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Message par BK Ven 28 Nov 2014 - 8:41



L’album éponyme est magique
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Message par Dr. Apfelgluck Ven 28 Nov 2014 - 16:47

Même si je partage l'avis de Borges sur ce genre de liste (qui sont à mon sens parfois aussi débiles que celles sur les "meilleurs films"), cela fait quand même plaisir de voir citer de temps à autre le père Garcia. C'est un peu son grand retour dans ce genre de classements, après avoir été "ringardisé" dans les 80's et 90's par l'arrivé des Vai, Satriani, Van Halen et compagnie. C'est Marsalais, après son passage impromptu dans la tournée d'été 1990 du Dead, qui avait dit je crois : "Jerry c'est l'anti-virtuosité à l'état pure". Je sais pas si cela veut dire grand chose, ce que je trouve le plus fascinant c'est l'évolution de sa façon de toucher les cordes, d'utiliser les gammes, ses vibratos. Presque à chaque tournée, Garcia avait un jeu, une attaque, totalement différent de la précédente. Ce qui rejoint la politique du Dead de l'anti-setlist fixe, des chansons sans cesses réarrangées etc... La catastrophe nucléaire étant de jouer deux fois le même show, comme le disait Jerzy au sujet de Zappa sur son blog.
Avant la formation du Dead, Garcia ne jurait que par l'acoustique, la scène folk et bluegrass. Son instrument fétiche était le banjo (avec lequel il renouera plus tard avec la formation Old & In The Way). D'ailleurs le duo "americana" du Dead ("Workingman's Dead" et "American Beauty") porte cette patte de "l'ancien Jerry".
C'est Pigpen, grand puriste lui aussi mais de Blues, qui l'obligera à passer à l'électrique en 1965. Et même pas deux ans après, Jerry sonne comme un guitariste "acid rock" de base. Ce type c'est changeling ou le Candyman de sa chanson, tellement les sauts de style et de jeu sont impressionnants d'une année à l'autre. Cela dépendait également à quoi il tournait alors, faut avouer. Il n'était d'ailleurs jamais satisfait de ses guitares avant la construction sur mesure pour lui par Doug Irving des "Wolf" et autre "Rosebud". Alors certes, c'est de loin pas le plus parfait niveau technique et compagnie (après tout, on s'en fout), il avouait lui même rater un solo sur deux. Mais ses "ratées" l'amenait souvent à construire autre choses, pousser le solo dans des directions incongrues afin de le terminer. Sans parler de son coma diabéthique en 85 au bout duquel il dut réapprendre totalement à jouer (il avait tout oublié à son réveil). Deux ans plus tard, les solos de la tournée d'été 1987 (avec Dylan au troisième set) sont parmi ses plus beaux. Comme s'il avait toujours été condamné d'apprendre puis de désapprendre son instrument (c'est ce que préconisait Monk, je crois).
Cela m'avais tellement fasciné qu'il y a quelque années j'avais fait un montage tout pourri de l'évolution des solos de "Bertha".

Dr. Apfelgluck
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Message par Invité Ven 28 Nov 2014 - 21:10

Salut Apfel:

La catastrophe nucléaire étant de jouer deux fois le même show, comme le disait Jerzy au sujet de Zappa sur son blog.

Je ne pense pas avoir jamais dit cela, mais c'est sympa de me le prêter Wink


Jerry Garcia. Faudrait que je m'y mette aussi. Merci pour cette initiation.


Béances énormes dans ma "culture rock". Je mesure que je ne me suis jamais intéressé au fond qu'aux figures assez latérales, ou marginales, du rock; aux phénomènes de "déterritorialisation" si je puis dire, tous ceux qui se tiennent sur une mince frontière indiscernable, une sorte de no man's land dont l'identité musicale est difficile à classer, qui plus est n'ayant pour la plupart jamais vraiment rayonné dans l'histoire du rock ou sa mémoire collective, représenté ou incarné un courant, un zeitgeist...

Bien sûr, y a quelques exceptions notables: les beatles, les beach boys, pink floyd, lol. Y en a d'autres, mais je plaisante à peine. Les vraies découvertes ultérieures, c'est souvent ce que d'autres m'ont font découvrir, et sans qui je n'y aurais jamais été de moi-même. Je sais pas, moi: nirvana, radiohead, spiritualized, primal scream, björk (dont je me suis un peu lassé), pj harvey (surtout son Stories from the City, Stories from the Sea), beth orton, goodspeed you black emperor, par exemple.

Mais je rappelle que je n'ai, dans ma discothèque pourtant bien fournie, aucun disque de Dylan, aucun disque des Stones, aucun disque des Kinks, aucun disque de Springsteen, aucun du Velvet, rien des Doors, pas le moindre Who, rien de Bowie (indifférence maximale), rien de Jefferson airplaine, rien de grateful dead, 2 Led Zeppelin (chargés sur le net, que j'écoute presque jamais) . Neil Young, j'ai accroché six mois, puis bof. Pas le moindre Ramones, Pixies, pas le moindre metallica, pas le moindre guns'N'Roses, Pearl Jam, REM, Coldplay, Sonic youth (manque de curiosité vraiment désolant, mais un jour, je rattraperai tout ça... peut-être).  Rien du punk (Clash, Pistols, Costello, etc), rien de la new-wave, ou cold-wave (Cure, Smiths, Depeche mode, Joy Division, etc etc: cette mouvance me fait même tympaniquement horreur, je l'avoue). Ou alors c'est passé en coup de vent sur ma platine et j'ai jamais pu écouter un disque en entier... Rien du prog (yes, genesis, etc), à part quelques King Crimson des années 80 (période Belew) et tout le Tull, qui n'est pas du prog. Presque rien de la "brit-pop": j'ai cru aimer une année "the verve", puis m'en suis lassé très vite. Et les autres, là, comment y s'appellent encore? Mince, faut que je googlise: ah voilà: Oasis ! Ouaih: j'ai écouté oasis trois mois, en essayant de me persuader que c'était super tonique et tout.


Et en dehors de tout ça? Ben... la musique électronique ("krautrock", ambient - tout ce qui ressemble à du Eno: récemment, Robert Rich fait mon bonheur...), le folk (british, irish, celtique, breton... Pas la country), le blues (moins aujourd'hui. Initiation par Mayall et Canned Heat), le jazz (énormement de choses : là je me débrouille pas mal), les qu'on disait "minimalistes" ou "répétitifs", les classiques du XXè et bcp de baroque.

