Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
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Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Je viens de regarder If God Is Willing and Da Creek Don't Rise, de Spike Lee. C'est le deuxième documentaire que Spike Lee a tourné à la Nouvelle Orléans. Il avait déjà tourné pour HBO un film de quatre heures sur les ravages de l'ouragan, en 2006 When the Levees Broke: A Requiem in Four Acts. Ce documentaire-là, je ne l'ai pas vu.
C'est produit par HBO (on se souvient que Treme, la série d'HBO, se passe à Tremé, l'un des quartiers de la Nouvelle Orléans détruit par l'ouragan, et raconte la reconstruction du quartier au 3e mois après l'ouragan. Ce que Spike Lee dit de David Simon avant le début de la série "I have faith in David Simon and that he will be true to the material, true to Treme, true to the city and true to the period it takes place in, which is post-Katrina, and the struggle that people are having to get their lives back on track.") C'est de la télé de haute qualité, classique, forte. Les entretiens se succèdent et se chevauchent sur des images d'archives ou des images tournées en 2010. Se confirment et se confrontent. Les personnes interrogées viennent de tous les horizons : politiciens, responsables d'institutions, d'associations, acteurs, musiciens, simples témoins et victimes. Le film fait le tour des scandales qui succédèrent à l'ouragan ou l'aggravèrent, dressant un portrait des Néo-Orléanais assez fort, même s'ils s'en sont pris tellement sur la gueule.
Ce qui frappe, c'est l'incroyable incurie des politiciens (même si certains s'en sortent, notamment la gouverneure de l'Etat au moment de la catastrophe, et le maire d'alors), la manière dont tout est décidé contre les plus pauvres, contre le bon sens.
C'était Bush alors, ça paraît tellement loin… Et le salaud était pote avec le gouverneur du Mississippi, qui comptait 23% des dégâts causés par l'ouragan. La Louisiane en comptait 70%. Et bien, l'aide fédérale a été plus importante au Mississippi. Et tout est ainsi.
Ce sont les plus pauvres qui ont été le plus frappés, et enfoncés encore après. Quatre grands "housing projects" qui dataient des années 40 ont été purement et simplement détruits pour permettre la spéculation et la reconstruction d'autres projets pensés pour d'autres classes sociales. L'un d'entre eux n'avait pas été inondé. Ils ont profité de la catastrophe pour faire ce qu'avant ils n'osaient pas faire. Comment les pouvoirs publics peut aider le privé à profiter de la détresse des gens. On compte alors encore 100 000 à 250 000 exilés au Texas et dans d'autres Etats.
Autre exemple, le grand hôpital du centre de la Nouvelle-Orléans, le Charity Hospital. Il était le deuxième plus grand hôpital du pays, et semblait fonctionner autour de l'idée de son nom, avec un service d'urgence très performant, un service psychiatrique à la pointe, etc. Des bénévoles l'avaient remis en état en quelques semaines. Et il est fermé. Soi-disant car il a été trop abîmé. Une étude commanditée par ceux qui se battent pour sa réouverture a montré qu'il était tout à fait en bon état, et pourrait être rénové pour devenir un hôpital au top du top. La ville, l'Etat, le gouvernement s'en foutent et le ferment.
On aimerait savoir comment pouvoir aider à changer les choses… Provoquer ça chez le spectateur, c'est déjà une bonne chose, pour un documentaire.
C'est produit par HBO (on se souvient que Treme, la série d'HBO, se passe à Tremé, l'un des quartiers de la Nouvelle Orléans détruit par l'ouragan, et raconte la reconstruction du quartier au 3e mois après l'ouragan. Ce que Spike Lee dit de David Simon avant le début de la série "I have faith in David Simon and that he will be true to the material, true to Treme, true to the city and true to the period it takes place in, which is post-Katrina, and the struggle that people are having to get their lives back on track.") C'est de la télé de haute qualité, classique, forte. Les entretiens se succèdent et se chevauchent sur des images d'archives ou des images tournées en 2010. Se confirment et se confrontent. Les personnes interrogées viennent de tous les horizons : politiciens, responsables d'institutions, d'associations, acteurs, musiciens, simples témoins et victimes. Le film fait le tour des scandales qui succédèrent à l'ouragan ou l'aggravèrent, dressant un portrait des Néo-Orléanais assez fort, même s'ils s'en sont pris tellement sur la gueule.
