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Le Procès Haneke

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Message par Invité Ven 9 Nov 2012 - 17:44

C'est en fait "Unsichtbare Gegner" et date de 1976.
Et ça change tout:

-en 1976 le punk et Franco étaient déjà morts (le titre du film "opposants invisibles", mais du point de vue du challenger, ce n'est pas une revendication, cadre bien avec ces morts).

Hourra je suis encore dans le coup...

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Message par Invité Ven 9 Nov 2012 - 17:57

ce n'est pas un cinéaste qui attise chez moi une ire ou une approbation au delà du raisonnable ; le fait qu'il soit bourgeois ou fasse un cinéma tel n'est pas non plus un repoussoir. j'aime son cinéma globalement, sa façon d'en parler, son homogénéité jusqu'à ses choix les plus contestables qui selon moi éclairent le mieux son propos comme refaire Funny game, que la coloration hollywoodienne banalise, le film devenant dès lors une sévère critique d'Hollywood etc etc ...

Il y a des cinéastes pour qui j'ai une aversion viscérale, Audiard par exemple, c'est pas glorieux, j'en conviens.

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Message par balthazar claes Ven 9 Nov 2012 - 18:56

Baldanders a écrit:Ah bon ? Moi j'imagine le type devant sa télé, de plus en plus secoué et admiratif de ce qu'il est en train de voir, se disant que quand même la radicalité dont fait là preuve Haneke est considérable, et plus le plan dure plus en effet c'est étrange et inédit, les minutes passent, Balthazar se frotte les yeux, non c'est bien le même plan, une heure est passée, toujours rien, et Balthazar de trouver ça révolutionnaire, ayant hâte que le film se termine pour courir ouvrir sur le forum des Spectres un fil consacré au plus extrême metteur en scène du monde, deux heures passent, toujours le même plan, quoi c'est ce type, Haneke, qui avec l'argent du CNC et des télés réalise un film plus avant-gardiste que du Michael Snow, incroyable, mais vrai ! et Balthazar de piquer un roupillon, se réveillant trois quarts d'heure plus tard, et toujours le même plan, géniaaahle se dit Balthazar en bâillant, OK bon, c'est magnifique mais c'est pas tout ça, il est en train de foutre ma journée en l'air l'Autrichien, où est la télécommande que je mette pause, quoi !? mince : pourquoi ça se met à bouger ?


Pas mal. C'est tout à fait ça. Enfin c'était un peu plus court. Cela dit ta version tire les mêmes conclusions que la mienne, j'ai l'impression : le type échaudé jure qu'on ne l'y reprendra plus, sans chercher à en savoir davantage.

balthazar claes

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Message par adeline Ven 9 Nov 2012 - 19:55

Sérieusement, Tony et slimfast, vous répondre chacun à vous-même trois fois de suite plusieurs fois dans la même journée dans un même topic, ça empêche le topic de se dérouler normalement. Ne pouvez-vous pas faire un effort pour rassembler vos triple quadruple quintuple posts en un seul post, en les éditant au lieu de répondre ? Histoire qu'on ne doive pas systématiquement remonter de trois pages pour essayer de suivre le fil des échanges…

adeline

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Message par Invité Ven 9 Nov 2012 - 19:56

je ne sais pas si c'est à moi que tu parles mais le film ne m'a pas échaudé, j'y ai vu un intérêt de forme et de fond et pas mal d'exigence bien servie par la mise en scène.

la seule chose qui me gêne et me fait tenir Haneke à distance c'est son côté résolument cérébral que je qualifierait de manque d'inspiration.

j'admets que cette affirmation de manque d'inspiration puisse être prise concernant Amour pour de l'humour noir !!!

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Message par Invité Ven 9 Nov 2012 - 20:00

je ne sais pas si c'est à moi que tu parles, Balthazar, mais le film ne m'a pas échaudé, j'y ai vu un intérêt de forme et de fond et pas mal d'exigence bien servie par la mise en scène.

la seule chose qui me gêne et me fait tenir Haneke à distance c'est son côté résolument cérébral que je traduirais, à tort peut être, par manque d'inspiration.

j'admets que cette affirmation de manque d'inspiration puisse être prise concernant Amour pour de l'humour noir !!!



Adeline a écrit:
Sérieusement, Tony et slimfast, vous répondre chacun à vous-même trois fois de suite plusieurs fois dans la même journée dans un même topic, ça empêche le topic de se dérouler normalement. Ne pouvez-vous pas faire un effort pour rassembler vos triple quadruple quintuple posts en un seul post, en les éditant au lieu de répondre ? Histoire qu'on ne doive pas systématiquement remonter de trois pages pour essayer de suivre le fil des échanges…


Salut Adeline, j'avoue que transformer le forum en "chat" n'est pas adéquat.
Sans me disculper, je ne m'accorde pas comme toi un temps de réflexion aussi long. Je suis d'instinct plus réactif, plus frénétique.

Mais il suffit de demander gentiment. Je t'ai entendue. Sorry, donc.


Dernière édition par slimfast le Ven 9 Nov 2012 - 20:06, édité 1 fois

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Message par Invité Sam 10 Nov 2012 - 0:09

balthazar claes a écrit:
Baldanders a écrit:Ah bon ? Moi j'imagine le type devant sa télé, de plus en plus secoué et admiratif de ce qu'il est en train de voir, se disant que quand même la radicalité dont fait là preuve Haneke est considérable, et plus le plan dure plus en effet c'est étrange et inédit, les minutes passent, Balthazar se frotte les yeux, non c'est bien le même plan, une heure est passée, toujours rien, et Balthazar de trouver ça révolutionnaire, ayant hâte que le film se termine pour courir ouvrir sur le forum des Spectres un fil consacré au plus extrême metteur en scène du monde, deux heures passent, toujours le même plan, quoi c'est ce type, Haneke, qui avec l'argent du CNC et des télés réalise un film plus avant-gardiste que du Michael Snow, incroyable, mais vrai ! et Balthazar de piquer un roupillon, se réveillant trois quarts d'heure plus tard, et toujours le même plan, géniaaahle se dit Balthazar en bâillant, OK bon, c'est magnifique mais c'est pas tout ça, il est en train de foutre ma journée en l'air l'Autrichien, où est la télécommande que je mette pause, quoi !? mince : pourquoi ça se met à bouger ?


Pas mal. C'est tout à fait ça. Enfin c'était un peu plus court. Cela dit ta version tire les mêmes conclusions que la mienne, j'ai l'impression : le type échaudé jure qu'on ne l'y reprendra plus, sans chercher à en savoir davantage.



Hellow.

Pas mal, pas mal... Bof. C'est peut-être tout à fait ça pour toi, mais pour moi, c'est pas ça du tout.

ça tombe bien, ce style de texte, car ça illustre très bien à mes yeux le genre de sophisme que j'évoquais plus haut.
C'est typiquement le genre de pseudo-analyse qui m'indispose (pour euphémiser), car elle ne se soutient que d'une forme de rhétorique, plus ou moins piquante, certes, mais qui est à côté de l'objet. Je prends ce texte pour lui-même, et je l'isole, j'ai pas suivi le reste, sorry.


Examinons ce texte: de quoi ou de qui parle-t-il, qu'évoque t-il, en effet?

Il ne parle nulle part d'un film de Haneke, il reconstruit seulement, de façon purement arbitraire, une certaine perception "possible" du film qu'il attribue à un certain idéal-type (ou prototype) de spectateur, spectateur qu'il reconstruit tout aussi arbitrairement, et qui est censé représenter, disons, un "snob" - on sait pas trop, en fait. Mais le spectateur "imaginé" que vise ce texte certes piquant, sous la plume de Baldanders, est décrit ici comme une sorte de mec qui ressentirait pas les choses "authentiquement", qui se ferait mousser tout seul, s'extasierait sur je ne sais quelle "radicalité", performance purement formelle, laquelle performance renverrait à je ne sais quel désir, de la part du cinéaste, de signifier une appartenance codée à un certain type d'"avant-gardisme" prisé par les "snobs", entendons par là une catégorie de spectateurs, ou consommateurs, de films - ou de tableaux, ou de livres, ou de musiques, etc - qui sont davantage affectés par la pause sociale que leur permettrait leur rapport à l'objet, un objet publicité comme "radical-chic", que par une sensibilité réelle à cet objet.