Zappa, Beefheart, Hendrix, Fahey, Martyn, sont un peu mes dieux, ou mes muses: de ceux qui ont contribué à ouvrir mes oreilles, élargir mes portes de la perception.
Mais sur quoi de cet univers qu'on nomme le "rock", au fond? Me le demande, lol. Je dois à Zappa de m'avoir tout appris du rock de a à z, pour me rendre finalement compte après que c'était pas ce qu'on appelle le "rock" et qu'il s'en moquait pas mal, le traitre...

J'ai compris un peu tardivement que cet univers qu'on nomme le "rock" (dans lequel je mets la "pop" en me trompant peut-être) n'était pas un phénomène exclusivement musical, ou intra-musical. Mais, pour rester vague, concernait plus fondamentalement un être-au-monde ou dans-le-monde collectif, politique, social, générationnel. C'est pour ça que je suis passé un peu (beaucoup) à côté, n'ai jamais été dans le mood de mon époque, ni de celle des autres, et n'ai pour ainsi dire pas de "monde". Oui, je n'ai pas été dans le monde ou au monde, et ne le serai peut-être jamais... Et peut-être n'ai-je pas compris non plus que le "rock" (tout comme le "jazz", mais plus encore peut-être), ça disait ça aussi: que si nous sommes au monde ou dans le monde, c'est aussi sans y être ou à travers un grand désaccord, une discordance terrible... Non intégrés à ce monde, le refusant et désirant un autre monde... Je réduisais tout à une appréhension strictement musicale (j'ai jamais, jusqu'il y a peu, écouté les paroles des chansons, par exemple. Je m'en suis toujours foutu. De zappa, j'ai jamais écouté tout son blabla: ce qui fait que de zappa, je n'ai retenu que la musique et rien du reste. Ce qui me laisse à penser que, finalement, j'ai pas compris zappa non plus, en exagérant un peu: puisqu'il voulait "exprimer" quelque chose du monde et dans le monde).
Pour moi, l'émotion musicale dépendait uniquement de critères... "musicaux", de "la musique" prise pour elle-même et en elle-même. Ce qui est à la fois faux et ne veut rien dire. La musique étant elle-même travaillée, traversée, en son fond, par quelque chose d'autre, d'extra-musical (existentiel, politique, tout ce qu'on voudra) sans quoi elle ne serait pas musique. C'est fort compliqué, donc je laisse tomber provisoirement avant de sombrer dans des contradictions que je pressens... lol.


Sinon, tous les zarbis, les électrons libres, les groupes "orphelins", les gros ou petits bazars "à côté de la plaque" avaient une place de choix: de xtc à aksak maboul, en passant par steely dan, magma, little feat, albert marcoeur et des tas de trucs.
Grande admiration pour le "blues-rock" dit sudiste: allman brothers, zztop, lynyrd skynyrd... Très attiré par tous les guitaristes acoustiques solitaires puisant dans le folk et le blues (Fahey donc, Kottke, Hedges, Andy McKee , Don Ross "de la merveilleuse petite compagnie candyrat" (lol). Et si vous avez des trucs importants ou moins importants à me faire découvrir, je suis demandeur).
Ah oui, je suis fan de hard rock basé: ac/dc, motörhead. Et j'aime beaucoup, encore, dans le désordre, Chic, Abba, Jeff Beck, Cat stevens, les premiers America, les premiers Mike Oldfield, Jony Mitchell, Kate Bush, Peter Gabriel, The Talking heads, the beastie boys, Fleetwood mac (période californienne), un poil de disco, des vieux Gotainer, Léo Ferré, sans oublier ceux que j'oublie... Le funk n'est pas pour me déplaire, mais pas encore au point de faire des recherches encyclopédiques pour m'y instruire (ça viendra peut-être). Puis plein de trucs de variétoches franchement honteux, en fait. Laughing


(Ceci était une manière évasive et désordonnée de me rapprocher d'un "top des vos albums préférés", proposé il y a quelques temps sur un autre topic...)









Dernière édition par syndic des dockers le Sam 29 Nov 2014 - 5:34, édité 4 fois

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Message par Invité Sam 29 Nov 2014 - 0:22

Il me semble ridicule d'essayer de déterminer laquelle de ces listes est la moins prétentieuse et la plus légitime (et donc en bonne logique pour laquelle on doit "voter") alors qu'elles sont toutes vachement wasp américaine et déclinent le même thème. Spin cite quand même Frith; c'est bien. Ca ne me dérange pas de mettre My Bloody Valentine en premier.
Mais musique africaine connais pas, ou alors avec un quota de 1% (Papillon, de l'Orchestre Polyrythmo est un superbe guitariste hendrixien avec déjà des inflexions punk, pour ne pas parler de l'Afrique centrale).
Krautrock non plus  (allo ici la terre? Michael Karoli? Chris Karrer? voire même Florian Schneider en live au début de Kraftwerk).
J'apprécie qu'Eddie Hazel soit bien classé, mais rien sur Freddie Stone, pourtant très tôt inventif, bien plus important que Prince (le medley électronique de Dance to the Music, "Dont call me Nigger",les riffs énormes de "Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin)" et "I want take you Higher" c'est quoi pour eux?), sans lui pas de funk, de disco et probablement pas de New Wave non plus.

Dans les oublis des trois listes en rock: Fred Neil, Steve Marriott (les Small Faces souvent oubliées, pourtant entreprise émouvante de déconstruction/transmission du blues au coeur de la pop), John McGeoch , l'extraordinaire guitariste de Siouxsie et Magazine ("Painted Birds"), qui a énormément influencé John Squire et lui même influencé par Phil Manzarena qui mériteraient aussi d'être cité. Son précurseur chez Siouxsie, John Mcay, est aussi intéressant, belles expérimentations sur la réverbération.

Je suis aussi preneur de la déconstruction (quel autre mot employer) des guitares du premier Feelies et du duo Mercer/Million , avec leur noyage en eau glaciale du concept de solo. Sterling Morisson du Velvet me semble aussi sous-estimé (sans doute à cause du fait que les titres de VU où on l'entend  le plus ont été bloqués pendant 16 ans). Dans le courant shoegazing j'adorais les guitares de Moose (surtout sur "Honey Bee").

