patagon énigmateux ou mystérifié qui résulte du postulat heideggero-vezinien selon lequel la "langue de l'être" ne peut être francisée (avec des mots usuels), sauf à sombrer dans dans "l'inexistentialité futile et outilitaire d'un autobus S", comme dit Queneau dans ses "exercices de style".
C'est (un peu) le même problème qu'avec la traduc par G. Jarczyk et P. - J. Labarrière de la Phénoménologie de L'Esprit (la blanche de Gallimard également), qui veulent délivrer le langage de Hegel de sa traduction par Jean Hyppolite.
Dans les deux cas, ça donne un exercice de haute voltige qui n'est pas une "traduction", mais l'invention d'un yaourt vernaculaire à fort potentiel comique. Surtout chez Vezin, spécialiste en néologismes longuement médités comme "ouvertude", "temporellité", "déval" et autres "utils", et qui semble rendre hommage involontairement à Finnegans wake.
La trad. Vezin a néanmoins quelques défenseurs. Une "université thomiste" a ouvert une page facebook en guise de soutien: https://www.facebook.com/group.php?gid=41483324351
(Faut-il suspecter un canular? C'est à craindre).
Il convient donc de rappeler qu'une traduction non commercialisée fait autorité, celle d'Emmanuel Martineau ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Martineau ), circulant il y a peu encore sous forme de photocopies qu'on se passait de mains en mains, mais qui, avec les développements récents de la technologie de communication, s'offre désormais directement, ô joie, à notre clé usb ou à notre mini disque dur Lacie "rikiki" en aluminium brossé, 585 francs comme disait Pierre Bellemarre:
http://www.laphilosophie.fr/ebook/Heidegger%20-%20%CAtre%20et%20temps%20%28traduction%20Martineau%29.pdf
PS: j'ai décidé de ne plus mettre de "lol", vu que c'est craignos. Désormais, faudra deviner quand je pouffe. Voilà.
Eyquem, tu n'es certes pas sans savoir que la trad. Vezin est réputée pour son illisibilité. A peu près tout le monde s'accorde là dessus, même les amis de la poésie. C'est une sorte de patagon énigmateux ou mystérifié qui résulte du postulat heideggero-vezinien selon lequel la "langue de l'être" ne peut être francisée (avec des mots usuels), sauf à sombrer dans dans "l'inexistentialité futile et outilitaire d'un autobus S", comme dit Queneau dans ses "exercices de style".
C'est (un peu) le même problème qu'avec la traduc par G. Jarczyk et P. - J. Labarrière de la Phénoménologie de L'Esprit (la blanche de Gallimard également), qui veulent délivrer le langage de Hegel de sa traduction par Jean Hyppolite.
Dans les deux cas, ça donne un exercice de haute voltige qui n'est pas une "traduction", mais l'invention d'un yaourt vernaculaire à fort potentiel comique. Surtout chez Vezin, spécialiste en néologismes longuement médités comme "ouvertude", "temporellité", "déval" et autres "utils", et qui semble rendre hommage involontairement à Finnegans wake.
La trad. Vezin a néanmoins quelques défenseurs. Une "université thomiste" a ouvert une page facebook en guise de soutien: https://www.facebook.com/group.php?gid=41483324351
(Faut-il suspecter un canular? C'est à craindre).
Il convient donc de rappeler qu'une traduction non commercialisée fait autorité, celle d'Emmanuel Martineau ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Martineau ), circulant il y a peu encore sous forme de photocopies qu'on se passait de mains en mains, mais qui, avec les développements récents de la technologie de communication, s'offre désormais directement, ô joie, à notre clé usb ou à notre mini disque dur Lacie "rikiki" en aluminium brossé, 585 francs comme disait Pierre Bellemarre:
http://www.laphilosophie.fr/ebook/Heidegger%20-%20%CAtre%20et%20temps%20%28traduction%20Martineau%29.pdf
PS: j'ai décidé de ne plus mettre de "lol", vu que c'est craignos. Désormais, faudra deviner quand je pouffe. Voilà.
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
salut Jerzy,
J'avais cherché cette traduction en librairie ; épuisée ; ça avait altéré ma disposibilité de voir cet utilisable se signaler comme ça à la discernation sur le mode de l'importunance.
Je vais pouvoir lire la 2e section dans cette version et comparer. Merci du tuyau.
J'avais cherché cette traduction en librairie ; épuisée ; ça avait altéré ma disposibilité de voir cet utilisable se signaler comme ça à la discernation sur le mode de l'importunance.
Je vais pouvoir lire la 2e section dans cette version et comparer. Merci du tuyau.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
En ce moment, je lis "L'Homme de Londres", de Simenon. Et je suis épatée, par le livre, et en souvenir par le film de Béla Tarr, qui semble prendre encore du poids dans ce souvenir.
J'avais fait cette expérience une autre fois, de vivre encore mieux un film en lisant le livre dont il est l'adaptation : avec La Nuit du chasseur. Un livre de Davis Grubb.
J'avais fait cette expérience une autre fois, de vivre encore mieux un film en lisant le livre dont il est l'adaptation : avec La Nuit du chasseur. Un livre de Davis Grubb.
adeline- Messages : 3000
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Terminé "De la destruction comme élément de l'histoire naturelle" de Sebald. Remuant, comme tout ce que j'ai lu de Sebald jusque là.
C'est un essai d'histoire et d'historiographie littéraire sur le bombardement des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Il ne s'agit pas de présenter les Allemands comme des victimes mais de comprendre deux choses :
- comment les Alliés ont pu concevoir et mener jusqu'au bout une opération dont les bénéfices stratégiques étaient plus que limités
- comment les Allemands ont transformé le paysage de ruines de 1945 en année zéro de la reconstruction, refoulant-oubliant du même coup que cette destruction était avant tout l'aboutissement de la période nazie.
Sur le premier point, il y a des pages terrifiantes sur la logique de la guerre totale. La thèse de Sebald, c'est qu'une fois lancée, la machine était si énorme qu'elle avait son mouvement propre, impossible à arrêter : cela avait coûté de tels investissements aux Alliés de fabriquer ces avions, ces bombes de toutes sortes, explosives ou incendiaires, d'organiser leur production en masse, d'administrer la population chargée de les produire et les soldats chargés de les larguer, qu'il était devenu impossible de ne pas utiliser ces bombes, de ne pas bombarder et réduire en cendres toutes ces villes allemandes, même une fois qu'on avait constaté que cette stratégie ne produisait aucun des résultats attendus, ni blocage de l'économie, ni démoralisation de la population.
Sur le second point, l'amnésie allemande, une image vaut tous les discours : cette carte postale de Francfort, reproduite page 19 :
"Francfort, hier et aujourd'hui" : où on voit que le mythe de la reconstruction semble barrer tout accès à la période qui précède ce paysage de ruines, comme si les Allemands, s'étant réveillés en 1945, avaient trouvé le pays dans cet état et s'étaient retroussé les manches courageusement pour remettre de l'ordre, sans se soucier de savoir quelle tempête avait soufflé pour laisser des tas de gravas hauts comme des immeubles, sur des kilomètres carrés.
Une grande partie du livre se présente en outre comme une tentative de décrire, sans "faire de grandes phrases", à quoi ressemble une ville bombardée. Il y a ainsi quatre pages, dont je me suis pas tout à fait remis, que Sebald consacre à la destruction de Hambourg, durant l'été 1943.
C'est un essai d'histoire et d'historiographie littéraire sur le bombardement des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Il ne s'agit pas de présenter les Allemands comme des victimes mais de comprendre deux choses :
- comment les Alliés ont pu concevoir et mener jusqu'au bout une opération dont les bénéfices stratégiques étaient plus que limités
- comment les Allemands ont transformé le paysage de ruines de 1945 en année zéro de la reconstruction, refoulant-oubliant du même coup que cette destruction était avant tout l'aboutissement de la période nazie.
Sur le premier point, il y a des pages terrifiantes sur la logique de la guerre totale. La thèse de Sebald, c'est qu'une fois lancée, la machine était si énorme qu'elle avait son mouvement propre, impossible à arrêter : cela avait coûté de tels investissements aux Alliés de fabriquer ces avions, ces bombes de toutes sortes, explosives ou incendiaires, d'organiser leur production en masse, d'administrer la population chargée de les produire et les soldats chargés de les larguer, qu'il était devenu impossible de ne pas utiliser ces bombes, de ne pas bombarder et réduire en cendres toutes ces villes allemandes, même une fois qu'on avait constaté que cette stratégie ne produisait aucun des résultats attendus, ni blocage de l'économie, ni démoralisation de la population.
Sur le second point, l'amnésie allemande, une image vaut tous les discours : cette carte postale de Francfort, reproduite page 19 :
"Francfort, hier et aujourd'hui" : où on voit que le mythe de la reconstruction semble barrer tout accès à la période qui précède ce paysage de ruines, comme si les Allemands, s'étant réveillés en 1945, avaient trouvé le pays dans cet état et s'étaient retroussé les manches courageusement pour remettre de l'ordre, sans se soucier de savoir quelle tempête avait soufflé pour laisser des tas de gravas hauts comme des immeubles, sur des kilomètres carrés.
Une grande partie du livre se présente en outre comme une tentative de décrire, sans "faire de grandes phrases", à quoi ressemble une ville bombardée. Il y a ainsi quatre pages, dont je me suis pas tout à fait remis, que Sebald consacre à la destruction de Hambourg, durant l'été 1943.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Putain c'est la fin tout est en train de crever les Straub ont été remplacés par "la Bataille d'Angleterre" qui il est vrai est le film le plus dialectique que l'on puisse imaginer (le plan stratégique de bombardement qui commente directement la destruction de Coventry, l’église où s'est réfugié la femme et les enfants de l'aviateur qui brûle sans que l'on voie aucune réaction, les réalisateurs du film qui achètent des répliques de bombardier allemand à Franco etc..).