Ce qui frappe, c'est l'incroyable incurie des politiciens (même si certains s'en sortent, notamment la gouverneure de l'Etat au moment de la catastrophe, et le maire d'alors), la manière dont tout est décidé contre les plus pauvres, contre le bon sens.
C'était Bush alors, ça paraît tellement loin… Et le salaud était pote avec le gouverneur du Mississippi, qui comptait 23% des dégâts causés par l'ouragan. La Louisiane en comptait 70%. Et bien, l'aide fédérale a été plus importante au Mississippi. Et tout est ainsi.
Ce sont les plus pauvres qui ont été le plus frappés, et enfoncés encore après. Quatre grands "housing projects" qui dataient des années 40 ont été purement et simplement détruits pour permettre la spéculation et la reconstruction d'autres projets pensés pour d'autres classes sociales. L'un d'entre eux n'avait pas été inondé. Ils ont profité de la catastrophe pour faire ce qu'avant ils n'osaient pas faire. Comment les pouvoirs publics peut aider le privé à profiter de la détresse des gens. On compte alors encore 100 000 à 250 000 exilés au Texas et dans d'autres Etats.
Autre exemple, le grand hôpital du centre de la Nouvelle-Orléans, le Charity Hospital. Il était le deuxième plus grand hôpital du pays, et semblait fonctionner autour de l'idée de son nom, avec un service d'urgence très performant, un service psychiatrique à la pointe, etc. Des bénévoles l'avaient remis en état en quelques semaines. Et il est fermé. Soi-disant car il a été trop abîmé. Une étude commanditée par ceux qui se battent pour sa réouverture a montré qu'il était tout à fait en bon état, et pourrait être rénové pour devenir un hôpital au top du top. La ville, l'Etat, le gouvernement s'en foutent et le ferment.
On aimerait savoir comment pouvoir aider à changer les choses… Provoquer ça chez le spectateur, c'est déjà une bonne chose, pour un documentaire.
adeline- Messages : 3000
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
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Dernière édition par supercool le Lun 15 Avr 2013 - 11:56, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Salut supercool, et bienvenue !
ce que Spike Lee dit de Treme dans mon post, il le dit avant que la série ne soit tournée, donc ça porte sur l'idée de la série, non sur la série elle-même. Il me semble que Careful l'avait regardée à l'époque, disant que c'était moins bien que The Wire.
Je crois que le documentaire de Spike Lee que j'ai vu ne cherche pas plus loin que ce que tu appelles le "film à intentions sociales". Mais si le filtre de l'industrie culturelle est sans doute convocable pour Treme, le documentaire lui me semble quand même ne pas participer absolument à l'industrie culturelle. Ne serait-ce que parce qu'il s'inscrit dans un engagement de Spike Lee pour la Nouvelle Orléans sur plusieurs années, qu'il dépasse le cadre de la catastrophe pour incriminer la politique globale et le racisme institutionnel. Il n'est pas plus que ce qu'il est, mais lorsque que je disais qu'il provoque un désir d'action, c'est aussi car il montre des gens qui agissent, se battent, dénoncent, militent, autant de choses qui ne peuvent pas être passées complètement à la moulinette du filtre de l'industrie culturelle. On est quand même loin de ce dont tu parles, de ce God Bless America.
