Le Passé de Asghar Farhadi
+3
wootsuibrick
Eyquem
Borges
7 participants
Page 2 sur 2 • 1, 2
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Borges a écrit:
-Les personnages de AF ne sont pas dans le réel; leur réel est toujours pris dans du virtuel, du possible, du mensonge, du non présent, du soupçon, de la jalousie; le réel n'est jamais donné, parce qu'il n'y a pas de présent; le réel leur est interdit, si le réel, c'est à la fois le présent, et le partage d'une définition commune de la solution; le présent est toujours le présent d'un monde commun...les personnages sacrifient toujours le présent, au passé, ou alors au futur (dans une séparation)
je ne te suis pas ; par exemple la scène où de la fenêtre du haut, en pied, couleurs sépias, mates, la jeune fille regarde partir l'ex mari iranien de sa mère, au fond pensant peut-être qu'il a trahi, mais son regard balayant dans un même mouvement les deux enfants de cette famille décomposée puis recomposée, mais toujours bancale, montre justement le présent de cette adolescente et son sourire esquissé à la vue des deux enfants marque pour elle le point de bascule entre l'adolescence et l'âge adulte, la pression violente de la rancoeur de ce qui a été qui cède et laisse place à ce moment ou cette jeune fille est à même d'accueillir ce qui vient, ce qui arrive, au présent.
j'ai rarement vu ça au cinéma, en intensité, en simplicité. et non pas d'interrogatoires, de police ou je ne sais quoi : des affects.
ce film mérite une analyse serrée plan par plan.
Dernière édition par slimfast le Dim 2 Juin 2013 - 15:56, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Au temps pour moi, j'ai vu le film de Pasolini récemment où le récit du rêve est vraiment superbe, je pensais qu'il était dans la pièce (pas bien perçu à quel point Pasolini reconstruit la pièce dans un sens encore plus freudien, c'est intéressant qu'il convertisse une insulte en rêve). J'ai complètement oublié que la pièce est en flash-back et qu'Oedipe raconte son enfance alors qu'il est roi. D'un autre côté le film de Pasolini a un rythme et découpage de western qui est sans doute différent de celui du théâtre grec et du choeur, ce qui aurait dû m'alerter (même s'il garde le flashback en le faisant partir non de la l'âge adule et du statut de roi mais de l'enfance d'Oedipe sur l'Italie mussolinienne puis sa vieillesse dans des années 60)
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Mais slimfast, tu ne peux pas dire que les scénarios de Farhadi sont dépourvus d'un côté policier. C'est même des remarques que tu peux entendre dans la bouche des spectateurs en sortant des films ("c'est construit comme une enquête policière" je l'avais entendu à la sortie d'"Une séparation"). Il y a un côté enquête, interrogatoire, recherche de la vérité. C'était très marqué aussi dans "La Fête du feu".
adeline- Messages : 3000
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
non je ne le ressens pas comme ça mais à la fois je comprends que vous pensiez ça. (je n'ai pas vu la fête du feu). le but n'est pas d'avoir une vérité le but est de faire se coaguler tous ces points de vue pour en faire émerger un tout vivant et vivable. contrairement à une enquête de police je trouve ça très émoustillant. ce "modèle" proposé d'entre-soi me fascine et me plaît.
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
et les taches dont il a été question dans la discussion me font irrémédiablement penser à Nanni Moretti dans la cuisine de La chambre du fils, craquant, la mort du fils, le couple qui bat de l'aile, et posant sa main sur tous les objets qui sont forcément ébréchés. Ces ébréchures ont à voir avec la mort, le temps, la culpabilité car il fait retour sur le passé dont on sait comment il l'exorcisera.
dans le Passé, les taches sont ces ébréchures qui ont aussi à voir avec la mort, d'un couple, d'une femme mais on tourne autour, en est empêché de dépasser ces tâches qui font écran vers la clarté. Ici on n'est pas psychanalyste, on agglutine ses pensées, ses arguments l'un à l'autre.
J'aime vraiment ce monde que le film crée et qui est un personnage.
Je trouve aussi dans certains plans une inspiration digne de Bresson (de L'argent par exemple, film policier ....).
dans le Passé, les taches sont ces ébréchures qui ont aussi à voir avec la mort, d'un couple, d'une femme mais on tourne autour, en est empêché de dépasser ces tâches qui font écran vers la clarté. Ici on n'est pas psychanalyste, on agglutine ses pensées, ses arguments l'un à l'autre.