Pas lu le livre de Sebald qui semble intéressant maisd des phrases comme "la destruction était en fait la première étapes d'une reconstruction réussie" me laissent un peu perplexes , surtout quand elles sont conjuguées avec le concept d' "histoire naturelle". J'ai peur qu'on en vienne vite à une lecture à la fois complotiste et fataliste de l'histoire, qui se transforme ensuite en manière d’interpréter l'histoire. On trouve des formulations assez proches dans ce que Hanna Arendt a écrit sur la guerre, mais heureusement et de manière intéressantes à la marge et en contradiction avec son propos principal qui plaide pour une prise politique sur l'histoire qui à son sens n'a pas encore eu lieu (et à laquelle le marxisme fait obstacle), les deux se contredisent chez elle presque comme des paradoxes existentiels à la Kierkegaard.
A mon avis il est plus proche de la vérité historique de comprendre le bombardement de civils par les alliés comme la compensation d'une tentative ratée de détruire le potentiel industriel du régime hitlérien (notamment l'échec du bombardement de Ploiesti), ce qui met en jeu des choses un peu différentes: il y a un scandale dans le fait que l'économie de guerre restait industrielle et impliquait le même type d'entreprises que l’économie de paix, mais l'idée de la valeur culturelle de la reconstruction était pas forcément posée dès ce début comme une justification du bombardement. Et le régime hitlérien défendait sûrement mieux ses usines que ses villes.
Je suis pas sûr que les Allemands ont reconstruit pour refouler leurs responsabilités dans le nazisme ou parce qu'ils les refoulaient. Si tu vas à Berlin ou à Bonn on ne peut pas dire que ce sont des villes qui refoulent leur passé, au contraire, j'ai l'impression que la conscience de ce passé définit le centre politique en Allemagne (il est vrai qu'un parti politique n'est jamais vraiment centriste, sauf peut-être une partie des Verts qui sont plus une sorte d'UDF fédéraliste européen de gauche qui veut pas dire son nom plutôt qu'un parti avec une réflexion sur l’écologie, mais c'est un autre problème, c'est d'ailleurs un sacré point commun entre la France et l'Allemagne). De manière assez inattendue Michel Foucault a écrit des choses intéressantes sur l'après-guerre allemand dans son cours au Collège de France de 1979, en notant qu'il inversait de manière (parfois assez retorse, en tout cas moins univoque que l'on ne pourrait le penser initialement) une conception traditionnelle de l'état dans la démocratie (non pas un état qui est construit pour garantir une responsabilité économique et politique collective, mais l'inverse).
Pas lu le livre de Sebald qui semble intéressant maisd des phrases comme "la destruction était en fait la première étapes d'une reconstruction réussie" me laissent un peu perplexes , surtout quand elles sont conjuguées avec le concept d' "histoire naturelle". J'ai peur qu'on en vienne vite à une lecture à la fois complotiste et fataliste de l'histoire, qui se transforme ensuite en manière d’interpréter l'histoire. On trouve des formulations assez proches dans ce que Hanna Arendt a écrit sur la guerre, mais heureusement et de manière intéressantes à la marge et en contradiction avec son propos principal qui plaide pour une prise politique sur l'histoire qui à son sens n'a pas encore eu lieu (et à laquelle le marxisme fait obstacle), les deux se contredisent chez elle presque comme des paradoxes existentiels à la Kierkegaard.
A mon avis il est plus proche de la vérité historique de comprendre le bombardement de civils par les alliés comme la compensation d'une tentative ratée de détruire le potentiel industriel du régime hitlérien (notamment l'échec du bombardement de Ploiesti), ce qui met en jeu des choses un peu différentes: il y a un scandale dans le fait que l'économie de guerre restait industrielle et impliquait le même type d'entreprises que l’économie de paix, mais l'idée de la valeur culturelle de la reconstruction était pas forcément posée dès ce début comme une justification du bombardement. Et le régime hitlérien défendait sûrement mieux ses usines que ses villes.
Je suis pas sûr que les Allemands ont reconstruit pour refouler leurs responsabilités dans le nazisme ou parce qu'ils les refoulaient. Si tu vas à Berlin ou à Bonn on ne peut pas dire que ce sont des villes qui refoulent leur passé, au contraire, j'ai l'impression que la conscience de ce passé définit le centre politique en Allemagne (il est vrai qu'un parti politique n'est jamais vraiment centriste, sauf peut-être une partie des Verts qui sont plus une sorte d'UDF fédéraliste européen de gauche qui veut pas dire son nom plutôt qu'un parti avec une réflexion sur l’écologie, mais c'est un autre problème, c'est d'ailleurs un sacré point commun entre la France et l'Allemagne). De manière assez inattendue Michel Foucault a écrit des choses intéressantes sur l'après-guerre allemand dans son cours au Collège de France de 1979, en notant qu'il inversait de manière (parfois assez retorse, en tout cas moins univoque que l'on ne pourrait le penser initialement) une conception traditionnelle de l'état dans la démocratie (non pas un état qui est construit pour garantir une responsabilité économique et politique collective, mais l'inverse).
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Tiens, qu'est-ce qui se passe?
Tu ne fais presque plus de fautes ni de coquilles.
T'es bourré, ou quoi?
Tu ne fais presque plus de fautes ni de coquilles.
T'es bourré, ou quoi?
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Rien à voir avec le prochain Tarantino, mais j'y repense : c'est un des plus grands récits que je connaisse :
Peu de pages font autant d'impression que celles où il raconte comment, enfant, il a appris seul à lire et à écrire, dans le dos de ses maîtres, par les ruses les plus variées.
Le contraire d'un récit de victime : c'est le livre de l'obstination, de l'entêtement le plus résolu à rester un homme.
Peu de pages font autant d'impression que celles où il raconte comment, enfant, il a appris seul à lire et à écrire, dans le dos de ses maîtres, par les ruses les plus variées.
Le contraire d'un récit de victime : c'est le livre de l'obstination, de l'entêtement le plus résolu à rester un homme.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Un livre d'il y a 10 ans
Je m'attendais à apprendre des choses, mais c'est juste un con qui pontifie (la peur de la malbouffe est un succédanée petit bouregois dugauchisme, la fille de mon ex-camarade a oublié que la DS avait une suspension hydropneumatique, du coup rien ne sert d'analyser, "transmettre" suffit). Le dispositif narratif est intermédiaire entre "le Petit Bleu de la Côte Ouest" et "Le Passage" de Giscard d'Estaing. Assez inutile et très mal écrit.
Un livre d'il y a 115 ans (j'ai réussi à trouver une édition de 1964 du Mercure de France, une date qui découpe à peu près en deux parties égales le temps écoulé depuis l'écriture) .
Les Jours c'est le Services Militaire comme déracinement absurde et pressentiment de 14-18, la nuit le rêve, ou plutôt la liberté du sommeil. Tombeau pour 200 000 Soldat semble avoir été très inspiré par ce livre, j’ignorais l'éventualité d'une filiation entre Jarry et Guyotat, mais après coup elle est évidente.
Ecriture superbe, inventive et belle, le "Stream of Concioussness" s'invente là; on sent que le modernisme du XXème siècle est une forme de réaction contre cette langue, qui est politique sans "problématiser" le politique comme un réel opposé à l'invention littéraire. La conscience de ce qui sépare un environnement culturel d'une téléologie est là, seulement elle n'est pas le produit mais la condition de l'écriture. Du coup je vais essayer de le lire.
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
VII
SUITE DES PRÉSENTATIONS
Comme le sergent-major l'avait mandé le premier soir, Sengle fut convié par ses officiers à venir faire le poète décadent chez Madame la Colonelle, où il commit la gaffe de ne point paraître, d'ailleurs ; et le lieutenant Vensuet, chargé d'un cours de littérature aux fourriers, leur lut de la littérature de Sengle.
Et il lut à Sengle, l'ayant appelé chez lui, de ses vers (il en avait fait), avec cette épigraphe bizarre :
Le meunier des noces avait perdu son petit-fils. Il monte à l'échelle. Il met un clou à la porte. A l'araignée : « Et maintenant toi, la Clou-en-Croix, file ton mur. »
PASTORALE
L'espoir des prés et le sourire du ciel calme
Regardent vibrer l'air aux trilles du gazon.
Un ormeau céladon évente de sa palme
Le soleil altéré qui sue à l'horizon.
Frisant sur les chapeaux les rubans pendeloques
Le vent rougeoie et rit à l'araignée en deuil
Tirebouchonnant aux nuques les lourdes coques
Des manteaux d'arlequin à la scène du seuil.
Un aigre violon a grincé dans la grange;
Et vers le son moteur de pantins les danseurs
Par l'aire ont marqué nets leurs talons sur la fange.
La barque de l'archet vogue en rythmes berceurs.
Voici les cloches des dimanches et des verres,
Les timbres orfévris des mantelets pendants,
Les mandolines de cristal vert des trouvères,
Les trompes chalumeaux léchant leurs cris ardents.
Le soleil cramoisi sur les plaines s'essuie.
Les couples deux par deux se hâtent vers l'abri.
Le branle des sabots bruit plus près sous la pluie.
A quand les diamants de l'arche colibri?
Les jets ont flagellé. Les paumes des deux pôles
Fouettent de l'eau de leurs flèches les bois ventrus.
Le tonnerre tombant tintamarre ses tôles
Dont décortiqués se tordent les damas drus.
