Essential Killing (J. Skolimowski)

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Message par Largo Mar 26 Avr 2011 - 19:46

Toujours pas vu ses films, mais je pensais pas que c'était aussi bien musicalement. Basketball
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Message par Borges Mer 27 Avr 2011 - 13:39

Les hommes d’actions ne parlent pas, ils agissent.

C’est à ce niveau de banalité que se situe l’hégélianisme de l’ami Renzi, qui, hélas, pour lui, mélange tout, l’action, les hommes d’actions, les films d’action, les révolutionnaires, sans plus s’y connaître en hommes, en action, en cinéma, qu’en Hegel ou en aphasie. Cela dit, on ne peut pas empêcher les mauvais critiques de cinéma de faire une philosophie pire que leur critique, surtout s’ils se prétendent spécialiste de Hegel, comme notre critique indépendant, à qui il arrive aussi de causer de mondes possibles, avec un autre con, aussi impossible à supporter que lui. Mais pour ceux qui ne sont spécialiste de rien, on peut tout de même rappeler un truc que les écoliers apprennent très tôt. Quand Hegel dit que l’homme est action, ou Sartre après Kojève, que l’homme est la somme de ses actes, ce qu’il veut dire, c’est qu’on ne peut juger un homme qu’une fois qu’il est mort, étant donné qu’aucune essence ne le précède, qui le déterminerait, comme c’est le cas dans une perspective créationniste, essentialiste, raciste, culturaliste…où vous êtes ce que vous êtes, ce que vous faites en découlant nécessairement, comme la pommes vient au pommier, et la connerie critique au membres d’independencia.

Autrement dit, dans le cas de l’homme, si on met Dieu de côté, et des choses de ce genre : l’existence précède l’essence, comme disent les enfants qui savent rien de l’existence, et ne se demandent jamais avec Orson Welles, pourquoi le scorpion pique si bêtement la grenouille qui l’aide à traverser un point d’eau, provoquant ainsi sa mort et la sienne.

Mais laissons, pour nous répéter, bêtement : faut atteindre la fin, au double sens du mot, pour comprendre, juger la valeur d’un homme.

Une comparaison avec la création rend les choses simples : je ne sais pas ce que sera un film, ce que sera sa valeur, avant qu’il ne soit achevé. Les idées, les intentions, le scénario, les rushes n’en disent rien. Le juger en se basant sur ces éléments ne viendrait à l’idée de personne, hégélien ou pas. On donne des points au film achevé.

Si on repasse par les Grecs, on dira qu’une chose n’est qu’en tant qu’elle a atteint sa fin, rassemblée dans l’unité de son télos ; on dit aussi en tant qu’elle est en acte.
L’acte de Hegel, comme somme, rejoint cette idée.

L’homme est la somme de ses actes, une fois fini, achevé. Une fois mort, aucun de ses actes ne risque plus de modifier ce qu’il a fait ; il est, pour le meilleur et pour le pire, un idée, une statue, un ensemble de valeurs, ou de lieux communs, dont certains ne se satisfont jamais, cherchant les zones d’ombres, les secrets compromettants, ou rédempteurs. Mais, c’est l’affaire des vivants ; morts, nous sommes livrés à leur volonté, de notre côté, pour autant qu’il nous reste un côté dans cette affaire, nous sommes impuissants. Le mort ne pourra plus se transformer, en bien ou en mal, déchoir ou se racheter. Il a épuisé ses possibles ; il est, enfin. Il est lui-même à la fin. Ça ne semble rien ; mais dans un système humaniste traditionnel, c’est essentiel ; ça distingue l’homme de l’animal, de Dieu, des démons ou des anges, dont on imagine mal qu’ils puissent s’écarter de leur définition. Ils auront toujours déjà été, ce qu’ils sont, ce qu’ils seront, parce que hors du temps, hors de l’histoire, dimension propre à l’accomplissement de l’existence humaine, où rien, avant la fin, n’est finalement acquis.

Les créateurs en savent quelque chose ; aucun succès ne leur assure jamais l’excellence, tant qu’ils sont en vie. Il leur faut toujours créer, faire mieux, ne pas décevoir. Exemple : aucun des grands cinéastes ne fut absolument grand de son vivant ; voyez les parcours des Hawks, des Ford ; lisez les critiques contemporaines de leurs derniers films, de ceux des débuts, vous verrez que l’idée que nous en avons est la relève des échecs, des trucs ratés, sublimés, rassemblés dans l’unité de l’idée « ford », « hawks », tel qu’en eux-même l’éternité enfin les change ; l’éternité, c’est-à-dire, le mouvement de relève de l’histoire, au double sens de cette expression ; la relève a lieu dans l’histoire, et en même temps relève l’histoire.

On conseille toujours aux héros de mourir à temps, aux sportifs, aux créateurs. Un homme dit Nietzsche doit cultiver l’art difficile de déguerpir à temps. Facile à dire. Comment savoir qu’il est temps ? Souvenirs, souvenirs. Quelques mois avant la coupe du monde 2006, tout le monde trouvait Zidane trop vieux. Des matchs de préparation catastrophiques, un début de compétition horrible, et puis, sans qu’on sache comment, cet incroyable mouvement de relève qui va mener le mec à une complète redéfinition de son image, de l’idée qu’on avait de lui.

Pas simple de calculer le bon moment.

C’est pourquoi on continue à croire qu’Achille a bien fait de mourir au sommet de sa gloire.

Toutes les générations connaissent ça, guerrières, épiques, ou rockeuses.
Pete Townshend, le chanteur des si bien nommés « who », l’a chanté : « hope I die before I get old».

Il l’a espéré ; pas assez, pas activement, disent les cons. Car ce qui est vrai pour les poètes, et pour les fans, ne l’est pas nécessairement pour les idoles; comme le montre la visite d’Ulysse à Achille. Ah plutôt être le dernier des hommes, mais vivant, que mort et roi des ombres.

Je me demande si c’est essentiellement grec, cette idée que la vérité de l’homme est à la fin ; une fois réduit à la somme des ses actes. Dans Citizen Kane, les actes, remémorés selon différentes perspectives, ne donnent aucune idée de ce que fut le grand homme ; ses actions s’annulent, et se contredisent ; reste la luge et son mystère ; ce secret d’enfance qui nous dirait plus que la grandeur quelque chose du petit Charles ; c’est bien son prénom ? On peut penser aussi au « secret magnifique », ou encore au fameux film de Ford sur les faits et la légende.

Donc être, c’est être à la fin ; se tenir, se rassembler dans une unité finale, où l’on est tout ce que l’on peut être, où tout se rassemble, où s’achèvent les mouvements : la dernière touche du peintre, le dernier geste du sculpteur. Le modèle de toutes ces analyses est bien entendu poïétique ; s’il est vrai que l’oeuvre n’est elle-même qu’achevée, en dehors des esthétiques de l’inachèvement (et de ce fameux sens du possible, dont nous parle Musil). Pour l’homme c’est autre chose. On n’est jamais la somme de ses actes ; même les juges tiennent compte des intentions, des circonstances… d’une certaine idée, de l’intériorité, inépuisable, infinie.

Il y a toujours un reste, et parfois, un moment où l’on est tout ce qu’on peut être, pour le pire et pour le meilleur, et que rien ne pourra jamais remettre en cause, annuler, relever ; sans parler de ceux pour qui on n’est jamais défini par les actes, soi, ceux qui nous aiment, ou nous haïssent, dieu, les anges, les démons, nos amis les animaux.

Pour ceux qui ne voient pas la simplicité de la chose, et sa complexité : suffit de penser à un match de foot : c’est à la fin que l’on élit l’homme du match pas à la première touche, même si dans certains cas, elle décide de tout le match, l’achève alors qu’il a à peine commencé.

Pourquoi je cause de ça, et pas de renzi ?