Ceci dit, c'est intéressant quand même : dans le documentaire, deux figures assez présentes dans l'industrie culturelle hollywoodienne sont filmées : Brad Pitt et Sean Penn. Brad Pitt car il a aidé à mettre en place un programme de relogement pour les sinistrés, dans un quartier pauvre de la Nouvelle Orléans. Il a appelé ses potes architectes et urbanistes à la rescousse, et les gens qui ont pu entrer dans le programme ont vu leur maison reconstruite selon leurs moyens, avec les meilleurs matériaux et toutes les précautions de sécurité imaginables. Un beau programme, ceci dit. Sean Penn y apparaît en tant que président d'une ONG qui a agit très rapidement lors du tremblement de terre à Haïti (un lien est fait entre les deux catastrophes dans le film, lien qui permet de remonter à ce qui lie historiquement les deux endroits, la révolution en Haïti et la vente de la Louisiane par Napoléon). Que viennent faire ces deux figures dans le film ? Y sont-elles au simple titre d'information? M. X fait ça, M. Y ça, et parmi eux se trouvent Brad Pitt et Sean Penn ? Ou bien est-ce une manière inconsciente de lier le film et la catastrophe à l'industrie culturelle comme tu dis ? On se souvient, si je ne me trompe pas, qu'au moment de l'ouragan, certaines télés annonçaient une retransmission en direct de la catastrophe. A cette époque-là, quelqu'un de mon entourage entendait regarder cela, et je ne pouvais pas supporter cette idée…
ce que Spike Lee dit de Treme dans mon post, il le dit avant que la série ne soit tournée, donc ça porte sur l'idée de la série, non sur la série elle-même. Il me semble que Careful l'avait regardée à l'époque, disant que c'était moins bien que The Wire.
Je crois que le documentaire de Spike Lee que j'ai vu ne cherche pas plus loin que ce que tu appelles le "film à intentions sociales". Mais si le filtre de l'industrie culturelle est sans doute convocable pour Treme, le documentaire lui me semble quand même ne pas participer absolument à l'industrie culturelle. Ne serait-ce que parce qu'il s'inscrit dans un engagement de Spike Lee pour la Nouvelle Orléans sur plusieurs années, qu'il dépasse le cadre de la catastrophe pour incriminer la politique globale et le racisme institutionnel. Il n'est pas plus que ce qu'il est, mais lorsque que je disais qu'il provoque un désir d'action, c'est aussi car il montre des gens qui agissent, se battent, dénoncent, militent, autant de choses qui ne peuvent pas être passées complètement à la moulinette du filtre de l'industrie culturelle. On est quand même loin de ce dont tu parles, de ce God Bless America.
Ceci dit, c'est intéressant quand même : dans le documentaire, deux figures assez présentes dans l'industrie culturelle hollywoodienne sont filmées : Brad Pitt et Sean Penn. Brad Pitt car il a aidé à mettre en place un programme de relogement pour les sinistrés, dans un quartier pauvre de la Nouvelle Orléans. Il a appelé ses potes architectes et urbanistes à la rescousse, et les gens qui ont pu entrer dans le programme ont vu leur maison reconstruite selon leurs moyens, avec les meilleurs matériaux et toutes les précautions de sécurité imaginables. Un beau programme, ceci dit. Sean Penn y apparaît en tant que président d'une ONG qui a agit très rapidement lors du tremblement de terre à Haïti (un lien est fait entre les deux catastrophes dans le film, lien qui permet de remonter à ce qui lie historiquement les deux endroits, la révolution en Haïti et la vente de la Louisiane par Napoléon). Que viennent faire ces deux figures dans le film ? Y sont-elles au simple titre d'information? M. X fait ça, M. Y ça, et parmi eux se trouvent Brad Pitt et Sean Penn ? Ou bien est-ce une manière inconsciente de lier le film et la catastrophe à l'industrie culturelle comme tu dis ? On se souvient, si je ne me trompe pas, qu'au moment de l'ouragan, certaines télés annonçaient une retransmission en direct de la catastrophe. A cette époque-là, quelqu'un de mon entourage entendait regarder cela, et je ne pouvais pas supporter cette idée…
adeline- Messages : 3000
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
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Dernière édition par supercool le Lun 15 Avr 2013 - 11:56, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
supercool a écrit:La télévision devient le succédané d'une immédiateté sociale refusée aux hommes. Ceux-ci confondent ce qui est totalement médiatisé et la vie illusoire programmée pour eux, avec la solidarité dont ils sont tellement privés. Voilà qui renforce la régression... En réveillant et en représentant sous forme d'images ce qui sommeillait en eux sans être encore clairement conçu, on leur montre en même temps comment ils doivent se comporter. Ces images sont les modèles d'un comportement qui correspond à la gravitation du système global, autant qu'à la volonté de ceux qui le contrôlent.