Preuve en serait: ce genre de spectateur, très situé sur le plan donc de la stéréotypie sociale, prend des vessies pour des lanternes - il s'extasie de l'audace d'un plan qui semble durer à la manière d'un plan de "Michael Snow", mais il ne voit même pas, est-il fat, est-il snob, etc, que c'est simplement parce qu'il a fait pause avec sa télécommande sans s'en rendre compte.

[ Par la bande, Baldanders signifie également, et c'est aussi bénéfice sur le plan de la jouissance d'un capital culturel, symbolique, qu'il connaît bien Michael Snow, qu'il est capable, lui, de discriminer, entre un plan qui dure avec raison, authenticité, appartient à une "avant-garde" vraie, présente ou passée, d'un plan qui dure par snobisme, pause, imitation frelatée d'une "avant-garde" vraie, présente ou passée. Il y a donc ceux qui sont abusés, aussi par manque de "culture cinématographique", et ça fait partie du sous-texte de cette "démystification" en bonne en due forme. Il y a souvent, dans la "démystification" des productions censées abuser le plus grand nombre, qui plus est louées par la critique "mainstream", en sous texte, l'affirmation d'une supériorité du démystificateur qui dispose, lui, de points de comparaisons "pointus" pour se distinguer de ce tout-venant - qui ne distingue pas le "bon objet" (radical-authentique) du "mauvais objet"(radical-imité). On peut voir là aussi une certaine forme de "snobisme" ou de posture élitaire. Maintenant, peut-être que Snow, dans la description de B., c'est aussi un leurre auquel succombent les snobs épris de "radical-chic", je l'ignore...

C'est en tout cas se signaler comme celui qui maitrise les codes, la "grammaire" du cinéma, comme autant de données intangibles fixées dans le marbre de ce que serait "l'essence" du cinéma, triant le bon grain de l'ivraie, selon quelques modèles prisés servant d'étalon, selon des critères parfaitement idiosyncrasiques qui donnent véritablement froid dans le dos - certains étant l'héritage ressassé de la bonne Parole quasi divine émise par de "petits maitres à penser" ou "gourous" au petit pied, qui ont toujours une petite "théorie" clef en main de derrière les fagots, complètement fumeuse mais procurant ce petit frisson exaltant d'appartenir à un mini-cercle d'élus-disciples clairvoyants, se distinguant de la masse indifférenciée des semi-aveugles embourbés dans les fausses valeurs. Et ça donne des "classements", d'un comique achevé, mais que visiblement prennent très au sérieux deux pelés et trois tondus, aspirants "professionnels de la profession", sectateurs d'une micro-chapelle oraculaire aussi pertinente qu'une annexe de la dianoétique de Hubbard, et pénétrés du sentiment d'avoir accès à une vérité qui échappe à la quasi-totalité du genre humain.


Par ailleurs, ce genre de considération sur la "radicalité" d'un film me passe largement au dessus du citron. Pour moi, ça veut pas dire grand chose: "radical". Je vois pas le bénéfice que je pourrais en tirer, narcissiquement: face à qui, devant quel "milieu", je pourrais parader en m’enorgueillissant d'avoir fait l'expérience d'un film "radical"... Faut vraiment, je pense, fréquenter soi-même de vrais snobs ou de vrais fétichistes du formalisme pur, dans certains milieux branchaga-confinés dont j'ignore tout, pour avancer de quels arguments en jouissant à l'avance du fait que s'y reconnaîtrait une certaine catégorie de "cinéphiles" que ça mouchera parce que ça fera mouche...

Je pense aussi que le recours à ce type d'argumentaire ("radicalité"- "formalisme" à l'épate) est surtout brandi par ceux qui n'ont perçu l'objet en question que sous ces seuls angles: ce qui dit plus sur leur expérience du film à eux. Et si c'était eux, les "formalistes", jugeant et classant les "formes"? Si leur expérience de tel film ne fut que confrontation ennuyeuse à un objet formellement vide et radical-chic, ça les engage eux, sans doute, leurs grilles clé-en-main qui leur donnent une assurance en surplomb, une position de maitrise sur l'objet, à ranger-classer-penser dans leurs petits classeurs où toutes catégories d'objets sont bien à leur place, définie..., mais on ne voit pas pourquoi ça devrait obligatoirement engager les autres...Intimidation, là encore, effet de maitrise, de prescription...]




Cette reconstruction piquante est donc destinée à renvoyer dos à dos les fausses audaces d'une certaine "avant-garde" frelatée ET les pauses ridicules d'un certain public qui s'en extasie: des deux côtés, on aurait affaire à du toc, du bidon. On se fait mousser. Etc.
Il y a l'objet-film discuté, du côté de l'émission, et le sujet-spectateur discuté, du côté de la réception: tous deux apparaissent comme se faisant mousser, du toc, du bidon, assurant une "plus-value" culturelle, la marque d'une appartenance revendiquée à une certaine "élite", "crème" socio-culturellement située, du côté, on l'imagine bien, de cette fameuse "bourgeoisie", pétrie de pauses et d'inauthenticité hypocrite, dont Baldanders aime à se faire le contempteur pas dupe, et pas bourgeois.

On en revient toujours, donc, dans ce type de description piquante, à une même volonté de définir une catégorie, à l'émission et la réception, d'objets prisés par la "bourgeoisie", dans les termes où elle est constamment définie ici.

L'objet et le sujet discutés relèvent ici d'une forme d'imposture qu'il s'agirait de dénoncer sans relâche, comme s'il fallait exorciser quelque chose... Et l'effet produit par cette description est de l'ordre du "double bind", de la double contrainte:

- ou l'on acquiesce à cette description, et on révèle par là qu'on est "pas dupe", qu'on est lucide, qu'on ne prend pas pour de la valeur ce qui n'en a pas, qu'on n'est pas, en définitive, du côté de ces "bourgeois" qu'on hait tant, à qui on ne veut surtout pas ressembler, etc;
- ou l'on n'acquiesce pas à cette description, et on révèle par là qu'on appartient, malgré soi ou en toute bonne conscience, à cette frange de "bourgeois", ou de "snobs", qui se la jouent, se font mousser, se targuent de jouir d'un capital symbolique & socio-culturel fait de fausse valeurs, de postures bidons, de formalisme de performance, etc etc.

Donc, on est piégé. Sauf à se révéler malhonnête, bidon, snob ou bourgeois soi-même, on ne peut que rire, d'un bon rire démystificateur, à tant de postures ridicules.

Dans cette stratégie énonciative, bien entendu, Baldanders, de la même façon qu'il définit, construit ou reconstruit, l'Objet et le Sujet examinés en fonction des stéréotypes qu'il définit en même temps qu'il dénonce (de façon apparemment "objective", non-impliquée, cad "axiologiquement neutre", puisqu'il semble se contenter ici de "décrire" les effets des "postures" en question), construit ou reconstruit (cad aussi "fantasme") lui-même sa propre position de spectateur.

On saisit en effet, dans cette description, que, comme le disait Clint à Tuco, le monde se divise en deux catégories: ceux à qui on la fait, et ceux à qui on la fait pas. Cette description indique, sans nul doute, que B. appartient à la catégorie de ceux à qui on ne la fait pas.