(McKay)


(McGeoch "the Switch" à 18:48 Very Happy  -même si la chanson est aussi en fait de John McKay )


En "seconde division" j'aime aussi beaucoup le guitariste des Damned, Captain Sensible, même s'il a beaucoup pompé (mais sans s'en cacher) en fait le hard rock et des trucs comme Deep Purple ou le MC5,  et Mick Ralphs (même s'il a  dilapidé son talent dans  Bad Company après Mott the Hopple, mais "Rock & Roll Queen" quand-même énorme, pendant 25 ans le rock anglais a beaucoup répété ce titre). Dans le courant shoegazing je me souviens toujours des guitares de Moose (surtout sur "Honey Bee").

Pensée aussi pour Mickey Finn, décédé l'année passée, qui a accompagné le Nino Ferrer rock des années 70 (le solo à la fin de" l'Arbre Noir"  Shocked )



Dernière édition par Tony le Mort le Sam 29 Nov 2014 - 13:35, édité 1 fois

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Message par Invité Sam 29 Nov 2014 - 3:10

J'avoue que je ne connaissais pas l'australien John Butler, phénomène guitaristique de ces 15 dernières années. Suis vraiment largué. lol

Spoiler:


[...]



(Bon dieu, chaque minute de ce concert est superbe... On est à des années-lumière du Winter, là. )

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Message par Eyquem Sam 29 Nov 2014 - 10:54

salut tout le monde, salut Jerzy,
Jerzy a écrit:Je mettrais Marc Ribot aussi. 2è après Hendrix chez Scaruffi, rien que ça. Faut admettre qu'il enterre pas mal de monde sans problème, et que son univers est aussi excitant que son spectre est immense.
J'ai un pote qui en est fan, et qui m'a mis entre les mains un album de Frantz Casseus, le mentor de Marc Ribot: je ne me suis pas encore mis à Ribot, mais cet album de Casseus est génial.

Spoiler:
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Message par Borges Sam 29 Nov 2014 - 12:16

-Rory G; super; lui aussi, c'est un gars que j'écoutais à peine ado;  mais dernièrement, je me suis plongé dedans, c'est assez incroyable, par moment; mais on se fatigue aussi assez vite, si on écoute à trop forte dose.  J'en avais posté quelques titres sur la page facebook des Spectres, quand elle valait quelque chose, avant que DB, je pense, ne la transforme en nullité affligeante. Je devrais lui faire un procès ou me contenter de le flinguer pour ce crime monstrueux, ce bousillage.



-Jerry Garcia : personne ne peut contester sa place parmi les plus grands, mais comme dirait Heidegger, qui joue grandement foire aussi grandement.  Un des concerts les plus chiants vus à son époque sur Rockpalast, c'était le GD. Quel ennui.  Les dangers de l'expérimentation live, c'est qu'à force de chercher à échapper à la répétition, on peut tomber dans la nullité, un peu comme Dylan, qui, en live, peut démolir toute la force de ses morceaux, et les pousser vers la médiocrité absolue. Pas pour les mêmes raisons :  Dylan, c'est par absence de foi; étant essentiellement acteur, il lui arrive de ne plus pouvoir croire en ses titres; il les démolit en même temps qu'il démolit le personnage qui les avait incarnés.

Dylan, un gars que je ne piffe plus du tout ; moins pour des raisons musicales qu'idéologiques, même si même musicalement, et en termes de lyrics, il n'est pas au dessus de tout soupçon. Joni Mitchell, la seule fille à figurer dans les listes des meilleurs guitaristes, l'a superbement flingué, dernièrement.






Jerzy a écrit:- Je mesure que je ne me suis jamais intéressé au fond qu'aux figures assez latérales, ou marginales, du rock; aux phénomènes de "déterritorialisation" si je puis dire, tous ceux qui se tiennent sur une mince frontière indiscernable, une sorte de no man's land dont l'identité musicale est difficile à classer, qui plus est n'ayant pour la plupart jamais vraiment rayonné dans l'histoire du rock ou sa mémoire collective, représenté ou incarné un courant, un zeitgeist...

On pourrait appeler ça "le rock du rock", en un sens; si l'amour du rock est un amour de la figure ou figuration de la marge, de l'écart (le wild side, the other side...), une projection imaginaire de la figure du dehors incarnée par le rocker, depuis les débuts de son histoire, dans le blues...(l'errance, le crime, la prison, le sexe, la drogue, l'alcool, l'existence hors de la lumière, la mort tragique... ). Mais ton dehors est un dehors neutre; un dehors, d'une certaine manière, sans récit, sans histoire, sans biographie réelle ou pas. Un dehors sans la légende.


Beefheart, c'est vrai que ce ne fut pas une icône du rock, mais dans les années punk-new wave, on ne compte pas les groupes, chanteurs, qui se référaient à lui :  johnny rotten, les clash, devo, pere ubu...Les génies sans don de la forme (de la communication donc, et du plaisir) ont besoin de types moins géniaux pour donner une forme,  rendre publique, leurs créations. On écoute les clash, ils parlent de CB, et on va à sa recherche. En art, on découvre les choses à l'envers. On remonte le temps, l'histoire, jusqu'au mythe : le protobluesman, qui n'a jamais rien enregistré  Wink


On ne peut pas dire que Zappa soit un unsung hero, c'est une figure musicale en un sens plus légitime que les Morrison...

Si je dois définir ta relation avec le rock,  je dirais que c'est une relation qui ne passe pas par l'imaginaire, par l'image, qui tente d'échapper à l'imaginaire rock...(le rebelle, le poète maudit, le génie de l'autodestruction, le symbole du sexe...). La musique sans l'image de la musique et du musicien. La musique sans le poster, le t-shirt, sans le badge…Une relation sans identification. On comme tu disais un jour, je crois m'en rappeler : "moi, ma relation au cinéma n'est jamais passée par une identification aux acteurs (les brando, les dean…), j'ai toujours approché le cinéma depuis la mise en scène."


Mais peut-être s'agit-il moins d'images que de personnages conceptuels ou plutôt musicaux. Le musique et son double; je crois qu'aucune création ne peut s'en passer, lui échapper. Welles produit nécessairement son double, comme Beethoven, Mozart, pour prendre deux adjectifs, deux expressions du monde : le prolo démocrate révolutionnaire, énergie sans goût, Dionysos,  et l'aérien, pure forme sans matière, pratiquement.  

Alex DeLarge, dans Orange Mécanique, n'aime pas la musique de Beethoven, sans aimer ce que Beethoven projette comme identification à un éthos éthico-politique. C'est un amour de prolo voyou qui veut jouer les grands seigneurs : une vraie contradiction.