J'aime vraiment ce monde que le film crée et qui est un personnage.
Je trouve aussi dans certains plans une inspiration digne de Bresson (de L'argent par exemple, film policier ....).
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
vu " à propos d'Elly"; film terriblement triste...
Borges- Messages : 6044
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
je pencherai assez vers l'idée que la beauté est triste, enfin je sais pas.
le plus énigmatique dans le film de Farhadi est finalement son titre. Car de passé, il n'en n'est pas qu'un seul mais autant que de protagonistes et même des passés en tiroirs car évoquer le passé, c'est perdre un peu son temps et faire couler entre ses doigts des instants présents que le cinéma, la projection vient démultiplier dans une redondance, toujours renouvelée qui échappe alors à l'aspiration que le passé vient exercer sur le présent.
En gros c'est comme si Farhadi s'était dit : Le passé a un avenir.
dans un film japonais par exemple, on aimerait une maison au bord des rails pour la dramaturgie, l'ancrage social, le tremblement au passage du train, ici du RER (on pense au film de Téchiné dont le titre me fait faux bond, La fille du RER ?). J'ai beaucoup aimé l'extérieur de cette maison complètement vivant.
Et à l'opposé, un peu plus calme, j'ai adoré les trois, je crois, plans de Miss Béjo dans la pharmacie, ambiance stérile et blouse blanche qui n'arrive cependant pas à la soustraire aux tourments de son être en soi, féminin. Son amant vient toujours roder. Jamais cette femme là ne trouve le repos.
le plus énigmatique dans le film de Farhadi est finalement son titre. Car de passé, il n'en n'est pas qu'un seul mais autant que de protagonistes et même des passés en tiroirs car évoquer le passé, c'est perdre un peu son temps et faire couler entre ses doigts des instants présents que le cinéma, la projection vient démultiplier dans une redondance, toujours renouvelée qui échappe alors à l'aspiration que le passé vient exercer sur le présent.
En gros c'est comme si Farhadi s'était dit : Le passé a un avenir.
dans un film japonais par exemple, on aimerait une maison au bord des rails pour la dramaturgie, l'ancrage social, le tremblement au passage du train, ici du RER (on pense au film de Téchiné dont le titre me fait faux bond, La fille du RER ?). J'ai beaucoup aimé l'extérieur de cette maison complètement vivant.
Et à l'opposé, un peu plus calme, j'ai adoré les trois, je crois, plans de Miss Béjo dans la pharmacie, ambiance stérile et blouse blanche qui n'arrive cependant pas à la soustraire aux tourments de son être en soi, féminin. Son amant vient toujours roder. Jamais cette femme là ne trouve le repos.
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
L'autre jour Lalanne au masque et la plume disait un truc fondamentalement juste : quand Kiarostami qui est un plus grand cinéaste que Farhadi, fait un film en Toscane, Copie conforme, c'est raté à tous point de vue, c'est une Toscane d'opérette.
Quand Farahdi filme en France car il tient à l'idée d'éloignement qu'il met en scène c'est complètement réussi, il intègre sans connaître la langue le tissu social français. Bien sûr il y a le divorce présent dans tous ses films et qui jette aussi un éclairage indéniable sur la société française mais où et comment l'alchimie s'enracine, c'est un peu mystérieux.
je pense au film de Linklater, Before sunrise tourné à Vienne : ça n'a aucun sens. Ca pourrait tout pareil être filmé n'importe où. Il aurait suffi qu'un producteur décide, allez ça va être là, à Naples ou à Lisbonne.
C'est différent avec le passé, c'est une nécessité, aboutie que ça soit là et pas ailleurs. C'est pas le moindre des tours de force du film.
Quand Farahdi filme en France car il tient à l'idée d'éloignement qu'il met en scène c'est complètement réussi, il intègre sans connaître la langue le tissu social français. Bien sûr il y a le divorce présent dans tous ses films et qui jette aussi un éclairage indéniable sur la société française mais où et comment l'alchimie s'enracine, c'est un peu mystérieux.
je pense au film de Linklater, Before sunrise tourné à Vienne : ça n'a aucun sens. Ca pourrait tout pareil être filmé n'importe où. Il aurait suffi qu'un producteur décide, allez ça va être là, à Naples ou à Lisbonne.