Voilà ce que dévoile cette description: elle parle de Baldanders, qui se pose en opposant; elle dégage une vision, rassénérante, valorisante, qu'il a de lui-même (le mec "authentique", qu'on n'abuse pas, qui voit clair dans les extases frelatées des snobs et des bourgeois, etc) en lui opposant la vision de ceux qui baignent dans l'inauthenticité, le snobisme, se gargarisent d'apprécier des objets en toc, etc.
Elle ne parle nulle part du film, donc. Ce n'est pas pour moi une critique pertinente du film, c'est une critique malhonnête ET contraignante.

Elle me contraint, de façon malhonnête, par la reconstruction orientée par la vision du monde de B., à me situer dans un partage binaire: ceux qui voient bien, ceux qui ne voient pas bien; ceux qui n'apprécient pas parce qu'ils sont lucides sans se la jouer, ceux qui apprécient parce qu'ils sont faux-culs et hypocrites; ceux qui voient les trucs et les ficelles d'une pseudo avant-garde formaliste et creuse, ceux qui se laissent abuser ou ne veulent pas les voir, par snobisme élitaire, par affectation qui révèle surtout une incapacité réelle, sincère, d'être affectés; etc, etc.

Cette description impose simplement, sous le couvert de la démystification, que le film soit ce qu'en suggère Baldanders, qu'il ne puisse pas être appréhendé d'une autre manière que celle que B. impose, et impose l'idée que si on n'acquiesce pas à son démontage, on a le choix entre être un idiot ou un hypocrite.


Donc, je n'adhère pas, ni à la méthode "critique" de B., ni aux doubles-contraintes qu'elle impose.

Mais pire: je suis autorisé à lui appliquer à lui-même son propre dispositif. Pourquoi n'aurais-je pas le droit, moi, de lui dire que sa manière de causer du film, de ce plan, etc, révèle elle aussi un snobisme hautain, une arrogance très "bourgeoise", cette façon lapidaire d'exécuter ce qui n'entre pas dans ses "schèmes" esthétiques et sa vision très située, socio-culturellement, de "l'authenticité", de ce qui est vrai, juste, bon et beau, ou faux, bidon, malhonnête et moche.
Je peux appliquer ses grilles aux objets mêmes dont il se délecte et "démontrer" qu'ils suent de poncifs et de formalismes petits-bourgeois. Je trouve, par exemple, les Chabrol qu'il révère honteusement et bourgeoisement roublards, ainsi que plein d'autres films qu'il semble ériger en une sorte de dernier rempart de l'éthique et de l'authenticité résistant au "consumérisme" "crétinisant" et autres. Je peux démonter sévèrement sa dilection pour un certain "cinéma français" qui à ses yeux serait "supérieur" aux autres et porterait haute je ne sais quelle valeur d'authenticité, d'intégrité, d'exigence, de vérité, d'éthique, que les autres braderaient avec cynisme. Je peux considérer que sa "vision" du cinéma, du spectacle, de la consommation des images, correspond à une théorie très datée, inscrite dans une "critique" à la Guy Debord qui n'est, au fond, le temps passant, qu'un amoncellement de poncifs, un ensemble de valeurs typiques d'une certaine vision du champ social propre à la bourgeoisie, reprise en chœur par le discours médiatique dominant, et qui perpétue les clivages, les distinctions entre le "haut" et le "bas", le "noble" et le "vulgaire", la "masse" et "l'individu", "l'inconscient" et le "réflexif", etc etc, pour se réserver le seul privilège de les théoriser en s'indexant du côté de ceux qui voient clairement qui sont les consommateurs abrutis et massifiés, qui sont les théoriciens lucides de la consommation, etc.

(Visions fort hiérarchisantes et réactionnaires, incroyablement pontifiantes, de la "Haute culture", que partage, à l'insu de son plein gré, l'onctueux et ô combien cuistre Bosse de Nage qui croit sincèrement, sans rire, apparemment œuvrer dans la plus intransigeante résistance à l'ordre dominant, et qui fait l'admiration de Baldanders. Lequel le remercie chaleureusement pour chacune des hautes productions graphopathiques (une logorrhée verbeuse complètement déréalisée et déréalisante, encore pire que mes post interminables), émises en son terrier où il sodomise bravement des anophèles. Non mais sans rire, quoi. Mais sans rire, toujours, vous êtes pas du genre à rire de vous-même tous les matins, si seulement vous vous relisiez avec un minimum de distance, d'auto-dérision).




Ce n'est pas, donc, que je sois un admirateur inconditionnel, dogmatique, borné, de Haneke, transi d'admiration béate à chacun de ses films. Haneke n'est de loin pas un de mes cinéastes préférés, considérant sa filmo globale. Mon propos n'est pas une défense de Haneke, mais concerne plus généralement les sophismes de la critique resservis en plat tiède et parés des vertus de la clairvoyance. Et ce que ces critiques révèlent de la vision du monde de ceux qui les élaborent bien plus souvent que du film dont il parlent. Et ce sont souvent les mêmes sophismes, pour des contenus à peu près identiques, qu'ils soient émis par des représentants salariés de la pensée-médiatique-dominante, ou des irréductibles "indépendants" qui croient sincèrement aller contre la "pensée dominante". Ou "la pensée unique", comme disent encore certains soft-penseurs médiatiquement surexposés, qui n'ont jamais eu dans leur vie qu'une seule et unique théorie, celle de la "pensée unique", associée par leur soin à la "bienpensance" imposée par les "bobos-bienpensants", que eux, "malpensants", "dérangent" courageusement.

(Un sophisme particulièrement savoureux et retors, en son "paradoxe" troublant, d'une forme de soft-pensée-dominante, consiste à repérer systématiquement dans le succès critique, médiatique, ou public, d'un cinéaste, d'un film x ou y, l'indice de sa pleine appartenance à l'idéologie dominante : ce qui permet de congédier toute valorisation possible de ce cinéaste ou de ce film comme expression de cette idéologie, et de taxer ceux qui ne partageraient pas ce diagnostic éminemment "franc-tireur" de produits de cette "softpensée" que par ailleurs ils dénoncent. Comme si le succès (ou à l'inverse l'insuccès) critique et/ou public d'un film déterminait sa valeur intrinsèque, y compris sa valeur éventuellement critique, à la manière d'un baromètre inversé. C'est imparable, et dans le maniement de ce paralogisme intimidant, bcp de ténors médiatiques excellent, de Kahn à Zemmour en passant par Onfray, justement)


Or on pourrait montrer que la description de B. est elle-même fausse, complètement bidon, toc, pleine de stéréotypie "bourgeoise" dans la manière de discuter de la valeur ou de la fausse valeur d'un plan qui dure. On pourrait montrer que la description imposée par B. exprime sa propre incapacité à être affecté par ce qui en affecterait d'autres, selon lui par erreur ou posture.
On pourrait montrer que B. se met le doigt dans l’œil jusqu'à l'orteil lorsqu'il prétend saisir que le but du réalisateur, Haneke en l'occurrence, est de faire dans le "radicalisme", l'"avant-gardisme", du formalisme pour épater la galerie, faire son malin en montrant qu'il peut filmer un plan fixe durant au delà des conventions communément admises, etc.
On peut répliquer qu'on a, contrairement à lui, été sincèrement et sans calcul affecté, pris, capté, par ce long plan fixe, sans aussitôt être suspecté d'être un fat gargarisé de pseudo-avant-gardisme radical. On peut lui montrer que ce plan (celui, par ex, du pongiste face au distributeur automatique de balles dans 71 fragments, ou le dernier plan de Caché) a une nécessité dramaturgique qui lui est propre, signifie quelque chose de fort. Pas du tout dans les termes d'un "formalisme" "esthétique" qui est le cadet de mes soucis. Exprimant quelque chose de fort à propos d'une donnée qu'on souhaite occulter dans la dramaturgie traditionnelle: une durée de l'existence, ce qui, dans cette durée, révèle la part de l'existence, du réel, qui pèse, ne peut être signifiée, relevée dans un sens, une téléologie du sens, ne "divertit" pas dans un cas, est "indécidable" dans un autre. C'est, du reste, un usage pas si anti-traditionnel et pas si radical d'un plan: ça fait partie d'un certain traitement de la temporalité des images, d'un plan-séquence, etc, bien connus dans l'usage du cinéma. A ce compte-là, on peut caricaturer aussi d'un gros rire gras, et mettre les rieurs et ceux qui ne s'en laissent pas compter de son côté, à peu près toute la filmo d'un Antonioni, un Straub, un Angelopoulos, un Rivette, un Kiarostami, etc etc etc: la liste est gigantesque.