salut supercool, et bienvenue : ces analyses ne te semblent-elles pas assez "dépassées", ou du moins à réexaminer; comme le fait remarquer rancière, elles ont largement été récupérées par la droite réactionnaire, les Finkielkraut, etc.; tu me diras que son objet critique c'est moins la télé que les "débiles désymbolisés sans monde qui la regardent"...
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
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Dernière édition par supercool le Lun 15 Avr 2013 - 12:12, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
supercool a écrit:salut Borges,
je ne sais pas les situer ces analyses de la droite réactionnaire contre la télévision(si tu peux être plus précis), ça me paraît bien improbable que Finkielkraut récupère sérieusement ces modèles critiques. Aussi pour un spectateur émancipé, il faut un minimum de foi en un autre monde que celui qui est réglé par le capitalisme. Et Adorno dit (1953) que ce n'est pas possible, qu'on ne peut plus faire un pas sans se heurter à une manifestation de l'industrie culturelle, que ce schéma global de l'industrie culturelle produit un état de régression permanente. Quand tu écris que ces analyses sont dépassées, tu penses au Maître ignorant?
oui, pour l'idée générale, mais à bien d'autres textes, dont "le spectateur émancipé", bien entendu; que l'on ne puisse pas en sortir, c'est précisément l'un des points souvent critiqués par rancière, mais aussi par badiou, et avant eux, par foucault....
nous en avions souvent parlé sur ce forum...
je ne dis pas qu'elles sont "dépassées" simplement, je dis qu'il faut les réexaminer, et déconstruire, si on veut, bref, les lire dans l'époque...
Dernière édition par Borges le Lun 11 Fév 2013 - 17:18, édité 1 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Avant Badiou et Rancière et la critique du fatalisme implicite de l'idée que le programme marxiste doit être porté par une élite, les critiques d'Adorno avaient été déjà "dépassées" par le Daney des années 80, qui ne cherchait justement pas à "faire sortir" le spectateur de la télévision: plutôt à détailler ce qui pour la domination télévisuelle elle-même représentait forme de mélancolie et de vieillesse, d'incertitude sur sa propre maîtrise (placées par Daney aux dehors de la critique, comme l'impensé de l’exercice critique: je ne dis pas qu'il avait raison ou plutôt exclusivement raison).
C'est sans doute plus de cette influence que nous avons du mal à nous dépêtrer que de celle de Finkielkraut (parce que le discours de Daney n'est pas programmatiquement réactionnaire)
C'est sans doute plus de cette influence que nous avons du mal à nous dépêtrer que de celle de Finkielkraut (parce que le discours de Daney n'est pas programmatiquement réactionnaire)
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Y a encore tellement de gens qui ne jurent que par le concept adornien "d'industrie culturelle", ou l'antienne de la société du spectacle, de la consommation, etc.
Je croise encore régulièrement des types que j'avais connus sur les bancs de l'univ. Des "marxistes" (enfin, croient-ils ou se croient-ils), qui me disent: "internet? Oooh non, oh non. Surtout pas! Jamais! Je me tiens éloigné de ça J'avais déjà pas la télé, je vais pas aller sur internet. Je n'y vais que pour consulter mes mails. Je veux continuer à me préserver de cette aliénation, de cette marchandisation, de tout ce fascisme".