C'est différent avec le passé, c'est une nécessité, aboutie que ça soit là et pas ailleurs. C'est pas le moindre des tours de force du film.
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Copie Conforme est plus une nouvelle fantastique quasi gothique sur le couple à la Hawthrone (la Tâche de Naissance) qu'un documentaire sur la gentryfication touristique de l'ancien réservoir à voix communiste qu'était la Toscane. Si Lalane voulait son documentaire sur la gentryfication touristique de l'ancien réservoir à voix communiste qu'était la Toscane il n'avait qu'à aller voir un documentaire sur la gentryfication touristique de l'ancien réservoir à voix communiste qu'était la Toscane..
Pardoxale, et à la longue usante et vaine cette manie de considérer qu'un film sans acuïté politique directement visible est finalement un spectacle où l'on n'en a pas eu pour son argent.
j'ai un sentiment à la Frère Dardenne avec Farhadi: la critique salue un engagement politique intègre et modeste, une politisation du psychodrame, qui est en fait un procédé narratif décliné ad libitum et de plus en plus explicite à mesure que la filmographie se développe.
Et en fait c'est injuste avec la film de Farhadi de lui rendre un hommage aussi hypocrite: ce n'est pas la France qui donne à Farhadi une lucidité sociale qu'il ne comprend qu'à moitié et palie ses insufficances artistiques, Farhadi aurait pu réussir le film ailleurs, parce qu'il a sans dotue l'oeil et la capacité d'analyse pour la part des impasses politiques iraniennes qui existent ailleurs. Kiarostami travaille plus sur le fait que les individus, face à l'aliénation, ne montrent plus que la part la plus irréductible d'eux même (la mythomanie des personnages de Close Up, la clémence du juge qui sonne comme un acte manqué dans un système punitif, le cheveux rasés mais de tout efaçon invisibles d'une jeune fille), tandis que Farhadi interprété cette aliénation en termes plus directement psychologiques et plus vaguement collectifs (la vie familiale devient une performance dont on n'a pas conscience).
Par ailleurs Panahi est tjrs en prison.
Pardoxale, et à la longue usante et vaine cette manie de considérer qu'un film sans acuïté politique directement visible est finalement un spectacle où l'on n'en a pas eu pour son argent.
j'ai un sentiment à la Frère Dardenne avec Farhadi: la critique salue un engagement politique intègre et modeste, une politisation du psychodrame, qui est en fait un procédé narratif décliné ad libitum et de plus en plus explicite à mesure que la filmographie se développe.
Et en fait c'est injuste avec la film de Farhadi de lui rendre un hommage aussi hypocrite: ce n'est pas la France qui donne à Farhadi une lucidité sociale qu'il ne comprend qu'à moitié et palie ses insufficances artistiques, Farhadi aurait pu réussir le film ailleurs, parce qu'il a sans dotue l'oeil et la capacité d'analyse pour la part des impasses politiques iraniennes qui existent ailleurs. Kiarostami travaille plus sur le fait que les individus, face à l'aliénation, ne montrent plus que la part la plus irréductible d'eux même (la mythomanie des personnages de Close Up, la clémence du juge qui sonne comme un acte manqué dans un système punitif, le cheveux rasés mais de tout efaçon invisibles d'une jeune fille), tandis que Farhadi interprété cette aliénation en termes plus directement psychologiques et plus vaguement collectifs (la vie familiale devient une performance dont on n'a pas conscience).
Par ailleurs Panahi est tjrs en prison.
Dernière édition par Tony le Mort le Mer 5 Juin 2013 - 17:31, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
c'est possible mais donner à voir du pays dans les films c'est bien. Dardenne ils sont encré dans quelque chose qui est entre eux de manière immémoriale et qui ne voyage pas.
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
En Belgique les emplois jeunes de 1997 s'appelaient "Loi Rosetta". C'est marrant, sur le coup cela semblait un élargissement généreux du discours politique (derrière la galère il y a l'âme irréductible de Rosetta et son sêche-cheveux que le film diffuse, qui émeut verticalement la société, le jury de Cannes et même le gouvernement), à la fin c'était une manière très précise de particulariser la précarité comme cadre de flexibilisation à la fois du chômage et de l'embauche ( jamais tout à fait au chômage, jamais tout à fait au travail, pas sdf, pas sédentaire non plus, tout à fait payé au black, c'est l'argent public qui paye ton salaire, mais tu n'es pas fonctionnaire. Tu es sous qualifié, mais moins cher que si tu essayais de t'élever: juste pauvre, comme les personnages des Dardenne et on a trouvé ce que l'on va faire de toi et de tes journées).