Parce que parler de renzi ou de ses potes d’independencia est la chose la plus assommante du monde, même s’il faut s’y résoudre dans les cas où cela peut servir à comprendre la différence entre Hegel (et ce qu’il est devenu à travers cette formule de la somme des actes) et ce qu’on appelle l’essentialisme.

Si l’homme est la somme de ses actes, si l’existence précède l’essence, dans le cas des critiques d’independencia, c’est l’inverse qui est vrai : la connerie les précède, et détermine tous leurs actes, textes, et critiques : ils sont cons par essence. On sait ce que vaudront leurs textes avant de les avoir lus ; des conneries.

Dans les autres cas, l’homme, tant qu’il n’est pas achevé, tant qu’il est en vie, est ce qu’il fait, ce qu’il se fait, en faisant librement son monde historique, en faisant l’histoire.

Cela implique qu’il n’y a rien d’essentiel, de naturel, en lui. L’homme en tant qu’homme n’est ni chinois, ni arabe, ni bourgeois, ni ouvrier.

C’est un néant œuvrant dans le néant, une liberté ; le concept d’action, chez hegel, est équivalent à celui de liberté ; l’action est liberté, la liberté est action. Comme on l’a déjà dit bien souvent, discutant avec Jerzy, cette action est essentiellement liée à la parole, et sépare l’homme de l’animal; l’homme ne peut agir qu’en tant qu’il parle, en tant qu’il peut dire « je », en tant qu'il existe comme conscience de soi.

Quand on dit qu'il y a rien de naturel dans l'homme en tant qu'homme, par nature, on doit aussi comprendre la culture, ce que certains appellent la culture, dont le fonctionnent idéologique de nos jours n’est pas différent de celui de race ; avant on disait « c’est culturel, donc ça peut changer », de nos jours, on dit « c’est culturel, donc c'est définitif et nous n'avons rien à faire ensemble ». Je suis ce que je suis, tu es ce que tu es. Les arabes, c'est des arabes ; les chinois des chinois ; et les français des défenseurs des droits de l'homme... Le culturalisme est un essentialisme, comme toutes les idéologies "droitistes" de l'altérite.

Reconnaître que l'autre est autre n'implique aucune reconnaissance immédiate; on peut le massacrer comme les nazis, ou alors, le laisser à lui-même, l'enfermant dans une identité construite; c'est l’essence de l’apartheid. Comme dit Derrida, l'autre est une invention; et cette invention peut-être raciste.


Chez Hegel, rappelons qu'il n'y a pas de différence entre agir et parler, tous deux accomplissent l’homme en tant qu’être historique. L’homme est action, en tant qu’il nie, en lui et hors de lui le donné ; et il peut le faire par bien des manières. Cette négation n’est pas totale, absolue; pleinement humaine, elle relève ; exemple, le sculpteur nie le bloc de pierre, mais sans le détruire, il l’élève à la statue ; le mot est la mort de la chose, en tant qu’il la porte à son concept ; de même ce qui fait l’homme dans le combat, ce n’est pas qu’il tue, comme les bêtes, mais bien plutôt qu’il épargne, parce qu’il cherche la reconnaissance, à être reconnu, il désire comme dirait Jerzy-lacan le désir de l’autre ; c’est ce qui fait de lui un homme ; si je tue mon adversaire, je me retrouve avec un cadavre ; si je le garde en vie, et si lui-même accepte de se soumettre pour bosser à sa libération, nous pouvons avoir une histoire, qui montrera à la fin que la position de départ du maître était une impasse, une ruse de la raison historique.

C’est dit, et ce sont des banalités.

Ce que nous dit Renzi est bien plus original.
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Message par Borges Mer 27 Avr 2011 - 13:56

Maintenant, il faut parler du texte de renzi, de l'essential killing, et du deer hunter;

Notons, tout d'abord, et en passant, que le titre américain « The Deer hunter », inscrit le film dans l’univers de fenimore cooper ( auteur d’un « The Deerslayer », et même d’un « bee hunter »), donc de la frontière ; alors que le français regarde plutôt du côté de Céline ; ce qui pose bien entendu les questions du racisme.
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Message par Eyquem Mer 27 Avr 2011 - 14:29

Hello,
Borges a écrit:L’homme est action, en tant qu’il nie, en lui et hors de lui le donnée; et il peut le faire par bien des manières. Cette négation n’est pas totale, absolue; pleinement humaine, elle relève ; exemple, le sculpteur nie le bloc de pierre, mais sans le détruire, il l’élève à la statue ; le mot est la mort de la chose, en tant qu’il la porte à son concept ; de même ce qui fait l’homme dans le combat, ce n’est pas qu’il tue, comme les bêtes, mais bien plutôt qu’il épargne, parce qu’il cherche la reconnaissance, à être reconnu, il désire comme dirait Jerzy-lacan le désir de l’autre ; c’est ce qui fait de lui un homme ; si je tue mon adversaire, je me retrouve avec un cadavre ; si je le garde en vie, et si lui-même accepte de se soumettre pour bosser à sa libération, nous pouvons avoir une histoire, qui montrera à la fin que la position de départ du maître était une impasse, une ruse de la raison historique.
Ca me rappelle ton topic sur "2001", Hegel relu par JP Tessé.


Pour le texte de Renzi, je pensais à ce qu'écrit Jerzy :
Soyons attentifs, à cet égard, à l'idéologie du "différentialisme", avatar plus ou moins subtil du "racialisme" ou du "culturalisme" célébrés par la "nouvelle droite"(A de Benoist), lesquels posent que les hommes, les langues, les cultures, ne peuvent se "traduire" à travers le temps et l'espace, et doivent donc être maintenus dans leurs puretés respectives, étanches, sans contamination, sans échange, sans passage. Chacun chez soi. Cela reviendrait à dire que des hommes de champs historico-spatiaux hétérogènes sont à ce point diférents qu'ils constitueraient des "espèces" différentes, sans rapport les unes avec les autres. Retour du fantasme de la "naturalisation" des langues et des cultures... (p150)


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Message par Borges Mer 27 Avr 2011 - 14:34

Donc, nous raconte renzi la délégation soviétique avait claqué la porte du festival de Berlin en 1978 pour protester contre "Voyage au bout de l'enfer", qui représentait "les Vietcongs comme des sauvages sanguinaires déblatérant des mots incompréhensibles".

Bien entendu le mec n’était pas au festival de Berlin en 1978, contrairement à Daney, qui, sans être soviétique, avait descendu le film, sans se tromper sur sa valeur.

Rappelons, avec lui, à ceux qui n’étaient pas à ce festival de Berlin en 1978, que ce ne fut pas seulement la délégation soviétique, mais bien toutes les délégations est-européennes, sauf la hongroise, qui se sont tirées du festival, emportant leurs films avec elles ; les délégations du tiers-mondes de leur côté ont produit un texte de protestation, mais son restées.

C’était une autre époque, avant les civilisations, les éthiques ; il y avait alors les deux blocs, des communistes, et des gens qui se prétendaient libres, et mêmes des non-alignés; ce dont ne semble pas se souvenir, l’idiot de renzi qui traduit, comme le note Eyquem, le scandale que fut ce film de Cimino dans les termes de l’idéologie des temps présents ; ou comme dirait Badiou, l’idéologie de l’absence de présent, et de monde ; de distribution politique des êtres et des choses.

Pour le con de Renzi, un Vietnamien durant la guerre du Vietnam, c’est pas d’abord un communiste; il utilise le terme « Việt Cộng » (ce qui en dit pas mal sur ses partis pris ou son ignorance) ) sans savoir que ça veut dire avant tout communiste (cf wiki) et que l’éthique qui animait ces types n’avait rien de vietnamien, rien à voir avec l’altérité abyssale de leur langue (pour le critique indépendant, il suffit que vous parliez une autre langue que lui pour être absolument autre ; on imagine qu’il est plus proche de Pétain ou Mussolini, par exemple, que de Gandhi, par exemple, du moins quand Gandhi ne cause pas anglais, que le critique doit connaître un peu mieux que le vietnamien ) et tout avec un projet politique universel.

