Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
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Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
Durant les 20 premières minutes du film, je me suis dit, ce que je me dis souvent, que les films primés à Sundance ne sont pas forcément bons ; que le films encensés à Cannes non plus, ne sont pas forcément bons ; et que je n'aurais encore une fois pas dû croire ce que je lisais ici et là. Des Noirs représentés comme des animaux ivres et brutes, une image qui regroupe tous les clichés imaginables sur eux, un rythme étouffant, sans respiration, heurté, heurtant, pas d'espace pour les personnages, pas d'espace pour le spectateur…
Et puis vient la tempête, le film trouve son rythme et se déploie avec majesté. C'est un très beau film, émouvant, prenant, maladroit parfois, mais qui ne peut que marquer. Une belle histoire entre un père et sa fille, une histoire de peur et de courage, de force et de ténacité, d'amour et de peu de mots. Une sorte de réquisitoire aussi, contre l'État protecteur qui tue en voulant sauver, qui ne respecte pas, qui dévitalise, qui ne fait pas la différence entre mourir et mourir…
Mais quelles sont-elles, ces bêtes du sud sauvage ? N'est-ce pas avant tout, avant les aurochs, les hommes, ceux-là mêmes qui vivent dans le bayou ? Le film s'emmêle dans cette idée, mais il se rattrape car les hommes qu'il filme sont des hommes forts, debout, en lutte et qui tiennent à certaines choses au-delà de tout. Des hommes ou des petites filles.
Et puis vient la tempête, le film trouve son rythme et se déploie avec majesté. C'est un très beau film, émouvant, prenant, maladroit parfois, mais qui ne peut que marquer. Une belle histoire entre un père et sa fille, une histoire de peur et de courage, de force et de ténacité, d'amour et de peu de mots. Une sorte de réquisitoire aussi, contre l'État protecteur qui tue en voulant sauver, qui ne respecte pas, qui dévitalise, qui ne fait pas la différence entre mourir et mourir…
Mais quelles sont-elles, ces bêtes du sud sauvage ? N'est-ce pas avant tout, avant les aurochs, les hommes, ceux-là mêmes qui vivent dans le bayou ? Le film s'emmêle dans cette idée, mais il se rattrape car les hommes qu'il filme sont des hommes forts, debout, en lutte et qui tiennent à certaines choses au-delà de tout. Des hommes ou des petites filles.
adeline- Messages : 3000
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
Premier post très paresseux…
J'attendais de voir le film depuis très longtemps. C'est souvent d'ailleurs à l'aune de l'attente ou non des films que je les juge après, en fonction de la déception qu'ils sont, ou au contraire s'ils comblent cette attente.
Les Bêtes du sud sauvage est un peu entre le deux. Je suis à la fois déçue et comblée.
Comblée par l'émotion très forte que la fin du film a suscitée en moi. Emportée par l'amour brut et contradictoire de ce père pour sa fillette et de la fille pour son père si dur. Emportée par la force et le courage de la petite communauté du bayou, qui tient comme rarement sur son désir, vivre et mourir dans le bayou, vivre mal et mourir libre, plutôt que liée à un État ou une société qui contraint et contrôle. Emportée par la grande force de l'imaginaire enfantin qui fait surgir ces aurochs et cet apocalypse au milieu de la tempête. C'est vraiment une réussite du film, d'arriver à lier ainsi avec les mêmes images (simples et réelles), l'imaginaire de la fillette et sa vie dans le bayou. C'est très beau également d'avoir réussi à figurer par un même animal étrange et habituellement loin des mythologies, à la fois les peurs de la fillette et son courage. Les aurochs sont sa peur, sa grande peur, sa très grande peur, et en même temps, c'est en eux qu'elle puise son courage, et c'est à eux les premièrs qu'elle impose sa présence, ses idées, son pouvoir.