Un cinéaste aurait pu dire "non mon oeuvre ne veut pas être associée à un brol législatif, mes personnages n'en sont pas le symbole". c'est comme si on appelait "Loi Mouchette" un sous-RMI ou loi-Balthazard un décret sur les conditions d'euthanasie et de diffusion dans les lasagnes des vieux animaux de somme.
Un cinéaste aurait pu dire "non mon oeuvre ne veut pas être associée à un brol législatif, mes personnages n'en sont pas le symbole". c'est comme si on appelait "Loi Mouchette" un sous-RMI ou loi-Balthazard un décret sur les conditions d'euthanasie et de diffusion dans les lasagnes des vieux animaux de somme.
Dernière édition par Tony le Mort le Mer 5 Juin 2013 - 17:27, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
pour en revenir aux cinéastes transfuges il ne faut pas les dédaigner ils prolongent une longue tradition.
pour citer un exemple le meilleur film de Dumont est peu être son film américain
pour citer un exemple le meilleur film de Dumont est peu être son film américain
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
tout à fait,
D'ailleurs la meilleure partie du Passé (la manière de filmer la baraque et ses habitants, d'introduire un flou entre les deux) rappelle un peu Rififi de Dassin voire le Polanski anglais des années 1960. Un transfuge a l'oeil sur l'inachévement volontaire ou secret des lieux
D'ailleurs la meilleure partie du Passé (la manière de filmer la baraque et ses habitants, d'introduire un flou entre les deux) rappelle un peu Rififi de Dassin voire le Polanski anglais des années 1960. Un transfuge a l'oeil sur l'inachévement volontaire ou secret des lieux
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
et au final dans la réception du passé il y a bien un peu diffus le sentiment de l'iranien qui vient se mêler de nous donner une leçon de cinéma (certaines parlent de la critique des moeurs libérales qui laissent les femmes dans une situation précaire)
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Possible que le film soit mieux vu hors de France qu'ici. J'ai vu des critiques à la fois très plates et très insultantes, notamment pour le personnage de l'employée du pressing (Naïma) qui trahissent un sérieux problème (dont lâchement je me dis: "restons en dehors, leurs conneries ne me concernent pas"). Le Figaro a aussi été très agressif contre Tahar Rahim (sous le mode jeu trop rentré parce qu'il ne sait pas jouer et est survendu alors qu'il est bon dans le rôle qui exige un entre-deux: doit-on en déduire que d'après le Figaro les "souchiens" quand ils ont proche dans le coma se comportent soit comme dans la Cage aux Folles soir comme dans le Crépuscule des Dieux ?), c'est plutôt B.Bejo qui parfois cale et se met à avoir une diction que l'on sent mécanique et où on sent l'instruction du metteur en scène (il est vrai qu'elle a un rôle difficile: être faussement aigre tout le temps et avec tout le monde pendant 2h30)
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
je la trouve tout à fait excellente, elle transcende le personnage tout en feignant de ne pas jouer tellement elle est vrai, elle assume aussi de fédérer tout son monde autour d'elle dans l'intrigue.
Parfois je me demande quelle drôle de force il faut avoir pour porter un film sans défaillance.
Parfois je me demande quelle drôle de force il faut avoir pour porter un film sans défaillance.
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Je vous ai tous lu avant d'écrire dans ce topic et je dois dire que je rejoins eyquem en grande partie. Cependant, je trouve qu'AF court après trop de lièvres à la fois et que la dernière course (grosso modo les vingt dernières minutes) est d'une certaine manière trop prévisible (ou appelé) sur le terrain du scénario. Revenir au personnage de Samir à la fin pour l'empêcher de n'être qu'un faire valoir m'a paru forcé, un peu trop poussé là par le scénario là où le film semblait capter autre chose jusqu'ici.
Le côté policier du film au sens d'enquête policière m'a paru ici le plus clair, le plus affirmé que dans ses précédents films. La mise en scène est véritablement tourné vers le film noir, l'enquête, ce que les américains appellent mystery..