Ce n’est que dans le cadre de l’idéologie actuelle qu’un « Việt Cộng » (je n’emploie jamais ce terme) est un être « abyssalement » différent, à cause de sa culture.


Politiquement, selon daney, le film de Cimino appartient, comme « Apocalyspe now », mais d’une autre manière, à « une entreprise d’amnésie historique sur le mode d’un repli réactif ».

Les bêtises de renzi, se situent dans le mouvement de cette entreprise, bien entendu.

Donc, « une entreprise d’amnésie politique, sur le mode d’un repli réactif « (la maison cinéma, 1, 233).

« Réactif », ici, doit s’entendre dans le sens de Nietzsche; ce qui situe le film du côté des affects esclaves et non des maîtres.


(Pour comprendre ce que veut dire par là daney, il faut voir ce très mauvais film qu’est « l’année du dragon, » où un petit flic blanc, brillant mais finalement raté, et son milieu de ploucs (comparez sa femme, infirmière, à la superbe journaliste télé chinoise) sont entièrement détruits par la force, la beauté, l’organisation des « jaunes ».

Le flic joué par MR, de manière tellement caricaturale qu’on n’y croit pas une seconde, est un ancien du Vietnam, traumatisé et tout le reste. Il continue sa guerre contre les jaunes, en Amérique, des Chinois, cette fois, mais cela ne semble pas lui poser de problèmes ; les jaunes sont les jaunes; et les américains ne semblent avoir aucune chance contre eux; ils sont trop intelligents, et ils vont finir par bouffer les américains. Car ici comme à la bonne vieille époque de la guerre, les autorités ne comprennent pas le danger, ne veulent pas employer les gros moyens. Le héros américain se tape bien entendu la jolie asiatique, qui lutte à ses côtés, contre ses frères de race.)

Daney, qui n’est pas soviétique, pour décrire « voyage au bout de l’enfer » (p. 434) parle de « racisme tranquille », de film « crapuleux » dans sa stratégie de dénonciation de la guerre.

La guerre nous dit Cimino, c’est pas beau, c’est mauvais, parce que des gens y torturent (les vietnamiens) d’autres gens (les américains), même si certains, sans la vouloir, sans y avoir été préparé peuvent s’y montrer, humains, grands, courageux (les américains).

Ici, l’humanité, comme la guerre est double, divisée, entre le bien et mal ; du côté du mal, les vietnamiens, du côté du bien, les américains. Ce qui tombe bien.

Renzi parle d’imitation, sans savoir de quoi il parle ; il y a bien une imitation dans le film, un apprentissage, mais ce ne sont pas les Vietnamiens qui imitent les Américains, plutôt l’inverse.

On retrouve ce processus d’éducation dans bien des films d’horreurs récents, qui nous montrent un type assez sympathique au départ, très humain, et tout ça, qui apprend au contact du mal, des monstres, zombies, et autre contaminés, à se défendre, et à tuer.

Pour combattre le mal il faut devenir le mal.

Ainsi au contact du jaune éternel, cruel, calme et inhumain, tueur par nature, indifférent à la mort, la sienne, celle de l’autre (on dirait un islamiste), le trop humain brave américain, naïf, émotif, et émouvant, si semblable à nous (même quand il cause en américain) va apprendre à devenir un tueur à sang froid, et à la conscience malheureuse, c’est essentiel.

Il va tuer, bien plus encore que ses ennemis ; mais il le fera humainement, en se disant que ce n’est pas bien, mais qu’il le faut.

C’est ça le mouvement de l’expérience occidentale de l'autre, dans ce genre de récit.

Trop bon pour un ennemi trop mauvais, au départ, ils deviennent aussi mauvais, mais en restant bon ; la bonté a fait l’expérience du mal, elle le sait nécessaire, et l’accomplit, sans l’aimer.

Comme disent Lanzmann et ses potes, nous autres Israéliens nous n’avons pas la guerre dans les gènes; contrairement à nos ennemis, nous tuons sans le vouloir, contre notre propre nature. Nous bombardons humainement des enfants, sans jamais vouloir tuer personne.

Donc, une éducation, à la tuerie pour les gentils américains.

Certains, comme le fait remarquer Daney, pourraient dire que les américains n’avaient pas besoin de cette leçon pour napalmiser le Vietnam, ou que la guerre du Vietnam a fait quelques millions de victimes chez les vietnamiens, et quelques dizaines de milliers seulement chez les américains.

Leçon trop bien apprise ?

Peut-être, mais il ne faut pas non plus se laisser tromper par les chiffres, ce qui importe ce sont les traumatismes. Il s’agit de savoir qui meurt, un être humain, ou un monstre.

Et puis comme on l’a dit, ils s’en foutent de mourir ou de tuer. La mort, ça leur est égal ; ils la donnent et la reçoivent, comme si elle n’était rien, comme s’ils n’étaient rien ; des zéros ; l’idéologie « zéro mort », remonte très loin.

C’est la leçon politique et morale de toutes les merdes sur les zombies, dont l’enseignement est : « tirez à la tête, c’est des monstres ; ne soyez pas humains, ils ne le sont pas. Il faut devenir comme eux si vous voulez survire . »


On ne sait pas ce que pense renzi, de ces remarques de daney, mais il trouve que les soviétiques ont eu tort, se sont trompés, en quittant le festival.


Donc :

Côté éthique et politique, la représentation des vietnamiens : « racisme tranquille », et « crapulerie », selon daney. Selon le philosophe hégélien et néanmoins critique de cinéma, Renzi, un début d’un processus de reconnaissance.


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Message par Borges Mer 27 Avr 2011 - 14:36

Eyquem a écrit:Hello,
Borges a écrit:L’homme est action, en tant qu’il nie, en lui et hors de lui le donnée; et il peut le faire par bien des manières. Cette négation n’est pas totale, absolue; pleinement humaine, elle relève ; exemple, le sculpteur nie le bloc de pierre, mais sans le détruire, il l’élève à la statue ; le mot est la mort de la chose, en tant qu’il la porte à son concept ; de même ce qui fait l’homme dans le combat, ce n’est pas qu’il tue, comme les bêtes, mais bien plutôt qu’il épargne, parce qu’il cherche la reconnaissance, à être reconnu, il désire comme dirait Jerzy-lacan le désir de l’autre ; c’est ce qui fait de lui un homme ; si je tue mon adversaire, je me retrouve avec un cadavre ; si je le garde en vie, et si lui-même accepte de se soumettre pour bosser à sa libération, nous pouvons avoir une histoire, qui montrera à la fin que la position de départ du maître était une impasse, une ruse de la raison historique.
Ca me rappelle ton topic sur "2001", Hegel relu par JP Tessé.


Pour le texte de Renzi, je pensais à ce qu'écrit Jerzy :
Soyons attentifs, à cet égard, à l'idéologie du "différentialisme", avatar plus ou moins subtil du "racialisme" ou du "culturalisme" célébrés par la "nouvelle droite"(A de Benoist), lesquels posent que les hommes, les langues, les cultures, ne peuvent se "traduire" à travers le temps et l'espace, et doivent donc être maintenus dans leurs puretés respectives, étanches, sans contamination, sans échange, sans passage. Chacun chez soi. Cela reviendrait à dire que des hommes de champs historico-spatiaux hétérogènes sont à ce point diférents qu'ils constitueraient des "espèces" différentes, sans rapport les unes avec les autres. Retour du fantasme de la "naturalisation" des langues et des cultures... (p150)


oui;

dans ces matières, il est bien difficile de dire autrement; on ne peut que se répéter;

comment trouver une voie entre les "différentialismes", et "l'impérialisme universaliste du même", c'est la question; ni hegel ni l'apartheid.


Dernière édition par Borges le Mer 27 Avr 2011 - 14:43, édité 1 fois
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Message par Eyquem Mer 27 Avr 2011 - 14:39

Borges a écrit:Maintenant, il faut parler ... de l'essential killing
Oui, je suis curieux de te lire à ce sujet.