Déçue, comme je le disais, par la première partie, qui ne trouve pas son rythme, qui est trop pleine de tout, de bruit, de vitesse, de coupes, de mouvements, d'alcool, d'ivresse, d'animalité, etc. L'idée qu'il fait passer à ce moment est moche, les hommes du bayou qui vivent à l'égal des animaux qui les entourent. Déçue également par la volonté de rendre les aurochs absolument réels. Vouloir les faire habiter dans le même plan que la fillette, oui. Mais la force de leur présence dans le film et la force de suggestion du cinéma suffisaient. Pourquoi avoir voulu absolument les inscrire, tous deux, les aurochs et la fillette, l'un contre l'autre dans la profondeur du cadre ? Les caméras et les effets spéciaux n'étaient pas assez puissants, eux, pour ne pas êtres visibles, et dans certains plans, le film perd sa force à vouloir trop en faire. On voit l'incrustation comme le nez au milieu de la figure.
Déçue aussi par la manière de filmer. Caméra à l'épaule et mise au point incertaine, c'est fatigant. C'est d'ailleurs lorsque ce filmage "pris sur le vif", tellement agaçant dans tous les films à la Blair Witch et Cloverfield, est le plus prégnant que le film est le plus faible. A se demander ce qui pousse un réalisateur à l'adopter. Manque de moyens ? Simplicité du procédé ? Vrai désir esthétique ?
J'attendais de voir le film depuis très longtemps. C'est souvent d'ailleurs à l'aune de l'attente ou non des films que je les juge après, en fonction de la déception qu'ils sont, ou au contraire s'ils comblent cette attente.
Les Bêtes du sud sauvage est un peu entre le deux. Je suis à la fois déçue et comblée.
Comblée par l'émotion très forte que la fin du film a suscitée en moi. Emportée par l'amour brut et contradictoire de ce père pour sa fillette et de la fille pour son père si dur. Emportée par la force et le courage de la petite communauté du bayou, qui tient comme rarement sur son désir, vivre et mourir dans le bayou, vivre mal et mourir libre, plutôt que liée à un État ou une société qui contraint et contrôle. Emportée par la grande force de l'imaginaire enfantin qui fait surgir ces aurochs et cet apocalypse au milieu de la tempête. C'est vraiment une réussite du film, d'arriver à lier ainsi avec les mêmes images (simples et réelles), l'imaginaire de la fillette et sa vie dans le bayou. C'est très beau également d'avoir réussi à figurer par un même animal étrange et habituellement loin des mythologies, à la fois les peurs de la fillette et son courage. Les aurochs sont sa peur, sa grande peur, sa très grande peur, et en même temps, c'est en eux qu'elle puise son courage, et c'est à eux les premièrs qu'elle impose sa présence, ses idées, son pouvoir.
Déçue, comme je le disais, par la première partie, qui ne trouve pas son rythme, qui est trop pleine de tout, de bruit, de vitesse, de coupes, de mouvements, d'alcool, d'ivresse, d'animalité, etc. L'idée qu'il fait passer à ce moment est moche, les hommes du bayou qui vivent à l'égal des animaux qui les entourent. Déçue également par la volonté de rendre les aurochs absolument réels. Vouloir les faire habiter dans le même plan que la fillette, oui. Mais la force de leur présence dans le film et la force de suggestion du cinéma suffisaient. Pourquoi avoir voulu absolument les inscrire, tous deux, les aurochs et la fillette, l'un contre l'autre dans la profondeur du cadre ? Les caméras et les effets spéciaux n'étaient pas assez puissants, eux, pour ne pas êtres visibles, et dans certains plans, le film perd sa force à vouloir trop en faire. On voit l'incrustation comme le nez au milieu de la figure.
Déçue aussi par la manière de filmer. Caméra à l'épaule et mise au point incertaine, c'est fatigant. C'est d'ailleurs lorsque ce filmage "pris sur le vif", tellement agaçant dans tous les films à la Blair Witch et Cloverfield, est le plus prégnant que le film est le plus faible. A se demander ce qui pousse un réalisateur à l'adopter. Manque de moyens ? Simplicité du procédé ? Vrai désir esthétique ?
adeline- Messages : 3000
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
Il faudrait comparer ce film à "l'odyssée de pi" : quels rapports entre humanité et animalité? la vie et la survie? Comment bien manger? c'est vraiment le problème...