Une scène aussi simple (sur le plan des émotions) que le fait d'aller chercher une adolescente fugueuse la nuit prend les traits d'une scène de tromperie, de double-jeu de faux semblant. BB au premier plan allume une cigarette, les allers et venues des hommes au second plan. Le film est rempli de ces emprunts cinématographiques au genre.
Ce genre de choses existaient déjà avant (comme les feux d'artifice dans La fête du feu où la fête est filmée comme une scène de guerre, de guérilla urbaine) mais, ici, le mélodrame est traité sur le rythme et le ton de l'enquête. Ahamad est le privé appelé par une femme dépassée, débordée qui lui demande une chose simple en apparence, pourtant terriblement complexe et dont les intentions ne sont pas forcément si claires. L'homme jaloux, le secret de la femme, les personnages sacrifiés par des forces insaisissables pour eux.
On pense au Secret derrière la porte de Lang, qui cache quoi pour qui, pourquoi.
Je ne sais plus qui a écrit quelque chose sur la dramatisation de la route. Traverser, conduire, s'arrêter sans regarder. J'étais très tendu à cause de cela, ça me retournait l'estomac à chaque fois, anticipant une collision ou je ne sais quoi. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse là que d'une coquetterie destinée à faire monter la tension.
Regarder en arrière, se retourner pour voir les voitures arriver, c'est à la fois se projeter dans l'avenir et regarder vers le passé. Ce que ces personnages ne savent pas faire, immobilisés dans un instant T précis. La route comme image du destin, d'une vie, est souvent là chez AF (se souvenir des passages en voiture dans une Séparation ; de l'attente sur la route dans les Enfants de belle ville ; du début/jour et de la fin/nuit de la Fête du feu ; de l'importance des voitures dans Elly).
J'aime beaucoup le personnage d'ahmad, froid et distant au départ puis véritablement généreux au fur et à mesure que le film tisse sa toile. Peut être un peu trop monolithique ?
Le côté policier du film au sens d'enquête policière m'a paru ici le plus clair, le plus affirmé que dans ses précédents films. La mise en scène est véritablement tourné vers le film noir, l'enquête, ce que les américains appellent mystery..
Une scène aussi simple (sur le plan des émotions) que le fait d'aller chercher une adolescente fugueuse la nuit prend les traits d'une scène de tromperie, de double-jeu de faux semblant. BB au premier plan allume une cigarette, les allers et venues des hommes au second plan. Le film est rempli de ces emprunts cinématographiques au genre.
Ce genre de choses existaient déjà avant (comme les feux d'artifice dans La fête du feu où la fête est filmée comme une scène de guerre, de guérilla urbaine) mais, ici, le mélodrame est traité sur le rythme et le ton de l'enquête. Ahamad est le privé appelé par une femme dépassée, débordée qui lui demande une chose simple en apparence, pourtant terriblement complexe et dont les intentions ne sont pas forcément si claires. L'homme jaloux, le secret de la femme, les personnages sacrifiés par des forces insaisissables pour eux.
On pense au Secret derrière la porte de Lang, qui cache quoi pour qui, pourquoi.
Je ne sais plus qui a écrit quelque chose sur la dramatisation de la route. Traverser, conduire, s'arrêter sans regarder. J'étais très tendu à cause de cela, ça me retournait l'estomac à chaque fois, anticipant une collision ou je ne sais quoi. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse là que d'une coquetterie destinée à faire monter la tension.
Regarder en arrière, se retourner pour voir les voitures arriver, c'est à la fois se projeter dans l'avenir et regarder vers le passé. Ce que ces personnages ne savent pas faire, immobilisés dans un instant T précis. La route comme image du destin, d'une vie, est souvent là chez AF (se souvenir des passages en voiture dans une Séparation ; de l'attente sur la route dans les Enfants de belle ville ; du début/jour et de la fin/nuit de la Fête du feu ; de l'importance des voitures dans Elly).
J'aime beaucoup le personnage d'ahmad, froid et distant au départ puis véritablement généreux au fur et à mesure que le film tisse sa toile. Peut être un peu trop monolithique ?
DB- Messages : 1528
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
DB a écrit:
Le côté policier du film au sens d'enquête policière m'a paru ici le plus clair, le plus affirmé que dans ses précédents films. La mise en scène est véritablement tourné vers le film noir, l'enquête, ce que les américains appellent mystery..