C'est quand-même extraordinaire: un plan long de Haneke est une imposture, une imitation roublarde de "radicalité", parfaitement vide, sans enjeu, une plastronnerie, un foutage de gueule, au mieux un maniérisme, des trucs et ficelles, un piège à cons prétentieux, mais à côté de ça, on se pâme d'extase au dernier Carax (qui pour moi n'a jamais produit que du clipesque maniéré et mignardisant, et qu'on présente comme "radical", pour le coup).
Moi, y a des distorsions perceptives, des traitements de poids et mesures, qui me fascinent, littéralement me fascinent.
Je donne mon avis sur Carax comme B. donne le sien sur Haneke.
Pour moi, Carax, ça a toujours été, c'est et ce sera toujours une sorte de cataplasme mittérrando-jacklangien dont personne me fera croire qu'il a quelque chose d'un cinéaste "maudit", rimbaldien, ou quoi ou qu'est-ce, quelle que soit sa rareté dispensable. Aussi mittérrando-jacklangien, dans un autre genre, plus "esthético-nombrilesque" (une sorte de queue de comète agonisante des eighties à laquelle se rattache un Beineix, par exemple), que l'ahurissant Guédiguian, aussi ahurissant pour moi que l'admiration que lui porte Baldanders, et dont chaque croûte, je dis bien chaque croûte, m'apparait comme un tel concentré de mensonges et de niaiseries, à chaque micro-cm de sa pellicule, que ça me flanque immanquablement la tourista.
Baldanders ironise, avec mordant, sur le fait qu'un Haneke est financé par les télés et le cnc. Mais pour moi, Guédiguian, Carax, pour ne citer qu'eux, c'est tellement rance, à tous les niveaux, que ça pourrait être financé par Tf1 pour l'un, Vivagel pour l'autre, ça changerait rien à l'affaire. C'est tout le côté le plus authentiquement puant de la "vieille France & Traditions", sous des apparences d'honnêteté et d'authenticité irréductibles. Le petit théâtre éternel du brav'prolo qui sent la pub pagnolesque pour le potage à la farigoulette chez l'un, le petit théâtre éternel du Paris des cartes postales visité en renault-espace pour l'autre. On peut être ou se voir authentique ou maudit, dans sa tête ou par les organes de financement, si dans la tête y a que des vieilles toiles d'araignées, ça change rien.
Et Baldanders parle, à tort ou à raison, de "misérabilisme" concernant le dernier Haneke. Guédiguian, c'est pas du "misérabilisme", non, c'est une vision généreuse, on va dire "de gauche" (sans pouffer), de la Frahâânce.
Et Baldanders citait, à son heure, transi d'admiration (je l'invente pas, suffit d'aller lire), une misérable et grotesque interview de Carax (farcie jusqu'à la couenne de stéréotypes réactionnaires imbitables sur la vitesse, la lenteur, le Réel vrai, le Virtuel faux, l'artisan honnête, l'industrieux malhonnête, etc, bref le catalogue intégral de Maisons & Jardins), et quoi? Sans déconner, Baldanders avait l'air de voir admirativement là-dedans je ne sais quelle matière à "penser", à "réfléchir", y voyait des choses justes et pas connes, pas loin d'avoir l'air d'être les vérités les plus lucides, profondes et radicales, sur le monde comme il va, le cinéma comme il va, la culture comme elle va, émises par un cinéaste (pur poète des temps premiers, chantre d'un art délaissé par le mercantilisme généralisé, égaré dans un monde déréalisé et fasciné par la "technique", dernier mohican d'une sensibilité anesthésiée par la marchandisation des images, etc, etc) en interview depuis l'invention des inrockuptibles ou de Laure Adler. Chacun verra minuit ou midi à sa porte... Ah oui, le goût est fait de mille dégoûts, comme disait l'autre.


Pourquoi, bizarrement, certains sont d'emblée suspects d'être malhonnêtes, "bourgeois", là où d'autres, faisant combien pire, sont loués pour leur authenticité ou leur honnêteté? Selon quels a priori, idées toutes faites, jugements de valeurs pré-mâchés fondés par des supputations psychologiques puissantes exercées à même une interview, les uns seraient épargnés par ce qui plombe les autres? Tout ça mériterait des analyses un peu plus creusées, du côté de la "vision du monde" qu'a déjà le spectateur, de ses valeurs "engrammées", avant de voir un film (et pas plus que quiconque, je n'échappe à cette exigence), que quelques formules lapidaires et creuses, dispensées paresseusement, selon la loi du goût et du dégoût personnels déguisés en considération "objective".





Et je n'ai pas encore abordé le sophisme de la "démonstration" de B. sur l'aveu cinglant, par Haneke lui-même, dans l'interview épinglée par ses soins, de son propre "cynisme de gros connard bourgeois" prouvé quasi-scentifiquement. Je ne le fais pas maintenant, parce que ce serait trop long, et ça réclame aussi d'être déplié dans le détail.

Cette pseudo-analyse, comme bien d'autres que je trouve sous sa plume ainsi que celles des quelques "élus" trônant dans la shoutbox d'enculture, et qui visiblement se prennent pour des parangons de lucidité politique, esthétique, etc, sont à mes yeux - fort contestables je ne le conteste pas - plus souvent qu'à leur tour assez bien bidons, superficielles, en toc, snobes et frelatées. C'est pas gentil ni sympathique, j'en conviens. Ce qui me sidère, moi, plus souvent qu'à mon tour, c'est l'incroyable assurance de ceux qui Savent, qui ont pour toute chose, tout phénomène, tout objet, une Réponse, la bonne. ça, ça m'hallucine. Et comme je ne lis nulle part que des bonnes âmes philanthropes, ou éprises de communication conviviale, prennent des gants pour exprimer sans détour leur pensée si juste et si nuancée, je ne vois pas que j'aie à mettre des gants pour exprimer ma sidération face à tant d'assurances reposant à 90% sur du vide, des sophismes, des jugements de valeurs géo-sociologiquement situés, etc etc. Donc, je ne fais pas exception à la règle la plus équitablement partagée, that's all. C'est pas à moi de montrer aux autres la bonne façon, la juste façon, de débattre, en me posant, comme un tonylemort, au dessus de la mêlée, prenant de la hauteur et rappelant à son prochain la réalité du Réel, préservé des vicissitudes de l'ego et de ses humeurs. Parce que moi aussi je suis de mauvaise humeur, si ça se trouve Laughing .


Voilà. Je la fais en bloc, rééditée, bien beurrée et bien garnie, et pas en micro-tronçons additifs à la Phil Glass, dont seuls ont le privilège ceux qui ont un tempérament du genre frénétique, spontané, et tout ça. Parce que les autres, non, bien sûr. gnnnrhzz.


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Message par wootsuibrick Sam 10 Nov 2012 - 4:38

hé hé hé,
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http://mondesducinema.blogspot.com/

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Message par DB Sam 10 Nov 2012 - 16:34

WAHOU, j'ai quasiment écouté tout what's going on de Marvin Gaye pour lire le post de jerzy mais ça valait le coup.

J'ai franchement éclaté de rire là :

Le petit théâtre éternel du brav'prolo qui sent la pub pagnolesque pour le potage à la farigoulette chez l'un, le petit théâtre éternel du Paris des cartes postales visité en renault-espace pour l'autre. On peut être ou se voir authentique ou maudit, dans sa tête ou par les organes de financement, si dans la tête y a que des vieilles toiles d'araignées, ça change rien.

