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Essential Killing (J. Skolimowski)

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Message par Largo Sam 16 Avr 2011 - 12:12

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La traque d'un taliban ("Mohamed" au générique) du désert afghan jusqu'aux forêts enneigées de la Pologne (?).

Une longue fuite cahotante et haletante d'1h20, toujours à la limite de la complaisance dans le nihilisme et l'animale sauvagerie du personnage (un peu comme My Joy, quelques mois plus tôt).

Le film perd son souffle et s'épuise lentement, en même temps que le personnage.

Reste la puissance de la mise en scène, l'énergie de la survie qui s'en dégage, et surtout cette idée de filmer l'ennemi étatsunien, l'arabe, le terroriste en christ persécuté, joué qui plus est par un acteur américain ; c'est quand même assez culotté. Suivant cette logique de détournement et de brouillage de l'iconologie, il reprend tous les codes du film d'action mais en se plaçant du côté du "Méchant", du point de vue de celui qu'on traque au fond de sa grotte.

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Message par Leurtillois Dim 17 Avr 2011 - 10:03

Dans la première scène, on se croirait d'abord, un peu, dans un jeu vidéo ou dans une pub pour l'armée de l'air, ou quelque chose comme ça, quelque chose de déjà vu mille fois, avec les soldats, le traqué, l'hélicoptère, le désert, le bazooka, etc. - la projection numérique y était peut-être aussi pour quelque chose.
C'est assez étrange, parce que pourtant cette scène est finalement parmi les plus réussies du film j'ai trouvé.
C'est un film assez curieux non ? J'aimerais bien mieux connaître les films de Skolimowski ; j'avais vu un jour "Le Départ", très chouette (même si je sais pas si je l'aimerais autant aujourd'hui) et puis son précédent, "4 nuits avec Anna". 3 films qui n'ont aucun rapport, sinon peut-être les deux derniers, dans une certaine utilisation un peu ratée, régulièrement, de la lenteur.
Je dirais non pas que ce film se situe toujours à la limite de la complaisance, mais qu'il y tombe franchement par moments, en finissant toujours pas se relever. Pensé à "My Joy" également, mais vraiment très rapidement, seulement pour la composition d'une image, un plan assez ressemblant. Par contre, ce qu'il peut y avoir de "nihiliste" dans ce film ne m'a pas trop gêné, ou en tout cas beaucoup moins que dans "My Joy"...
Cela dit, il y a aussi ces plans un peu kitsch et ratés censés représenter ce dont se souvient par moments le personnage; il m'a semblé qu'ils associaient, bizarrement, enfin, sans qu'on comprenne trop pourquoi : l'appel à la prière, l'engagement dans son combat contre l'armée us, et sans doute, "la famille", ou du moins l'"amour" : une femme, montrée comme charmante et tenant dans ses bras un bébé. Je sais pas trop quoi penser de ces passages-là du film, mais ça me semble a priori un peu bizarre.


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Message par Eyquem Ven 22 Avr 2011 - 14:04

J'ai lu ce qu'en disait Eugenio Renzi :

Tenu, fort, implacable. Une chasse à l'homme d'une heure trente sans un seul mot. Cette aphasie en fait un chef d'œuvre. Il donne à l'ennemi de l'Occident une absolue dignité, celle d'être une véritable altérité. Combien de fois ces dernières années avons-nous vu des films sur les années 1970 tomber dans le piège de la parole, dissoudre l'homme d'action en quelques formules piquées, peut être, à tel ou tel révolutionnaire. La délégation soviétique avait claqué la porte du festival de Berlin en 1978 pour protester contre Voyage au bout de l'enfer. Parce que les Vietcongs étaient représentés comme des sauvages sanguinaires déblatérant des mots incompréhensibles. Les Soviétiques se trompaient. Par cette distance abyssale, représentée par le langage, que Cimino met entre les soldats américains et leurs ennemis, il y a le début d'un processus de reconnaissance de l'altérité. L'autre n'est plus une imitation de soi-même, un indien bégayant quelques mots de sabir. Mais un vrai autre. Une autre langue, une autre éthique, lointaine, radicalement autre. Un autre qui a entièrement le droit de sa terre et de sa personne.