Pas de musique sans image, c'est un peu pas de concept  sans intuition, sans imagination (mais n'oublions pas qu'il y a chez Kant autre chose que le concept, l'Idée, dont la relation à l'intuition n'est pas du tout celle du concept … )


Après tout  peut-on dire que Zappa  ne joue pas avec l'image : c'est une manière d'image réflexive du rock, une manière de Socrate,  qui a besoin d'un univers musical rock ado idéologique construit pour en apparaître comme le déconstructeur,  l'ironie, la satire, le déplacement...Au rock substance, sérieux et intérieur, sans distance à soi, ou purement mensonger, cynique et idéologique (on est là pour le fric, mais on vous fait croire autre chose),  il oppose, pour le dire avec Hegel, la virtuosité de la vie ironico-artistique (virtuosité de la guitare, de la création, du jeu, de la diversités des tons et des manières, de la maîtrise des codes et de l'histoire,  de l'intelligence verbale…)


"La virtuosité de la vie ironico-artistique s’appréhende alors elle-même comme une génialité divine, pour laquelle chaque chose n’est qu’une créature privée d’essence, à laquelle le libre créateur, qui se sait désengagé et libre de chaque chose ne se lie pas, parce qu’il peut aussi bien l’annihiler que la créer. Celui qui se trouve à un tel stade de génialité divine regarde du haut de son rang élevé le reste des hommes et les trouve limités et plats, car le droit, la moralité, etc., revêtent encore pour eux une valeur ferme, obligatoire et essentielle "
(Hegel)

Zappa ne va pas jusque là, bien entendu; c'est un mec humainement, politiquement, et éthiquement concerné.

Comme on cause cadre, ailleurs : une citation de Zappa, sur l'importance du cadre (frame) que ne renierait pas Derrida :

“The most important thing in art is The Frame. For painting: literally; for other arts: figuratively - because, without this humble appliance, you can’t know where The Art stops and The Real World begins. You have to put a ‘box’ around it because otherwise, what is that [stuff] on the wall? If John Cage, for instance, says, 'I’m putting a contact microphone on my throat, and I’m going to drink carrot juice, and that’s my composition,' then his gurgling qualifies as his composition because he put a frame around it and said so. 'Take it or leave it, I now will this to be music.' After that it’s a matter of taste. Without the frame-as-announced, it’s a guy swallowing carrot juice.”
( Zappa)






On devrait pouvoir "appliquer" au rock les "catégories" de Deleuze : rock-cerveau, rock-corps, rock-affect, rock-perception...


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Message par Invité Sam 29 Nov 2014 - 12:58

Dans les oubliés: Dave Roback (Mazzy Star, mis surtout Opal, et Rain Parade).
Steve Wynn (Dream Syndicate)

Greg Sage (les Wipers).

Virer the Edge. Rajouter que sans Freddie Stone pas de hip-hop non plus bien-sûr

+
Dans les guitaristes de session j'aime bien Phil Upchurch que l'on entend sur plein de disques soul des années 70 (Rotary Connection, Roberta Flack)
J'aimais bien le son très agressif et acide de Chris Spedding sur les albums de John Cale de la période Helen of Troy, même s'il me semble un peu blues-bourrin en solo.
Dans les Funk Brothers de la Motown il y a aussi des excellents guitarises, mais difficle de savoir qui joue sur quelle chanson



"hommage" au guitariste de session:


"He's not paid to think, but play"

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Message par Borges Sam 29 Nov 2014 - 17:12



Joey : "L'un des exemples les plus stupidement amoraux de répugnante connerie romantique jamais enregistrés"
(Lester Bangs)

La chanson parle d'un mafieux crapuleux, à qui Dylan tente de donner une dimension romantique : victime de la société et tout ça, qui lisait Nietzsche et Reich à Attica...

L'article de Bangs sur Desire est terrifiant.




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Message par Invité Sam 29 Nov 2014 - 18:03

Et un top des batteurs?
-Anton Fier
-Budgie
-Han Bennink
-Tony Williams
-Jaki Liebezeit
-Ringo Starr
-Moe Tucker


Des Claviériste:
-Herbie Hancock
-Bernie Worrell
-Eno
-John Foxx
-Francis Monkman
-Dave Formula
-Iva Davies
-Alan Wilder
-Peter Christopherson
-John Balance
-Jim o'Rourke
-Marc Houle

Bassistes:
-Ron Carter
-Bill Laswell
-Larry Graham
-Steven Severin
-Peter Hook
-Kim Deal
-Barry Adamson
-Kendra Smith

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Message par Invité Dim 30 Nov 2014 - 8:10

La suite de Somnium (Robert Rich): Perpetual.







http://musid.fr/2014/05/interview-robert-rich/

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Message par Borges Dim 30 Nov 2014 - 12:28


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Message par Borges Dim 30 Nov 2014 - 13:07



Commentaire après cette vidéo : "Robert Rich is the shiznitz."



shiznitz :  the coolest, awsomest thing you could ever think of. this thing is beyond the coolest thing you can think of.

Wink
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Message par gertrud04 Lun 1 Déc 2014 - 12:45

syndic des dockers a écrit:  pj harvey (surtout son Stories from the City, Stories from the Sea),

Moi aussi. Je me souviens qu'Eyquem sur l'ancien forum m'avait menacé de me retirer ma carte d'inrock car j'avais dit préférer cet album aux autres. Heureusement Borges était venu à mon secours.

Donc spécialement pour Eyquem : Laughing
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Message par Eyquem Lun 1 Déc 2014 - 18:52

Salut gertrud,
quelle mémoire Wink ; oui, ça me surprend que ce soit celui-là votre préféré - le son, un peu trop "produit" et lisse, me gêne à chaque fois sur cet album.
(mais y a des titres que j'adore aussi dessus: This is love, Horses in my dreams)
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Message par Invité Lun 1 Déc 2014 - 19:57

Salut Eyquem. C'est marrant, j'ai trouvé que ce que tu avais posté récemment de PJ était, lui par contre, trop produit, trop chargé.
Je ne dirais pas que stories est trop produit et lisse. Je le trouve très "nu", très "primitiviste" en un sens. Je ne connais pas bien les autres disques de PJ: j'en ai essayé, de ceux qui précèdent stories, mais ils ne captent pas tellement mon attention. Il est clair que stories représente un changement de cap, une rupture esthétique. Pour ma part (subjective bien sûr), je trouve que tout est mieux sans stories: la voix (elle chante bcp mieux), l'univers musical (plus excitant).
Bien sûr, c'est "produit", mais je ne dirais pas surproduit. Je n'ai pas de dilection particulière pour ce qui est sous-produit ou décharné, ou faisant mine de l'être (parce que, soi-disant, plus "vrai", plus "authentique"): c'est un choix de son. Même pink moon (une voix, une guitare), c'est produit...