Dans le cercle fermé de mes doubles prunelles
Les feuilles ont dormi sur le mur de ma croix.
Voici se resserrer les griffes éternelles
Qui recourbent la tiare au chef crossé des rois.
L'aurore du jour d'or rose a dissous les spectres.
Au faix de plus lourds pieds la fleur des champs se meurt.
Le Temps de gauche à droite au roulis de ses plectres
Balance l'essor des chordes, comme un semeur.
Le chant de cheminée a bleuté sa volute.
La source grillon aux algues du frais berceau
Palpite ses gouttelettes en trous de flûte.
Le billon a bondi du tambour du ruisseau.
De ceux qu'ont transis les espérances charnelles
Égrenant la vertèbre en les sépulcres froids
Pour celui qui honnit le dôme de nos droits
La sarcelle grise ahurit au grand soleil
L'ivoire courbé pair au front bas des taureaux.
— Vers d'officier », dit respectueusement Sengle, comme une femme dans une maison flatte selon son métier le bibi de deuxième classe.
Vensuet, qui était vraiment intelligent, rougit.
Il professa que ses deux galons n'étaient qu'outils de son gagne-pain, qu'il était anarchiste, et en art, et tâcha de se révéler informé.
« Je suis au courant de toutes les tentatives jeunes. Je ne me contente pas de lire nos grands poètes contemporains, Victor Hugo et Alfred de Musset. Je sais par coeur Maupassant, Zola et Loti ; j'admire l'insondable abîme du livre de la Pitié et de la Mort. J'ai été voir jouer Trimardot. Que les moeurs des paysans y sont naturellement observées! Le type du fermier au milieu des siens mourants qui ne pense qu'à ses boeufs. Les déclamations de Trimardot jurent un peu, pour leur lyrisme, avec cette fidèle étude; mais qu'elles sont hardies, et quels beaux vers! Étiez-vous à Trimardot ?
— Ailleurs, dit Sengle, mais où j'ai éprouvé des jouissances toutes pareilles aux vôtres. Au Music-Hall du boulevard Jovial, où des mimes m'ont exprimé les passions les plus naturelles, sans exagération, telles qu'elles nous agitent tous.
« C'était une pantomime italienne, qui commença comme toutes les pantomimes italiennes, jusqu'à ce que Pierrot et Cassandre tuèrent Arlequin et que le Docteur, ayant couru trois tours à petits pas autour du cadavre, à la halte d'une bourse, l'emporta, à la fin de dissection, dans son laboratoire.
« Quand Pierrot leva le mort et le colla contre le mur, en lui crachant derrière la tête, parce que la rigidité n'était pas encore faite ; qu'il voulut, lui tournant le dos, le charger sur soi et que le corps se déroba, jusqu'à trois reprises, en pliant les genoux, comme il arrive toutes les fois qu'on veut emporter son meurtre, et qu'on n'empoigne que le vide ; et qu'il se remit droit
malicieusement quand Pierrot le regarda sous le nez ; qu'étant devenu raide le seul transport possible fut de le tenir par les hanches et de le pousser en sautant jusqu'à la porte du laboratoire, que Colombine, ayant soulevé la portière, devint d'une pièce aussi et qu'on dut pareillement l'emporter en sautant; là il était évident que l'auteur du Mime savait en toute expérience la vie et la mort, et nous reconnûmes tous des scènes que nous avions vécues et des passions dans le sens des nôtres... Le Roi dit Nous.
« Mais où l'impression fut effroyablement exacte et la nature même devant nous, c'est ici, et ce fut très beau.
« Pierrot s'assit pour supputer sur une feuille l'héritage du mort et le mort vint, ou plutôt la Mort, nu jusqu'aux os, derrière la chaise (parce que le mime disparaissait sous un maillot rouge, indiscernable de la toile du fond lie de vin, sur quoi étaient peints des os avec art, et des projections vertes animaient les os et détruisaient les chairs jusqu'au noir, comme on se regarde dans deux glaces inexactement à quarante-cinq degrés le bras, et deux images se superposent mal, laissant un radius mince entre leurs figures fluides), éteignit la bougie semblable à son doigt éclairant la gauche de Pierrot, puis celle de droite, quand la bougie de gauche eut été rallumée; et il marchait rythmiquement, selon le pas des trombones. Et quand Pierrot se retourna et vit son Remords épouvantable, Cassandre accourut qui le ramassa blanc par terre et lui prouva qu'il n'y avait rien ; on rouvrit l'armoire du laboratoire où Arlequin se faisait de plus en plus calmement corps, pas encore disséqué. Et après cette constatation des sens, le mort revint vêtu que de la dentelle de ses os, et cela dura jusqu'à quatre fois, avec la peur inextinguible des deux figures de vieilles femmes, vérifiant vainement, au retour des airs de gigue, la chair du corps souriant avec son masque de fête et ses losanges multicolores.
« Et à la fin le squelette se mêla à tout le monde, dans l'apothéose d'un ballet. N'est-ce pas là du meilleur réalisme, et l'observation la plus subtile de notre vie de tous les jours?
— Évidemment, dit Vensuet pour avoir l'air de comprendre, c'est la pensée profonde d'Holbein et des Danses des morts, Memento, homo...»
Sengle, après un militaire demi-tour, accentuait les deux premiers pas de sa fuite, désolé qu'on sût, comme une vieille dame, de l'histoire de l'art et des citations latines et des idées générales.
ADELPHISME ET NOSTALGIE
Sengle n'était pas bien sûr que son frère Valens eût jamais existé. Il se souvint bien d'une orgie d'étudiants ensemble, et d'une promenade cyclique, la veille du conseil de révision, dans l'air si chaud et si solaire qu'il en était fluide, parmi une pérennité de cris d'insectes et d'oiseaux comme le bruissement des atomes oui, et des petites explosions des carapaces chues des arbres qu'ils s'amusaient à éclater de leurs roues flexibles. C'était tout à fait comme cela qu'il se figurait l'harmonie céleste des sphères. Puis il sut que Valens avait quitté la France et végétait dans l'Inde parmi des fièvres, en même temps qu'on cloîtrait Sengle dans le bagne mobile de l'escargot militaire ; et il fallait soixante jours pour envoyer là-bas une lettre, et l'écho dormait d'un sommeil de quatre mois.
C'est pourquoi il n'osa pas du tout écrire à Valens et crut qu'il avait rêvé. Sengle était dépourvu de toute mémoire des figures et ne pouvait reconstruire, même en s'imaginant les calquer dans l'air, les traits de sa mère morte deux jours après la mort. Et il ne se souvenait pas du tout de la figure de Valens. Malgré trois ou quatre photographies, l'une du moment du départ. Les yeux fuyaient et la bouche muette était aussi monstrueuse que l'empaillage d'un oiseau.
Je ne sais pas si mon frère m'oublie
Mais je me sens tout seul, immensément
Avec loin la chère tête apâlie
Dans les essais d'un souvenir qui ment.
J'ai son portrait devant moi sur la table,
Je ne sais pas s'il était laid ou beau.
Le Double est vide et vain comme un tombeau.
J'ai perdu sa voix, sa voix adorable,
Juste et qui semble faite fausse exprès.
Peut-être il l'ignore, trésor posthume.
Hors de la lettre elle s'évoque, très
Soudain cassée et caressante plume.
Il retrouva un regard qui l'évitait moins et une bouche où à défaut de paroles respirait un peu de souffle dans un portrait plus ancien de Valens, cinq ans avant, presque enfant, en marin noir, dans de la verdure. Et puis il vit qu'il s'était peut-être trompé et contemplait sa propre image, sept ans et demi avant, et c'était devant un miroir qui aurait gardé sa figure sans vieillir qu'il avait murmuré ces vers.
Sengle découvrait la vraie cause métaphysique du bonheur d'aimer : non la communion de deux êtres devenus un, comme les deux moitiés du cœur de l'homme, qui est isolément double chez le fœtus; mais la jouissance de l'anachronisme et de causer avec son propre passé (Valens aimait sans doute son propre futur, et c'est peut-être pourquoi il aimait avec une violence plus hésitante, ne l'ayant pas encore vécu et ne le pouvant tout comprendre). Il est admirable de vivre deux moments différents du temps en un seul; ce qui est suffisant pour vivre authentiquement un moment d'éternité, soit toute l'éternité, puisqu'elle n'a pas de moment. C'est aussi énorme que le vraisemblable sursaut de Shakspeare, revenu dans tel musée de Stratford-on-Avon, où l'on montre encore « son crâne à l'âge de cinq ans ». C'est la jubilation de Dieu le Père un et deux dans son Fils, et la perception qu'a le premier terme de son rapport avec le second n'a pu donner moins que l'Esprit-Saint. Le présent possédant dans le cœur d'autrui son passé vit en même temps Soi et Soi plus quelque chose. Si un moment de passé ou un moment de présent existait seul en un point du temps, il ne percevrait point ce Plus quelque chose, qui est tout simplement l'Acte de le Percevoir. Cet acte est pour l'être qui pense la plus haute jouissance connue, il y a une différence entre elle et l'acte sexuel des brutes comme vous et moi.
— Pas moi, rectifia Sengle.
Le mot Adelphisme serait plus juste et moins médical d'aspect qu'Uranisme, malgré son exacte étymologie sidérale. Sengle, pas sensuel, n'était capable que d'amitié. Mais pour se retrouver en son prédécesseur Double il importait qu'il reconnût, comme une âme, un corps assez beau pour le juger tel que le sien.
Et Sengle, amoureux du Souvenir de Soi, avait besoin d'un ami vivant et visible, parce qu'il n'avait aucun souvenir de Soi, étant dépourvu de toute mémoire.