J'ai cherché des traductions moins littérales que "Meurtre essentiel" dans les critiques, pour voir comment elles l'interprétaient.
Chez Critikat, ils proposent "Tuer pour survivre", mais c'est trop simplifier.
Aux Cahiers, ils proposent "Carnage essentiel" et "Meurtre de l'être".
J'ai aussi trouvé "Meutre vital" ou "capital".

"Killing" pose pas de problème à traduire ; c'est le fait qu'il soit au singulier qui en pose un, parce qu'il interdit du coup d'assimiler le "killing" du titre aux "killings" commis par les personnages. C'est d'un autre meurtre qu'il s'agit, que celui qui consiste à tuer des gens. Mais du coup, on se demande qui tue et ce qui est tué.
C'est plus compliqué qu'un thriller ordinaire, où, si on ignore le coupable, on sait toujours du moins qui est tué.
Ici, un meurtre est commis, mais on ne sait même pas ce qui est tué.

Quant à "essential"... C'est tout le problème. Sur Imdb, on apprend que le film a eu pour titres de travail "Essence of killing" ou même tout simplement "Essence".
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Message par Borges Mer 27 Avr 2011 - 21:20

I had my story for the film. It would be about a man in chains, who runs away barefoot through the snow into the wild forest. I would leave the question of whether he is guilty or innocent open and ambiguous. The political aspects of the situation didn’t interest me: to me politics is a dirty game and I don’t want to voice my opinions. What is important is that the man who runs away is returning to the state of a wild animal, who has to kill in order to survive.
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Message par Borges Jeu 28 Avr 2011 - 9:07

Quelques flash-backs nous font découvrir des clichés d'une femme en burqa et d'une école coranique

si renzi avait su un peu d'arabe, un peu de la langue (même si c'est pas vraiment sa langue) de celui qu'il appelle "l'ennemi de l'occident", il aurait fait attention à la sourate que l'on entend à ce moment ; il aurait commencé son processus de reconnaissance de l'islamité ;

la sourate en question, c'est le butin, la 8, je crois, celle qui est évoquée par tous les "islamophobes" dès qu'il s'agit de nous montrer que l'éthique musulmane est décidément radicalement différente de l'occidentale, et que l'islam est une vaste entreprise de tuerie, a la guerre pour essence;



"Ce n'est pas vous qui les avez tués : mais c'est Dieu qui les a tués. "

on entend ces versets sur l'image de la femme en bleu qui s'éloigne, de dos, et sur le visage illuminé du mec;







bizarrement dans cette même sourate, on lit :


22. Les pires des bêtes auprès de Dieu, sont, [en vérité], les sourds-muets qui ne raisonnent pas.
23. Et si Dieu avait reconnu en eux quelque bien, Il aurait fait qu'ils entendent. Mais, même s'Il les faisait entendre, ils tourneraient [sûrement] le dos en s'éloignant.


http://oumma.com/coran/afficher.php?NumSourate=8


essential killing :

"to kill", c'est pas "to murder", le second terme appartient à l'espace du droit, et de la morale, le premier pas encore ; on peut tuer un animal, mais ce n'est pas un meurtre, on ne le "murder" pas, de même on tue (kill) à la guerre, mais là non plus c'est pas un "murder"... du moins dans les circonstances "normales"... telles que déterminées par le "droit de la guerre", etc.

Levinas va très loin en réservant le "killing" au seul visage ; pour lui, en un sens, on ne tue jamais un animal.

"Tuer n'est pas dominer mais anéantir, renoncer absolument à la compréhension. Le meurtre exerce un pouvoir sur ce qui échappe au pouvoir. Encore pouvoir, car le visage s'exprime dans le sensible ; mais déjà impuissance, parce que le visage déchire le sensible. L'altérité qui s'exprime dans le visage fournit l'unique « matière » possible à la négation totale. Je ne peux vouloir tuer qu'un étant absolument indépendant, celui qui dépasse infiniment mes pouvoirs et qui par là ne s'y oppose pas, mais paralyse le pouvoir même de pouvoir. Autrui est le seul être que je peux vouloir tuer. "





comment traduire ?

la traduction doit partir du film, mais c'est pas simple, là nous avons deux approches : le "killing" vu depuis la perspective théologique ; ou alors le "killing" juste comme puissance d'affirmation du conatus, ou comme dirait Levinas puissance de l'essence :


"Tuer pour survivre", n'est pas faux ;
"Meutre vital" ou "capital", se situe dans le champ de sens du terme essential


"Meurtre de l'être", est comique ; étant entendu que l'on ne peut tuer qu'un "étant", même si on peut trouver un sens à cette traduction, mais je ne pense pas que le mec qui a proposé ça maîtrise suffisamment son Heidegger pour avoir pensé aussi loin


"essential killing"

moi ça me fait penser aux doubles compilations, du genre "essential dylan", ou même "essential mix"; à des titres de bouquins (essential HBO)

dans un des champs de sens du film, la meilleur traduction serait : "chacun pour soi"; à condition de comprendre cette expression depuis levinas (ses analyses de l'essence, comme conatus...); car, au fond ce qui est ici essentiel, dans cette perspective (survival) c'est pas le killing, mais bien plutôt la vie...

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Message par Invité Sam 30 Avr 2011 - 9:34


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Message par Invité Sam 30 Avr 2011 - 22:21

Borges a écrit:
comment trouver une voie entre les "différentialismes", et "l'impérialisme universaliste du même", c'est la question; ni hegel ni l'apartheid.

euh...en n'étant ni l'un ni l'autre? C'est quoi ce choix à la con (sans le moindre égard pour la compréhension de l'Apartheid ou de Hegel, qui sont quand-même -rappelons-le séparés par 125 ou 150 ans)?
L'Apartheid n'était le moins du monde pas une idéologie différencialiste venue en résistance ou en opposition à l'idée d'un seul devenir de l'Esprit qui trouve sa fin dans le réel à la Hegel. C'était justement un racisme entretenu par des arguments pseudo-scientifiques et positivistes dans le but était de conserver sa forme historique à un état et garantir dans le droit l'homogénéité ethnique de la classe dirigeante. De sucroît ceux qu'elle descriminaient ne se reconnaissaient bien-sûr pas dedans (je ne dis pas que l'Apartheid a été inspiré par Hegel et par sa valorisation d'un unique Esprit du Monde qui résooud et absorbe le conflit des consciences, mais qu'il n'est certainement pas un recours à opposer à Hegel pour le critiquer, j'espère qu'il y a encore des gens pour comprendre la nuance).

Pour ceux que cette alternative "différencialisme essentialisant / unité hégémonique de la Kultur" (à moins que ce ne soit un chiasme comme dirait l'autre) empêche de dormir: il y a un texte intéressant de Carlos Ginzburg sur Dumezil (et plus généralement les intellectuels français qu'il a influencé, assez inattendus; tiens justement Bataille et Caillois, avant qu'ils ne rencontrent Kojève) à ce sujet datant de 1984 (vieux mais court, le débat s'est entretemps encore plus dégradé et enlisé) , ce n'est pas si compliqué.

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Message par Borges Lun 2 Mai 2011 - 8:14

essential killing :

après avoir tenté de tuer k, en le bombardant, et tué l'un de ses fils, on a donc réussi avec ben laden (d'une balle dans la tête) et l'une de ses femmes (comme précisent les médias; tout est dit, dans cette différence)

La balle dans la tête ici bien entendu ne signifie pas la cruauté du tueur, mais sa précision, son sang froid, sa maîtrise, et bien entendu la malignité du tué, son extrahumanité ; c’est comme avec les zombies.

On se félicite (victoire de la démocratie) ; mais très vite, dans le même mouvement, comme à la fin d’un film de terreur, on nous prépare à son retour, tout n’est pas fini comme l'indique quelque chose dans le dernier plan, quelque chose dans la musique. *

Que Ben laden soit mort nous prévient-on ne met pas fin à la terreur, à la peur ; au contraire, il faut se montrer encore plus prudent, méfiant.