"Quoi? Des séries télé? En stri-quoi? En strimingue, tu dis? Fais gaffe, vieux, t'es en train de devenir complètement con.... Pour le cinéma, moi, je suis bien content avec mon magnétoscope analogique. Le cinéma d'aujourd'hui, t'façon c'est d'la merde. Le numérique, laisse moi rire c'est d'la méga-merde, c'est la mise en équation de la vie, mec, y a plus d'humanité. 0-1, c'est ça qu'on veut, nous transformer en numéros. Moi j'suis pas un numéro. Alors, c'est ça, t'es devenu un consommateur? Tu te fais entuber et t'aimes ça, en plus. Le système est en train de te bouffer complètement. Ah, c'est difficile, hein, de résister aux sirènes du consumérisme? Moi je vais te dire un bon truc: ton ordi, tu devrais le foutre à la poubelle tant qu'il est encore temps. On a besoin de gens lucides pour ouvrir les yeux des masses, préparer à la révolution contre le grand Capital".
Je croise encore régulièrement des types que j'avais connus sur les bancs de l'univ. Des "marxistes" (enfin, croient-ils ou se croient-ils), qui me disent: "internet? Oooh non, oh non. Surtout pas! Jamais! Je me tiens éloigné de ça J'avais déjà pas la télé, je vais pas aller sur internet. Je n'y vais que pour consulter mes mails. Je veux continuer à me préserver de cette aliénation, de cette marchandisation, de tout ce fascisme".
"Quoi? Des séries télé? En stri-quoi? En strimingue, tu dis? Fais gaffe, vieux, t'es en train de devenir complètement con.... Pour le cinéma, moi, je suis bien content avec mon magnétoscope analogique. Le cinéma d'aujourd'hui, t'façon c'est d'la merde. Le numérique, laisse moi rire c'est d'la méga-merde, c'est la mise en équation de la vie, mec, y a plus d'humanité. 0-1, c'est ça qu'on veut, nous transformer en numéros. Moi j'suis pas un numéro. Alors, c'est ça, t'es devenu un consommateur? Tu te fais entuber et t'aimes ça, en plus. Le système est en train de te bouffer complètement. Ah, c'est difficile, hein, de résister aux sirènes du consumérisme? Moi je vais te dire un bon truc: ton ordi, tu devrais le foutre à la poubelle tant qu'il est encore temps. On a besoin de gens lucides pour ouvrir les yeux des masses, préparer à la révolution contre le grand Capital".
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
En quoi ils n'ont pas plus tort que toi, même si les aspects aliénants d'Internet sont liés à un phénomène plus global : il y a un convergence pas si facile à cerner sociologiquement entre Internet, le téléphone portable, les tablettes, l’échantillonnage presque sans perte et les puces refid qui loguent les déplacements des gens et les surveillent d'autant plus qu'ils font usage du bien public: ce sont bien des technologies liées entre elle. On n'a pas tort de défendre l'idée que l'on puisse exister mieux hors de cet environnement.
Dernière édition par Tony le Mort le Lun 11 Fév 2013 - 19:20, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
En quoi ils n'ont pas plus tort que toi...
Ah mais moi j'dis rien, je me contente d'écouter en opinant du chef d'un air grave et concerné, en consultant en loucedé l'heure sur mon gsm...
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Tony le Mort a écrit:Avant Badiou et Rancière et la critique du fatalisme implicite de l'idée que le programme marxiste doit être porté par une élite, les critiques d'Adorno avaient été déjà "dépassées" par le Daney des années 80, qui ne cherchait justement pas à "faire sortir" le spectateur de la télévision: plutôt à détailler ce qui pour la domination télévisuelle elle-même représentait forme de mélancolie et de vieillesse, d'incertitude sur sa propre maîtrise (placées par Daney aux dehors de la critique, comme l'impensé de l’exercice critique: je ne dis pas qu'il avait raison ou plutôt exclusivement raison).