Il avait essayé de réaliser en soi ce souvenir de Soi en coupant sa légère moustache et endurant de son corps une méticuleuse épilation grecque ; mais il s'aperçut qu'il risquait d'avoir l'air d'une tapette et non d'un petit garçon. Et surtout il était très nécessaire qu'il demeurât ce que Valens allait devenir, jusqu'au malheureux jour où, la différence de deux ans et demi n'étant plus visible, ils se confondraient trop jumeaux.
Avant Valens, il eut plusieurs amitiés qui s'égarèrent, des faute-de-mieux, qu'il reconnut plus tard avoir subies parce que les traits étaient des à-peu-près de Valens, et les âmes, il faut un temps très long pour les voir. L'une dura deux ans, jusqu'à ce qu'il s'aperçut qu'elle avait un corps de palefrenier et des pieds en éventail, et pas d'autre littérature qu'un amiévrissement de la sienne, à lui Sengle ; laquelle fit des ronds des mois après avec des souvenirs rapetassés dans la cervelle de l'ex-ami. Il trouvait mauvais également, fervent d'escrime, qu'on eût peur des pointes et ne sût pas cycler assez pour jouir de la vitesse.
Ces gens horripilaient Sengle, qui, se croyant poètes, ralentissent sur une route, contemplant les « points de vue ». Il faut avoir bien peu confiance en la partie subconsciente et créatrice de son esprit pour lui expliquer ce qui est beau. Et il est stupide de prendre des notes écrites.
Si l'homme a été assez génial (comme on apprend que les figures géométriques, leurs lignes étant extérieurement prolongées, construisent d'autres figures de propriétés semblables et de plus grandes dimensions) pour s'apercevoir que ses muscles pouvaient mouvoir par pression et non plus par traction un squelette extérieur à lui-même et préférable locomoteur parce qu'il n'a pas besoin de l'évolution des siècles pour se transformer selon la direction du plus de force utilisée, prolongement minéral de son système osseux et presque indéfiniment perfectible, étant né de la géométrie ; il devait se servir de cette machine à engrenages pour capturer dans un drainage rapide les formes et les couleurs, dans le moins de temps possible, le long des routes et des pistes ; car servir les aliments à l'esprit broyés et brouillés épargne le travail des oubliettes destructives de la mémoire, et l'esprit peut d'autant plus aisément après cette assimilation recréer des formes et couleurs nouvelles selon soi. Nous ne savons pas créer du néant, mais le pourrions du chaos. Et il semblait évident à Sengle, quoique trop paresseux pour être jamais allé le voir fonctionner, que le cinématographe était préférable au stéréoscope...
C'est peut-être selon cette compréhension qu'il ne se rappelait plus du tout la figure de Valens.
Quelque point qu'il explorât, il ne vit nulle part faillir chez Valens ce parallélisme continu de tout à deux ans et demi d'intervalle ; jusqu'au vieil armorial, feuilleté à la bibliothèque, qui à peu de pages de distance, leurs lettres étant voisines dans l'alphabet, superposait en majeur et mineur leurs armes :
Sengle (1086). —
Sur le champ noir de l'écu les lys ont semé leurs croix
D'argent, sanglots fleuris sur le deuil du manteau des rois.
L'or déchiqueté du lion y brode les effrois.
Valens (1301). —
Assis, le collier rose arrêtant ses abois,
Le lion d'or levant sa patte dextre avec sa foi
Cueille au ciel bleu l'une des trois
Fleurs d'or qui sont signes des rois.
Pour le moment, Sengle regrettait surtout le passé où il était libre... de prendre son tub tous les jours, d'avoir des vêtements possibles, de ne pas être mené à la manœuvre deux fois par jour, et de rentrer sans trembler devant des cadrans.
SUITE DES PRÉSENTATIONS
Comme le sergent-major l'avait mandé le premier soir, Sengle fut convié par ses officiers à venir faire le poète décadent chez Madame la Colonelle, où il commit la gaffe de ne point paraître, d'ailleurs ; et le lieutenant Vensuet, chargé d'un cours de littérature aux fourriers, leur lut de la littérature de Sengle.
Et il lut à Sengle, l'ayant appelé chez lui, de ses vers (il en avait fait), avec cette épigraphe bizarre :
Le meunier des noces avait perdu son petit-fils. Il monte à l'échelle. Il met un clou à la porte. A l'araignée : « Et maintenant toi, la Clou-en-Croix, file ton mur. »
PASTORALE
L'espoir des prés et le sourire du ciel calme
Regardent vibrer l'air aux trilles du gazon.
Un ormeau céladon évente de sa palme
Le soleil altéré qui sue à l'horizon.
Frisant sur les chapeaux les rubans pendeloques
Le vent rougeoie et rit à l'araignée en deuil
Tirebouchonnant aux nuques les lourdes coques
Des manteaux d'arlequin à la scène du seuil.
Un aigre violon a grincé dans la grange;
Et vers le son moteur de pantins les danseurs
Par l'aire ont marqué nets leurs talons sur la fange.
La barque de l'archet vogue en rythmes berceurs.
Voici les cloches des dimanches et des verres,
Les timbres orfévris des mantelets pendants,
Les mandolines de cristal vert des trouvères,
Les trompes chalumeaux léchant leurs cris ardents.
Le soleil cramoisi sur les plaines s'essuie.
Les couples deux par deux se hâtent vers l'abri.
Le branle des sabots bruit plus près sous la pluie.
A quand les diamants de l'arche colibri?
Les jets ont flagellé. Les paumes des deux pôles
Fouettent de l'eau de leurs flèches les bois ventrus.
Le tonnerre tombant tintamarre ses tôles
Dont décortiqués se tordent les damas drus.
Dans le cercle fermé de mes doubles prunelles
Les feuilles ont dormi sur le mur de ma croix.
Voici se resserrer les griffes éternelles
Qui recourbent la tiare au chef crossé des rois.
L'aurore du jour d'or rose a dissous les spectres.
Au faix de plus lourds pieds la fleur des champs se meurt.
Le Temps de gauche à droite au roulis de ses plectres
Balance l'essor des chordes, comme un semeur.
Le chant de cheminée a bleuté sa volute.
La source grillon aux algues du frais berceau
Palpite ses gouttelettes en trous de flûte.
Le billon a bondi du tambour du ruisseau.
De ceux qu'ont transis les espérances charnelles
Égrenant la vertèbre en les sépulcres froids
Pour celui qui honnit le dôme de nos droits
La sarcelle grise ahurit au grand soleil
L'ivoire courbé pair au front bas des taureaux.
— Vers d'officier », dit respectueusement Sengle, comme une femme dans une maison flatte selon son métier le bibi de deuxième classe.
Vensuet, qui était vraiment intelligent, rougit.
Il professa que ses deux galons n'étaient qu'outils de son gagne-pain, qu'il était anarchiste, et en art, et tâcha de se révéler informé.
« Je suis au courant de toutes les tentatives jeunes. Je ne me contente pas de lire nos grands poètes contemporains, Victor Hugo et Alfred de Musset. Je sais par coeur Maupassant, Zola et Loti ; j'admire l'insondable abîme du livre de la Pitié et de la Mort. J'ai été voir jouer Trimardot. Que les moeurs des paysans y sont naturellement observées! Le type du fermier au milieu des siens mourants qui ne pense qu'à ses boeufs. Les déclamations de Trimardot jurent un peu, pour leur lyrisme, avec cette fidèle étude; mais qu'elles sont hardies, et quels beaux vers! Étiez-vous à Trimardot ?
— Ailleurs, dit Sengle, mais où j'ai éprouvé des jouissances toutes pareilles aux vôtres. Au Music-Hall du boulevard Jovial, où des mimes m'ont exprimé les passions les plus naturelles, sans exagération, telles qu'elles nous agitent tous.
« C'était une pantomime italienne, qui commença comme toutes les pantomimes italiennes, jusqu'à ce que Pierrot et Cassandre tuèrent Arlequin et que le Docteur, ayant couru trois tours à petits pas autour du cadavre, à la halte d'une bourse, l'emporta, à la fin de dissection, dans son laboratoire.
« Quand Pierrot leva le mort et le colla contre le mur, en lui crachant derrière la tête, parce que la rigidité n'était pas encore faite ; qu'il voulut, lui tournant le dos, le charger sur soi et que le corps se déroba, jusqu'à trois reprises, en pliant les genoux, comme il arrive toutes les fois qu'on veut emporter son meurtre, et qu'on n'empoigne que le vide ; et qu'il se remit droit
malicieusement quand Pierrot le regarda sous le nez ; qu'étant devenu raide le seul transport possible fut de le tenir par les hanches et de le pousser en sautant jusqu'à la porte du laboratoire, que Colombine, ayant soulevé la portière, devint d'une pièce aussi et qu'on dut pareillement l'emporter en sautant; là il était évident que l'auteur du Mime savait en toute expérience la vie et la mort, et nous reconnûmes tous des scènes que nous avions vécues et des passions dans le sens des nôtres... Le Roi dit Nous.
« Mais où l'impression fut effroyablement exacte et la nature même devant nous, c'est ici, et ce fut très beau.