Borges- Messages : 6044
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
Les comparaisons avec le cinéma de Miyazaki qui semblent assez fréquentes dans la presse, me donnent envie de le voir. En plus du fait que la gamine a la même coupe de cheveux que moi en ce moment.
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
wootsuibrick a écrit:Les comparaisons avec le cinéma de Miyazaki qui semblent assez fréquentes dans la presse, me donnent envie de le voir. En plus du fait que la gamine a la même coupe de cheveux que moi en ce moment.
deux excellentes raisons
je connais pas du tout Miyazaki, mais l'idée confuse que j'ai de lui ne correspond pas trop au film...
Borges- Messages : 6044
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
J'ai même lu des comparaisons avec le cinéma de Malick...
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
wootsuibrick a écrit:J'ai même lu des comparaisons avec le cinéma de Malick...
Il y a une forte présence de Malick, mais pas son esprit; c'est pas malickien, même si on peut reconnaître assez facilement des références à "days of heaven" (la voix off d'une gosse qui mêle le réel à l'imaginaire, ici, plutôt archaïque que biblique) à pocahontas cherchant sa mère dans TNW, et aux questions de TOL...
Borges- Messages : 6044
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
oui tu as raison l'odyssée de py pose de bonnes questions qui ne font pas oublier les grosses ficelles des tours de passe-passe scénaristiques ni l'insupportable musique.
Invité- Invité
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
c'est quand même le film qu'on a vu le plus imposer son sujet, donc son projet depuis longtemps. grosse traque à l'impureté
Invité- Invité
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
Je ne comprend vraiment pas les comparaisons avec le cinéma de Miyazaki, les "bêtes" est un film plutôt éloigné des problématiques de son cinéma.
C'est probablement plus le fait que les aurochs sont des sortes d'animaux/monstres (appartenant à la mythologie inventée par/pour le film) qui font penser aux dieux sangliers de Mononoke, qu'au milieu on y jette l'enfance, ses peurs, angoisses et démons.
J'y ai plutôt senti l'influence de Cassavettes, celui de Shadows mais aussi de Opening night et Gloria. La filiation au théâtre,l'esprit de troupe, de groupe, les très gros plans, les pertes de point, les cassures de rythme. Je crois que c'est plutôt de là que vient la manière de filmer et de monter que des récents cloverfield/blairwitch/rec....etc...
En tout cas, j'ai partagé le ressenti d'Adeline sur le début du film, j'ai crains aussi pour la suite (surtout à cause de l'espèce de fête cajun et du rythme effréné). Est-ce que ce n'est pas finalement pas la malédiction des premiers films ? Cette volonté de se démarquer, de vouloir faire du bruit, faire original, etc etc ?
Par contre, là où je ne te rejoins pas c'est sur la visibilité des coutures de l'effet spécial. Même si je reste persuadé qu'il n'aurait pas fallu se faire rencontrer la petite fille et les aurochs; si ce plan où ils se font face ne marche pas, ce n'est pas à cause des effets visuels mais à cause du montage. Benh Zeitlin donne un rôle très important aux aurochs dans osn montage, c'est une sorte de fil rouge, c'est une béquille narrative qui noue des liens, brise des lignes. On "sort" du récit intime de Hushpuppy à chaque fois qu'ils apparaissent, ils font appel à une espèce de magie (que ce soit celle de l'univers du film ou celle du film et de son montage), à un imaginaire (que ce soit celui d'hushpuppy, le notre ou celui du réalisateur) qui n'est brisé que par les effets de réel du récit : mettre une gifle fait tomber ; frapper un coeur peut tuer ; être gravement malade c'est peut être mourir ; se noyer ; se bruler.
Or là, on essaye brutalement de mélanger l'effet de réel (mourir), ce que ça produit sur le corps du père, par une métaphore avec des bestioles et c'est à mon avis, ça, qui ne marche pas.