Anyway, ce disque me parle plus que les autres pj, sans crier au génie non plus... Presque toutes les chansons sont superbes, y a là une atmosphère, une tonalité, un son à la fois plus rock et plus fluide, coulé (un drive presque jazzy dirais-je). Bien qu'au fond de l'affaire (tout au fond), ça manque un peu de "personnalité". Mais ce que j'ai entendu d'autre d'elle, je trouve (ça n'engage que moi) que ça manque encore plus de "personnalité" (ce que tu nommes "lisse", peut-être).  Maintenant, je n'ai pas écouté ce qui vient après Stories, donc mon appréciation doit être sérieusement relativisée. C'est un peu pour moi comme avec Beth Orton: 1 disque m'a suffit, achevé "en son genre". De ces musiques dont je me dis - à tort ou à raison - que c'est pas absolument nécessaire de suivre ce qui viendra après, car leur registre ne laisse pas augurer qu'on a affaire à un univers vraiment particulier ou tellement riche qu'on pressent que ce n'est que le fragment d'une œuvre...

Il suffit de mettre, juste à côté, un disque de Joni Mitchell ("Blue", par exemple) pour mesurer la distance qui sépare un (très) beau disque d'un (très) grand disque. Dont je me dis: mon dieu faut absolument que j'écoute tout le reste de cet artiste.

Mais des années 2000, c'est je trouve un des plus beaux disques "rock".




Dernière édition par syndic des dockers le Lun 1 Déc 2014 - 20:43, édité 1 fois

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Message par Eyquem Lun 1 Déc 2014 - 20:41

Hello Jerzy,
J'ai zéro compétence pour parler techniquement du son d'un album; pour moi "trop produit", cela veut dire que je sens trop que tous les éléments du morceau ont été enregistrés séparément, puis "lissés" à l'aide de différents bidouillages, qui te nappent tout ça d'un joli sucre glace, brillant mais sans saveur.

Non, je ne peux pas dire mieux que ça. lol

Je préfère de PJ des albums plus secs, comme "Dry" (le bien nommé) ou celui composé par John Parrish. Mon préféré étant "To bring you my love" parce que c'est le premier que j'ai écouté, aimé, et que j'ai usé le CD à l'époque.
"To bring you" est certainement un album très produit, très travaillé en studio, mais les effets ajoutés ne cherchent pas forcément à ce que ce soit agréable à l'oreille (les guitares acoustiques claquent très en avant, ou bien tous les sons sont totalement étouffés sur d'autres titres; sur "Meet ze monsta", à chaque fois que j'entends ces guitares en fil barbelé, ça m'électrise de la tête aux pieds).
Ce qui me gêne sur "Stories", c'est que le son de l'album a une couleur un peu "bande FM": rien qui dépasse, qui raccroche, qui agresse un peu l'oreille (pas inutilement, mais pour tenter quelque chose de nouveau). Quand je l'écoute, je me vois au volant de mon Audi, que j'ai pas, en train de filer sur l'autoroute de ma villa secondaire - que j'ai pas non plus: mais c'est pour l'image.



Quoi qu'il en soit, c'est vrai: "Blue" est un immense disque.

Et grâce à vous, j'écoute du John Fahey.



Dernière édition par Eyquem le Lun 1 Déc 2014 - 20:46, édité 1 fois
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Message par Invité Lun 1 Déc 2014 - 20:45

Je vois bien ce que tu veux dire. Bon, j'ai pas cette impression sur Stories. Je vais redonner une autre chance à d'autres pj harvey. Wink

Cela dit, le fait qu'un disque soit fait de plusieurs pistes enregistrées séparément n'est pas vraiment pour moi un problème. Cela ne signifie pas forcément qu'il y a moins d''urgence" ou de "spontanéité". Les beatles faisaient ça, les beach boys faisaient ça, xtc, zappa faisait ça (Inca roads: un morceau souvent cité dans les referendums comme un de ses pics absolus, a été bricolé avec des éléments disparates, ne provenant pas de la même session d'enregistrement). A l'inverse, tout enregistrer en une seule prise n'est pas le gage que c'est forcément plus "sincère", "honnête", ou "ressenti".

D'ailleurs quand c'est bon, en concert ça change fondamentalement rien.







Something (pas si) completely different. En écho au frame by frame posté plus haut par Borges. La période qualifiée parfois de "froide" et "technologique" (trilogie rouge - bleu - jaune), que je trouve au contraire si intensément lyrique et émotionnelle (alchimie impossible à décrire venant de combinaison entre la chaleur de la voix de Belew et la sécheresse tendue des instruments). Avec Talking heads et quelques rares autres, une des aventures musicales les plus passionnantes que les 80s ont pu offrir.



Le live à Fréjus de 82 vaut vraiment le coup. Grand "concert filmé" aussi, dans une esthétique proche de Stop making sense.
Le premier morceau, on se croirait vraiment dans "drumming" de reich.



Spoiler:




PS à propos de "Blue" de J.M.
Spoiler:

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Message par BK Mar 2 Déc 2014 - 10:08

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Message par BK Mar 2 Déc 2014 - 10:14

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Message par BK Mar 2 Déc 2014 - 11:59

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Message par Eyquem Mar 2 Déc 2014 - 13:23

'jour Jerzy,
Jerzy a écrit:Cela dit, le fait qu'un disque soit fait de plusieurs pistes enregistrées séparément n'est pas vraiment pour moi un problème. Cela ne signifie pas forcément qu'il y a moins d''urgence" ou de "spontanéité". Les beatles faisaient ça, les beach boys faisaient ça, xtc, zappa faisait ça (Inca roads: un morceau souvent cité dans les referendums comme un de ses pics absolus, a été bricolé avec des éléments disparates, ne provenant pas de la même session d'enregistrement). A l'inverse, tout enregistrer en une seule prise n'est pas le gage que c'est forcément plus "sincère", "honnête", ou "ressenti".
Oui, tu as raison. Bon, faudrait que je revoie ma définition, mais en dehors de "trop lisse", "trop homogène", "trop formaté pour la FM", j'ai du mal à décrire plus précisément ce "son" qui m'ennuie sur certains albums.