« Pierrot s'assit pour supputer sur une feuille l'héritage du mort et le mort vint, ou plutôt la Mort, nu jusqu'aux os, derrière la chaise (parce que le mime disparaissait sous un maillot rouge, indiscernable de la toile du fond lie de vin, sur quoi étaient peints des os avec art, et des projections vertes animaient les os et détruisaient les chairs jusqu'au noir, comme on se regarde dans deux glaces inexactement à quarante-cinq degrés le bras, et deux images se superposent mal, laissant un radius mince entre leurs figures fluides), éteignit la bougie semblable à son doigt éclairant la gauche de Pierrot, puis celle de droite, quand la bougie de gauche eut été rallumée; et il marchait rythmiquement, selon le pas des trombones. Et quand Pierrot se retourna et vit son Remords épouvantable, Cassandre accourut qui le ramassa blanc par terre et lui prouva qu'il n'y avait rien ; on rouvrit l'armoire du laboratoire où Arlequin se faisait de plus en plus calmement corps, pas encore disséqué. Et après cette constatation des sens, le mort revint vêtu que de la dentelle de ses os, et cela dura jusqu'à quatre fois, avec la peur inextinguible des deux figures de vieilles femmes, vérifiant vainement, au retour des airs de gigue, la chair du corps souriant avec son masque de fête et ses losanges multicolores.
« Et à la fin le squelette se mêla à tout le monde, dans l'apothéose d'un ballet. N'est-ce pas là du meilleur réalisme, et l'observation la plus subtile de notre vie de tous les jours?
— Évidemment, dit Vensuet pour avoir l'air de comprendre, c'est la pensée profonde d'Holbein et des Danses des morts, Memento, homo...»
Sengle, après un militaire demi-tour, accentuait les deux premiers pas de sa fuite, désolé qu'on sût, comme une vieille dame, de l'histoire de l'art et des citations latines et des idées générales.
ADELPHISME ET NOSTALGIE
Sengle n'était pas bien sûr que son frère Valens eût jamais existé. Il se souvint bien d'une orgie d'étudiants ensemble, et d'une promenade cyclique, la veille du conseil de révision, dans l'air si chaud et si solaire qu'il en était fluide, parmi une pérennité de cris d'insectes et d'oiseaux comme le bruissement des atomes oui, et des petites explosions des carapaces chues des arbres qu'ils s'amusaient à éclater de leurs roues flexibles. C'était tout à fait comme cela qu'il se figurait l'harmonie céleste des sphères. Puis il sut que Valens avait quitté la France et végétait dans l'Inde parmi des fièvres, en même temps qu'on cloîtrait Sengle dans le bagne mobile de l'escargot militaire ; et il fallait soixante jours pour envoyer là-bas une lettre, et l'écho dormait d'un sommeil de quatre mois.
C'est pourquoi il n'osa pas du tout écrire à Valens et crut qu'il avait rêvé. Sengle était dépourvu de toute mémoire des figures et ne pouvait reconstruire, même en s'imaginant les calquer dans l'air, les traits de sa mère morte deux jours après la mort. Et il ne se souvenait pas du tout de la figure de Valens. Malgré trois ou quatre photographies, l'une du moment du départ. Les yeux fuyaient et la bouche muette était aussi monstrueuse que l'empaillage d'un oiseau.
Je ne sais pas si mon frère m'oublie
Mais je me sens tout seul, immensément
Avec loin la chère tête apâlie
Dans les essais d'un souvenir qui ment.
J'ai son portrait devant moi sur la table,
Je ne sais pas s'il était laid ou beau.
Le Double est vide et vain comme un tombeau.
J'ai perdu sa voix, sa voix adorable,
Juste et qui semble faite fausse exprès.
Peut-être il l'ignore, trésor posthume.
Hors de la lettre elle s'évoque, très
Soudain cassée et caressante plume.
Il retrouva un regard qui l'évitait moins et une bouche où à défaut de paroles respirait un peu de souffle dans un portrait plus ancien de Valens, cinq ans avant, presque enfant, en marin noir, dans de la verdure. Et puis il vit qu'il s'était peut-être trompé et contemplait sa propre image, sept ans et demi avant, et c'était devant un miroir qui aurait gardé sa figure sans vieillir qu'il avait murmuré ces vers.
Sengle découvrait la vraie cause métaphysique du bonheur d'aimer : non la communion de deux êtres devenus un, comme les deux moitiés du cœur de l'homme, qui est isolément double chez le fœtus; mais la jouissance de l'anachronisme et de causer avec son propre passé (Valens aimait sans doute son propre futur, et c'est peut-être pourquoi il aimait avec une violence plus hésitante, ne l'ayant pas encore vécu et ne le pouvant tout comprendre). Il est admirable de vivre deux moments différents du temps en un seul; ce qui est suffisant pour vivre authentiquement un moment d'éternité, soit toute l'éternité, puisqu'elle n'a pas de moment. C'est aussi énorme que le vraisemblable sursaut de Shakspeare, revenu dans tel musée de Stratford-on-Avon, où l'on montre encore « son crâne à l'âge de cinq ans ». C'est la jubilation de Dieu le Père un et deux dans son Fils, et la perception qu'a le premier terme de son rapport avec le second n'a pu donner moins que l'Esprit-Saint. Le présent possédant dans le cœur d'autrui son passé vit en même temps Soi et Soi plus quelque chose. Si un moment de passé ou un moment de présent existait seul en un point du temps, il ne percevrait point ce Plus quelque chose, qui est tout simplement l'Acte de le Percevoir. Cet acte est pour l'être qui pense la plus haute jouissance connue, il y a une différence entre elle et l'acte sexuel des brutes comme vous et moi.
— Pas moi, rectifia Sengle.
Le mot Adelphisme serait plus juste et moins médical d'aspect qu'Uranisme, malgré son exacte étymologie sidérale. Sengle, pas sensuel, n'était capable que d'amitié. Mais pour se retrouver en son prédécesseur Double il importait qu'il reconnût, comme une âme, un corps assez beau pour le juger tel que le sien.
Et Sengle, amoureux du Souvenir de Soi, avait besoin d'un ami vivant et visible, parce qu'il n'avait aucun souvenir de Soi, étant dépourvu de toute mémoire.
Il avait essayé de réaliser en soi ce souvenir de Soi en coupant sa légère moustache et endurant de son corps une méticuleuse épilation grecque ; mais il s'aperçut qu'il risquait d'avoir l'air d'une tapette et non d'un petit garçon. Et surtout il était très nécessaire qu'il demeurât ce que Valens allait devenir, jusqu'au malheureux jour où, la différence de deux ans et demi n'étant plus visible, ils se confondraient trop jumeaux.
Avant Valens, il eut plusieurs amitiés qui s'égarèrent, des faute-de-mieux, qu'il reconnut plus tard avoir subies parce que les traits étaient des à-peu-près de Valens, et les âmes, il faut un temps très long pour les voir. L'une dura deux ans, jusqu'à ce qu'il s'aperçut qu'elle avait un corps de palefrenier et des pieds en éventail, et pas d'autre littérature qu'un amiévrissement de la sienne, à lui Sengle ; laquelle fit des ronds des mois après avec des souvenirs rapetassés dans la cervelle de l'ex-ami. Il trouvait mauvais également, fervent d'escrime, qu'on eût peur des pointes et ne sût pas cycler assez pour jouir de la vitesse.
Ces gens horripilaient Sengle, qui, se croyant poètes, ralentissent sur une route, contemplant les « points de vue ». Il faut avoir bien peu confiance en la partie subconsciente et créatrice de son esprit pour lui expliquer ce qui est beau. Et il est stupide de prendre des notes écrites.
Si l'homme a été assez génial (comme on apprend que les figures géométriques, leurs lignes étant extérieurement prolongées, construisent d'autres figures de propriétés semblables et de plus grandes dimensions) pour s'apercevoir que ses muscles pouvaient mouvoir par pression et non plus par traction un squelette extérieur à lui-même et préférable locomoteur parce qu'il n'a pas besoin de l'évolution des siècles pour se transformer selon la direction du plus de force utilisée, prolongement minéral de son système osseux et presque indéfiniment perfectible, étant né de la géométrie ; il devait se servir de cette machine à engrenages pour capturer dans un drainage rapide les formes et les couleurs, dans le moins de temps possible, le long des routes et des pistes ; car servir les aliments à l'esprit broyés et brouillés épargne le travail des oubliettes destructives de la mémoire, et l'esprit peut d'autant plus aisément après cette assimilation recréer des formes et couleurs nouvelles selon soi. Nous ne savons pas créer du néant, mais le pourrions du chaos. Et il semblait évident à Sengle, quoique trop paresseux pour être jamais allé le voir fonctionner, que le cinématographe était préférable au stéréoscope...
C'est peut-être selon cette compréhension qu'il ne se rappelait plus du tout la figure de Valens.
Quelque point qu'il explorât, il ne vit nulle part faillir chez Valens ce parallélisme continu de tout à deux ans et demi d'intervalle ; jusqu'au vieil armorial, feuilleté à la bibliothèque, qui à peu de pages de distance, leurs lettres étant voisines dans l'alphabet, superposait en majeur et mineur leurs armes :
Sengle (1086). —
Sur le champ noir de l'écu les lys ont semé leurs croix
D'argent, sanglots fleuris sur le deuil du manteau des rois.
L'or déchiqueté du lion y brode les effrois.
Valens (1301). —
Assis, le collier rose arrêtant ses abois,
Le lion d'or levant sa patte dextre avec sa foi
Cueille au ciel bleu l'une des trois
Fleurs d'or qui sont signes des rois.
Pour le moment, Sengle regrettait surtout le passé où il était libre... de prendre son tub tous les jours, d'avoir des vêtements possibles, de ne pas être mené à la manœuvre deux fois par jour, et de rentrer sans trembler devant des cadrans.
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Sur Facebook vu une imbécile de 16 ans met dans ses favoris la page du FN, il est clair qu'elle s'y reconnaît comme elle se serait reconnue un an avant dans une chanteuse.
La valorisation de Facebook est effrayante, d'un côté des milliards de dollars généré par la spéculation sur la connaissance de la vie sociale ou de l'opinion de 500 millions de couillons, de l'autre l’impossibilité même de garantir financièrement, même dans les pays occidentaux, un système de soin ou une fin de vie dans des circonstances décentes (pour ne prendre qu'un exemple) qui devient un problème soustrait du domaine de l'opinion.
Pendant quelques années, au début de l'Internet, le sérieux moral et ontologique qui permettait d'écouter l'autre sans le juger, en lui donnant le temps de s'exposer était presque une forme immédiate de la gratuité du simple fait de vivre. Mais à présent c'est autre chose: la droite a gagné, il faut tout englober dans la morale et l'économie pour qu'in fine la morale soit érigée en objet d'une évaluation économique. L'écoute et l'accueil apparaissent superflus du moment qu'ils sont devancés par une souffrance collective qui est à la fois uen valeur d'échange et une valeur d'usage ("la minorité n'est pas la seule à souffrir, dès lors elle n'es plus l'objet d'un investissement éthique", mais en même temps cet investissement est là où se jouait le sens de la majorité). Il faut échapper à la fois à la comparaison et à l'illusion de pureté pour fonder quelque chose d'éthique qui ne soit pas lié au pouvoir, et Internet ne le permet plus. On parle beaucoup de racines chrétiennes mais très peu de gestes chrétiens, impossible sur Internet, alors même que les logiques de mobilisation politique qu'il permet snt réelles. Seul le fait de ne pas avoir peur du scandale mais d'avoir peur de la communication singularise éthiquement un être dans ce merdier, le rattache encore à l'éthique (je vois bien ce qui intéresse Adorno dans Kierkegaard: Kierkegaard sait bien qu'il n'est pas le Christ, mais ne peut pas le dire, en tant que rentier il est à la fois hors du monde et hors du domaine du sacrifice).
En 2002, on disait: "le téléchargement c'est bien, il faut que la culture soit gratuite, c'est le triomphe de la pure valeur d'usage, contre la valeur d'échange qui est la source de l'exploitation". Résultat: consolidation des acteurs de l'Internet. C'est le lien entre libertarisme et bourgeoisisme réactionnaire. Ou plus encore, c'est le retour de la valeur constituée que Marx dénonçait chez Proudhon: la fiction qui confond la justice sociale avec une négociation sur l'utilité d'un bien. On ne supprime pas la valeur d'échange, on l'escamote, lorsque que Marx remarque qu'elle c'est le principal terrain où la lutte des classes peut se jouer. En toute logique Proudhon est contre le droit de gréve, car pour lui l'économie est un flux déjà réglé. Les grévistes ne sont pas uen conséuqnce de la loi d'airain que provoque la concurrence dans l'économie, mais une forme de concurrence à l’économie elle-même. Comme Internet, un monde qui brasse des milliards, où l’abstention et le désengagement n'a pas de valeur politique parc qu'elle est située dans un cadre déjà en concurrence avec la société.
La dernière page de "Misère de la Philosophie": "Ne dites pas que le mouvement social excut le mouvement politique, il n'y a jamais de mouvement politique qui ne soit social en même temps". Quelle modestie et quel tact dans ce vouvoiement (que Marx a directement écrit en français), qui ne s'adresse plus à Proudhon mais au lecteur, que seul le livre permet.
Internet: un gros machin pourri qui ne peut signifier la démocratie et le pluralisme qu'à la condition d'être placé au milieu de leur absence, de même que Meetic est un gros machin pourri pour avoir des relation sexuelles ou même une histoire conjugale quand on considère que la simple réciprocité affective est trop onéreuse (un truc très Proudhonien: échapper à la crise en contractualisant soit la domination, soit la plus totale passivité). Je n'en veux pas à ceux qui l'utilisent dans la conscience ou la contestation de cette absence réelle (genre Twitter pour signaler un snipper à Tunis ou Téhéran, ou un journaliste de Bujumbura qui fait un blog, ce n'est pas ridicule).
La valorisation de Facebook est effrayante, d'un côté des milliards de dollars généré par la spéculation sur la connaissance de la vie sociale ou de l'opinion de 500 millions de couillons, de l'autre l’impossibilité même de garantir financièrement, même dans les pays occidentaux, un système de soin ou une fin de vie dans des circonstances décentes (pour ne prendre qu'un exemple) qui devient un problème soustrait du domaine de l'opinion.
Pendant quelques années, au début de l'Internet, le sérieux moral et ontologique qui permettait d'écouter l'autre sans le juger, en lui donnant le temps de s'exposer était presque une forme immédiate de la gratuité du simple fait de vivre. Mais à présent c'est autre chose: la droite a gagné, il faut tout englober dans la morale et l'économie pour qu'in fine la morale soit érigée en objet d'une évaluation économique. L'écoute et l'accueil apparaissent superflus du moment qu'ils sont devancés par une souffrance collective qui est à la fois uen valeur d'échange et une valeur d'usage ("la minorité n'est pas la seule à souffrir, dès lors elle n'es plus l'objet d'un investissement éthique", mais en même temps cet investissement est là où se jouait le sens de la majorité). Il faut échapper à la fois à la comparaison et à l'illusion de pureté pour fonder quelque chose d'éthique qui ne soit pas lié au pouvoir, et Internet ne le permet plus. On parle beaucoup de racines chrétiennes mais très peu de gestes chrétiens, impossible sur Internet, alors même que les logiques de mobilisation politique qu'il permet snt réelles. Seul le fait de ne pas avoir peur du scandale mais d'avoir peur de la communication singularise éthiquement un être dans ce merdier, le rattache encore à l'éthique (je vois bien ce qui intéresse Adorno dans Kierkegaard: Kierkegaard sait bien qu'il n'est pas le Christ, mais ne peut pas le dire, en tant que rentier il est à la fois hors du monde et hors du domaine du sacrifice).
En 2002, on disait: "le téléchargement c'est bien, il faut que la culture soit gratuite, c'est le triomphe de la pure valeur d'usage, contre la valeur d'échange qui est la source de l'exploitation". Résultat: consolidation des acteurs de l'Internet. C'est le lien entre libertarisme et bourgeoisisme réactionnaire. Ou plus encore, c'est le retour de la valeur constituée que Marx dénonçait chez Proudhon: la fiction qui confond la justice sociale avec une négociation sur l'utilité d'un bien. On ne supprime pas la valeur d'échange, on l'escamote, lorsque que Marx remarque qu'elle c'est le principal terrain où la lutte des classes peut se jouer. En toute logique Proudhon est contre le droit de gréve, car pour lui l'économie est un flux déjà réglé. Les grévistes ne sont pas uen conséuqnce de la loi d'airain que provoque la concurrence dans l'économie, mais une forme de concurrence à l’économie elle-même. Comme Internet, un monde qui brasse des milliards, où l’abstention et le désengagement n'a pas de valeur politique parc qu'elle est située dans un cadre déjà en concurrence avec la société.
La dernière page de "Misère de la Philosophie": "Ne dites pas que le mouvement social excut le mouvement politique, il n'y a jamais de mouvement politique qui ne soit social en même temps". Quelle modestie et quel tact dans ce vouvoiement (que Marx a directement écrit en français), qui ne s'adresse plus à Proudhon mais au lecteur, que seul le livre permet.
Internet: un gros machin pourri qui ne peut signifier la démocratie et le pluralisme qu'à la condition d'être placé au milieu de leur absence, de même que Meetic est un gros machin pourri pour avoir des relation sexuelles ou même une histoire conjugale quand on considère que la simple réciprocité affective est trop onéreuse (un truc très Proudhonien: échapper à la crise en contractualisant soit la domination, soit la plus totale passivité). Je n'en veux pas à ceux qui l'utilisent dans la conscience ou la contestation de cette absence réelle (genre Twitter pour signaler un snipper à Tunis ou Téhéran, ou un journaliste de Bujumbura qui fait un blog, ce n'est pas ridicule).
Dernière édition par Tony le Mort le Dim 7 Oct 2012 - 18:57, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Top 10 Most Read Books in the World;
http://www.visualnews.com/data-design/april/top10books_jaredfanning/
La bible, pas mal; et on nous casse les pieds avec le déclin du christianisme; le christianisme, ça reste génial; juste après, on s'attendait à un autre livre religieux, et bien, pas du tout, c'est mao, dont personne ne nous cause plus; badiou doit être content : mao deuxième, et en anglais en plus;
terrible domination anglo-us;
notons que ce classement se fonde sur les ventes, pas sur l'impression; ne sont lus que les livres vendus; un livre ne peut pas avoir plus d'un lecteur; un acheteur, un lecteur. Les livres ne se prêtent pas, ne se lisent pas en bibliothèque...
sinon, moins sérieusement, j'arrive pas à croire que cela soit ça les bouquins les plus lus au monde, sans doute les plus vendus
Borges- Messages : 6044
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
salut Borges,
je partage ton étonnement.
pour info, les dates de parution des ouvrages en question :
Holy Bible : hmm
Mao : 1964
Harry Potter : 1997
Tolkien : 1954
The Alchemist : 1988
Da Vinci Code : 2003
Twilight Saga : 2005
Gone with the wind : 1936
Think and grow rich : 1937
Anne Frank : 1947
rien des années 70 mais trois des 15 dernières années et deux des années 30.
et puis rien avant 1936 - ne parlons même pas du XIX° siècles.
pas non plus de poésie.
la Bible et Mao : plutôt rassurant de trouver la foi et la révolution aux deux premières places (sans préjuger de ce qui en est fait) - et le fric seulement à l'avant-dernière.
mais je crois qu'on n'est pas sorti du bois.
je partage ton étonnement.
pour info, les dates de parution des ouvrages en question :
Holy Bible : hmm
Mao : 1964
Harry Potter : 1997
Tolkien : 1954
The Alchemist : 1988
Da Vinci Code : 2003
Twilight Saga : 2005
Gone with the wind : 1936
Think and grow rich : 1937
Anne Frank : 1947
rien des années 70 mais trois des 15 dernières années et deux des années 30.
et puis rien avant 1936 - ne parlons même pas du XIX° siècles.
pas non plus de poésie.
en même temps, ce sont des livres en anglais, alors ce n'est pas forcément étonnant : par exemple, je soupçonne que les ventes de Beigbedder aux USA sont terriblement plus faibles qu'en France.terrible domination anglo-us;
la Bible et Mao : plutôt rassurant de trouver la foi et la révolution aux deux premières places (sans préjuger de ce qui en est fait) - et le fric seulement à l'avant-dernière.
mais je crois qu'on n'est pas sorti du bois.
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
(Buddy Collette à Mingus, quand celui-ci avait 17 ans)Tu es noir. Quel que soit ton talent, tu ne perceras jamais dans le classique. Si tu veux jouer, joue d'un instrument de Noir. Tu ne feras jamais claquer un violoncelle, Charlie, alors apprends la basse et joue "slap"!
Quel titre. Et c'est toute une aventure, ce livre, un manuel de savoir-vivre avec une leçon pratique par chapitre (par exemple : comment devenir un as de judo en une après-midi et mater le caïd du quartier le soir même).
Et puis il y a les rencontres. Là, j'en suis aux cours du soir, avec Art Tatum :
Les répétitions continuèrent, plusieurs heures par jour, pendant de nombreuses semaines. Parfois, ils jouaient tout l'après-midi ce qui leur passait par la tête.
- Viens jouer, petit gars. Jouons au moins pour le plaisir, je ne crois pas que le Blanc puisse nous en empêcher. Tu te rappelles la marche harmonique en ré naturel que je t'ai montrée sur "Night and day"?
- Oui, Art, je l'ai étudiée au piano, tu comprends. Vas-y.
- Hé là, petit gars, tu me fauches mes idées!
-Oh, Art! Toi!... Comment dire? Il y a Jésus, Bouddha, Moïse, Duke, Bird et Art!
- Doucement, petit gars. Tu as ajouté un mi bémol à cet accord de la bémol qui s'inscrit dans une descente chromatique. Bouddha ne l'aurait pas fait, lui. Rien que la bémol et sol bémol à la main gauche. tu vois? Et en haut, si naturel, ré naturel et fa dièse. C'est pur ainsi, petit gars, c'est de la beauté pure. Ce mi bémol n'a pas sa place ici, gardons-le pour un autre genre de composition.
La répétition terminée, Mingus rentrait en trimbalant sa basse dans le tramway, épuisé, heureux et ivre d'idées musicales nouvelles.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Mingus, autre victime de la maladie de Charcot dont les mickeys post-bobo post-Lewis Trondheim à l'humour solipsiste laissés sur Enculture ricanaient bêtement, la réduisant à une "prétention de gens qui se la racontent": il faut bien qu'ils trouvent drôle que l'on traduise la maladie dans le seul langage qu'ils peuvent apparemment comprendre.
Invité- Invité
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
C'est quoi ce buzz sur Jacques Ellul? La RDL essaye de nous le vendre comme l'horizon indépassable de notre temps, l""homme qui as tout prévu". C'est confondre le fait d'être idéologiquement vainqueur avec l'omniscience.
Un peu lu 'le Bluff Technologique".
C'est ultra réactionnaire: ce qu'il a en commun avec le situationnisme est le pire du situationnisme: le discours de l'insubordination est absorbé dans une sorte de super-sociologie ou de méta-sociologie.
Ce n'est pas pas une critique ou un rejet du capital et de l'industrialisme pour ses conséquences sur la nature, seul le discours des experts sur le capital et l'industrie est visé.
Par ailleurs, il anticipe le discours actuellement conformiste qui relie insécurité et rejet du multiculturalisme. Il parle d' "invasion" musulmane, par la bande, dans les notes de bas de page. C'est aussi une manière de présenter la culture comme un héritage et non une pratique, déplacer le travail du négatif non pas dans la société, dans l'histoire, mais dans la seule sphère du pouvoir.
Un peu lu 'le Bluff Technologique".
C'est ultra réactionnaire: ce qu'il a en commun avec le situationnisme est le pire du situationnisme: le discours de l'insubordination est absorbé dans une sorte de super-sociologie ou de méta-sociologie.
Ce n'est pas pas une critique ou un rejet du capital et de l'industrialisme pour ses conséquences sur la nature, seul le discours des experts sur le capital et l'industrie est visé.
Par ailleurs, il anticipe le discours actuellement conformiste qui relie insécurité et rejet du multiculturalisme. Il parle d' "invasion" musulmane, par la bande, dans les notes de bas de page. C'est aussi une manière de présenter la culture comme un héritage et non une pratique, déplacer le travail du négatif non pas dans la société, dans l'histoire, mais dans la seule sphère du pouvoir.
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Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
C'est bien "Peaux noires Masques blancs" de Fanon, je regrette de ne le lire qu'aujourd'hui.
Une volonté de donner des fondements scientifiques à la psychanalyse existentielle, une vision de l'engagement et de la littérature et une beauté d'écriture poussés de manière plus rigoureuse et profonde que chez Sartre lui-même.
Les textes de René Maran dont il parle sont aussi impressionnants!
Une volonté de donner des fondements scientifiques à la psychanalyse existentielle, une vision de l'engagement et de la littérature et une beauté d'écriture poussés de manière plus rigoureuse et profonde que chez Sartre lui-même.
Les textes de René Maran dont il parle sont aussi impressionnants!
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Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
Extraordinaire roman.
J'ai rarement lu quelque chose d'aussi complexe du point de vue narratif et énonciatif (c'est le genre de roman qu'on ne peut pas lire si on l'a pas déjà lu: un enchevêtrement de voix et de souvenirs, mille vies ramassées en deux cents pages). Et c'est constamment émouvant.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
J'ai repris cette brique de 2000 pages que je lis de manière non linéaire
C'est impressionnant (un tel livre sur des évènements alors vieux de 5ans), on comprend mieux la France d'aujourd'hui :
-un truc m'a fait penser à un commentaire récent de Breaker, qui demandait d'où parlait Mediapart. On voit que Drumont s'était fait une audience dans l'opinion en ayant une spécialité de sortir les scandales financiers, un peu comme Mediapart (mais ladifférence avec la Libre Parole la seule logique qui prévalait était celle de l'amalgame et de la manipulation: ils attaquaient le père de la femme de Félix Faure plutôt que Felix Faure lui-même, et que le lien avec l'attaque raciale était direct: il s'agissait de sortir les scandales pour faire démissioner les moins pourris. Mais l'opinion reste travaillée de la même manière)
-Picquart et Labori étaient quasiment encore plus antisémites que ceux de l'autre camp (Picquart essayait de fonder la culpabiltié de Dreyfus sur une preuve manquante, et a découvert la manipulation par un positivisme qui au départ n'était pas forcément lmité à la méhodologie judiciaire, mais incluait sans doute) ses préjugés. Labori état un batteleur violent qui a bien failli saboter le procès de Rennes, mais c'était le seul avocat qui acceptait la familel Dreyfus comme client, et d'un atre côté il a bien failli se faire tuer das cette ltte. Il rappelle beaucoup Vergès
-superbe personnage de Forzinetti, le directeur de la prison du cherche Midi, qui perçoit la manipulation dès les premières minutes et décide d'aller contre son administration
-Reinach écrit superbement, il a un ton à la fois militant, et ironiquement mélancolique, un mélange de séverité et d'empathie pour autrui qui n'est pas si éloigné Didier Lestrade quand il parle Act Up. Dans le fond on sent un commis de l'état, presque le Ministre de la Défense de Gambetta qui a du fonder un groupe finalement pas si éloigné de la pratique d'Act Up dans son fonctionnement pour se faire entendre, et qui quelque pendant la lutte plaisir à passer de l'autre côté du système, à servir d'aiguillon et à fédérer des gens d'horisons opposés pendant la lutte, mais qui inquiet devant la difficulté de donner une sgnification instituionnelle a cette solidarité politique (dont le but est finalement de défendre les institutions) Ce qui le fait jouir comme vérité morale le confronte au désespoirr lorsqu'il s'agît de l'enraciner politiquement, et ce passage est rapide, au mileu de sphrases.