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Message par balthazar claes Sam 10 Nov 2012 - 16:53

Je trouve cette histoire de double bind complètement tirée par les cheveux. A peu près tous les discours de l'univers, en même temps que ce qu'ils disent, affirment et revendiquent, d'une manière ou d'une autre, leur clairvoyance et leur véracité : et alors ? A ce compte-là, n'importe quel énoncé se transforme en double contrainte perverse.

Du même genre : Baldanders cite sournoisement Michael Snow ; c'est donc un raciste culturel, pas moins ! Baldanders est de mauvaise foi : la preuve, il refuse de tenir compte de cette « souveraine démonstration »... C'est honteux de procéder ainsi.

On peut poser l'hypothèse que tout ce qu'on trouve dans un topic concerne et informe ce topic. Il n'y a pas de hors-sujet. Un procès était convoqué : un procès advient. Ça ne m'étonnerait pas que ce double bind soit en revanche le terme adéquat pour désigner la manière dont Haneke s'y prend avec son spectateur. D'ailleurs c'est lui-même qui le dit.

Je manipule le spectateur, et ensuite je le repousse, lui donnant ainsi la possibilité de comprendre que ce n'est qu'un film. Mais ensuite je le séduis de nouveau pour le ramener dans l'histoire. Je procède ainsi plusieurs fois dans le film. Grâce à cette méthode, je lui donne le sentiment de savoir ce que c'est d'être séduit et manipulé. Je le manipule afin qu'il devienne autonome.

Ça renverrait, dans la lecture d'Eyquem d'à côté, par exemple à ceci :


Le film joue ainsi sur des oppositions assez basiques. D’un côté, il y a Riva qui se fait dessus, qui bave, qui hurle. Et de l’autre, y a la grande musique, qui plane dans l’air comme venue d’on ne sait quel ailleurs, et dont le lien avec ce bas monde paraît totalement spectral : impossible de comprendre qu’une telle musique puisse s’élever dans ce monde où la seule chose qui domine, c’est la corruption des corps, la pesanteur des choses. D’un côté il y a donc la nuit terrifiante où les vieux s’enfoncent, où l’appartement s’enterre, où la mort, petit à petit, bouffe la vieille femme tout entière jusqu’à la tête, et de l’autre, il y a ces petits tableaux anonymes accrochés au mur, qui représentent des paysages ensoleillés, des marines, des pastorales d’un autre âge, avec de grands ciels traversés de rayons.

(...)
Le film joue sur des oppositions très simples et fortes (le bas corporel / le haut spirituel, la crudité des corps qui pourrissent / le beau idéal qui transparaît dans les peintures, la musique, ou dans les souvenirs) mais cette opposition frontale ne met rien en mouvement : on se demande comment la création, l’amour sont possibles dans le monde qu’Haneke dépeint.

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Message par balthazar claes Sam 10 Nov 2012 - 22:48

Permettez. J'ai bien du mal. Mais admettons. Pourquoi faut-il que ces douze lignes soient évaluées comme une critique du film, puisqu'elles ne sont pas une critique du film ? Mettons qu'elles disent des choses à propos de ce film : on a un spectateur « très situé sur le plan de la stéréotypie sociale », effectivement. Un bourgeois snob regarde un film pour bourgeois snobs, tout plein de pseudo-audaces formelles. C'est bien ce que ça raconte, y a rien d'autre à voir, ok. Le degré de snobisme est tel que le spectateur en vient à halluciner une pseudo-audace formelle de l'auteur, en somme. Ça pourrait aussi bien être une tache au beau milieu de son écran, dont il supposerait la présence voulue par l'auteur, en imaginant une intention de dénoncer l'illusion fictionnelle ou quelque chose du genre. « Est-il fat, est-il snob, etc », et sans doute le film qu'il a choisi ne peut qu'être comme lui. Il s'agit de se moquer de ce snob, lequel est par nature un bourgeois, et de revendiquer un souci de démystification, une dénonciation des impostures. Je veux bien.

La fausse pseudo-audace formelle finit par être révélée. Dans l'intervalle, la pose du spectateur snob s'est peu à peu affaissée : il revendiquait pompeusement son accès privilégié, et pour ainsi dire illimité, au sublime, et voilà qu'il se tape un petit « roupillon » ridicule. Puis il prononce « Géniahle » dans un bâillement, et c'est un autre clin d'oeil au lecteur : le type à moitié réveillé, au saut du lit, a déjà le mot « génie » à la bouche : quelle contradiction, et quel poseur.

Maintenant : le texte dit-il que c'est ce qu'il faut dire à propos de ce film dont il ne parle pas directement ? Le texte est visiblement informé du fait qu'il y a des plans fixes chez Haneke et donc répond bien, au film et du film, pour ainsi dire. Il vise précisément ce film en tant qu'il est ce film, à n'en pas douter.

Tel un maître zen, il répond à une question sur le film par une fable. Fable comique, dans le style du récit d'apprentissage, où on aurait un disciple qui se prend un coup de bâton parce qu'il ne comprend pas l'enseignement du maître. Le spectateur snob serait comme un disciple trop zélé qui se répète les phrases du maître comme un perroquet, sans être encore capable d'en appréhender la substance. La fable dénonce le psittacisme du cinéphile snob. Ok. Que faut-il penser du film de Haneke ? Un jour, un jeune disciple essaya de soulever le film de Haneke et se fit un tour de rein. Le maître lui dit alors de regarder Asterix 3 quarante-sept fois, et on en reparlerait.

Je m'égare. Le coup de la fable vient sans doute recouvrir la dimension politique du problème, un problème « très situé sur le plan de la stéréotypie sociale ». Le spectateur snob n'est pas un disciple zen, même s'il peut se fantasmer ainsi ; il est plus concrètement un fils de bourge. Est-ce justement la fonction de la fable : dissimuler la dimension politique contenue dans cette critique « discrète » du film ?

Alors les bourgeois. Effectivement en jetant un œil aux autres textes de Baldanders on voit que le terme revient souvent. Son profil, selon Jerzy, correspondrait peu ou prou au modèle bourdieusien du fils de bourge qui, dans ses jeunes années, s'encanaille dans le gauchisme pour finir, une fois installé dans la société, par renier ses premières convictions, en réalité inconsistantes. Ah, il en aura bouffé du bourgeois, sans jamais cesser de l'être : c'est l'idée.

Le texte montre indéniablement un petit bourgeois en quête d'ascension sociale, et qui se trompe d'objet. Il lorgne la position d'artiste, ou d'ami des artistes, car il n'y a rien de mieux pour échapper à la bourgeoisie. L'artiste, dans une vision elle-même bourgeoise, est une espèce de roi au-dessus des lois, s'il est parvenu à survivre aux multiples barrages que la société met en travers de sa route. Le snob (« sans noblesse ») rêve de passer au-dessus des barrières sociales, de faire un grand bond vers le ciel. Il serait sans doute plus sensé de sa part de viser d'abord le rang de moyen bourgeois, puis celui de grand bourgeois, s'il tient à ce point à son ascension. Sa tentative de bond gigantesque est vouée à l'échec. Il se trompe d'objet. L'objet sélectionné par son snobisme ne peut en aucun cas lui permettre l'ascension dont il rêve, précisément parce qu'il le choisit selon les critères sans noblesse de son âme bourgeoise.