Lors du bref moment en prison, un officier américain essaie de l'interroger. Inutile. Rendu quasiment sourd par l'explosion d'une bombe, le prisonnier n'entend et ne comprend ni l'anglais, ni la traduction.
Et comme lui, nous n'en saurons pas plus. Quelques flash-backs nous font découvrir des clichés d'une femme en burqa et d'une école coranique. On sait uniquement ce qu'il fait. Il survit. Mange. S'enfuit. Tue. Essential comme Hegel : " l'homme est la somme de ses actions", un tueur. Rien de plus lointain de la morale, de la psychologie, de l'anthropologie que le film de Skolimowsky.

Un, cent, mille Skolimowski. Essential Killing condense et surpasse tout ce qu'on a vu au festival de Venise.
Donc si on résume le processus anthropogène de Renzi :
- l'humanité se divise en espèces radicalement distinctes, que sépare la "distance abyssale" des langues, des religions, des cultures, dans ce qu'elles ont d'intraduisible. C'est là une connaissance qui ne s'acquiert qu'au terme d'un processus long et difficile, mais rien ne s'apprend sans efforts dans la vie.
- c'est seulement quand j'ai reconnu que l'autre était d'une altérité radicale, un vrai autre, que je le reconnais d'une égale dignité à la mienne. C'est pour ça qu'il vaut mieux qu'il n'essaie même pas de me parler car on a rien à se dire, par définition.
- ayant reconnu, sans doute possible, que l'autre était un vrai autre, et d'une dignité vraiment égale à la mienne, je peux sans hésitation le buter, car il est prouvé, par le grand philosophe André Hegel, qu'il est essentiel à l'homme de massacrer son prochain pour accéder au rang d'être humain.

Une telle vision de l'humanité réchauffe le coeur et ne peut donner que de grands films, faut bien le reconnaître
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Message par Invité Ven 22 Avr 2011 - 17:02

attends je ne comprends pas ton jeu de massacre, en cela plutôt stérile : tu parles de qui ? de quoi ?

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Message par Eyquem Ven 22 Avr 2011 - 20:30

Je parle pas du Skolimowski (qui ne m'a pas intéressé), mais de ce qu'écrit Renzi : j'essaie de comprendre les raisons pour lesquelles il applaudit ce film. Il tient quand même un discours étonnant, pour ne pas dire plus : du genre, l'autre sera d'autant plus digne qu'il ne cherchera pas à nous parler ; les cultures ne sont pas faites pour s'entendre mais pour rester pures et sans mélanges. C'est franchement la rhétorique du "choc des civilisations", du chacun chez soi. C'est sans doute pas ce qu'il voulait dire, mais c'est ce que je lis. Tout ça associé, en plus, à l'idée du meurtre comme essence de l'homme, idée prétendument tirée d'Hegel : j'ai pas lu Hegel, mais j'ai lu des trucs dessus, et c'est pas du tout ce que j'ai compris.
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Message par Invité Ven 22 Avr 2011 - 21:17

oui mettre renzi au pilori car le film fait obstacle entre vous : cela pourrait faire une belle histoire. un cow boy et un indien qui ayant vu un film de griffith ivres dans l'arrière salle d'un tripot se battent à coup d'arguments sur le cinéma est il de droite ou de gauche ?

Wink

ps si je peux me donner mon avis c'est que le bon cinéma, généralement, est fait par des gens de droite. mais comment l'expliquer ?

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Message par Invité Sam 23 Avr 2011 - 8:25

slimfast a écrit:ps si je peux me donner mon avis c'est que le bon cinéma, généralement, est fait par des gens de droite. mais comment l'expliquer ?

tu as vu ce que ça coûte de faire un film ? faut pas forcément avoir beaucoup d'argent, mais faut un minimum avoir le tête dans le porte-monnaie. Wink
revu Il Caïmano, de Moretti. parle un peu de ça. mais on s'éloigne du Skolimovski.

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Message par Invité Sam 23 Avr 2011 - 9:40

( tu prends un sautet, tu prends un rohmer, je sais c'est "microscopique" comme enquête mais la qualité de l'un et la médiocrité de l'autre sautent aux yeux ).

je sais on s'éloigne de l'auteur de deep end.

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Message par Invité Sam 23 Avr 2011 - 14:52

bon, je plaisantais à moitié. mais ça a à voir avec le fric, au moins dans ce sens : un film doit être rentable. c'est à dire qu'il doit soit ramener des sous aux producteurs, soit créer une plus-value idéologique pour les financeurs institutionnels (CNC etc...). ce qui veut dire pragmatiquement que le film doit être un récit bien bouclé. et un récit bien bouclé, c'est tout le contraire d'une ouverture, d'une évolution, et plus encore d'une révolution.
bien sûr, ça n'explique pas tout...

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Message par Invité Sam 23 Avr 2011 - 14:58

pour rejoindre le topic sur Foucault : PPP, un bon réalisateur pas précisément de droite. mais quel récit dans ses films ?

aussi, quel récit chez Mekas ? quel état du récit chez ce véritable social-démocrate qu'est Moretti ? ("véritable" social démocrate implique un écart abyssal avec ce qui se revendique aujourd'hui de la social-démocratie ; Moretti, ce serait moins Aubry que Jaurés, un genre de type assez fréquentable l'un dans l'autre.) chez Godard ? chez Kiarostami ?

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Message par Largo Sam 23 Avr 2011 - 15:00

Je comprends pas bien ce qui vous taraude ?
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Message par Invité Sam 23 Avr 2011 - 17:15

c'est l'adéquation entre être de droite et faire de bons films et n'en faire pas de si bons quand on est de gauche.

contrairement à Stéphane je ne crois pas du tout que ce soit une question d'argent mais une certaine disposition mentale.

je n'ai pas la réponse, je cherche et sans modestie il me semble que la problématique mérite d'être creusée.

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Message par Borges Dim 24 Avr 2011 - 8:11

ce serait bien de faire une liste des auteurs de gauche et de droite, afin de vérifier si cette idée a un vrai fondement; que des types de droite, et même plus encore, fassent de grands films, c'est évident : il n'est pas nécessaire d'être de gauche pour faire du bon pain, et inversement, être de droite ne fait pas de vous le meilleur des boulangers.

il y a des metteurs en scène de gauche très mauvais, bien entendu, mais c'est pas leurs opinions politiques qui font d'eux de mauvais cinéastes; de droite, ils seraient aussi mauvais.

on ne compte pas les mauvais cinéastes de droite;






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Message par Invité Dim 24 Avr 2011 - 9:54

je sais bien, mais quand même ....

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Message par Largo Dim 24 Avr 2011 - 12:26

Pour revenir au sujet du topic. Sur le blog d'une Fameuse gorgée de poison, on trouve des extraits dans l'entretien de Skolimovski aux Cahiers, c'est plutôt affligeant :

Le journaliste demande : "Il y a les flashbacks, par exemple, qui ne semblent pas indispensables à cette économie."
Skoli répond : "Je dois au public des éléments sur le personnage. Il faut que je donne quelque chose : est-il marié ? a-t-il un enfant ? a-t-il été heureux ou pas ?"

Skoli : "Nous avions parlé de l'aspect religieux du film, et je voulais l'éviter, ce qui satisfaisait Vincent qui ne voulait pas du tout imiter un musulman en prière. Mais j'ai eu cette idée près de l'arbre. Il y avait déjà quelques tensions entre nous sur le tournage, je m'attendais à ce qu'il refuse. Alors je suis allé faire le mouvement d'affaissement contre le tronc, et ça l'a convaincu. Et c'est très un moment très beau, parce qu'il est complètement énigmatique."

Skoli : "J'avais demandé à Vincent de ne pas regarder Emmanuelle Seigner dans les yeux, sauf à la toute fin, sur le pas de la porte. Je ne pouvais pas ne pas avoir un échange de regard, tout le monde attend ça !"

Toute la lecture du film (celle de Lalanne dans les Inrocks, par exemple) qui peut se résumer à :

En télescopant deux martyrologies religieuses (l’islamiste prêt à mourir, le chrétien prêt à souffrir), Skolimowski brouille encore les repères. On ne sait pas trop où on est, une vedette américaine joue un taliban, mais un taliban qui revit la Passion du Christ. C’est que le film ne vise qu’une chose : amenuiser la distance entre soi et l’Autre.
(Lalanne)

...ne tient pas ou alors à l'insu du plein gré de l'auteur, ce qui est quand même idiot.

JS semble être passé complètement à côté de son film. C'est quand même incroyable qu'un cinéaste (surtout à son âge) ne soit pas conscient à ce point de ce que véhicule son film.

Et j'arrive pas à me dire que si les flash-backs sont aussi cliché, c'est simplement parce qu'ils n'intéressent pas JS, qu'il se sent obligé de les pondre pour filer le minimum syndical de sentiments, "d'histoire" au personnage, parce qu'il n'estime pas le spectateur capable de s'en passer. Quel manque de respect... Dans un autre entretien il disait aussi qu'il supportait assez mal le tournage parce qu'il y avait trop de monde autour de lui, qu'il était très misanthrope etc. En lisant tout ça, c'est à se demander pourquoi il est revenu au cinéma. Picturalement, ses plans sont tous très beaux. Alors, peut-être qu'il est simplement mieux, plus à sa place, dans une cabane au fond de la forêt sibérienne à peindre des toiles de 10m2...

PS : les tableaux qu'on voit dans la maison sur l'île dans Ghost Writer sont de lui.

Par comparaison, je repense à un Grandrieux et je me dis que lui au moins, va jusqu'au bout de ses visions, de ses films et j'en apprécie d'autant plus le fait qu'il assume de ne rien concéder qui puisse rendre son travail plus aimable.
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Message par Largo Dim 24 Avr 2011 - 12:31

Le billet d'Asketoner : http://fromafog.blogspot.com/2011/04/essential-killing-jerzy-skolimovski.html
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Message par Rotor Dim 24 Avr 2011 - 23:06

Halte là ! Je m'interpose pour défendre le Skolimowski qui m'a semblé être une proposition de cinéma d'une grande indépendance et posséder des qualités visuelles qui fait qu'on ne peut pas juste le considérer comme un "Rambo métaphysique".
Il y a une présence de la nature assez fascinante, un geste d'auteur dans ce film qui fait qu'il se différencie.
Et si effectivement, la symbolique christique finale possède une certaine lourdeur, je me suis retrouvé au sortir de la salle admiratif du chemin parcouru. Et d'ailleurs ce film m'a fait regarder d'autres Skolimowski. J'ai bien aimé la thématique du piège et de l'évasion et que le film soit presque muet. Ça me semble une tentative forte.

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Message par Largo Dim 24 Avr 2011 - 23:08

Il y a une présence de la nature assez fascinante,

C'est vrai, mais les propos de JS que je cite te gênent pas un peu ?
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Message par Rotor Dim 24 Avr 2011 - 23:21

Pas vraiment, vu que je ne les ai pas lu ! (Désolé, je rentre de soirée et je passais seulement vérifier que le forum vivait).
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Message par Rotor Dim 24 Avr 2011 - 23:30

Je regarderai l'article demain. Mais j'ai lu celui sur Scorsese (ce qui compense). Et je vais me coucher, car j'ai des idées qui m'attendent sur mon O rayé.
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Message par Largo Lun 25 Avr 2011 - 23:21

Au fait, vous écoutez ce que fait V. Gallo en musique ?

Y'a des trucs qui ont l'air assez bien...Genre ça :

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Message par Largo Mar 26 Avr 2011 - 7:01

Eyquem a écrit:J'ai lu ce qu'en disait Eugenio Renzi :

Tenu, fort, implacable. Une chasse à l'homme d'une heure trente sans un seul mot. Cette aphasie en fait un chef d'œuvre. Il donne à l'ennemi de l'Occident une absolue dignité, celle d'être une véritable altérité. Combien de fois ces dernières années avons-nous vu des films sur les années 1970 tomber dans le piège de la parole, dissoudre l'homme d'action en quelques formules piquées, peut être, à tel ou tel révolutionnaire. La délégation soviétique avait claqué la porte du festival de Berlin en 1978 pour protester contre Voyage au bout de l'enfer. Parce que les Vietcongs étaient représentés comme des sauvages sanguinaires déblatérant des mots incompréhensibles. Les Soviétiques se trompaient. Par cette distance abyssale, représentée par le langage, que Cimino met entre les soldats américains et leurs ennemis, il y a le début d'un processus de reconnaissance de l'altérité. L'autre n'est plus une imitation de soi-même, un indien bégayant quelques mots de sabir. Mais un vrai autre. Une autre langue, une autre éthique, lointaine, radicalement autre. Un autre qui a entièrement le droit de sa terre et de sa personne.

Lors du bref moment en prison, un officier américain essaie de l'interroger. Inutile. Rendu quasiment sourd par l'explosion d'une bombe, le prisonnier n'entend et ne comprend ni l'anglais, ni la traduction.
Et comme lui, nous n'en saurons pas plus. Quelques flash-backs nous font découvrir des clichés d'une femme en burqa et d'une école coranique. On sait uniquement ce qu'il fait. Il survit. Mange. S'enfuit. Tue. Essential comme Hegel : " l'homme est la somme de ses actions", un tueur. Rien de plus lointain de la morale, de la psychologie, de l'anthropologie que le film de Skolimowsky.

Un, cent, mille Skolimowski. Essential Killing condense et surpasse tout ce qu'on a vu au festival de Venise.
Donc si on résume le processus anthropogène de Renzi :
- l'humanité se divise en espèces radicalement distinctes, que sépare la "distance abyssale" des langues, des religions, des cultures, dans ce qu'elles ont d'intraduisible. C'est là une connaissance qui ne s'acquiert qu'au terme d'un processus long et difficile, mais rien ne s'apprend sans efforts dans la vie.
- c'est seulement quand j'ai reconnu que l'autre était d'une altérité radicale, un vrai autre, que je le reconnais d'une égale dignité à la mienne. C'est pour ça qu'il vaut mieux qu'il n'essaie même pas de me parler car on a rien à se dire, par définition.
- ayant reconnu, sans doute possible, que l'autre était un vrai autre, et d'une dignité vraiment égale à la mienne, je peux sans hésitation le buter, car il est prouvé, par le grand philosophe André Hegel, qu'il est essentiel à l'homme de massacrer son prochain pour accéder au rang d'être humain.

Une telle vision de l'humanité réchauffe le coeur et ne peut donner que de grands films, faut bien le reconnaître

Un homme, on le sait, ce n'est pas bien compliqué. S'il sait se servir du sabre, il survit. Lorsqu'il trouve sur son chemin un homme plus fort que lui, il meurt et l'autre prend sa place. Cela ne change pas grand chose. On peut avancer comme ça, à l'infini. Une femme, c'est autre chose. On peut la tuer, certes. Mais on peut aussi l'aimer. Du coup, cela produit un clinamen et l'Histoire peut commencer.

(ER, cette fois a propos de Detective Dee)
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Message par careful Mar 26 Avr 2011 - 18:16

Largo a écrit:Au fait, vous écoutez ce que fait V. Gallo en musique ?

Oui. J'ai acheté le vinyle de When (chez Warp), à l'époque.
Grand disque pour moi. Belle satire, à l'image de cette amusante pochette...

http://grooveshark.com/#/artist/Vincent+Gallo/7042?src=5

Je dois avoir dans un coin, mon CD de la formidable compile chez Ze Records "No Wave " avec sa participation au près de Basquiat (ou peut être bien New York Noise de chez Soul Jazz Records, je ne sais plus)
Je vais essayer de poster un lien aménagé rabbit

ps: d'ailleurs je viens de voir qu' Eyquem évoque les ESG , à côté.

Rien à voir. Presque. Juste un petit moule farfouillu assez putassier, comme dirait un "client" de ce matin:



Aka Smile

Sinon,
Pas encore vu le film. Mais celui ci sent mauvais d'où je suis. Surtout après tout ce que je viens de lire de la bouche de Skolimowski dans la presse au sujet du film. Surtout. Pas étonnant de lire que Gallo ait voulu de suite, du fond de son hôtel, participer de suite au film.

Pourtant Quatre nuits avec Anna et Deep End sont de vrais châssis. Smiley cochon ici.


Dernière édition par Careful le Mar 26 Avr 2011 - 19:36, édité 1 fois
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Message par Invité Mar 26 Avr 2011 - 18:45


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Message par careful Mar 26 Avr 2011 - 19:32

J'ai hésité pdt 1min entre celui ci, justement, et le live au Fuji Rock de 2003 , cher Erwan Wink
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