quand il parle de Bernard Lazare, on comprend le fossé qu'il a dû combler, c'est comme si un membre de l'UDF faisait un parti politique avec Kierkegaard ou -rions un peu- un mec de Tarnac. Mais ce passage qui était possible il y a 120 ans ne l'est plus maintenant (quoique'on sentz qu'il est parfois emmerdé qu'autre chose par le fait que Jaurès qui est sur sa gauche a en fait le même discours que lui)
- http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k750834/f199.image
C'est impressionnant (un tel livre sur des évènements alors vieux de 5ans), on comprend mieux la France d'aujourd'hui :
-un truc m'a fait penser à un commentaire récent de Breaker, qui demandait d'où parlait Mediapart. On voit que Drumont s'était fait une audience dans l'opinion en ayant une spécialité de sortir les scandales financiers, un peu comme Mediapart (mais ladifférence avec la Libre Parole la seule logique qui prévalait était celle de l'amalgame et de la manipulation: ils attaquaient le père de la femme de Félix Faure plutôt que Felix Faure lui-même, et que le lien avec l'attaque raciale était direct: il s'agissait de sortir les scandales pour faire démissioner les moins pourris. Mais l'opinion reste travaillée de la même manière)
-Picquart et Labori étaient quasiment encore plus antisémites que ceux de l'autre camp (Picquart essayait de fonder la culpabiltié de Dreyfus sur une preuve manquante, et a découvert la manipulation par un positivisme qui au départ n'était pas forcément lmité à la méhodologie judiciaire, mais incluait sans doute) ses préjugés. Labori état un batteleur violent qui a bien failli saboter le procès de Rennes, mais c'était le seul avocat qui acceptait la familel Dreyfus comme client, et d'un atre côté il a bien failli se faire tuer das cette ltte. Il rappelle beaucoup Vergès
-superbe personnage de Forzinetti, le directeur de la prison du cherche Midi, qui perçoit la manipulation dès les premières minutes et décide d'aller contre son administration
-Reinach écrit superbement, il a un ton à la fois militant, et ironiquement mélancolique, un mélange de séverité et d'empathie pour autrui qui n'est pas si éloigné Didier Lestrade quand il parle Act Up. Dans le fond on sent un commis de l'état, presque le Ministre de la Défense de Gambetta qui a du fonder un groupe finalement pas si éloigné de la pratique d'Act Up dans son fonctionnement pour se faire entendre, et qui quelque pendant la lutte plaisir à passer de l'autre côté du système, à servir d'aiguillon et à fédérer des gens d'horisons opposés pendant la lutte, mais qui inquiet devant la difficulté de donner une sgnification instituionnelle a cette solidarité politique (dont le but est finalement de défendre les institutions) Ce qui le fait jouir comme vérité morale le confronte au désespoirr lorsqu'il s'agît de l'enraciner politiquement, et ce passage est rapide, au mileu de sphrases.
quand il parle de Bernard Lazare, on comprend le fossé qu'il a dû combler, c'est comme si un membre de l'UDF faisait un parti politique avec Kierkegaard ou -rions un peu- un mec de Tarnac. Mais ce passage qui était possible il y a 120 ans ne l'est plus maintenant (quoique'on sentz qu'il est parfois emmerdé qu'autre chose par le fait que Jaurès qui est sur sa gauche a en fait le même discours que lui)
- http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k750834/f199.image
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Re: Essential reading : From books all I seek is to give myself pleasure by an honorable pastime: or if I do study, I seek only that branch of learning which deals with myself and which teaches me how to live and die well (Montaigne)
J'ai récemment lu la Marquise d'O.., les Fiancés de Saint Domingue et commencé Michael Kohlhaas.
Dans le début de Koolhaas le roman, on comprend (mieux que dans le film finalement) ce qui a pu intéresser des Pallière dans cette histoire , faire un lien avec ses films précédent: dans le roman la scène du péage est encore plus cinégénique que dans le film (il ya clairement vraiment une caméra qui suit les aller-retour, compelxes, mais rapides, de Kohlhaas entre le chemin, la barrière et la résidence de l'intendant), elle est clairement un exemple de création de frontière, et l ya chez Kleist l'idée que la frontière est un artifice dans ce qui est déjà de l'artifice (mettons la raison bourgeoise, le mélange de piété et d'hédonisme de Kohlhaas). D'un certain côté, Disneyland c'est aussi un peu la même chose, de l'artifice commercial dans ce qui est déjà l'artifice culturel (un imaginaire enfantin transmis sous une orme à la fois construite et radiionnelleà, une borne dans ce qui est déjà borné. Dans la métaphore de Jonas il ya aussi cette idée d'être enfermé dans quelque chose qui transporte, à la fois sépare et unifie les territoires. On sens dans les nouvelles de Kleist une oscillation entre l'idée que le monde est un seul territoire, et l'affirmation d'un nationalisme culturel, et la lucidité sur l'idée que cette tension ne doit pas être résolue, représente un point de vue pour l'écriture mais aussi la limite de ce dont il peut rendre compte.
La Marquise d'O... est une nouvelle hallucinante, on a l'impression qu'elle contient, décrypte et épuise déjà les système signifiant-signifié de la philosophie, de la critique et de la psychologie du XXème siècle.
C'est l'histoire d'une femme qui pendant une guerre napoléonienne, a été violée par un noble qui se proposait iniitalement de la sauver et voulait empêcher la plèbe des soldats de faire de même, elle tombe enceinte épouse son sauveur-agresseur sous la pression de celui-ci -qui apparaît fou, mais se vante de son conformisme pour convaincre la société de son honnêteté- et de sa famille pour réparer son honneur, elle le rejette, mais le contraint à la séduire après la répération pour retrouver une vie normale.
Il y a un point en commun entre la Marquise d'O... et Kohlhaas: ils endossent l'injustice qui leur sont faite poru la surmonter. Kleist lie leur paccours à une critique d'un système plus général (pour Kohlhaas, d'après le film des Pallière: le pouvoir et l'exploitation comme raison autonome, pour la Marquise, la famille) mais le fait que cette signification sociale, cette valeur sociable soit tenables, repose l'injustice qui leur soit faite individuellement soit finalement réparée, que leur histoire individuelle s'équilibbe et s'achève dans la reconnaissance de leur raisons.
Les Fiancés de Saint Domingue (nouvelle située pendant la révolution haïtienne, (qui a été visiblement un évènement très suivi dans l'Allemagne romantique) -l'histoire d'un suisse allemand, militaire français en rupture, qui tue par vengeance, à la suite d'un malentendu, une métisse, fille d'un rebelle qui l'utilsie comme leurre sexuel pour attirer les blancs, qui lui a sauvé la vie justement en l'immobilisant dans sa geôle) est plus proche d'un roman d'aventure classique, plus théâtral, mais finalement, la dialectique de la reconnaissance de la revendication et de la neutralisation du destin est toujorus là, déplacéen non pas autour d'un seul sujet, mais autour de la colonie libérée en tant que collectivité elle-même, ce qui n'est pas complètement juste, mais très intéressant. Il y aussi, comme chez la Marquise d'O..., une situation d'emboîtement d'un combat sourd de libération dans un contexte plus général d'aliénation, la forme de la critique interne menée par la partie étant le fond de la violence exercée dans la collectivité.
Dans le début de Koolhaas le roman, on comprend (mieux que dans le film finalement) ce qui a pu intéresser des Pallière dans cette histoire , faire un lien avec ses films précédent: dans le roman la scène du péage est encore plus cinégénique que dans le film (il ya clairement vraiment une caméra qui suit les aller-retour, compelxes, mais rapides, de Kohlhaas entre le chemin, la barrière et la résidence de l'intendant), elle est clairement un exemple de création de frontière, et l ya chez Kleist l'idée que la frontière est un artifice dans ce qui est déjà de l'artifice (mettons la raison bourgeoise, le mélange de piété et d'hédonisme de Kohlhaas). D'un certain côté, Disneyland c'est aussi un peu la même chose, de l'artifice commercial dans ce qui est déjà l'artifice culturel (un imaginaire enfantin transmis sous une orme à la fois construite et radiionnelleà, une borne dans ce qui est déjà borné. Dans la métaphore de Jonas il ya aussi cette idée d'être enfermé dans quelque chose qui transporte, à la fois sépare et unifie les territoires. On sens dans les nouvelles de Kleist une oscillation entre l'idée que le monde est un seul territoire, et l'affirmation d'un nationalisme culturel, et la lucidité sur l'idée que cette tension ne doit pas être résolue, représente un point de vue pour l'écriture mais aussi la limite de ce dont il peut rendre compte.
La Marquise d'O... est une nouvelle hallucinante, on a l'impression qu'elle contient, décrypte et épuise déjà les système signifiant-signifié de la philosophie, de la critique et de la psychologie du XXème siècle.
C'est l'histoire d'une femme qui pendant une guerre napoléonienne, a été violée par un noble qui se proposait iniitalement de la sauver et voulait empêcher la plèbe des soldats de faire de même, elle tombe enceinte épouse son sauveur-agresseur sous la pression de celui-ci -qui apparaît fou, mais se vante de son conformisme pour convaincre la société de son honnêteté- et de sa famille pour réparer son honneur, elle le rejette, mais le contraint à la séduire après la répération pour retrouver une vie normale.
Il y a un point en commun entre la Marquise d'O... et Kohlhaas: ils endossent l'injustice qui leur sont faite poru la surmonter. Kleist lie leur paccours à une critique d'un système plus général (pour Kohlhaas, d'après le film des Pallière: le pouvoir et l'exploitation comme raison autonome, pour la Marquise, la famille) mais le fait que cette signification sociale, cette valeur sociable soit tenables, repose l'injustice qui leur soit faite individuellement soit finalement réparée, que leur histoire individuelle s'équilibbe et s'achève dans la reconnaissance de leur raisons.
Les Fiancés de Saint Domingue (nouvelle située pendant la révolution haïtienne, (qui a été visiblement un évènement très suivi dans l'Allemagne romantique) -l'histoire d'un suisse allemand, militaire français en rupture, qui tue par vengeance, à la suite d'un malentendu, une métisse, fille d'un rebelle qui l'utilsie comme leurre sexuel pour attirer les blancs, qui lui a sauvé la vie justement en l'immobilisant dans sa geôle) est plus proche d'un roman d'aventure classique, plus théâtral, mais finalement, la dialectique de la reconnaissance de la revendication et de la neutralisation du destin est toujorus là, déplacéen non pas autour d'un seul sujet, mais autour de la colonie libérée en tant que collectivité elle-même, ce qui n'est pas complètement juste, mais très intéressant. Il y aussi, comme chez la Marquise d'O..., une situation d'emboîtement d'un combat sourd de libération dans un contexte plus général d'aliénation, la forme de la critique interne menée par la partie étant le fond de la violence exercée dans la collectivité.
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