Un très léger bémol, et j'ai conscience que c'est assez scandaleux d'émettre une critique de ce genre à propos d'un chant qui s'approche de la perfection (en son genre): je trouve que, par moments, elle exagère son vibrato au point de chevroter, et ça me gêne... Sa voix est tellement pure en legato, et capable de toutes les modulations, qu'elle pourrait se passer de ce petit tic qui, par moments donc, ruine un peu le flux de ses chansons. Fort heureusement elle n'en abuse pas.

Exemple, sur la chanson "blue" elle-même : c'est assez sensible à 1'48", de 1'51" à 1'59", et encore à partir de 2'30".
ça vous dérange pas, vous? lol.
Je chipote, mais bon...
Pour moi, c'est contrebalancé par la sobriété du piano, instrument sans vibrato.

Faudrait vérifier: est-ce que les chanteurs-pianistes n'ont pas plus tendance à utiliser ce genre d'effet vocal que les chanteurs-guitaristes?
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Message par gertrud04 Mer 3 Déc 2014 - 13:09

Après tous ces guitaristes virtuoses que vous avez postés (dont je n’ai pas encore fini de faire le tour), un petit morceau des La’s qui paraîtra bien frêle : des arpèges simplissimes pour débutants en 1er trimestre de guitare et des paroles minimalistes (pas plus de 2 phrases en tout et pour tout).
Ça suffit à faire mon bonheur.
En fait, je suis assez basique en musique : il y a des mélodies que j’aime et d’autres pas.
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Message par Borges Mer 3 Déc 2014 - 14:42

J'adore Joni M, mais je dois bien avouer que sa voix n'est pas parmi mes favorites; je me souviens encore de ma déception la première fois où je l'ai entendue. Après avoir lu dans RnF, la critique de Hejira, j'avais acheté l'album (du mois chez eux).  Une phrase m'avait frappé, dont je me souviens encore, si je ne l'ai pas inventée : "La voix de Joni Mitchell est de celles qui font pleurer les dragons" (c'était peut-être "brisent le coeur des dragons").

Quelles sont vos voix favorites?



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Message par Invité Mer 3 Déc 2014 - 23:00

Gertrud a écrit:Après tous ces guitaristes virtuoses que vous avez postés (dont je n’ai pas encore fini de faire le tour), un petit morceau des La’s qui paraîtra bien frêle : des arpèges simplissimes pour débutants en 1er trimestre de guitare et des paroles minimalistes (pas plus de 2 phrases en tout et pour tout).
Ça suffit à faire mon bonheur.
En fait, je suis assez basique en musique : il y a des mélodies que j’aime et d’autres pas.


Salut Gertrud.


Je ne vois pas tellement que l'accent a été mis plus haut sur la pure virtuosité. Quand virtuosité il y a dans les quelques noms cités ou morceaux postés plus haut, c'est (imaginons la technique comme un concept) au service d'une sensibilité et d'un univers d'affects-percepts. Je me moque plus haut de John Butler, par exemple, dont la virtuosité masque le fait qu'il n'a pas de "monde".  
Dans ces morceaux postés plus haut par les uns et les autres, ce n'est pas la "virtuosité" ou la "technique" qui importent, mais plutôt: cette technique-là, à travers ce jeu de guitare-ci, quel type de rapport émotionnel avec le monde permettent-ils ou convoquent-ils; quel est le monde sensible qu'ils inventent par ce moyen spécifique?

Fahey c'est l'anti-virtuosité par excellence. Tu auras du mal à trouver ce qu'on nomme traditionnellement de la "virtuosité" dans la musique de Robert Rich... Gallagher, il a beau être virtuose, l'émotion de son jeu nous ramène encore et toujours aux accords de base du blues. Le blues n'est pas une musique complexe techniquement. Il est "complexe" par son intensité, qui comme le dit Robert Rich dans l'interview plus haut, repose sur des "accords ardents" d'instruments accordés en open-tuning (par ex), selon la série harmonique plutôt que selon la gamme tempérée, etc. L'accord est simple, mais l'intensité harmonique est complexe.

La simplicité, on ne la trouve pas uniquement dans les choses qui se donnent comme simples ou faites de "deux accords". Mais en même temps, des choses faites de deux accords ou de presque rien, au bord du silence (certaines pièces de Satie, ou de Fahey, par ex.) peuvent susciter une émotion fort complexe... Ce n'est donc pas (uniquement) affaire, je le dis souvent, de "technique" musicale (considérée pour elle-même). D'autant que ladite "simplicité" est souvent loin d'être simple. Il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, de simplement livrer des accords "simplissimes", mais de leur communiquer une intensité, une densité, une profondeur. Un autre exemple, qui me vient à l'esprit, comme ça: Thelonious Monk. Anti-virtuose si on veut. Mais sa façon même de traiter les notes, les accords, si elle peut paraître "simple", est pourtant indissociable de la construction de mélodies et rythmes d'une incroyable complexité.

J'aligne des évidences, des lieux-communs, pardon, mais faut parfois les rappeler, surtout s'ils sont (je pense) justes. lol.

J'aime par dessus tout ce qu'on nomme la simplicité, et je ne trouve pas que l'émotion liée à cette simplicité soit "simple". Une émotion, pour moi, c'est quelque chose d'assez mystérieux, et complexe, qui n'est pas corrélé automatiquement avec la "simplicité du discours". Elle a lieu aussi, pour moi, dans des trucs qui ont une allure formelle complexe (du moins quand il ne s'agit pas juste d'enfiler les arpèges pour faire un numéro de cirque, comme dans un certain jazz-rock-fusion ou dans un certain hard-rock...).

