histoires du cinéma soviétique
histoires du cinéma soviétique
Je viens de l'enfance de Viktor Tourov (1966)
Le train semble un élément essentiel de la cinématographie russe d'après guerre. Il va à rebours du cours de la vie, du torrent de temps, un long trajet sur les lieux de la mémoire collective; je pense aux premières images de Cela s’est passé à Penkovo de Stanislav Rostotski.
_et à la Dague de Sveicer, ce film d'aventure encore dogmatique, on y retrouve les trains des révolutionnaires qui irriguent la terre russe à la recherche du temps perdu, du trésor dissimulé de l'autre côté de l'horloge comme symbole d'une continuité de l'âme éternelle de la Russie, d'un mouvement perpétuel, maternel, qu'il s'agit de faire sien?
Chez Tourov, dans ce film là en particulier, le travelling est un cheminement intérieur qui relit les êtres, les enfants, en perdition, en errance, aux événements qui détruisent le tissu du monde : la guerre ; les hommes, les pères, qui partent pour le front sur les rails du progrès et qui ne reviennent pas ou reviennent amoindris, sans bras, sans jambe, en copeaux de bois comme ceux amoncelés le long des voies du chemin de fer ou contre les façades des maisons. C'est la chaleur et la ressource d'une petite bourgade construite sur le commerce ferroviaire et qui pratique le commerce de la guerre avec la main d’œuvre humaine.
La vie est égayée de fêtes, de danses, les étreintes fugitives du soir avant la nuit, devant les vieux nostalgiques et les enfants tristes, avant le matin fait des crissements de l'acier et des sifflements du départ ; les feux d'artifices comme des bombardements imaginaires, relégués à l'imaginaire, suivent la projection d'un film de propagande.
Et puis Tourov déchire le voile de la projection, des femmes pleines maladresse et de pudeur épousent les rangs de troncs d'arbres élancés et noirs face à un mur en ruine.
Des tombes gisent là ; et de manière désordonnées, elles se recueillent, regardent vers la caméra, posent de modestes fleurs ou tiennent dans leur bras des portraits des disparus.
Tourov ne donne pas à voir une puissance d'évocation égale à Tarkovski mais son film suit résolument ces enfants orphelins, la fragilité de la fêlure et de l'imperfection donnée comme une vérité non travaillée mais répétée, exempt de la conversion à l'écriture, qui s'imposerait sur la scène de la fiction, trancherait dans le régime des images pour atteindre le malaise qui coule comme le sang versé, ce qui n'est pas invité par le récit et que recouvre trop souvent les bandages de la légende.
Le scénario en a été écrit par Guennadi CHPALIKOV:
Le train semble un élément essentiel de la cinématographie russe d'après guerre. Il va à rebours du cours de la vie, du torrent de temps, un long trajet sur les lieux de la mémoire collective; je pense aux premières images de Cela s’est passé à Penkovo de Stanislav Rostotski.
_et à la Dague de Sveicer, ce film d'aventure encore dogmatique, on y retrouve les trains des révolutionnaires qui irriguent la terre russe à la recherche du temps perdu, du trésor dissimulé de l'autre côté de l'horloge comme symbole d'une continuité de l'âme éternelle de la Russie, d'un mouvement perpétuel, maternel, qu'il s'agit de faire sien?
Chez Tourov, dans ce film là en particulier, le travelling est un cheminement intérieur qui relit les êtres, les enfants, en perdition, en errance, aux événements qui détruisent le tissu du monde : la guerre ; les hommes, les pères, qui partent pour le front sur les rails du progrès et qui ne reviennent pas ou reviennent amoindris, sans bras, sans jambe, en copeaux de bois comme ceux amoncelés le long des voies du chemin de fer ou contre les façades des maisons. C'est la chaleur et la ressource d'une petite bourgade construite sur le commerce ferroviaire et qui pratique le commerce de la guerre avec la main d’œuvre humaine.
La vie est égayée de fêtes, de danses, les étreintes fugitives du soir avant la nuit, devant les vieux nostalgiques et les enfants tristes, avant le matin fait des crissements de l'acier et des sifflements du départ ; les feux d'artifices comme des bombardements imaginaires, relégués à l'imaginaire, suivent la projection d'un film de propagande.
Et puis Tourov déchire le voile de la projection, des femmes pleines maladresse et de pudeur épousent les rangs de troncs d'arbres élancés et noirs face à un mur en ruine.
Des tombes gisent là ; et de manière désordonnées, elles se recueillent, regardent vers la caméra, posent de modestes fleurs ou tiennent dans leur bras des portraits des disparus.
Tourov ne donne pas à voir une puissance d'évocation égale à Tarkovski mais son film suit résolument ces enfants orphelins, la fragilité de la fêlure et de l'imperfection donnée comme une vérité non travaillée mais répétée, exempt de la conversion à l'écriture, qui s'imposerait sur la scène de la fiction, trancherait dans le régime des images pour atteindre le malaise qui coule comme le sang versé, ce qui n'est pas invité par le récit et que recouvre trop souvent les bandages de la légende.
Le scénario en a été écrit par Guennadi CHPALIKOV:
Gels et dégels, Naum Klejman a écrit:Chpalikov venait d'une école militaire, et il a apporté une liberté, pas seulement sociale, mais personnelle. Il apportait aussi un romantisme dissimulé sous une sorte de bavardage. Il écrivait de merveilleux dialogues dans le style de Tchekhov, où tout était entre les mots. L'atmosphère comptait plus que les mots. Et c'est seulement dans les sommets dramatiques que se cristallisaient les déclarations directes, ce qui n'était pas typique de la dramaturgie soviétique. (...)
Pour notre génération, il a été un modèle de libération de tous les clichés. Comme nous tous, il avait été formé dans les années quarante. A l'époque Maiakovski était pour nous une victime et un romantique, un poète mais pas un futuriste. Nous avons découvert ses premiers poèmes , ils étaient atypiques de la littérature soviétique que nous lisions. C'est le moment où Chpalikov a commencé d'écrire. (...)
Invité- Invité
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