C'est sans doute plus de cette influence que nous avons du mal à nous dépêtrer que de celle de Finkielkraut (parce que le discours de Daney n'est pas programmatiquement réactionnaire)
je voudrais bien voir où Daney dans les années 1980 dépasse adorno (qui pour moi n'est pas dépassé; je ne vois pas ce que cela peut vouloir dire; il a dit bien des conneries sur le cinéma, le jazz...il avait un côté aristo élitiste...)
l'idée de rancière c'est : la gauche a abandonné son rôle critique pour une espèce de retraite mélancolique (on n'en sortira jamais) et l'héritage critique a été "récupéré" par les réactionnaires...
(mais bon on a tellement parlé de tout ça, je me sens pas reparti pour un tour)
cela dit, je ne sais jamais ce qu'on désigne par "la télé" : l'appareil, le moyen de retransmissions, la production de certains programmes, les journaux, les débats, la pub... le sport...le livre de bourdieu...
après tout on a vu deleuze à la télé, derrida, des tas d'autres, straub...
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Ce qui est marrant c'est le déplacement de la notion de "fracture numérique".
Il ya 2 ans on en parlait à titre individuel, comme interne à une société (genre les vieux s'en sortent moins facilement que les jeunes, c'est un facteur de précarité individuelle), maintenant depuis le Web2.0 c'est un concept qui joue entre les sociétés elles-mêmes.
Il ya 2 ans on en parlait à titre individuel, comme interne à une société (genre les vieux s'en sortent moins facilement que les jeunes, c'est un facteur de précarité individuelle), maintenant depuis le Web2.0 c'est un concept qui joue entre les sociétés elles-mêmes.
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Borges a écrit:Tony le Mort a écrit:Avant Badiou et Rancière et la critique du fatalisme implicite de l'idée que le programme marxiste doit être porté par une élite, les critiques d'Adorno avaient été déjà "dépassées" par le Daney des années 80, qui ne cherchait justement pas à "faire sortir" le spectateur de la télévision: plutôt à détailler ce qui pour la domination télévisuelle elle-même représentait forme de mélancolie et de vieillesse, d'incertitude sur sa propre maîtrise (placées par Daney aux dehors de la critique, comme l'impensé de l’exercice critique: je ne dis pas qu'il avait raison ou plutôt exclusivement raison).
C'est sans doute plus de cette influence que nous avons du mal à nous dépêtrer que de celle de Finkielkraut (parce que le discours de Daney n'est pas programmatiquement réactionnaire)
je voudrais bien voir où Daney dans les années 1980 dépasse adorno (qui pour moi n'est pas dépassé; je ne vois pas ce que cela peut vouloir dire; il a dit bien des conneries sur le cinéma, le jazz...il avait un côté aristo élitiste...)
Oui je voulais pas dire "dépasser" dans le sens qu'après la page 23 de tel livre de Daney 500 pages d'Adorno sont à mettre à la poubelles, disons qu'il ne se pose plus la question de la télévision et du média de masse de la manière Adorno mais d'une autre manière.
Mais c'est vrai que je si je ne m'abuse, il n'y a pas tellement de réflexion "ontologique" sur la notion d'image chez Adorno comme on en trouve chez Daney (avec l'idée qu'à la fin dans la télé ce sont les images qui nous regardent plus que l'inverse) . Il y a chez Adorno une réserve quasi religieuse sur l'image et un primat du texte comme source exclusive de l'abstraction.
Quant à disqualifier un intellectuel sous prétexte qu'il n'a pas dit de connerie et n'a pas su être au dessus de son temps. Si l'enjeu c'est de se trouver un maître qui a eu raison sur tout alors plutôt chercher les gens qui disent relativement peu de connerie chez Werth ou Jarry que chez les philosophes...
Dernière édition par Tony le Mort le Lun 11 Fév 2013 - 19:31, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Oui, on en fait vraiment trop avec Daney... Tellement de clichés, chez lui, au fond.
Cette "posture mélancolique", je la voyais dans le discours paresseux du type, qui se croyait au dessus des "masses", tout ça, ayant renoncé à penser: pour une "image du monde" devenue cliché dans sa tête.