La mort de ben laden rend le monde encore mois sûr ; paradoxe.

Mais que feraient tous ces gestionnaires des peurs dans un monde sans peur ?

(C’est la question de rancière)

Aux usa, on voit à la télé de grandes jubilations populaires ; c'est pas très différent des images des célébrations sportives ; c’est kojève qui disait, dans le sport il y a bien lutte, et recherche d’une reconnaissance universelle ; le seul problème est que la mort n’est pas risquée ; c’est une lutte pour la reconnaissance universelle sans risque ; notons que c’était avant les drogues, les dopages, qui mettent de la mort dans la recherche de la reconnaissance.

Donc justice est faite, avec cet essential killing ; juste après le mariage du siècle, royal et tout ; de nouvelles raisons de se féliciter des victoires de la démocratie ; il aurait été plus intéressant en termes mythologiques que la mort de la bête ait précédé l’heureux événement ; mais les américains ne sont pas nécessairement là pour accomplir les rêves aristocratiques anglais.


Essential killing ; une exécution


Selon Badiou, cette logique de l'assassinat ciblé nous situerait au-delà de la dialectique du maître et de l'esclave, qui était encore au cœur, au centre de l'épreuve de la roulette russe dans "the deer hunter" (notons, que l'un des sens de "killing" c'est "chasse", et dans le film de S, bien souvent le taliban ressemble à de niro... on voit même un cerf dans le film, si je me trompe pas) : appuyer sur la détente dans cette épreuve, c’est finalement montrer sa liberté, se situer au-delà de la peur de la mort, et échapper à l’humiliation.

Mais si nous sommes au-delà de la dialectique du maître et de l'esclave, c’est en un sens plus profond : le maître ne surmonte plus la peur de la mort, ce n'est pas cette différence qui l’élève au-dessus de l’esclave vaincu et soumis, et le fait maître.

Dans la situation contemporaine, d’inégalité absolue des termes en présence, le maître est maître parce que la mort ne le concerne pas ; le maître ne risque jamais sa vie; c'est la fameuse idéologie "zéro mort" ; notre vie est trop essentielle pour que nous courrions le risque de la mettre en danger, en balance, dans une lutte contre un adversaire que nous considérons comme un zéro, et qui lui-même se considère comme un infini, comme éternel, ou du moins lutte pour son éternité. L'ennemi ne cherche pas la reconnaissance de l'autre homme, mais à plaire à son Dieu.


Quelque chose de la logique du pari de pascal; les risques ne sont pas du même ordre, comme dans la dialectique du maître et de l'esclave hégélienne : deux adversaires égaux, risquant la même chose, une vie dont la dignité est semblable; car, comme dit Kojève, si je veux me faire reconnaître par mon adversaire, je dois le reconnaître comme mon égal.

Ici, nous sommes au-delà de cette lutte pour la reconnaissance; le maître est infini (par ses valeurs, et ses savoirs-pouvoirs) l'esclave est un zéro (qui se croit infini, pour compenser son néant)

Plus étrangement, la relation à la mort, la peur ou la relève de cette peur, ne décide plus de rien : celui qui n'a pas peur de la mort est ravalé au rang de la bête ; c'était déjà le cas on le sait, chez Hegel, quand il s'agissait des Africains qui se faisaient tuer par centaines par les blancs surarmés ; on pourrait penser que Hegel les féliciterait, au contraire, ce sont des bêtes incapables de saisir le sens, la valeur de la vie.

C'est ici la même chose, avec la fanatisme de la croyance au paradis en plus (le film de S, cite bien entendu, à la fin, des versets, de cette croyance au paradis : que le musulman gagne ou perde, peu importe ; s'il lutte pour dieu (je veux dire allah), sa victoire est essentielle).

Tricherie disent les occidentaux: ils affrontent pas vraiment la mort, puisqu'ils pensent gagner ainsi la vie éternelle; à quoi répondent certains (cf le texte sur les top guns) quand vous bombardez les gens depuis des hauteurs où vous ne risquez rien (ou avec des drones) on ne peut pas dire non plus que vous courriez de grands risques.

Technologie contre croyance; deux formes de croyance, qui doivent mettre à l'abri de la mort ; j’en avais discutés à propos de death proof ; qui est à l’abri de la mort ? la question est posée depuis la technique ; la bagnole hyper sécurisée pour le conducteur, cascadeur, qui ne risque rien ; ou pas grand-chose.

Donc chez hegel, pour le dire simplement : l’esclave reconnaît la supériorité du maître, parce que ce dernier n’a pas peur de la mort ; il le reconnaît supérieur à la vie, comme un être spirituel ; la vie de l’esprit c’est celle qui ne tremble pas devant la mort ; qui se tient en elle, devant elle et ne recule pas ;

c’est l’expérience de la roulette dans « the deer hunter » ; il ne faut pas être attaché à la vie plus qu'à la liberté, à la dignité ; il faut appuyer sur la gâchette et montrer à ces cons de vietnamiens que l’on est libre ; plutôt mourir, que trembler devant ces types ; dans une certaine idéologie, on a souvent reproché aux esclaves noirs de n’avoir pas préféré la mort à leur situation inhumaine, dégradante ;

donc, n’avoir pas peur de la mort, c’est le signe d’une vie spirituelle : rien de tel bien entendu dans essential killing, le taliban n’est pas situé du côté de l’esprit; pour la simple raison que l’esprit ne peut pas exister en dehors de la démocratie occidentale, et de ce que l’on détermine de plus en plus comme son fondement : le christianisme ; le taliban est une bête, une bête qui survit comme une bête, en tuant, quand il le faut ; les passages du coran mis en scène, rappelé, dans la constitution de la subjectivité du taliban, concernent tous une dépossession de soi (le musulman est un être soumis, un esclave, de son dieu) et une réalité guerrière ;

l’essential killing, finalement, c’est un jihad ;

on ne sait pas très bien le lien que fait S entre le survival, le devenir bête, et la présence des versets ; l’islam serait-il une religion de bête, une religion bête, digne des bêtes ? je ne sais pas ; ce qui est important, c’est que la bête comme le musulman, sont sans individualité ; ils vivent dans une espèce d’unité sans différence ; l’homme comme les bêtes sont entre les mains de dieu, de la fatalité, du destin; ce sont les images de la caricature de l’islam, antérieures bien entendu à la guerre contre la terreur ;

-l’essential killing est un killing sans véritable acteur, agent ; ce qui tue ce n’est jamais vraiment un homme, c’est dieu, c’est la nature, c’est l’instinct, jamais une liberté ;

comment le juger, moralement, juridiquement ?

Les trois tueries sont des effets du hasard, de la fatalité; le taliban trouve ses armes par hasard, les utilises comme un somnambule ; un assassin, si on a en tête l’origine du terme ; la vie du taliban n’est pas à lui, ses actes non plus : idée d’un vie sous la puissance du destin, un destin, ou un instinct ;

à côté de ce musulman, taliban ou pas; il s’appelle mohammed, c’est pas rien, on a une autre religion, très différente, qui ne se détermine plus comme essential killing, mais essential loving, comme « fémininité », comme don, soin, accueil, protection, nourriture ; le film de S n’est pas seulement un survival, comme le film de Gibson, il est aussi plein de symboles, de surnaturel, visions, prémonitions, et signes : les musulmans, et les chrétiens : la grosse madone et son lait qui gicle, le poisson, et cette femme, qui l’accueille sur un chant de Noël… et lui offre un cheval blanc (animal on le sait lié à jésus mais aussi "mahomet")



certains ont tenté de trouver une similitude entre le taliban et jésus, alors que tout les sépare; comment expliquer cette ressemblance; S ne veut pas nous dire que ce mec c'est jésus, ni rien de tel; il y a longtemps déjà que pascal nous a appris la différence entre "mahomet" et jésus :

“Mahomet s’est établi en tuant. Jésus Christ en faisant tuer les siens. Mahomet en défendant de lire ; Jesus Christ en ordonnant de lire. "

(c'est très marrant, cette dernière distinction pour qui connaît un peu le coran : le premier impératif c'est "lis")


cette différence pascalienne : bien entendu, c'est la différence entre le film de XB, et celui de JS;

(notons que Renzi ne retient que l'animalité du côté du taliban, alors qu'il avait chanté avec ses potes, la vie sous la puissance de l'idée dans le film de XB)


pq cette ressemblance?