La règle, pour moi (si je devais en dégager une), ce n'est pas tant qu'il y a d'un côté des "mélodies que j'aime" et d'autres non, c'est qu'il y a des musiques que je "ressens", et d'autres non. Dans cette affaire de perception et de réception, je ne me sens pas tenu d'opposer ce qui paraît "simple" à ce qui paraît "complexe", de faire des choix, d'élire une esthétique plutôt qu'une autre, un genre plutôt qu'un autre, de faire vœu assumé de "pauvreté"... Comme un Pärt, avec ses concepts de "esthétique de la pauvreté" ou de "nouvelle simplicité", qui ont un succès fou dans un certain revival folk-rock, pop aussi, qui fait du rachitisme le gage d'un retour à "l'authenticité". En réplique à la "simplicité" en musique, au retour du "tonal" - et leur corollaire: l'hédonisme, proscrit par Adorno et Boulez - on a eu l'école, principalement anglaise, de "la nouvelle complexité", délibérément abstraite et cérébrale: Bryan Ferneyhough *, Harrison Birtwistle, etc.

*
Spoiler:

Mais dire "j'aime ceci parce que je le ressens" et "n'aime pas ceci parce que je ne le ressens pas", bien sûr : c'est pas si simple...

Je crois fermement, je le dis depuis toujours, que l'oreille, ça se travaille. Y compris comme zone de l'affection, qui n'est pas séparée de la compréhension. Ad infinitum: une intuition sans concept est aveugle (et sourde), un concept sans intuition est vide. Opposer le simple et le complexe, une musique immédiate (qui viendrait du "cœur", on imagine, ou qui toucherait directement le "corps"), à une musique plus médiate (qui serait essentiellement "cérébrale" et ne toucherait que "l'esprit"), c'est pour moi réactiver les vieux dualismes tranchés de la métaphysique : corps/âme, sensible/intelligible, matière/forme, présence/absence, nature/technique, hors-signe/signe, oralité/écriture, campagne/ville, etc. C'est du Brunodumontisme versant musical. Archaïques oppositions qui doivent être déconstruites. Non par une décision strictement conceptuelle, ou théorique, mais au fil d'une pratique de l'écoute qui prend... une vie.

Pour revenir à la question du "simple" et du "complexe". Ce qu'on trouve "compliqué" un jour au sens de dénué d'émotion, voire laid, on finit parfois par comprendre et ressentir, longtemps après, que ça en contient beaucoup, et bcp de beauté. Sans compter que l'oreille (qui n'est pas un organe séparé du corps, ni de l'âme, qui est la pensée du corps comme le rappelait spinoza) se transforme, évolue, s'ouvre à d'autres mondes sonores en augmentant sa capacité d'être affectée, et réciproquement. Sans quoi on ne serait affecté que par ce qui nous a affecté, dans notre berceau (une boîte à musique), ou tout-petit (chantal goya?).

Il y a tant d’œuvres qui ne nous touchaient pas, parce qu'on n'avait pas encore découvert, puis arpenté,  ces chemins menant aux portes qui pouvaient nous y conduire, et les clefs pour ouvrir ces portes. La porte et la clef n'étant rien d'autre que ce travail de l'oreille au cours de l'existence.
Et inversément, il y a tant d’œuvres qui ne nous touchent plus, parce que nous nous sommes éloignés de mondes/expériences (aussi bien sensible qu'intelligible, mental que physique, tissé de valeurs politiques, sociales, etc, puisque tout cela est lié) qui à un moment incarnaient pour nous la totalité du monde et de son expérience possible. Voilà pourquoi il est selon moi faux (petit mensonge que l'on se fait à soi-même en campant dans le leurre d'une mystique de la pureté débarrassée, au fond, de tout "langage") de prétendre que le bonheur se trouve (trouve sa condition nécessaire et suffisante) dans des "choses simples", "basiques", etc. Maintenant, je peux soutenir, mais c'est autre chose, que le bonheur se trouve dans la consommation d'objets symboliques, qui ne coûtent pas cher, etc. Pas besoin de jouir d'un grand capital économique pour goûter ce bonheur-là... (ça se discute, ok)  Wink

Le nom le plus simple que je serais tenté de donner à ces chemins, portes et clefs, ce serait: la curiosité. Je parle de curiosité en tant que Désir profond. Pas de la vilaine petite manie. lol.
Chacun fait bien entendu ce que bon lui semble, mais je soutiens, pour ma part, qu'il ne faut pas écouter 1 seul genre de musique. Si on aime la musique (qui, comme l'amour, est enfant de bohème et n'a jamais connu de loi), alors on écoute le plus de styles de musiques possible (sans s'y sentir tenu, contraint, bien sûr: curiosité sans intériorisation ni plaisir n'a aucun sens. Et si c'est juste pour faire "cultivé", autant laisser tomber); on part à l'aventure, sans roue de secours et sans trop penser "i'm goin'home". On s'intéresse à tout ce qui brouille des territoires qu'on croyait bien balisés.
On ne tient pas à une identité (qui est purement fantasmatique), non pour abolir les différences, non au nom d'une sorte de "musique universelle" qui aurait noyé toutes le différences en les neutralisant dans un gris-sur-gris universel, mais au contraire pour se rendre sensible aux multiples interpénétrations qui ont sculpté ces différences, et ainsi mieux les apprécier encore dans leurs singularités respectives, toujours mouvantes, tissées de toutes les autres singularités mouvantes. C'est pour ça que j'aime bien l'approche du folk d'un Alan Stivell, par exemple (ce qu'il nomme un peu pompeusement, avec d'autres, la tension dialectique entre le singulier et l'universel, mais c'est vrai!). On devient comme Hendrix, qui s'intéressait à tout, voulait tout embrasser, l'univers lui-même. Qui brouilla la frontière entre blues, rock, pop, musique noire, blanche, indienne, etc, se voyait avant de mourir brusquement faire du jazz avec Gil Evans, préparait une collaboration avec Roland Kirk, etc.

Bien entendu, qui trop embrasse mal étreint. Je ne dis pas qu'il faut tout embrasser, qu'on peut tout aimer, ce n'est tout simplement pas possible. Il faut bien choisir et choisir, c'est exclure. On choisit en fonction de ce qui nous affecte (qui n'est pas un élément simple et isolé, mais déjà tout un complexe) à telle ou telle période de l'existence, et de là, on opère une sorte de mouvement de rotation centrifuge qui aspire tout ce qu'on sent au voisinage de ce complexe d'affects.
On se rend compte, au bout d'un certain temps, qu'aussi vaste soit sa curiosité musicale, elle tourne toujours plus ou moins dans le même mouchoir de poche, autour d'univers sonores fondamentalement très connexes
Du moins la porte n'est-elle pas fermée à double-tour: un jour, j'écouterai Mozart, un jour j'écouterai Wagner ou de l'opéra italien (c'est pas sûr); un jour j'écouterai Dylan, Leonard Cohen, Lou Reed ou les Pixies, etc. ça viendra à son heure, si ça doit venir. On peut "insister", mais il faut pas "forcer". Y a de multiples choses vis à vis desquelles on sent, de toute façon, qu'il n'y aucune résonance possible. Faudrait pour cela littéralement changer de vie, muter brusquement comme dans le film sur les bodysnatchers. Ce qui est possible aussi.