La fable dit que « c'est comme ça » : elle donne un air fatal, mythologique, destinal, « naturel » aux éléments qu'elle avance. La fable naturalise le dilemme politique qui se pose au fils de bourgeois, en prophétisant que quoi qu'il fasse, il ne deviendra pas artiste : il n'a pas l'âme faite pour ça. Quel que soit l'objet qu'il choisit, il perdra. Soit il comprendra et aimera le film, mais ce sera pour des qualités inférieures, de pseudo-audaces formelles. Soit il ne comprendra pas le film, si celui-ci contient de véritables beautés supérieures. Or dans la fable le spectateur est séduit d'emblée par le film, avant même qu'il se mette en mouvement. Le film est en pause et le spectateur prend la pose ; il sait qu'il a bien choisi, qu'il va trouver ce qu'il attend et qu'il croit être d'une valeur supérieure, à savoir des pseudo-audaces formelles. Mais s'apercevant qu'il a fait à côté, qu'il a trouvé le moyen de placer son admiration à côté du film, à côté de la plaque, il est humilié, jure qu'on ne l'y reprendra plus. Moralité : il retourna fabriquer des chaussures. Ça pourrait être une fable de La Fontaine, aussi. Sauf que les fables de La Fontaine ne travaillent pas en douce, et sont admirables pour leur clarté et leur « frontalité », je suppose.

Et moralité identique concernant le film : typiquement le film pour petits-bourgeois.

Maintenant, pour en revenir au double bind. Je ne vois toujours pas trop. L'éventuelle intimidation serait encore à mettre au compte de l'affabulation, qui enrobe son discours de séduction, fait mine de parler d'autre chose. Raconter une histoire drôle c'est certes plus fun, plus rapide que tenter de poser des jugements critiques étayés par des arguments mûrement pesés. Et c'est déjà mimer la position d'auteur : non pas un critique, mais un auteur de récits. L'énonciateur de ce récit d'apprentissage du jeune bourgeois se met en position de mini-Goethe : s'il a pu peindre cela, alors lui-même disparaît du tableau pour devenir l'Artiste.

Tout de même j'ai bien du mal à envisager cette affaire sous l'angle d'une double contrainte perverse. Je sais pas, faut quand même regarder les conditions dans lesquelles cette énonciation se produit, non ? C'est-à-dire qu'on parle donc bien de douze lignes jetée sur internet et lues par quinze personnes ? La contrainte est assez faible, non ? Mais admettons, encore un peu.

Par exemple, on peut dire que Bald m'a mis dans sa poche avec son histoire. C'était mon histoire, il me l'a empruntée et rendue reformulée. Il a en quelque sorte « produit » mon histoire, en l'habillant de telle sorte que je me suis senti à peu près reconnaissant. Or il se payait ma tête et grossissait l'anecdote jusqu'au délire burlesque, avec un plan fixe qui dure cinq heures. Je ne pouvais pas ne pas rire, c’eut été passer pour prétentieux et pète-sec. Il me fallait donc rire de bon cœur à l'idée de moi-même, vissé pendant cinq heures comme un débile devant mon plan fixe – il faut savoir ne pas se prendre au sérieux. Et en même temps, il est vrai que cette aimable plaisanterie ne m'apportait pas grand chose. Si ce n'est qu'effectivement, si je ne riais pas, je me condamnais à passer pour le pauvre snob que la fable disait que j'étais. En m'invitant à rire de moi-même, la fable me promettait au moins de m'autoriser à réfléchir sur ma situation.

Dans cette mesure un peu téléphonée et strictement me concernant, je pourrais peut-être dire que j'étais contraint de rire par le dispositif – mais c'est aussi parce que la production était pas mal faite. Contraint d'ironiser sur la vanité des aspirations bourgeoises à sortir de la bourgeoisie. On pourrait dire : attristé par toute cette ironie, au moment où je reconnais qu'elle me vise et m'épingle à juste titre. Donc coincé.

Je trouve quand même toujours cette histoire un peu tirée par les cheveux, mais pourquoi pas.

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Message par Invité Dim 11 Nov 2012 - 2:04

Son profil, selon Jerzy, correspondrait peu ou prou au modèle bourdieusien du fils de bourge qui, dans ses jeunes années, s'encanaille dans le gauchisme pour finir, une fois installé dans la société, par renier ses premières convictions, en réalité inconsistantes. Ah, il en aura bouffé du bourgeois, sans jamais cesser de l'être : c'est l'idée.


C'est pas ça du tout, mais alors pas du tout. J'ai nulle part énoncé ce genre de truc.
J'ai parlé de stéréotypes auxquels on acquiesce un peu machinalement. Ici, à propos de Haneke, dont les propos autant que son film démontrent qu'il est un "bourgeois". Stéréotypes qui se révèlent également dans la façon de reconstruire un "spectateur-type", un "stéréotype de spectateur" confirmant une perception, réception de tel film, qu'on aimerait imposer, par coup de force.

La traque, récurrente, aux "bourgeois" , de Baldanders (dans le discours), que je commente, à ma façon, n'implique strictement nulle part ta traduction de mes propos en termes d'origine sociale.
Nul besoin d'appartenir à la bourgeoisie", pour haïr le "bourgeois", évident; et à l'inverse on peut très bien intégrer ou intérioriser, sans forcément en avoir une conscience nette, des grilles, des schémas interprétatifs clef-en-main, de la "bourgeoisie", tout en se persuadant que ces grilles permettront de la critiquer.



Je n'ai ni écrit ni suggéré quelque chose du genre "fils de bourge qui s'encanaille dans le gauchisme, une fois installé".

Je te laisse responsable de cette lecture très personnelle (qui me fait me poser, une fois de plus, la question que slimfast pose également: comment est-on lu?), qui prétendrait dégager le noumène des personnes de chair et d'os. Je n'aime pas beaucoup, faut-il le dire, ce genre de remontage/traduction tendancieux de mes propos (pourquoi traduire, et pourquoi traduire "autrement"? C'est pas intelligible? Visiblement non).


Moi, je fais ici s'interpoler, s'entrechoquer, des énoncés, des tropes, pour éventuellement faire ressortir ce que je nomme des "sophismes", qui nous traversent tous, quelles que soient nos origines, nos histoires.

Comme dit Deleuze:
comme les puissances ne se contentent pas d’être extérieures, mais aussi passent en chacun de nous, c’est chacun de nous qui se trouve sans cesse en pourparlers et en guérilla avec lui-même, grâce à la philosophie.




J'ai causé de la fabrication de stéréotypes, liée également à une forme de "réductionnisme" ou "déterminisme" sociologique, quand on en use et en abuse. Mon propos est plutôt, comme souvent, au cas où c'est pas intelligible, un démontage du maniement des stéréotypes sociologiques "essentialisant" en nature, ou 'quasi-nature" (l'éthos cher au sociologisme: expression de sa propre appartenance sociale dans un choix d'objet esthétique) des expériences (esthétiques, notamment, puisque c'est une ligne de fond de mes "réflexions" ici) qui en fait sont plus floues, plus indéterminées, plus indécises, plus indécidables que ne le laisseraient entendre ces grilles au systématisme assez rassurant, les excèdant, s'en échappant, les déjouant en quelque manière.

Pour réponse, tu me renvoies précisément à ce sociologisme, et d'ailleurs je ne suis pas trop surpris, car tu aimes assez jouer là-dessus, manier des grilles sociologisantes. C'était sur des stéréotypes sociologiques qu'étaient précisément fondés les échanges piquants, entre B. et toi - que vous semblez apprécier mutuellement, et tant mieux pour vous si vous trouviez ça piquant, spirituel, si ces stéréotypes vous paraissaient toucher à une expérience, un sens qui vous sont communs. (Vous vous entendez clairement là dessus, aussi bien sur la forme d'escroquerie que vous semble manifestement être les gros plans dans Caché. Que veux-tu que je te dise, alors? Tant mieux, tant mieux, ça fait plaisir de lire des gens qui se comprennent bien, qui partagent les mêmes valeurs, une même perception des choses. Un peu de goûts et couleurs cinématographiques partagés dans ce monde de brutes, c'est toujours ça. Parce que sur ce terrain là, nous n'avons aucune chance de nous entendre... non plus).