Une scène aussi simple (sur le plan des émotions) que le fait d'aller chercher une adolescente fugueuse la nuit prend les traits d'une scène de tromperie, de double-jeu de faux semblant. BB au premier plan allume une cigarette, les allers et venues des hommes au second plan. Le film est rempli de ces emprunts cinématographiques au genre.
A ce compte-là un film de Cassavetes sera policier ... beaucoup de personnages de ses films dans des scènes apparemment simples allument des cigarettes avec des passants à l'arrière plan ...
Je ne comprends ni ce que vous voulez dire et encore moins pourquoi avec ce leitmotiv jeté comme ça, dédaigneusement : Farhadi fait des fictions policières !
Il est possible de dire Bresson fait des fictions policières : qu' a-t'on dit de Bresson - ou de Farhadi - avec cà ?
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Mais beaucoup des films de Cassavettes flirte avec le polar ! Trés justement ! Que ce soit le bookmaker chinois, une femme ou bien gloria... il y a du policier ou tout au moins une forte influence du genre.
Avec des exceptions comme Opening night, mouvements amples de caméra; grands espaces de jeu pour les comédiens mais il n'empèche.
Tu ne lis pas ce qui est écrit, en tout cas dans ce que j'ecris il n'y a aucun dedain, bien au contraire; je trouve cette forme policière appliqué au genre du melodrama très intéressante; limite captivante.
Avec des exceptions comme Opening night, mouvements amples de caméra; grands espaces de jeu pour les comédiens mais il n'empèche.
Tu ne lis pas ce qui est écrit, en tout cas dans ce que j'ecris il n'y a aucun dedain, bien au contraire; je trouve cette forme policière appliqué au genre du melodrama très intéressante; limite captivante.
DB- Messages : 1528
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
DB a écrit:Mais beaucoup des films de Cassavettes flirte avec le polar ! Trés justement ! Que ce soit le bookmaker chinois, une femme ou bien gloria... il y a du policier ou tout au moins une forte influence du genre.
Avec des exceptions comme Opening night, mouvements amples de caméra; grands espaces de jeu pour les comédiens mais il n'empèche.
D'accord mais que vois-tu de policier chez ces gens qui surnagent, qui n'ont pas d'armes qui ne se poursuivent pas, qui veulent tirer un trait sur des faits plus ou moins proches et n'y parviennent pas (sans compter qu'on est très loin des excentricités, on est au plus près de la parole qui s'arrache véritablement. j'aime ce film car justement il est au plus près du langage - comment a fait Farhadi, mystère - , du langage qui pointe les failles que les images, souvent, après viennent souligner et il est dégraissé de tout le superflu. Je n'ai pas peur de dire qu'ici, en tout cas ce cinéma tourmenté et moral me plait. je l'ai reçu comme un coup de poing à l'estomac et j'en ai ressenti en même temps une grande beauté plastique. Jerzy dit toujours que je suis foutraque, bon, c'est sans doute pour ça que j'ai aimé ce film qui est l'exact contraire, rigoureux).
Invité- Invité
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Il y a aussi comme un film dans le film qui serait un film sur un scénario. Où l'on joue des codes des scénarii pour s'en amuser et au passage mieux désorienter le spectateur et rendre l'enquête policière plus retorse et passionnante.
Par exemple la mystérieuse douleur au bras montrée avec insistance dès le début du film, mais dont le secret nous échappera toujours. Un grand détournement des ficelles scénaristiques habituelles.
Farhadi est très joueur.
Par exemple la mystérieuse douleur au bras montrée avec insistance dès le début du film, mais dont le secret nous échappera toujours. Un grand détournement des ficelles scénaristiques habituelles.
Farhadi est très joueur.
Re: Le Passé de Asghar Farhadi
Oui ça ou bien les paroles prononcées mais non entendues à travers les vitres ou l'importance des travaux dans la maison....
DB- Messages : 1528
Page 2 sur 2 • 1, 2
Sujets similaires
» La fête du feu (Asghar Farhadi - 2006)
» Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
» Passe les nems
» Que se passe-t-il à la Berlinale ?
» Où diantre est passé Enculture?
» Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
» Passe les nems
» Que se passe-t-il à la Berlinale ?
» Où diantre est passé Enculture?
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum