Thé et sympathie, grand film malade
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Thé et sympathie, grand film malade
Le film est très beau, on se dit que c'est un chant d'innocence «dans la conscience générale d'un pays si éminemment guerrier» comme l'a écrit Glauber Rocha quand il était jeune critique de cinéma. Film sûrement antibrutal, antibrute, mais qui force trop son innocence finalement pour ne pas être un peu(?) fasciste. Dans le livre autobiographique de Minnelli, on découvre une lettre (quand même bien conne) de Deborah Kerr, anticipant sur la censure qui plane sur le thème du film: «quant au thème... en ce qui concerne l'éclairage homosexuel du récit... je comprends leurs objections. D'accord pour l'adultère, d'accord pour l'impuissance, mais la "perversion" est leur "bête noire"... Ce thème est déjà assez fort en soi, sans lui adjoindre le problème de l'homosexualité.»
Le vrai thème (caché) du film, c'est sans doute celui-là: l'homosexualité est une perversion, un problème. Et il s'agit d'éviter la perversion, de l'évacuer du film dans un technicolor proche de l'hallucination(dans toute la séquence de fin notamment).
Une humanité débarrassée de la perversion de l'homosexualité, donc. Il y a bien un peu d'une idéologie eugéniste dans ce film de Minnelli, d'éradication par le technicolor de caractères jugés pervers.
Ça me rappelle les premières lignes du roman de Selby, Le démon:
Ses amis l'appelaient Harry. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui. Uniquement des femmes... des femmes mariées.
Et Selby aurait pu rajouter ce "d'accord pour l'adultère" de la lettre de Deborah Kerr. Harry n'était pas un pervers, il avait uniquement un problème, comme tous les non-pervers en ont dans la vie de tous les jours.
Bon, je reviens vers le film... La mise en scène de Minnelli est très forte, elle vous embarque dans cette croyance qu'un jeune homme est méchamment persécuté et que la main de la tendresse, de la considération de l'humain lui est tendue.
Un grand film malade, je crois.
Extrait de l'autobiographie de Minnelli :
Le vrai thème (caché) du film, c'est sans doute celui-là: l'homosexualité est une perversion, un problème. Et il s'agit d'éviter la perversion, de l'évacuer du film dans un technicolor proche de l'hallucination(dans toute la séquence de fin notamment).
Une humanité débarrassée de la perversion de l'homosexualité, donc. Il y a bien un peu d'une idéologie eugéniste dans ce film de Minnelli, d'éradication par le technicolor de caractères jugés pervers.
Ça me rappelle les premières lignes du roman de Selby, Le démon:
Ses amis l'appelaient Harry. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui. Uniquement des femmes... des femmes mariées.
Et Selby aurait pu rajouter ce "d'accord pour l'adultère" de la lettre de Deborah Kerr. Harry n'était pas un pervers, il avait uniquement un problème, comme tous les non-pervers en ont dans la vie de tous les jours.
Bon, je reviens vers le film... La mise en scène de Minnelli est très forte, elle vous embarque dans cette croyance qu'un jeune homme est méchamment persécuté et que la main de la tendresse, de la considération de l'humain lui est tendue.
Un grand film malade, je crois.
Extrait de l'autobiographie de Minnelli :
Invité- Invité
Re: Thé et sympathie, grand film malade
Hello breaker, je n'ai qu'un commentaire assassin à te proposer - lequel révèle sûrement avant tout que je n'arrive plus à regarder des films anciens...
Eu l'impression de regarder un film soviétique, un truc issu d'une dimension parallèle, d'un espace-temps qui n'avait pas lieu d'être, n'ayant jamais été contemporain de quoi que ce soit... Incapable de voir les qualités de ce truc. Je regarde trop de daubes contemporaines, sans doute. Ou il faut supposer que tout cela a beaucoup vieilli. Naphtaline est le mot qui me vient.
Une espèce de proto-teen movie amidonné et larmoyant, irrémédiablement coincé, fossilisé dans son projet d'aborder/de ne pas aborder l'homosexualité. Par rapport à la pièce de théâtre on a allégé le thème de l'homosexualité, à cause de la censure, ok. A quoi bon faire un film sur l'homosexualité si on ne peut pas faire un film sur l'homosexualité ? Suffisait d'attendre une ou deux décennies. Pour le coup, c'est crypto-gay. On se retrouve avec ce personnage d'hétérosexuel délicat aimant la couture et les lobs, bizuté par une communauté d'arriérés proprets, chouchouté par une dame à brushing... Ce personnage est voué à n'avoir aucune épaisseur, aucune cohérence, à cause de l'hypocrisie du projet de base. Enfin je trouve.
C'est fidèle au titre (qui évoque une bande de vieilles filles britanniques à leur rencontre hebdomadaire de 17 heures), guimauve au possible ; des personnages ayant tous des têtes d'experts-comptables se meuvent inexplicablement dans des décors pastel et fuchsia, et prennent des poses guindées, raides comme des piquets. L’héroïne fait songer, du point de vue du sex appeal, à une tante décédée, d'une jaunisse.
Le conformisme n'est pas seulement celui des méchants bourrins de collège, il est partout. Quand le héros se fait chambrer et littéralement piétiner par les débiloïdes de son école, je m'insurge vaguement "mais tape-leur dessus !" : vu qu'il a l'air d'avoir 30 ans (et ses petits camarades aussi), ce bizutage puéril parait absurde.
La niaiserie puritaine des comportements de ces personnages, je veux bien qu'elle soit possible, mais elle n'est en aucun cas sympathique ; et comme elle ne débouche sur aucune tragédie, elle est surtout ridicule. Et que le héros, cette endive humaine, d'une lucidité de chaton, ait dans les tripes de quoi se révéler par la suite auteur, écrivain, parait hautement improbable, ou, au choix, navrant : l'est pas parti pour écrire du Henry Miller, quoi.
J'ouvre le dico Lourcelles, qui se régale ici de la "grande délicatesse de style" et de "l'ironie acérée, voire même féroce dans sa retenue, vis-à-vis de l'univers des collèges américains". C'est possible. Ce Lourcelles, j'en reviens de plus en plus. En tout cas, du point de vue du spectateur actuel, difficile de ne pas trouver datée cette supposée féroce ironie.
Eu l'impression de regarder un film soviétique, un truc issu d'une dimension parallèle, d'un espace-temps qui n'avait pas lieu d'être, n'ayant jamais été contemporain de quoi que ce soit... Incapable de voir les qualités de ce truc. Je regarde trop de daubes contemporaines, sans doute. Ou il faut supposer que tout cela a beaucoup vieilli. Naphtaline est le mot qui me vient.
Une espèce de proto-teen movie amidonné et larmoyant, irrémédiablement coincé, fossilisé dans son projet d'aborder/de ne pas aborder l'homosexualité. Par rapport à la pièce de théâtre on a allégé le thème de l'homosexualité, à cause de la censure, ok. A quoi bon faire un film sur l'homosexualité si on ne peut pas faire un film sur l'homosexualité ? Suffisait d'attendre une ou deux décennies. Pour le coup, c'est crypto-gay. On se retrouve avec ce personnage d'hétérosexuel délicat aimant la couture et les lobs, bizuté par une communauté d'arriérés proprets, chouchouté par une dame à brushing... Ce personnage est voué à n'avoir aucune épaisseur, aucune cohérence, à cause de l'hypocrisie du projet de base. Enfin je trouve.
C'est fidèle au titre (qui évoque une bande de vieilles filles britanniques à leur rencontre hebdomadaire de 17 heures), guimauve au possible ; des personnages ayant tous des têtes d'experts-comptables se meuvent inexplicablement dans des décors pastel et fuchsia, et prennent des poses guindées, raides comme des piquets. L’héroïne fait songer, du point de vue du sex appeal, à une tante décédée, d'une jaunisse.
Le conformisme n'est pas seulement celui des méchants bourrins de collège, il est partout. Quand le héros se fait chambrer et littéralement piétiner par les débiloïdes de son école, je m'insurge vaguement "mais tape-leur dessus !" : vu qu'il a l'air d'avoir 30 ans (et ses petits camarades aussi), ce bizutage puéril parait absurde.
La niaiserie puritaine des comportements de ces personnages, je veux bien qu'elle soit possible, mais elle n'est en aucun cas sympathique ; et comme elle ne débouche sur aucune tragédie, elle est surtout ridicule. Et que le héros, cette endive humaine, d'une lucidité de chaton, ait dans les tripes de quoi se révéler par la suite auteur, écrivain, parait hautement improbable, ou, au choix, navrant : l'est pas parti pour écrire du Henry Miller, quoi.
J'ouvre le dico Lourcelles, qui se régale ici de la "grande délicatesse de style" et de "l'ironie acérée, voire même féroce dans sa retenue, vis-à-vis de l'univers des collèges américains". C'est possible. Ce Lourcelles, j'en reviens de plus en plus. En tout cas, du point de vue du spectateur actuel, difficile de ne pas trouver datée cette supposée féroce ironie.
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Thé et sympathie, grand film malade
salut BC,
l'histoire de ce jeune personnage ça pourrait être aussi son idiotisme, je ne sais pas si on peut envisager comme ça son incapacité à réagir à la violence...
Il est clair que cette relation de maternage désexualise le film, et c'était le but recherché pour s'éloigner de la perversion de l'homosexualité comme l'écrit Deborah Kerr...
Pas le temps de dire plus. Retour dans quelques semaines...
balthazar claes a écrit:Quand le héros se fait chambrer et littéralement piétiner par les débiloïdes de son école, je m'insurge vaguement "mais tape-leur dessus !" : vu qu'il a l'air d'avoir 30 ans (et ses petits camarades aussi), ce bizutage puéril parait absurde...
l'histoire de ce jeune personnage ça pourrait être aussi son idiotisme, je ne sais pas si on peut envisager comme ça son incapacité à réagir à la violence...
balthazar claes a écrit:On se retrouve avec ce personnage d'hétérosexuel délicat aimant la couture et les lobs, bizuté par une communauté d'arriérés proprets, chouchouté par une dame à brushing... Ce personnage est voué à n'avoir aucune épaisseur, aucune cohérence, à cause de l'hypocrisie du projet de base.
Il est clair que cette relation de maternage désexualise le film, et c'était le but recherché pour s'éloigner de la perversion de l'homosexualité comme l'écrit Deborah Kerr...
Pas le temps de dire plus. Retour dans quelques semaines...
Invité- Invité
Re: Thé et sympathie, grand film malade
Un idiotisme ou expression idiomatique est une construction ou une locution particulière à une langue, qui porte un sens par son tout et non par chacun des mots qui la composent. Il peut s'agir de constructions grammaticales ou, le plus souvent, d'expressions imagées ou métaphoriques. Un idiotisme est en général intraduisible mot à mot, et il peut être difficile, voire impossible, de l'exprimer dans une autre langue.
Par exemple, en français « il y a » est un bon exemple d'idiotisme non « imagé » couramment utilisé : décomposé mot à mot cela n'a pas de sens, alors que cela signifie bien quelque chose pour qui connaît la formulation en elle-même. « Couper l'herbe sous le pied » est un autre exemple, s'agissant cette fois d'une expression imagée qui peut être utilisée métaphoriquement telle quelle dans un autre contexte que celui qui lui a donné naissance (et donc avec une autre signification que celle de couper effectivement de l'herbe sous le pied). Une telle expression sera possiblement totalement incompréhensible si elle est traduite mot à mot dans une langue étrangère ; de même, un anglophone proposant qu'on se « secoue les mains » au lieu de se « serrer la main » commettra un anglicisme en calquant ce qu'il doit dire avec l'expression idiomatique anglaise to shake hands.
Soit ce grand film est malade d'idiocy, soit les sous-titreurs. Probablement les deux...
Invité- Invité
Re: Thé et sympathie, grand film malade
Littré a écrit:idiotisme [2]
(i-di-o-ti-sm') s. m.
1État d'un idiot, d'une personne dépourvue d'intelligence.
2 Terme de médecine. Absence congénitale de l'intelligence, presque toujours concomitante d'un défaut de développement du cerveau.
ÉTYMOLOGIE
Idiot.
Borges- Messages : 6044
Re: Thé et sympathie, grand film malade
Erratum alors: les sous-titreurs travaillaient avec le Littré et n'étaient donc pas idiotistes.
Invité- Invité
Re: Thé et sympathie, grand film malade
C'est aussi un terme de la psychiatrie des débuts (je crois l'avoir rencontré chez Foucault)
Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine – version 2013 a écrit:
idiotisme n.m.
idiotic state
En psychiatrie, terme désuet par lequel Ph.Pinel désignait une "oblitération des facultés intellectuelles et affectives".
Selon cet auteur, l’idiotisme naturel ou acquis, peut survenir en particulier après "l’usage des boissons narcotiques, des coups violents reçus sur la tête, une vive frayeur ou un chagrin profond et concentré..."
L’idiotisme acquis devient la démence aigüe avec E.Esquirol (1814), la stupidité avec E.Georget (1820), la confusion avec L.Delasiauve (1851), qui spécifie ainsi une forme de stupidité et fait une première description du tableau confuso-onirique et de ses signes physiques.