La séduction sera d’autant plus efficace que, en apparence, le cavalier monté sur le cheval blanc ressemblera trait pour trait à Christ lui-même : Apoc 19,11 Cela à tel point que certains commentateurs de l’Apocalypse ont pensé qu’il s’agit ici de Jésus lui-même. Nous croyons plutôt qu’après avoir été séduit et trompé par Sa caricature, c’est au vrai Christ que, à la fin de son histoire, le monde aura à faire. Cette ressemblance trompeuse ne doit pas nous étonner. Toute l’Ecriture témoigne du pouvoir d’imitation incroyable dont le diable peut faire preuve pour séduire les hommes : 2 Cor 11,13 à 15 ; Apoc 13,11.

http://pour-que-tu-croies.blogspot.com/2010/11/le-cavalier-au-cheval-blanc.html




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Message par Borges Lun 2 Mai 2011 - 8:31

Le taliban est essentiellement une bête ; d’emblée, les premières images opèrent une distribution déterminante : d’un côté la science, la technique, (les maîtres du ciel) de l’autre le sous-développement ; bien entendu seul le taliban tuera, et, notons, c’est important, avec les armes des autres (comme disait je sais plus qui dans le Nyork times, après la destruction des deux tours ; ils peuvent utiliser nos armes, mais ils sont incapables de les inventer ; trop bêtes)

La dialectique nouvelle, d’un côté la puissance techno-scientifique illimitée, de l’autre le zéro, animal, sous-développé, et prisonnier d’une croyance fanatique en un au-delà de la vie; pas de lutte pour la reconnaissance ici : le mal, le zéro ne sont rien ; on ne cherche pas à être reconnu par un rien, par un musulman, et encore moins par un islamiste ; pas plus que les cow-boys ne cherchaient à être reconnus par les indiens ;

quel sens ça aurait?

la lutte pour la reconnaissance se situe dans l’horizon de l’égalité ;

que l’ennemi soit un zéro ; on le sait bien, on ne donne jamais le compte des tués par le camp occidental ; il ne tue jamais que des zéros ; additionner autant de zéro que vous voulez ça ne fera jamais que des riens ; par exemple en Libye ; on bombarde, et personne ne meurt, en dehors des chefs, bien entendu ; les seuls à exister ; ils ne sont pas plus, en dignité, moralement, démocratiquement, mais leur degré de malignité les rend tout de même visible. Le problème bien entendu, c’est comment tuer des zéros, comment tuer ce qui n’existe pas ; d’une part, vous ne pouvez pas vraiment vous en glorifier, d’autre part, on ne peut tuer que ce qui existe ; on se souvient que théologiquement le mal n’est pas ; dieu étant le maximum d’être, son inverse ne peut être qu’un minimum d’être, un néant ; le diable n’existe pas ; c’est pourquoi finalement on ne peut pas le tuer…

citons ce passage de badiou ; ça date de la seconde intervention en irak, mais c’est toujours en accord avec ce qui se passe :

« On bombarde quoi, finalement ? j’ai été frappé par l’idée que les américains avaient ouvert la guerre en disant : on va envoyer une fusée sur Saddam Hussein. Ils avaient déjà essayé de tuer Kadhafi, il y a quelques années. Il était dans sa tente, il était en train de prendre le thé, le missile ne l’avait pas trouvé. L’idée qu’on va économiser une guerre car on va la remplacer par un assassinat, c’est entièrement sous la supposition qu’il y a en face juste Saddam Hussein, et rien du tout. SH comme simple corps n’est pas un adversaire constitué, national. Je crois que dans cette technique des assassinats ciblés, si populaires aujourd’hui, il y a toujours la conviction que ce à quoi on a affaire n’existe pas vraiment. Je pense que nous entrons dans une dialectique qui est toute nouvelle, qui n’est pas la dialectique du maître et de l’esclave, mais ma dialectique du rapport de l’un à l’inexistant. Les USA c’est l’un, l’un qui n’a pas d’autre, l’un auquel tout le monde se rallie parce que c’est l’unique. Et de l’autre côté, hors de l’un, il y a l’inexistant. Et on peut penser que dès lors qu’on doit traiter violemment ce qui n’existe pas, on pourrait bien contribuer à son existence. Non seulement ça existe, mais cette existence se déploie ou s’atteste en tant qu’inexistence supposée, elle appelle la violence, et qu’il faut écraser le néant. C’est le phénomène qui est patent aujourd’hui : le fait est que Saddam Hussein existe aujourd’hui bcp plus que jamais. Ça durera ce que ça durera. Son inexistence a attiré sur elle une telle violence que ça se retourne en surexistence. »
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Message par Borges Lun 2 Mai 2011 - 10:49

on se marre en lisant toutes ces discussions sur ben laden : "'c'est tant mieux, on s'en fout, c'est pas bien, il fallait le juger, il a emporté ses secrets dans sa tombe, ça arrange tout le monde"

on dit tout et son contraire, le seul invariant de toutes ces discussions, c'est bien entendu le partage de la même définition de la situation, la définition médiatique, des mots d'ordre; tout le monde pense que les usa, et leurs potes, ont tué Ben laden; alors qu'ils l'ont plutôt ressuscité; qui causait encore de ben laden? Tout le monde l'avait oublié. On avait le sentiment d'être passé à autre chose, dans un autre univers, et voilà que le mec revient; comme les vampires, les zombies, les fantômes d'autant plus existant, une fois morts;

que les amateurs de films d'horreur ne comprennent pas cette logique montre leur bêtise;


la question est de savoir pourquoi ils l'ont ramené à la vie (médiatique, la seule qui fasse politique) avec tout ce qu'il représente : le mal, la terreur.



"Dès lors qu’on doit traiter violemment ce qui n’existe pas (le Mal) on pourrait bien contribuer à son existence. Ben Ladden existe aujourd’hui plus que jamais. Son inexistence a attiré sur elle une telle violence que ça se retourne en surexistence. »
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Message par Invité Lun 2 Mai 2011 - 18:28

on ignore qui des hommes où des paysages façonnent les événements.

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Message par Invité Lun 2 Mai 2011 - 18:53

http://www.aintitcool.com/node/49471
très étrange ... ,me fait penser à une scène similaire dans un comic book; cependant c'est un ennemi de Captain America, Red Skull, _ qui avait subtilisé l'apparence de Cap _ qui se faisait ovationner par la foule.

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Message par Brundlefly Lun 2 Mai 2011 - 19:55

Borges, bonsoir.


(Re)venons à "Mohammed". Que sait-on de lui? Même son prénom est douteux, quoi qu'en dise le générique (toujours se méfier des génériques, il sont fourbes). Qui est-il, qu'a-t-il fait? Est-ce un arabe, un musulman, un taliban? les trois?

Ce qu'il y a de particulier dans ce film, c'est qu'on en sait moins à la fin qu'au début.

Au début, les choses sont assez claires : il est habillé comme (ce qu'on s'imagine être) un taliban, il tire au lance roquette sur des américains, c'est un taliban.

Premiers doutes : on ne l'entend pas dire un seul mot, rien qui permettrait de confirmer son identité.

A la fin, on ne sait plus. Il a tellement changé de costumes entretemps, qu'on se dit rétrospectivement que celui de taliban n'en était qu'un parmi d'autres. Et pourquoi continuer à l'appeler taliban, alors que le territoire a radicalement changé en moins d'une demi-heure, que (ce que l'on croit identifier comme) la Pologne a remplacé l'Afghanistan, que les soldats américains eux-mêmes ont fini par déserter le film, et que le fugitif s'est mis à tuer des bûcherons?

