L'Étrange Affaire Angelica (M. de Oliveira)

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Message par Largo Mer 23 Mar 2011 - 22:50

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Mon deuxième Oliveira après Singularités d'une jeune fille blonde. Les deux films ont bien des points communs (mêmes acteurs, même manège). Et je suis une nouvelle fois resté insensible aux charmes que tout le monde célèbre.

Je dois dire que je comprends pas bien. J'étais pas très en forme, pas dans de très bonnes dispositions, mais j'ai l'impression que le revoir à tête reposée n'y changerait rien.

Chez Chronic'art, ils jouent Angelica contre La Frontière de l'aube. Le rapprochement crève les yeux, mais je ferais pencher la balance dans l'autre sens. L'auteur du papier loue une forme d'ironie dans le récit qui serait présente chez le portugais et désespérément absente chez le français... A l'époque, je trouvais justement que la réussite et la prise de risque de Garrel tenait dans ce jusqu'au-boutisme, ce refus du second degré en restant fidèle au primitivisme, au fameux "romantisme 19ème" dont il s'inspirait. Et son noir et blanc mythique était à la hauteur de ses ambitions. Dans le Oliveira, l'apparition du fantôme se fait dans un noir et blanc plutôt laid, je trouve, qui dénote au milieu du reste du film en couleur.

Dans les deux films, on a la sensation d'un film du passé, d'il y a 50, 100 ans ou plus. Autant, je trouvais ça naturel chez Garrel, autant chez Oliveira, j'arrive pas à m'y faire, j'ai toujours l'impression qu'une calèche va entrer dans le champ, et puis non : une voiture.

Chez Garrel, j'étais "avec" le personnage du photographe, avec lui dans ses rêveries, ses excès, ses tiraillements. Chez Oliveira, je trouve juste le photographe ridicule, agaçant et même pas tellement drôle quand il s'accroche à la grille du cimetière en gueulant "Angelicaaaaaaa".

Il y a aussi une tension chez Garrel, il faut choisir entre les deux femmes, les deux amours, la raison ou la passion, ce dilemme certes classique tient et porte le film ; chez Oliveira, on a le droit à une mécanique progressive mais plate de l'amour du jeune homme. On va nous parler de dépouillement, de maîtrise du récit mais je trouve juste ça sans surprise et terriblement pauvre...
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Message par Invité Sam 26 Mar 2011 - 11:45

je me souviens de Benilde où la vierge mère une de mes expériences de cinéma les plus vertigineuses.
Reviendrai sur L'affaire pls tard quand je l'aurai vu.

Wink

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Message par Invité Dim 27 Mar 2011 - 13:00

Je l'avais vu l'été dernier au GP de l'Âge d'Or de la cinémathèque de Bruxelles, où il m'avait moins touché que "Singularités...".
Pas un mauvais film, mais il s'agit d'un scénario de l'époque d'Aniki Bobo que de Olivieira n'avait pas pu tourner du fait de la censure, et cela se ressent sur le film qui mêle une interrogation sur la subversion religieuse à la Bunuel (ou la catholicisme est montré comme culte des morts, à la fois pour l'état et les amoureux) à une technique numérique qui donne à l'image un rendu très froid et moderne.
Intéressant, mais des films comme "Non ou la Vaine Gloire de Commander" ou "Val Abraham" ont quelque chose de plus...

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Message par Rotor Mar 29 Mar 2011 - 14:55

Disons que ses derniers films ont un sens du classicisme à l'économie qui déçoit un peu. C'est plus lisse et vernissé que brillant et créateur.
Et chez Oliveira, la littérature envahit parfois le cinéma. Si bien qu'il filme une histoire, sans l'adapter. Ses chefs-d'oeuvre et il y en a plusieurs au contraire subliment l'un par l'autre.