J. E. Esquirol (1772-1838), E.J. Georget (1795-1828), L. Delasiauve (1804-1893), psychiatres français
Étym. gr. idios : isolé
Borges- Messages : 6044
Re: Thé et sympathie, grand film malade
Hello les Spectres.
Les oeuvres de Storck sont éditées en dvds, et on peut y trouver notamment ce film intense Misère au Borinage (co-réalisé avec Joris Ivens), mais cette édition dvd n'offre que la version restaurée avec speaker.
http://www.cinematek.be/?node=30&dvd_id=52&category=17&lng=en
La version originale (muette) avec ses intertitres est sur Youtube:
Contrairement à ce que pouvait penser Storck dans un entretien avec la revue "Jeune cinéma" en 1988, le film n'a rien perdu de son côté accusateur et il est toujours aussi actuel.
Quasiment au même moment, une autre oeuvre ciné sur le Borinage est rééditée en dvd/bluray avec un livret qui réunit des écrits d'époque par la presse belge sur le tournage du film de Minnelli.
Minnelli qui vient gazer le Borinage avec ses fumigènes me rappelle un peu Coppola aux Philippines sur le tournage d'Apocalypse Now. La machinerie hollywoodienne n'a pas de limites, elle peut recréer en extérieurs une couleur de ciel dans toutes ses nuances de gris.
Dans l'image de Storck, de belles nuances de gris qui proviennent aussi des fumigènes tirés par les flics sur les ouvriers pour les disperser.
Minnelli découpe des grands arbres au niveau du tronc et les amène avec de puissantes grues sur son plateau pour quelques plans courts afin de reproduire une vision historique de ce que Van Gogh a peint. C'est sans doute anecdotique, mais c'est ce qui me questionne (un peu) chez Minnelli, comment il produit un art de la tendresse...
Les oeuvres de Storck sont éditées en dvds, et on peut y trouver notamment ce film intense Misère au Borinage (co-réalisé avec Joris Ivens), mais cette édition dvd n'offre que la version restaurée avec speaker.
http://www.cinematek.be/?node=30&dvd_id=52&category=17&lng=en
La version originale (muette) avec ses intertitres est sur Youtube:
Contrairement à ce que pouvait penser Storck dans un entretien avec la revue "Jeune cinéma" en 1988, le film n'a rien perdu de son côté accusateur et il est toujours aussi actuel.
- Spoiler:
- Archive de la Revue Jeune Cinema n°188-189 / mai-juin 1988 : http://ti1ca.com/2wpfo968-ENTRETIEN-AVEC-HENRI-STORCK.pdf.html
Quasiment au même moment, une autre oeuvre ciné sur le Borinage est rééditée en dvd/bluray avec un livret qui réunit des écrits d'époque par la presse belge sur le tournage du film de Minnelli.
Un homme confortablement installé au soleil dans un fauteuil de toile : Kirk Douglas.
Le comédien est au Borinage pour tourner un film sur le peintre Van Gogh.
Un jeune homme l'aborde timidement, il s'agit de Jean Borzée, un jeune journaliste de 27 ans : «Comment trouvez-vous le Borinage?»
«Je ne connaissais pas du tout cette région et je ne la connais pas beaucoup plus aujourd'hui mais je la trouve intéressante. Surtout parce que Van Gogh y a vécu et y a souffert.»
John Houseman, le producteur, est moins détendu que son acteur :
«La lumière est trop belle... Il faudrait des nuages... Concevez-vous le Borinage sans grisaille, sans manteau de brume, sans ce climat dramatique qui a été cent fois décrit dans la littérature populiste? Il va falloir que nous modifiions cela avec des bacs fumigènes.»
Minnelli est impitoyable. On le sent décidé à ne pas quitter la place avant d'avoir obtenu satisfaction complète.
Minnelli qui vient gazer le Borinage avec ses fumigènes me rappelle un peu Coppola aux Philippines sur le tournage d'Apocalypse Now. La machinerie hollywoodienne n'a pas de limites, elle peut recréer en extérieurs une couleur de ciel dans toutes ses nuances de gris.
Dans l'image de Storck, de belles nuances de gris qui proviennent aussi des fumigènes tirés par les flics sur les ouvriers pour les disperser.
Minnelli découpe des grands arbres au niveau du tronc et les amène avec de puissantes grues sur son plateau pour quelques plans courts afin de reproduire une vision historique de ce que Van Gogh a peint. C'est sans doute anecdotique, mais c'est ce qui me questionne (un peu) chez Minnelli, comment il produit un art de la tendresse...
Invité- Invité
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