Cette "posture mélancolique", je la voyais dans le discours paresseux du type, qui se croyait au dessus des "masses", tout ça, ayant renoncé à penser: pour une "image du monde" devenue cliché dans sa tête.
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Tony le Mort a écrit:En quoi ils n'ont pas plus tort que toi, même si les aspects aliénants d'Internet sont liés à un phénomène plus global : il y a un convergence pas si facile à cerner sociologiquement entre Internet, le téléphone portable, les tablettes, l’échantillonnage presque sans perte et les puces refid qui loguent les déplacements des gens et les surveillent d'autant plus qu'ils font usage du bien public: ce sont bien des technologies liées entre elle. On n'a pas tort de défendre l'idée que l'on puisse exister mieux hors de cet environnement.
tout ça ne veut rien dire, internet, les tablettes, tout ce qu'on veut, c'est la création de nouveaux agencements technologiques, politiques, sociaux... c'est tout, de nouvelle reconfiguration de l'homme, je dis pas que c'est bien, ni rien, mais c'est nous; quand y a eu des livres, on a parlé d'aliénation (ah quel danger pour la mémoire vive, la perte du contact humain, de la présence, l'existence imaginaire...); le mec qui monte à cheval est aussi aliéné comparé au gars qui court, le mec qui utilises une arme, comparé à celui qui se bat avec son corps...(un film raconte tout ça, "2001"); finalement, je voudrais bien que l'on me montre cet homme non aliéné, c'est-à-dire, finalement, purement naturel, non construit, transparent à lui-même, aux autres, dans une société sans moyens-obstacles; on est toujours l'aliéné de l'un, et l'aliéniste de l'autre; non? c'est pour ça que depuis platon, la technique est de l'ordre du pharmakon, du remède-poison
Dernière édition par Borges le Lun 11 Fév 2013 - 19:32, édité 1 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Baudouin II de Barvaux a écrit:Oui, on en fait vraiment trop avec Daney... Tellement de clichés, chez lui, au fond.
Cette "posture mélancolique", je la voyais dans le discours paresseux du type, qui se croyait au dessus des "masses", tout ça, ayant renoncé à penser: pour une "image du monde" devenue cliché dans sa tête.
j'osais pas le dire, mais là encore faut pas jeter le daney avec...
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
... avec l'eau de Régis Debray
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Borges a écrit:Tony le Mort a écrit:En quoi ils n'ont pas plus tort que toi, même si les aspects aliénants d'Internet sont liés à un phénomène plus global : il y a un convergence pas si facile à cerner sociologiquement entre Internet, le téléphone portable, les tablettes, l’échantillonnage presque sans perte et les puces refid qui loguent les déplacements des gens et les surveillent d'autant plus qu'ils font usage du bien public: ce sont bien des technologies liées entre elle. On n'a pas tort de défendre l'idée que l'on puisse exister mieux hors de cet environnement.
tout ça ne veut rien dire, internet, les tablettes, tout ce qu'on veut, c'est la création de nouveaux agencements technologiques, politiques, sociaux... c'est tout, de nouvelle reconfiguration de l'homme, je dis pas que c'est bien, ni rien, mais c'est nous; quand y a eu des livres, on a parlé d'aliénation (ah quel danger pour la mémoire vive, la perte du contact humain, de la présence, l'existence imaginaire...); le mec qui monte à cheval est aussi aliéné comparé au gars qui court, le mec qui utilises une arme, comparé à celui qui se bat avec son corps...(un film raconte tout ça, "2001"); finalement, je voudrais bien que l'on me montre cet homme non aliéné, c'est-à-dire, finalement, purement naturel, non construit, transparent à lui-même, aux autres, dans une société sans moyens-obstacles; on est toujours l'aliéné de l'un, et l'aliéniste de l'autre; non? c'est pour ça que depuis platon, la technique est de l'ordre du pharmakon, du remède-poison
C'est un peu comme un tortionnaire en chef de Guantanamo qui dirait : je sais que je ce que fais est mal, hors-règle mais comme Rousseau a eu tort et que tout le monde le sait, on ne peut rien m'opposer donc non, je ne couperais pas cette radio ou cette lumière.
Cela repose sur un sophisme et un manichéisme: le contraire de l'aliénation n'est pas l'innocence, un état indéterminé de l'homme, hors de toute situation.
Il ne s'agît pas tellement de montrer l'homme non aliéné (sinon on va sortir des platitudes: "la pauvreté a des vertus, elle est donc légitime, prenez l'Afrique etc...") mais plutôt de l'être?
Dernière édition par Tony le Mort le Lun 11 Fév 2013 - 19:47, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Borges a écrit:on a parlé d'aliénation (ah quel danger pour la mémoire vive...
Et on n'a pas eu complètement tort: quand j'étais né seuls les ordinateurs disposaient d'une RAM, à présent même les êtres humains vivant à l'époque de Gutenberg s'en voient affublés. Il est vrai que ces cons-là devaient encore rebooter pour passer en mode 64 bits...
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Tony le Mort a écrit:Borges a écrit:
on a parlé d'aliénation (ah quel danger pour la mémoire vive...
Et on n'a pas eu complètement tort: quand j'étais né seuls les ordinateurs disposaient d'une RAM, à présent même les êtres humains vivant à l'époque de Gutenberg s'en voient affublés.
faut plutôt renverser le rapport : "mémoire vive" est une notion que l'on trouve chez platon, la mémoire vive est opposée à "la mémoire technique", extérieure... y a les choses que je sais par coeur, dont je me souviens (anamnèse) et celles dont je confie la rétention à l'écriture... etc...
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Oui et en parlant de réminescence du savoir et du vrai Platon voulait en fait expliquer qu'avant le 386 il fallait rebooter pour disposer de la mémoire paginée, mais ses contemporains ne l'ont pas compris et Plotin en a tiré une interprétation théologique que seul le film Matrix a dissipé.
Platon parle des chevaux de bois dans la tête dans le Theetète qui sont des sortes de neurones qui expliquent par leurs allers-retours la persistance de l'information et le frayage, mais à ma connaissance pas de la RAM ou de mémoire technique.
Platon parle des chevaux de bois dans la tête dans le Theetète qui sont des sortes de neurones qui expliquent par leurs allers-retours la persistance de l'information et le frayage, mais à ma connaissance pas de la RAM ou de mémoire technique.
Dernière édition par Tony le Mort le Lun 11 Fév 2013 - 20:00, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Tony le Mort a écrit:Oui et en parlant de réminescence du savoir et du vrai Platon voulait en fait expliquer qu'avant le 386 il fallait rebooter pour disposer de la mémoire paginée, mais ses contemporains ne l'ont pas compris et Plotin en a tiré une interprétation théologique que seul le film Matrix a dissipé.
tu me fatigues, soit tu discutes sérieusement (et avec humour) soit tu laisses tomber; si tu crois que l'expression "mémoire vive" date de l'informatique, c'est pas de ma faute.
Borges- Messages : 6044
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
C'est pas plutôt ton interprétation de Platon qui date de l'informatique, genre années 80?
Invité- Invité
Re: Les documentaires de Spike Lee sur la Nouvelle Orléans
Tony le Mort a écrit:C'est pas plutôt ton interprétation de Platon qui date de l'informatique, genre années 80?
Faut toujours tout t'apprendre : "mémoire vive", cela veut dire "mémoire vivante", "mémoire du vivant"... une mémoire psychique, interne...cette mémoire est opposée à la mémoire extérieur, dont l'exemple simple est l'écriture, mais cela peut être tout autre moyen d'enregistrement (quand on va faire des courses, on a tout en tête (mémoire vive) ou alors on fait des listes...(mémoire technique, qui est aussi une mémoire morte, pas celle d'un être vivant, mais aussi en tant qu'elle risque de tuer la mémoire vive...)
sur tout ça, je renvoie à "la pharmacie de platon" de derrida, qui doit dater de la fin des années 1960...
Borges- Messages : 6044
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