J'étais ressorti légèrement déçu par "Singularités d'une jeune fille blonde" qui m'avait paru trop linéaire. Alors que justement un des grands charmes de ce cinéaste est sa rigueur mâtinée de fantaisie.
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Message par Invité Mar 29 Mar 2011 - 16:25

Ses films récents peuvent être parfois très bons ("le Principe d'Incertitude", "Belle Toujours" justement à propos de Bunuel, ou pour ma part "Singularités") ou très mauvais: quand il se laisse en effet envahir sur la littérature, mais surtout quand il rajoute à cette littérature un discours très idéologique sur la mort de la culture européenne moderne en postulant que ce sont ses ancêtres les navigateurs portugais qui l'ont inaugurée. Comme dans "un Film parlé" ou son antépénultième film qui au moyen d'un récit familial sur l'immigration de la middle class portugaise au USA s'échine à prouver que Christophe Colomb est portugais (film dont le contenu n'était guère différent des thémas et docu-fuction produites par la ZDF et diffusées sur Arte, qui abordent toute sortes de sujets ayant un position transcendantale et extérieure sur l'histoire hégélienne, et de ce fait intéressant particulièrement les vieillards et les malades en fin de vie dans les hôpitaux: tels la fin du règne animal par bombardement de météorites qui revient perpétuellement dans la création, l'invention de la roue ou la création des chemins de fers namibiens vers 1910 puis l'installation récente de climatiseur dans ces trains depuis privatisés au moyen de la coopération au développement allemande. Cependant à mon niveau j'éprouve une certaine tendresse pour ce film du fait de la gestuelle super érotisée de Leonore Baldaque, de son tailleur à la fois strict et émouvant, et des quelques gros plans d'elle, femme douce et aimante, feignant de s'intéresser au récit de l'instruction dispensé il y a 500 ans dans les écoles secondaire où a peut-être étudié le découvreur du Nouveau Monde, dans le but inavoué d'aider son mari à ne pas s'endormir au volant de la Peugeot 403 de cette famille conservatrice mais bizarrement éternellement jeune et sans enfant, dans cette campagne portugaise aux nationales sans platanes où s'empaler).

Ceci dit cette idéologie est présente aussi dans "Je Rentre à la Maison" et dans "Non ou la Vaine Gloire de Commander", mais la force du premier film est de ne pas montrer cette crise de la culture européenne comme une tragédie mais plutôt comme une ouverture sur le mystère de la mort et de la transmission, et dans le second, d'assumer la contraction entre cette idéologie, qui repose sur une vision nostalgique et réconciliatrice de la nation (domaine pastoral perdu) et la brutalité absurde des guerres coloniales (d'ailleurs dans le DVD on voit bien qu'il se rattache politiquement à la sensibilité des militaires qui ont provoqués la Révolution des Oeillets, c'est en fait intéressant, car ila tourné l'essentiel de ces films après cet évènement).

Tous les films j'ai vu parmi ceux qu'ila tourné (j'ai malheureusement pas vu ceux des années 80) ne parlent que de deux sujets: la littérature comme alternative entre la nation ou les femmes. C'est déjà un progrès sur Godard qui veut nous transformer la sagesse de toutes les nations d'un coup d'un seul dans la littérature parce qu'il ne peut plus parler des femmes (pourtant c'est encore un adolescent face à de Oliveira).

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Message par Rotor Mar 29 Mar 2011 - 18:18

Et vous oubliez le "Miroir magique" qui interrogeait la religion avec beaucoup de bonheur. Et qui avait une construction très classique mais par instants baroque.
Et où le cinéaste installait du "jeu" dans sa mécanique.

Sinon, je recommande "Francisca" très beau portrait d'une femme insensible.
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Message par Eyquem Dim 3 Avr 2011 - 15:24

Hello,
Largo a écrit:Chez Chronic'art, ils jouent Angelica contre La Frontière de l'aube
J'ai plutôt pensé à Dreyer, en particulier lors de la discussion sur l'antimatière. Ca m'a rappelé ce que disait Dreyer dans un entretien à la radio, en 1954, à la sortie d'Ordet :
La science nouvelle, à la suite de la théorie de la relativité d'Einstein, a apporté les preuves de l'existence - en dehors du monde à trois dimensions qui est celui de nos sens - d'une quatrième dimension, celle du temps, et d'une cinquième, celle du psychique. On a ouvert des perspectives nouvelles qui nous font reconnaître un rapport profond entre science exacte et religion intuitive. La science nouvelle nous permet une approche plus profonde du divin et elle est sur le chemin de donner une explication naturelle à des choses surnaturelles.
(Ecrits)
Le scénario d’ « Angelica » a été écrit à la même époque (les années 50) et c’est comme s’il opérait l’adaptation de l’imaginaire fantastique fin de siècle (celui des nouvelles de Poe ou de Villiers de l’Isle Adam) aux avancées de la physique nouvelle (atomique, quantique). Cette histoire de jeune femme morte et vivante à la fois, c’est comme une de ces « Histoires extraordinaires » au temps du paradoxe de Schrödinger : on n’y parle plus de « fluides magnétiques » pour y expliquer le retour des fantômes, mais d’atomes, d’ondes et de lumière-fossile.