C'était à cette pente sociologisante, déterministe, que je réagissais. Mon intervention étant une pique supplémentaire sur vos piques, poussant jusqu'à l'absurde vos logiques (fussent-elles plaisantes). Je l'ai énoncé clairement: si j'applique à B. lui-même, comme spectateur des films qu'il aime, les grilles qu'il utilise sur Haneke, si je me donne le droit qu'il se donne, voilà ce que ça donne: moi aussi je peux produire des sophismes, et des plus grotesques encore...
[Certains n'ont pas même besoin de mon secours pour l'être, grotesques: c'est B. lui même qui se plait à stéréotyper un "spectateur-type" se délectant par "snobisme" d'un "radicalisme formel" (du moins dans votre perception partagée, donc, puisque, selon la mienne, il ne s'agit pas de ça du tout, c'est juste le signe pour moi que vous n'avez pas appréhendé le film du tout, et que vous mettez ça sur le compte d'une duperie formaliste, à l'épate), alors qu'à côté de ça il accorde ses extases, à des films qui, dans ma perception, sont passibles de procès de dupes similaires. A propos de Carax et Guédiguian. Trouver que le cinéma de Haneke est un cinéma de "bourgeois" puant, cynique, tout en semblant trouver apparemment formidables le nostalgisme d'antiquaire formaliste de carax, d'un côté, le pseudo-vérisme social de Guédiguian, moi je trouve ça très... "piquant", en matière de "strabisme", ou si on préfère, de "diplopie" (pour reprendre un terme apprécié sur ce forum) "sophistiquée", à tout le moins. Et pour le reste, j'invente jamais rien: chaque exemple est pris dans des énoncés que B. a tenu lui-même, à un moment ou l'autre (consumérisme, supériorité du cinéma français, etc) ]





Tout cela donc, apparemment, tu ne l'as pas trop perçu. Tu as bien plutôt perçu, apparemment, en fonction de ta dilection sociologisante, une occasion d'ajouter un tour de vis supplémentaire à ce sociologisme plaisant: tu transforme ma contestation de l'usage, par B., de stéréotypes sociologiques pour définir un certain "type" de spectateur, en interprétation sociologique de B. lui-même, en "nature".


Problème d'intelligibilité du degré auquel mon propos se situe, donc. Mais je vais pas poursuivre, comme dab, dans des ajustements et des clarifications qui s'annonceront certainement vaines, et sans fin. On va donc terminer ici, aussi sereinement que possible, ce dial. de sourds destiné à le rester définitivement, c'est évident.






Dernière édition par Baudouin II de Barvaux le Dim 11 Nov 2012 - 5:46, édité 13 fois

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Message par balthazar claes Dim 11 Nov 2012 - 2:49

Baudouin II de Barvaux a écrit:
Son profil, selon Jerzy, correspondrait peu ou prou au modèle bourdieusien du fils de bourge qui, dans ses jeunes années, s'encanaille dans le gauchisme pour finir, une fois installé dans la société, par renier ses premières convictions, en réalité inconsistantes. Ah, il en aura bouffé du bourgeois, sans jamais cesser de l'être : c'est l'idée.


C'est pas ça du tout, mais alors pas du tout. J'ai nulle part énoncé ce genre de truc.
J'ai parlé de stéréotypes auxquels on acquiesce un peu machinalement. Ici, à propos de Haneke, dont les propos autant que son film démontrent qu'il est un "bourgeois". Stéréotypes qui se révèlent également dans la façon de reconstruire un "spectateur-type", un "stéréotype de spectateur" confirmant une perception, réception de tel film, qu'on aimerait imposer, par coup de force.



Le mec dont les objets d'intérêt dans la vie « suent de poncifs et de formalismes petits-bourgeois » peut très bien en effet être fils d'un couple d'Innuits, travailler lui-même comme artisan forgeron dans une communauté anarchiste de la steppe sibérienne, et avoir intériorisé ces codes de petits-bourgeois en s'abonnant ultérieurement au Nouvel obs. Certes. Tout le monde sera d'accord là-dessus, ce sont des choses qui arrivent. Ce qu'il faut retenir, c'est que, ce que tes interlocuteurs peuvent bien raconter, c'est pas du tout, du tout ça. Et c'est pas ça du tout.

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Message par Invité Dim 11 Nov 2012 - 3:07

Réédité plus haut, entretemps, mu par l'espoir fou, délirant, de me faire comprendre plus mieux.


Le mec dont les objets d'intérêt dans la vie « suent de poncifs et de formalismes petits-bourgeois » peut très bien en effet être fils d'un couple d'Innuits, travailler lui-même comme artisan forgeron dans une communauté anarchiste de la steppe sibérienne, et avoir intériorisé ces codes de petits-bourgeois en s'abonnant ultérieurement au Nouvel obs. Certes. Tout le monde sera d'accord là-dessus, ce sont des choses qui arrivent. Ce qu'il faut retenir, c'est que, ce que tes interlocuteurs peuvent bien raconter, c'est pas du tout, du tout ça. Et c'est pas ça du tout.
Rolling Eyes

Allo, la boucherie Sanzot?


J'ai pas écrit: "le mec dont les objets d'intérêt dans la vie etc", mais:

je peux appliquer ses grilles aux objets mêmes dont il se délecte et "démontrer" que

Ce qui signifie, pour qui ne sait pas lire, ou (version pessimiste) s'amuse à tordre les phrases de son contradicteur pour en faire de plaisants mais lassants sophismes: "si j'applique ses grilles aux objets (filmiques) qu'il aime, je peux "démontrer", moi aussi, que...".

"Démontrer" est ici placé entre guillemets, ce qui veut dire, dans la stricte logique de mon énoncé: il n'y aurait aucune démonstration effective, réelle, mais un jeu de langage; je n'aurais pas plus "démontré" ceci que Baldanders aurait "démontré" cela (à savoir, donc, tout ce qu'il prétend avoir démontré au sujet 1. de la phrase de Haneke réinterprétée par ses soins; 2. la forme d'escroquerie ou de duperie que constitueraient ses longs plans fixes. Cuninlingus peut ajouter, si ça lui chante, s'imaginant démontrer en tortillant de la langue quelque chose que je démontrerais moi-même au sujet de ma "malhonnêteté": ah non, pas du tout, il n'avait pas voulu démontrer ça).


C'est toute la différence, entre ta "lecture" et ce que j'écris, je te le ré-explique plus haut, en vain, je le pressens bien.


Donc: c'est pas ça du tout. Et B. n'est pas Inuit.

A quoi joues-tu, exactement?
Tu substitues constamment à mes énoncés d'autres qui en modifient profondément le sens, tu retraduis systématiquement mon discours pour lui faire dire tout à fait autre chose. Après, je suis obligé de dire que je n'ai pas dit ça du tout. Occasions que tu saisis alors pour "démontrer" que dès que mon interlocuteur conteste mes propos, je lui oppose systématiquement une fin de non-recevoir consistant à dire qu'il n'a pas compris ce que je disais. Etc, etc.

Au terme "grilles", qui renvoit à des contenus, des significations, tu substitues "le mec"; au terme "objets dont il se délecte" (on parle ici de films, aimables ou détestables), tu substitues "dont les objets d'intérêt dans la vie". Et ainsi de suite. Ce qui te permet de transformer, retourner, de micro-subtilisations en micro-subtilisations, ma critique des interprétations sociologisantes, en critique sociologique consistant à dégager le profil de B., sa nature, sa personne, son origine de Bourgeois. Tel est pris qui croyait prendre, enfin. L'arroseur est arrosé: je prétendrais dénoncer, dans un burlesque procès de snobs dupés par Haneke se métamorphosant progressivement en diner de cons, les réductionnismes sociologisants, mais je fus le premier à réduire, au delà de leurs énoncés, les personnes elles-mêmes, à de purs stéréotypes sociologiques.