Pour résumer, je n'adhère pas à ces oppositions entre "simple" et "complexe"; entre "deux accords du cœur" et "mille arpèges de l'esprit", entre ce qui (provisoirement) me touche parce que je le trouve beau (et réciproquement) ou me rebute parce que je le trouve laid (ou réciproquement). Je crois que tout cela est un devenir, un processus. Et je dois dire que ça m'agace un (tout petit) peu, je ne parle pas de toi, une posture (assez à la mode) prisée par une certaine mélomanie qui se réclame du "basique" (qui n'existe nulle part autre que dans cette mystique dualiste que je critique plus haut), répudie le "compliqué" au profit du "simple", parce que soi-disant, ou soi-écoutant, ce serait plus proche de l'émotion, de la vérité de l'émotion, etc. Du genre: "Holà, c'est bien trop sophistiqué et compliqué pour moi, tout ça, les amis. Je retourne à mon dulcimer à deux cordes, près de mon arbre et loin du bruit de la ville, parce que c'est là qu'au fond se trouvent la vraie vie, les vraies valeurs, la vraie beauté". Etc


Comme le suggère plus haut borges, on peut distinguer (ce qui ne veut pas dire "opposer"), en transposant les termes de Deleuze, des musiques "cerveau" et des musiques "corps", et de la manière dont deleuze précisément les distinguait. Cad en indiquant que, comme dans le reste des arts, il y a, dans un cas ou dans l'autre, une des 3 dimensions (affect - percept -concept) qui "polarise" davantage les autres ou les subordonne (d'une façon complexe, intriquée), mais la combinaison des 3 reste essentielle. L'une peut prendre un ascendant sur les 3 autres, mais il faut les 3. Mais si une des 3 manque, y a pas art (musique, littérature, peinture, cinéma), ou philosophie, et même les sciences...
Pas de cerveau sans corps et pas de corps sans cerveau. Comme: pas de musique sans image, pas de philosophie sans musique, pas de cinéma sans littérature, etc. Les genres "purs" n'existent pas. Ce sont des vues (abstraites) de l'esprit, qui s'évertue à placer des cloisons étanches dans les complexes 'affect-percept-concept'; et cela c'est la vraie pauvreté: l'esprit est trop pauvre pour concevoir/sentir/voir/entendre/sentir que tout cela est mêlé...

En ce qui me concerne, j'ai un rapport très physique, corporel, sensoriel ("imaginal" aussi) à la musique, incluant la plus "savante"*. Quand j'écoute une musique, j'écoute un récit (mais sans paroles, la plupart du temps) qui raconte quelque chose, intimement, à tout mon corps, pas que ma tête.

Un solo de guitare, ça me raconte quelque chose qui n'est pas d'ordre linguistique. c'est un récit sans contenu, sans "histoire" (conte, fable, satire, chronique, romance, confession, déclaration d'amour ou le contraire, etc).

[ Pour revenir à J. Mitchell, si je sors de la musique - superbe - de Blue, dès le premier song je suis atterré de n'être absolument pas touché par ce qu'elle raconte, donc je pratique rapidement une "épochè" dans laquelle les mots ne sont plus que des notes, les éléments d'un chant comme en jazz le scatting... Le message, le même, cad l'affect que le chant, la musique transmettent, passe tout autant, sans l'expression verbale - qui redonde - de déchirements amoureux vis à vis de Crosby, Stills - non lui c'était véronique sanson -, ou Nash, mais en tout cas sans Young, et dont je me contrefiche assez, même s'ils ont une portée qu'on dira "universelle"... ]

Ce que je sens bouger, vibrer en moi, ce sont des blocs d'espace, des images, des paysages: c'est un film qui se déroule, et plus spécialement un "road-movie". Ce sont des blocs mémoriels aussi. On peut appeler ça un "souvenir", mais un "souvenir" qui, tout en étant intime, n'aurait rien de personnel, renvoyant à ma petite-histoire-à-moi (j'ai horreur des chansons qui invoquent une "petite-histoire-à-soi", trop située, avec laquelle on doit communier, dans laquelle on est invité à se reconnaître. Cad dont le "charme" procède essentiellement de la "recognition"). C'est le souvenir paradoxal de choses non personnellement vécues mais intimement ressenties, qui touchent ou concernent directement l'univers tout entier. C'est un "chant du monde". Je ressens ça par exemple dans un solo de guitare de zappa, quand il est réussi, avant de m'intéresser (ou non) au "contenu", à "l'argument" de la chanson.

C'est pourquoi j'aime bien citer régulièrement sa formule (Packard goose, dans Joe's garage):

“Information is not knowledge.
Knowledge is not wisdom.
Wisdom is not truth.
Truth is not beauty.
Beauty is not love.
Love is not music.
Music is THE BEST.”



Et en réfléchissant à un truc qu'écrit plus haut Borges concernant le rapport, qu'on pourrait dire "dialectique", entre l'imagerie de rockeur que zappa cultivait et l'imagerie de la "culture rock":  oui, justement. Souvent déçu, mal à l'aise quand je vois sur youtube certains de ses shows, happenings, tout son théâtre. Je sais que ça fait partie intégrante de son "message" (pour faire court), mais j'ai plus souvent envie de fermer les yeux que de regarder.

J'avais raconté que j'avais "souffert" (un bien grand mot, certes) à la vision du concert filmé Baby snake (77, par la suite son dvd le plus vendu, et souvent cité comme une bonne "intro" à sa musique), tellement centré sur l'image ou l'imagerie, et zappa tentant de jouer du "sex appeal" pour séduire les ptits jeunes et ne pas se laisser distancer par la "nouvelle génération". Le matériau musical était très faible, tout du long. Il a fallu quasiment attendre le dernier morceau pour que quelque chose enfin, une émotion, passe, après toutes ces "potacheries".


Spoiler:







*"Musique savante": terme que je récuse de fond en comble, théoriquement autant qu'empiriquement.
Spoiler:




Les voix qui nous touchent. Je reviendrai plus tard pour ça... Very Happy

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