Au bout d'un certain temps, on ne sait plus où l'on est, ni qui est qui, ni pourquoi untel fait ceci ou cela. Reste l'action.

Le choix de l'acteur participe évidemment de ce brouillage des repères et des identités. Skolimowski le dit clairement aux Cahiers : il n'a jamais été question de faire jouer le rôle par un acteur d'origine arabe. Gallo, en plus d'être américain, est connu pour être un conservateur. Et il "ressemble" au Christ.

Alors, bien sûr, il y a ces flash-backs colorés, qui jurent avec le reste du film. Tellement kitschs qu'ils en deviennent suspects. Ce sont d'ailleurs moins des flash-back que des flashes tout court, des sortes d'images fantasmatiques comme on en voyait dans Virgin Suicides. Rien de plus douteux que ces images.

Il faut se souvenir du début, avec ces plans en caméra subjective. On se croirait tout à fait dans un jeu vidéo : trouver un cadavre, ramasser son arme, traîner le corps dans une grotte. Ce n'est qu'ensuite que Vincent Gallo apparaît à l'image. Ce dispositif est évidemment essentiel : il dit bien que tout le film n'est au fond qu'un immense jeu vidéo, et que le "personnage" n'a plus d'identité que nos avatars virtuels. C'est précisément pour cela qu'on peut - si tant est que ça fonctionne - s'identifier à lui.

Impossible donc de résumer ce film à l'histoire d'un taliban qui fuit des soldats américains, c'est passer complètement à côté.


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Message par Brundlefly Lun 2 Mai 2011 - 20:21

http://www.gameblog.fr/article-lecteur_962_essential-killing-naissance-du-survival-war-horror

Rare et génial, le cinéaste Jerzy Skolimowski nous offre l’un des films les plus puissants de ce début d’année : une chasse à l’homme dans la neige avec Vincent Gallo en taliban. Jouant à fond la carte de l’identification subjective, "Essential Killing" nourrit de nombreux ponts avec le jeu vidéo.


La première scène est explicite. Trois soldats américains descendent dans un canyon, le premier avec un détecteur de mines et les deux autres en racontant des blagues sur des hommes en burqa. C’est la task force telle qu’on la connaît tous, avec son jargon habituel ("j’ai un visuel") et la marche prudente en rang d’oignons qui l’accompagne. Début de film de guerre.

Brusquement, on change de plan. Tout en vue subjective, façon Evil Dead. Un individu est tapi dans le ravin. Il tremble, il s’agite. La scène est vue à travers ses yeux. On comprend qu’il est traqué et qu’il doit survivre. Au sol gît le corps d’un de ses camarades. À côté, un lance-roquettes. L’homme se baisse pour récupérer l’arme et sauver sa peau. Vue subjective, toujours : il relève le canon qui vient se placer dans la diagonale du plan pour viser les trois soldats américains. On est dans un FPS.

Pendant 1h23, on ne quitte plus cet homme qui est propulsé dans un environnement radicalement étranger, en Sibérie ou en Alaska on ne sait pas, pour une sorte de mélange épuré entre Le Fugitif, Rambo et Gerry de Gus Van Sant. La pulsion de survie est le seul sujet du film, avec en son centre un personnage qui ne prononce pas le moindre mot mais qui, tel un animal traqué, émet régulièrement des sons de douleur. On ne saura quasiment rien de lui. L’identification est ainsi totale, à l’image de ce qu’on pouvait connaître dans le premier opus de Dead Space.

L’intensité subjective est l’unique mécanisme qui intéresse Skolimowski. Dès lors, tous les à-côtés sont supprimés : absents les flashbacks explicatifs, les briefings de généraux au QG, les personnages secondaires bons ou méchants, les salauds et les opportunistes, tout ce qui noierait le sujet s’il était traité par – mettons – Paul Greengrass. Ici, on se cantonne à l’ "essentiel" du titre : se cacher, fuir les poursuivants, se nourrir et se soigner. Le décor est celui d’un jeu de guerre, mais le propos est celui d’un survival.

Si on était vicieux, on pourrait trouver que le parcours du personnage est organisé comme un jeu. D’abord habillé en noir dans la neige, il doit trouver un accoutrement blanc pour se camoufler. (vous verrez comment). Entouré d’espèces animales diverses et sauvages, il est poussé à inventer un moyen pour en tirer un avantage de survie. (on sait, depuis Metal Gear Solid, que l’odorat des chiens peut s’avérer utile dans ce type de situation…). Crevant de faim, il cherche à se nourrir, mais où trouver de la nourriture vivante au sein d’un paysage pris dans la glace ? En résumé, la nécessité d’adaptation du personnage, associée aux instincts de survie, font du calvaire de cet homme une sorte de course à la récompense.

Aux deux aspects précédents, war et survival, vient s’ajouter une dernière dimension : l’horror. Puissamment sensoriel, le film promet une expérience cinématographique immersive. Du bourdonnement lourd des pales d’hélicoptère au cahotement fatigué de l’image, en passant par d’étranges scènes d’hallucination, on est plongé dans un sentiment permanent d’insécurité. Les effets de mise en scène sont souvent gros mais fonctionnent idéalement car ils ne sortent jamais du cadre subjectif. En plus d’être corporelle, la douleur du personnage est psychologique. Encore une fois, ce sont des procédés d’immersion, contre tout mécanisme narratif ou explicatif, qui sont employés. L’absence de compréhension du langage par ce personnage étranger est comme une absence d’indicateur d’état lorsqu’il est confronté aux autres : tout individu qui le repère est potentiellement un ennemi, il n’y a pas de marqueur pour lui indiquer la bienveillance ou la malveillance des gens qu’il croise en chemin. Et il doit agir en conséquence, à l’instinct, comme dans un jeu sans HUD. Le sentiment d’horreur s’en voit grandement accru.

Le pari de Skolimowski, en réalisant Essential Killing, est d’inverser le positionnement habituel des films de guerre, en choisissant de s’intéresser à un taliban pourchassé par des Américains. Loin de tout manichéisme ou de toute moralisation (on ne sait pas si ce "taliban" est innocent ou pas), ce parti-pris sert à renforcer l’ambigüité morale pour se consacrer à la dimension proprement humaine de l’individu. Le contexte n’est qu’un décor, mais l’intérêt du sujet réside dans les peurs, les soubresauts, les réflexes que peut connaître un homme quel qu’il soit dans une situation de guerre. De ce point de vue, Essential Killing sonne aussi comme une réponse cinglante à tous ceux qui s’offusquent, dans un jeu de guerre, de pouvoir incarner aussi bien les Marines que les talibans.

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Message par Eyquem Lun 2 Mai 2011 - 20:33

Salut Brundle, bienvenu,
tout le film n'est au fond qu'un immense jeu vidéo
En quoi ça aide à mieux voir le film ?
...son prénom est douteux, quoi qu'en dise le générique (toujours se méfier des génériques, il sont fourbes)
...
Il a tellement changé de costumes entretemps, qu'on se dit rétrospectivement que celui de taliban n'en était qu'un parmi d'autres
...
il y a ces flash-backs colorés, qui jurent avec le reste du film. Tellement kitschs qu'ils en deviennent suspects
Pourquoi ce choix d'écarter comme insignifiant ce que le film dit et montre à ce sujet ?
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Message par Brundlefly Lun 2 Mai 2011 - 20:47

Salut Eyquem,

Jamais dit que c'était insignifiant. Ce n'est pas insignifiant qu'on nous le présente d'abord comme un taliban.
Simplement, tout ce qui permet d'assigner une identité au personnage est sujet à caution. En prendre conscience permet de tenir à distance certains jugements idéologiques trop tranchés. On ne peut pas faire comme si Vincent Gallo restait le même tout au long du film. Pour dire vite, il naît taliban (ce qu'il faut interroger, je te l'accorde) et il devient autre chose.