Parce qu'un effet spécial qui se voit, c'est super, c'est même probablement fait pour ça, Eraserhead par exemple, on sent à chaque plan que tout est faux, fabriqué (avec trois sous) mais on est terrifié, rassuré, horrifié que ce soit visible et qu'on ait pu le créer.
Y'a rien que je préfère plus qu'un maquillage tout voyant comme récemment les prothèses de Di Caprio dans J EDGAR ou bien dans Promettheus pour Guy Pearce.
C'est probablement plus le fait que les aurochs sont des sortes d'animaux/monstres (appartenant à la mythologie inventée par/pour le film) qui font penser aux dieux sangliers de Mononoke, qu'au milieu on y jette l'enfance, ses peurs, angoisses et démons.
J'y ai plutôt senti l'influence de Cassavettes, celui de Shadows mais aussi de Opening night et Gloria. La filiation au théâtre,l'esprit de troupe, de groupe, les très gros plans, les pertes de point, les cassures de rythme. Je crois que c'est plutôt de là que vient la manière de filmer et de monter que des récents cloverfield/blairwitch/rec....etc...
En tout cas, j'ai partagé le ressenti d'Adeline sur le début du film, j'ai crains aussi pour la suite (surtout à cause de l'espèce de fête cajun et du rythme effréné). Est-ce que ce n'est pas finalement pas la malédiction des premiers films ? Cette volonté de se démarquer, de vouloir faire du bruit, faire original, etc etc ?
Par contre, là où je ne te rejoins pas c'est sur la visibilité des coutures de l'effet spécial. Même si je reste persuadé qu'il n'aurait pas fallu se faire rencontrer la petite fille et les aurochs; si ce plan où ils se font face ne marche pas, ce n'est pas à cause des effets visuels mais à cause du montage. Benh Zeitlin donne un rôle très important aux aurochs dans osn montage, c'est une sorte de fil rouge, c'est une béquille narrative qui noue des liens, brise des lignes. On "sort" du récit intime de Hushpuppy à chaque fois qu'ils apparaissent, ils font appel à une espèce de magie (que ce soit celle de l'univers du film ou celle du film et de son montage), à un imaginaire (que ce soit celui d'hushpuppy, le notre ou celui du réalisateur) qui n'est brisé que par les effets de réel du récit : mettre une gifle fait tomber ; frapper un coeur peut tuer ; être gravement malade c'est peut être mourir ; se noyer ; se bruler.
Or là, on essaye brutalement de mélanger l'effet de réel (mourir), ce que ça produit sur le corps du père, par une métaphore avec des bestioles et c'est à mon avis, ça, qui ne marche pas.
Parce qu'un effet spécial qui se voit, c'est super, c'est même probablement fait pour ça, Eraserhead par exemple, on sent à chaque plan que tout est faux, fabriqué (avec trois sous) mais on est terrifié, rassuré, horrifié que ce soit visible et qu'on ait pu le créer.
Y'a rien que je préfère plus qu'un maquillage tout voyant comme récemment les prothèses de Di Caprio dans J EDGAR ou bien dans Promettheus pour Guy Pearce.
DB- Messages : 1528
Re: Les Bêtes du sud sauvage (Benh Zeitlin - 2012)
http://www.bfi.org.uk/news/lff-blog-benh-zeitlin-beasts-southern-wild
On y trouve pas mal de choses
On y trouve pas mal de choses
A Les Blank documentary called Dry Wood was huge reference point for us. Julius Avery’s short Jerrycan was also an influence on the aesthetics. I’m really obsessed with nature documentaries. I wanted to explore that child-like fascination with nature by showing it up close and in detail.
In regards to the cinematography, I loved the way the handheld camera worked in Children of Men. Beasts was mainly shot on an Easyrig. I wanted to turn the camera operator into a performer of sorts, and wanted the sense that the film is sometimes moving too fast for him to capture. I wanted to put our cameraman in the position of a documentary cameraman, at the mercy of whatever’s happening in front of him.
DB- Messages : 1528
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