(Je ne le savais pas, mais le titre d’un des précédents films d’Oliveira, « Le principe de l’incertitude », faisait aussi référence à un théorème de mécanique quantique. Ne me demandez pas de vous l’expliquer.)


Largo a écrit:Dans les deux films, on a la sensation d'un film du passé, d'il y a 50, 100 ans ou plus. Autant, je trouvais ça naturel chez Garrel, autant chez Oliveira, j'arrive pas à m'y faire, j'ai toujours l'impression qu'une calèche va entrer dans le champ, et puis non : une voiture.

C’est juste. Est-ce que ça vient du fait qu’il s’agit, pour « Angelica », du film d’un très vieil homme ? Forcément, on se dit que l’amplitude historique est plus grande. Ce qui nous paraît à nous très lointain, d’un autre siècle, presque anachronique, doit avoir chez lui la force, la présence d’un souvenir, qui coexiste avec le présent sans coupure très nette. Il doit moins s’étonner que nous, par exemple, de la rencontre improbable, dans une pension de famille à l’ancienne, d’ingénieurs mondialisés, alors que la scène est pour nous aussi curieuse que si on entendait les pensionnaires de Mme Vauquer parler de la crise des subprime.

Mais on peut aussi expliquer autrement cette superposition d’époques, en disant que l’Histoire dans ce film n’existe pas, ne signifie rien. Oliveira le dit dans ses entretiens : il y a une nature humaine, immuable ; les changements d’époque ne sont que des variations de détail, qui ne modifient rien d’essentiel ; il n’y a aucun Progrès.

Le film oppose ainsi, de façon binaire, le monde ancien (celui où l’on chante en labourant la vigne) et le monde nouveau, justement « désenchanté » (celui des machines, dont le film montre assez qu’il n’apporte rien de positif : on voit le photographe suivre comme un fou la bêche mécanique qui a remplacé les cultivateurs ; et le passage tonitruant des camions a recouvert le chant des travailleurs et sort continuellement le héros de sa rêverie). Le film a quelque chose de foncièrement réactionnaire, dans cette apologie de l’autrefois comme d’un monde « enchanté » qui serait la seule alternative viable, humaine, en attendant d’accéder à « l’espace absolu » - c’est-à-dire de rejoindre le plan divin, l’au-delà.

Si le film se donne un aspect intemporel, c’est qu’au fond, ce qui compte, ce n’est pas l’Histoire, mais seulement la conversion, au regard de laquelle les soubresauts du Siècle sont au mieux insignifiants, au pire une série d’obstacles qui nous éloignent de l’essentiel. Je ne l’ai pas lu, mais il me semble que c’est pourtant ce que raconte le film : une conversion, l’histoire d’un jeune juif, lecteur de Saint Paul, qui gravit son mont des oliviers, et sur le linceul duquel on posera à la fin un crucifix ?


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Message par Largo Dim 3 Avr 2011 - 16:20

Eyquem a écrit:Hello,

Largo a écrit:Dans les deux films, on a la sensation d'un film du passé, d'il y a 50, 100 ans ou plus. Autant, je trouvais ça naturel chez Garrel, autant chez Oliveira, j'arrive pas à m'y faire, j'ai toujours l'impression qu'une calèche va entrer dans le champ, et puis non : une voiture.
Il doit moins s’étonner que nous, par exemple, de la rencontre improbable, dans une pension de famille à l’ancienne, d’ingénieurs mondialisés, alors que la scène est pour nous aussi curieuse que si on entendait les pensionnaires de Mme Vauquer parler de la crise des subprime.

C'est tout à fait ça !

Le côté réactionnaire d'Oliveira on en avait déjà un peu parlé à la sortie de son Christophe Colomb, non ?

Pour ce qui a trait à la physique quantique, l'antimatière etc, je dois dire que je n'y entends goutte et que ça me parle pas du tout... C'est comme les poèmes d'Yves Bonnefoy, dès que ça a un rapport avec les mathématiques ça me tombe des yeux.

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Message par Le_comte Ven 8 Avr 2011 - 20:24

Je ne comprends ce que vous reprochez à ce film, qui est pourtant incroyable, merveilleux, novateur. C'est grâce à des chefs d'œuvre pareils que le cinéma existe encore...

Les correspondances avec Oncle Boonmee sont frappantes. Les deux films parlent, au fond, de la même chose.

Le plus grand film de l'année assurément. Je l'admire aussi, comme Singularité, parce que c'est "un film sur moi".

A++

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Message par Largo Sam 9 Avr 2011 - 12:56

Ce serait intéressant que tu développes Wink
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Message par Invité Dim 10 Avr 2011 - 19:57

Eyquem a écrit:

(Je ne le savais pas, mais le titre d’un des précédents films d’Oliveira, « Le principe de l’incertitude », faisait aussi référence à un théorème de mécanique quantique. Ne me demandez pas de vous l’expliquer.)



Très bon film avec Léonore Baldaque et Léonore Silveira qui tourne sur un duel amoureux entre les deux femmes. Je ne me souviens pas trop de l'histoire (qui dans mon souvenir rappelle certains films récentes de Chabrol , une histoire de famille de grands bourgeois obligés de frayer avec une patronne de bordel pour maintenir leur singularité sociale jusqu'au bout et se démarquer de la classe moyenne à laquelle ils appartiennent en fait ) mais j'ai uen image très précise d'une scène énorme où Léonore Baldaque, débarque en sous-vêtement noirs et commet un pétage de plombs pendant une perquisition de police qui vient s'assurer qu'elle est toujours vivante, pour tuer d'un coup son personnage de jeune fille mignonne et bien-élevée à épouser et à se partager entre la poire et le dessert.

Sinon je ne pense pas qu'il y ait une absence de progrès chez de Oliviera, dans "Non ou la Veine Gloire" ce progrès est plutôt lié chez lui à une idéologie aristocratique et nationaliste (floue) à laquelle de Oliviera adhère , mais dont il montre également la mort nécessaire: par elle-même cette idéologie ne pouvait rien contre l'impasse de la dictature de Colonels et de la guerre en Angola,. Il y a à la fois un progrès au sein de cette aristocratie, qui a une vision de sa place dans la création justifiée de manière quasi-ontologique, antérieure même à toute interaction sociale, et un progrès "extérieur" qui est la mort de cette aristocratie et de cette justification.
Ton expression "La Pension Vauquier" qui se met à parler de la crise des subprimes": c'est une très bonne description du film, (les scandales financiers actuels reposent sur une structure du capital qui n'est pas fondamentalement neuve et renvoie aussi à la belle époque: le scandale des Emprunts Russes c'était la tentative de créer une bulle spéculative d'une situation politique dégradée comparable aux emprunts d'état et les achats de dette actuels). Je pense que de Oliveira montre le monde moderne , qui pour lui implique une opposition entre progrès et nationalisme sans savoir que point de vue adopter (si je me souviens bien dans "l'Etrange Affaire Anjelica", la seule cliente qui a un rapport confiant envers le futur de l'auberge est brésilienne, mais doit repartir sans voir pu construire un pont suite à la crise économique).


Dernière édition par Tony le Mort le Mer 20 Juil 2011 - 23:16, édité 1 fois

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Message par Borges Mer 20 Juil 2011 - 18:39

vu le film; pendant les premières minutes, je me suis dit que c'était le film de l'année; je ne sais pas à quel moment j'ai perdu contact avec ce sentiment; c'est magnifique, mais je me pose des questions sur les souffrances, le martyr que le film impose au photographe juif, espèce de kafka-spinoza kabbaliste ou personnage de isaac b singer (c'est d'ailleurs isaac son prénom; ce qui n'est pas indifférent) ; à sa mort, la propriétaire de la pension pose une croix sur son corps.




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Message par Invité Mer 20 Juil 2011 - 23:05

C'est parce que de Oliveira est un gros connard d'anarchiste bourgeois sénile, antisémite, et post-salazariste, qui sous couvert d’inspiration bunuellienne révèle dans son ultime film son vrai visage de redoutable fourier de l'Opus Dei. Et en plus il est nationaliste.
J'ai bon?

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