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Message par Brundlefly Mar 3 Mai 2011 - 9:50

Eyquem a écrit:Salut Brundle, bienvenu,
tout le film n'est au fond qu'un immense jeu vidéo
En quoi ça aide à mieux voir le film ?

Ca aide à comprendre que le personnage qu'on suit pendant une heure vingt n'est qu'une sorte d'entité vide, ou peu s'en faut, qui enfile les costumes de ceux qu'il croise. Je le répète, il faut d'abord qu'il trouve un cadavre de taliban sur son chemin pour s'incarner à l'image, pour devenir à son tour (et à nos yeux) taliban.


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Message par adeline Mar 3 Mai 2011 - 18:48

Hello Brundle, et bienvenu !

mais que devient-il, à la fin du film, s'il devient "autre chose" ? Lorsque tu dis qu'il est une sorte d'entité vide, ça rejoint ce que Borges montre, non ? Car même s'il change d'habits, on sait bien d'où il vient, où il a été capturé, et par qui il a été emprisonné. Toutes ces histoires de doute sur qui il est, s'il est innocent ou coupable me semblent un peu fallacieuses. Le mec est habillé comme un Afghan, il est emprisonné par les Américains, convoyé vers l'ouest... Surtout, on dit les mots "innocent", "coupable", comme dans le texte que tu cites :

Le pari de Skolimowski, en réalisant Essential Killing, est d’inverser le positionnement habituel des films de guerre, en choisissant de s’intéresser à un taliban pourchassé par des Américains. Loin de tout manichéisme ou de toute moralisation (on ne sait pas si ce "taliban" est innocent ou pas), ce parti-pris sert à renforcer l’ambigüité morale pour se consacrer à la dimension proprement humaine de l’individu.

Dans une vraie guerre, il n'y a pas d'innocent ou de coupable dans les opérations militaires ; c'est la guerre, régie par des lois propres. Si on se dit "ah mais Sk. va plus loin, il laisse le doute sur l'innocence ou la culpabilité du personnage", c'est qu'on intègre complètement les règles du jeu de Américains. Ce n'est pas une guerre, donc, mais une opération de police. Et d'ailleurs, le film intégrant cette idée, il nous donne la réponse, à cette question "coupable / innocent". Le mec a tué un soldat américain, il est donc coupable, même s'il n'est pas un taliban, et il est envoyé à Guantanamo pour ça. La couleur orange des uniformes des prisonniers suffit à nous le dire.

Je ne comprends pas très bien ton argumentation. Tu dis, comme c'est filmé à la manière d'un jeu vidéo, l'histoire et ses références dans le réel ne comptent plus, il faut juste voir un homme sans identité auquel le spectateur s'identifie dans ce qui n'est plus qu'un combat pour la survie. Bon, le film ne m'a pas trop emballée, mais si en plus il faut que j'en oublie tout le sous-texte pour pouvoir le comprendre, il ne reste vraiment plus grand-chose... Et puis, c'est comme si ce qui arrive au mec n'était que menu fretin. Pourtant, il tête le sein d'une femme qui est en train d'allaiter son enfant, il est soigné le soir de Noël ou pas loin par une femme seule et sourde muette, il est rassasié par un poisson, meurt sur un cheval plus blanc que neige, etc. Tout ça est sans doute très symbolique... J'ai l'impression que ta lecture du film est une lecture d'un autre film que celui que j'ai vu.

adeline

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Message par Brundlefly Mar 3 Mai 2011 - 21:00

Mais, Adeline (bonsoir!), je n'ai jamais parlé d'innocence et de culpabilité! Je ne reconnais absolument pas mon propos dans tes deux premiers paragraphes. Vraiment, je ne sais pas quoi te répondre, ce n'est pas ce que j'ai écrit.
Quant à l'article, c'est surtout pour sa façon de voir le film comme la déclinaison de divers types de jeux vidéo que je l'ai cité. Je ne reprends pas le reste de son argumentation à mon compte.

Pour moi, il y a toute une série de glissements (plus ou moins abrupts) dans le film, qui fait qu'on passe de quelque chose de connu à un territoire nettement plus incertain. Les symboles que tu évoques (et que je n'ai jamais niés) participent justement de ce vacillement identitaire. Ainsi, je ne dis pas que les références dans le réel ne comptent plus, mais qu'elles se brouillent complètement, à tel point que je serais bien incapable de répondre à ta première question.

Si l'on fait une lecture vraisemblable (terre-à-terre serais-je tenté de dire) du scénario, alors oui c'est bien l'histoire d'un taliban appelé Mohammed qui s'enfuit au cours d'un transfert et se trouve pourchassé par des soldats américains.

Sauf que (je vais me répéter un peu) : seul le générique nous dit qu'il s'appelle Mohammed, jamais on entend son prénom dans la fiction, ce qui est sans doute proscrit dans tous les manuels de scénario. Jamais on ne l'entend parler avec qui que ce soit (et S. s'amuse beaucoup à "justifier" cette bizzarerie : surdité de l'homme après l'explosion; femme sourd-muette à la fin), jamais on ne le voit avec d'autres talibans, qui ne semblent pas le connaître, ni au tout début, ni en prison, ni dans la fourgonnette. Un film plus classique nous le montrerait au milieu d'autres terroristes, nous expliquerait aussi ce qu'il vient foutre dans cette grotte, au début. Il filmerait d'abord son visage avant de nous faire épouser son regard. Il justifierait également la mystérieuse éclipse des soldats américains à mi-parcours, alors qu'un prétendu taliban est lâché dans la nature d'on ne sait quel pays. Je pourrais continuer longtemps comme ça, à énumérer tous les écarts opérés par le film avec les règles de la fiction classique.


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Message par Invité Mer 4 Mai 2011 - 10:05

à la fin de The Grapes of Wrath (le livre), il y a cette scène de Rose de Saron, ayant perdu son enfant et donnant le sein à un homme mourant de faim. dans le contexte du livre, un des sens immédiats est que cet homme représente tous les affamés qui ont traversé le livre et le geste est celui d'une solidarité absolue.


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Message par Borges Mer 4 Mai 2011 - 13:56

salut à tous; bienvenue Brundlefly; merci pour tes commentaires très intéressants; n'importe quel film peut être vu comme un jeu vidéo, n'importe quel jeu comme un film; voir "comme", en "tant que", c'est toute la question (heidegger, wittgenstein, cavell...)







"Nature in this film is important for our hero and his alien status in the new, unfamiliar environment, which is the snow-covered forests of Europe.

The landscape has a hand in creating the character and create his complex personality. It makes dialogue redundant. (...) Nature is an integral part of the film. The forest, animals which need to satisfy their hunger and compulsion to kill in the beautiful landscape.

This is a story about man and nature. Wildlife is shown without sentimentality, but with all its splendor. It is an existential outsider journey to nowhere. But even if Mohammed were able to escape from his pursuers, how would he ever get home?

Especially important for me is the scene in which Mohammed is woken by deer. His first instinct is to reach for his weapon, to kill. The animals are not afraid of him, however. They look at him with the same curiosity with which he looks at them. If they had belonged to the same species, shared the same fate, the same laws of nature would apply to both of them. It is a moment in which the hero realizes that he is part of a larger whole. He knows that he has failed to survive, but just then he sees the beauty of nature"




(on voit ici que Skolimowski s'est laissé tromper par le générique; il appelle son personnage, sa bête-humaine : mohammed;


notons que la grotte quand il s'agit de l'Afghanistan appartient à l'imagerie raciste, on peut aussi rappeler à ceux qui ne le savent pas que la grotte appartient à la légende musulmane; notons aussi, l'humour, l'ironie de Skolimowski, si je me trompe pas ce sont des sangliers (des cochons sauvages, comme on dit) qui provoquent l'accident qui permet à Mohammed de jouer à rambo dans son voyage au bout de l'enfer)


le début du film, c'est une réécriture de cet épisode, avec les armes américaines, en plus, à la place de la gentille araignée :



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