"C'est l'idée", dis-tu. Oui, c'est ton idée...

Tes deux brillantes exégèses supra sont de pied en cap bâties sur des déplacement sémantiques gros comme des baraques à frites. Tu t'y livres, à partir de mes énoncés, à un jeu purement rhétorique de pseudo-contradictions qui n'ont pour la plupart strictement aucun rapport avec ce qu'elles sont censées contredire ou invalider.
Alors là, en matière de sophisme, on est servi, et bien servi. Qu'y répondre, que dire?
Mais non, tu t'égares, feins-tu de demander?
Oui, tu t'égares, cher ami. Non pas dans une Contradiction des propos de ton "interlocuteur", mais leur Manipulation en bonne et due forme.

Je me demande même si en matière de manipulation, tu ne pourrais pas donner des cours privés, par correspondance, à Haneke.

Si tu espérais, à cette occasion faisant le larron, indiquer à l'attention de quelque benêt incapable de distinguer une argumentation d'une pseudo-argumentation, que je raconte n'importe quoi, au fond, du vent, de la pure rhétorique, de purs sophismes, tu as juste démontré que tu étais toi-même ce benêt, hélas, à la fois bourreau et victime d'un piège que tu t'es tendu à toi-même, dans un parfait double-bind sophistiqué tiré par tes propres cheveux coupés en quatre.

C'est triste, Balthazar, sais-tu?
Et le plus triste, dans cette affaire, c'est qu'il n'y a même pas un atome d'intérêt dans ce que tu racontes, ni au sujet de Haneke, ni au sujet des trop longs plans fixes avec lesquels des pseudo-radicaux roublards abusent des dupes bâillants.
C'est pas ça du tout, du tout, qui serait intéressant, Balthazar, mais alors pas du tout. Ce qui était intéressant, à la limite, c'était de se défaire de tas de stéréotypes ennuyeux comme de longs plans fixes, dont sont farcies 90% de conversations creuses de blablateurs qui imaginent qu'on peut accorder un chouïa d'intérêt à leurs sophistiqueries de salon, sinon pour avoir envie, une irrésistible envie, de les réduire au silence. Et se taire, enfin. Plus de vacarme...

Allez, je m'arrête ici. Pour toute précision ultérieure dans ce procès de dupes, pas la peine que je me fatigue davantage. Lire: "c'est pas ça du tout" & "je ne retire pas une seule ligne de ce qui précède".





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Message par balthazar claes Dim 11 Nov 2012 - 16:17

Si tu espérais, à cette occasion faisant le larron, indiquer à l'attention de quelque benêt incapable de distinguer une argumentation d'une pseudo-argumentation, que je raconte n'importe quoi, au fond, du vent, de la pure rhétorique, de purs sophismes, tu as juste démontré que tu étais toi-même ce benêt, hélas, à la fois bourreau et victime d'un piège que tu t'es tendu à toi-même, dans un parfait double-bind sophistiqué tiré par tes propres cheveux coupés en quatre.

Je ne crois pas que c'était là mon but. Mon texte se proposait au contraire de suivre ton idée et d'essayer de la comprendre, en la dépliant selon mes moyens. Il s'agissait pour moi de revenir sur ma première impression, qui était celle d'un rejet complet de ton histoire de « double bind » et de « malhonnêteté » foncière. Pas de réduire ton propos mais d'essayer de le suivre. Tes discours choquent et déroutent plus souvent qu'à leur tour, comme tu le sais. Le mec qui y est désigné nommément, par exemple, est souvent intimement persuadé que tu t'attaques à son noumène, alors que tu insistes pour dire que, pas du tout. Tu pourras noter que je suis le seul à avoir tenté de suivre ton raisonnement. Tu pourrais admettre que des interlocuteurs n'ayant pas ton niveau de conceptualisation puissent dire des âneries sans que ça relève nécessairement d'une tentative de manipulation.

Bref, ces sournoises « micro-subtilisations », faisant passer insensiblement de « la critique des interprétations sociologisantes » à la « critique sociologique » : oui, ok, ça change tout et on ne parle plus vraiment de la même chose dans ce cas. Tu parles de ceux qui appliquent des « grilles » dans lesquelles « petit-bourgeois » est un terme pivot, alors que je réduis cela à un plat discours sur les préjugés des bourgeois.

Je parvenais en fait, et en soulignant mon embarras, à la conclusion que les 12 lignes en question, loin de pouvoir être réduites à une innocente plaisanterie, contenaient bien tout un sous-texte, fort précis, à propos d'un type de film et d'un type de spectateur. Ce qui était déjà pour moi un grand pas dans la direction de ton discours. Puis j'essayai de définir ce sous-texte, avec tes mots mêmes, certes employés dans le désordre, et sans les précautions méthodologiques qui m'auraient évité de basculer de « la critique des interprétations sociologisantes » à la « critique sociologique ».

Plus exactement tout de même, j'utilise alors grossièrement ce que Rancière dit dans Le Philosophe et ses pauvres, quand il parle de la fable platonicienne sur les âmes d'or et les âmes de bronze. Lorsque justement, il s'emploie à réfuter Bourdieu en montrant que le discours de ce dernier peut être réduit à la dénonciation stérile d'un ordre immuable. Dans cette mesure, je ne parle pas nécessairement moi non plus d'authentiques bourgeois, mais de la « mythologie » séculaire renvoyant à la définition des distinctions entre le haut et le bas, le noble et le vil, le supérieur et l'inférieur, l'ordre et la répartition des places dans la société. Dans ma fable et dans mon idée, le « bourgeois » est plus ou moins l'étalon majoritaire quelconque, celui dont la place est abstraitement définie au centre de ce dispositif « idéologique », l'élément neutre autour duquel, ou par lequel, la différenciation se trace. Ce pourquoi il est le héros de la fable, et en tout cas une abstraction, sorte d'hypothétique lumpenbourgeois.

Du moins, je sais de source sûre, que ce sont ces considérations de Rancière que je ressortais, au moment d'essayer de de retracer le cheminement de ton discours, même si en de nombreux points j'ai dû les appauvrir, les simplifier, les trahir, et retomber pour mon compte dans la mauvaise sociologie.

J'altère ainsi certainement le sens de ton post, mais difficile de faire autrement. Je traduis, d'abord pour moi, ton texte dans mes mots, pour voir ce qu'il pourrait bien y signifier. Pourquoi toujours y voir une insultante et détestable « Manipulation », et en majuscule encore ? Quelle serait donc la forme possible de réaction à tes interventions ?

Tu dois avoir raison cela dit, je n'ai peut-être pas fait cela exclusivement par charité chrétienne, ni par goût de la recherche et admiration sans bornes pour tes travaux, mais sans doute aussi et d'abord, piégé dans une dialectique de la reconnaissance, pour tenter (à l'insu de mon plein gré) de t'arracher avec les dents la position d'autorité que je t'attribue. Ou bien, pourquoi pas encore, j'essaie de faire taire, de couper ce qui dépasse et ne rentre pas dans mes petites cases : là je ne serais plus un fan haineux, mais un entriste haineux. Et c'est pas cool, certes. Doit y avoir de tout ça : mais pas que, quand même.

Tu me soupçonnes d'avoir délibérément produit une mauvaise copie de ton discours, de l'avoir singé dans le but de le couler avec le mien, de souhaiter faire sombrer ton texte dans le chaos de l'indifférenciation. Étant seulement capable pour mon compte de pseudo-argumentations, dévoré d'envie et de ressentiment face à tes argumentations authentiques, j'en voudrais ainsi, pour le moins, à la peau de tes discours. J'aimerais que tu puisses te rendre compte de ce que tu énonces là. Tu rejettes précisément mes interventions comme impures, basses, inférieures. En tout cas c'est l'impression que tu donnes. Pour finir je concède volontiers que celles-ci puissent être d'un ennui et d'un non-intérêt assommant.

balthazar claes

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