Le village des damnés - Wolf Rilla 1960
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Le village des damnés - Wolf Rilla 1960
Lorsque Le Ruban blanc est sorti, on parlait pas mal du Village des damnés comme l'une de ses possibles influences, et je croyais qu'il s'agissait du film de Carpenter de 1995. Je ne connaissais pas le film original de 1960, et je l'ai vu il n'y a pas très longtemps. C'est vraiment pas mal du tout. Une vraie petite forme, dans laquelle tout ce qui est monstrueux est vu par ses conséquences, où la science-fiction se résume à une "coloration" étrange des yeux des enfants, et en noir et blanc, ça donne juste du blanc. Mais, tout en simplicité, l'angoisse est très forte.
Le contexte de la Guerre Froide qui organise tout le film fait sourire. La menace inconnue envahissante, c'est évidemment le communisme, la lecture est simple.
Qu'en dire par rapport au Ruban blanc justement ? Est-ce que dans quelques dizaines d'années les gens qui verront Le Ruban blanc sauront aussi sûrement déduire du contexte de la sortie du film une lecture toute simple ? On parlait du mal à la sortie du film. C'était, pour tout le monde, les origines du nazisme, même si cela ne m'a jamais semblé évident.
En tous cas, dans le Village de damnés, tout est beaucoup plus simple pour tout le monde : les Russes bombardent leur village des damnés et tuent tout le monde, les Anglais préfèrent la solution du sacrifice d'un seul, ce qui tue aussi tous les enfants. Chez Haneke, on ne sait pas, personne ne peut rien contre un "mal" indéfinissable. Et si l'idée est en effet de montrer le terreau sur lequel s'est développé le nazisme, est-ce qu'alors Le Ruban blanc voudrait dire que lorsqu'on laisse le mal ainsi impuni, cela entraîne le nazisme ? Finalement ça reviendrait à dire la même chose que Le Village des damnés, qu'il faut détruire le mal avant qu'il détruise.
Tout ça, évidemment, avec une idée du "mal" qui est toujours acceptée comme telle...
Le contexte de la Guerre Froide qui organise tout le film fait sourire. La menace inconnue envahissante, c'est évidemment le communisme, la lecture est simple.
Qu'en dire par rapport au Ruban blanc justement ? Est-ce que dans quelques dizaines d'années les gens qui verront Le Ruban blanc sauront aussi sûrement déduire du contexte de la sortie du film une lecture toute simple ? On parlait du mal à la sortie du film. C'était, pour tout le monde, les origines du nazisme, même si cela ne m'a jamais semblé évident.
En tous cas, dans le Village de damnés, tout est beaucoup plus simple pour tout le monde : les Russes bombardent leur village des damnés et tuent tout le monde, les Anglais préfèrent la solution du sacrifice d'un seul, ce qui tue aussi tous les enfants. Chez Haneke, on ne sait pas, personne ne peut rien contre un "mal" indéfinissable. Et si l'idée est en effet de montrer le terreau sur lequel s'est développé le nazisme, est-ce qu'alors Le Ruban blanc voudrait dire que lorsqu'on laisse le mal ainsi impuni, cela entraîne le nazisme ? Finalement ça reviendrait à dire la même chose que Le Village des damnés, qu'il faut détruire le mal avant qu'il détruise.
Tout ça, évidemment, avec une idée du "mal" qui est toujours acceptée comme telle...
adeline- Messages : 3000
Re: Le village des damnés - Wolf Rilla 1960
salut,
j'ai vu ni l'un ni l'autre des films mais cette problématique me rappelle un peu celle d'Apocalypse Now. L'opposition entre le colonel Kurtz et Willard, la quête de l'origine du Mal. On retrouve d'ailleurs chez Coppola cet antagonisme intérieur entre le sacrifice d'un seul et la "manière forte", entre la destruction de Kurtz par Willard à la machette et un lâché de bombe atomique (fin alternative non retenue par le cinéaste). Et on retrouve bien sûr tout ça très fort dans "Youth without youth", film que j'ai revu récemment et qui m'a beaucoup plus passionné que la première fois (fourre-tout, foutoirique, il y a visiblement trop de choses dont Coppola voulait ici nous causer mais le geste est beau et d'une grande générosité) comme espèce de synthèse énorme du siècle passé, à travers le dilemme intérieur de Dominic. Il est pris, à propos de son cas extraordinaire, entre son humanisme (disons hérité des Lumières) et son double "diabolique" qui prône l'idée du nouvel homme qui a traversée le XXème comme le rappelle Badiou (je sais pas si on peut parler de "moi", de "ça", je suis pas sûr que l'approche de Coppola soit vraiment psychanalytique?) et ce n'est pas un hasard si le dilemme sur la bombe atomique revient frapper en fin de film. Mais tout ça est bien foutu, ça relation avec son double est bel et bien dialectique. Willard c'est une sorte d'ancêtre de la frappe militaire chirurgicale, mais dont le geste barbare coïncide avec la barbarie du résultat. L'expérience du Mal (via la remontée du fleuve) est vécue sur le terrain par Willard là où aujourd'hui un mec avec un bouton derrière un ordinateur envoie une bombe sur tel ennemi public ou tel autre avec un drône ou à partir d'un porte-avion. On avait pas mal discuté de ça sur le forum des CDC fut un temps, avec Borges et IQI notamment... bref.
Bon, mais là c'est pas vraiment la question (et sa réponse pessimiste, car tu as raison de souligner qu'on part bien souvent de la réponse mais qu'on se pose souvent même pas la question de la question, ceci dit d'autres y ont déjà réfléchis et plutôt bien) de savoir si on peut vraiment éradiquer le Mal qui est posée, ou alors d'un "Mal" moins linéaire, moins en ligne droite, plus en forme de colimaçon, de spirale. Dans les films récents, avec apparemment le Haneke, il y aurait Mystic River bien sûr, le dernier Carpenter même si il a toujours plus ou moins dit la même chose depuis le début, "No country for old men", aussi, qui évoqueraient la prolifération du Mal. Je crois que la place de ce type de discours dans l'aujourd'hui est quand même soulignée assez souvent et est assez claire étant donné la rhétorique (très connoté religieusement) prenant appui sur le Mal utilisée pour soutenir quelques guerres les plus récentes (d'un côté comme de l'autre).
j'ai vu ni l'un ni l'autre des films mais cette problématique me rappelle un peu celle d'Apocalypse Now. L'opposition entre le colonel Kurtz et Willard, la quête de l'origine du Mal. On retrouve d'ailleurs chez Coppola cet antagonisme intérieur entre le sacrifice d'un seul et la "manière forte", entre la destruction de Kurtz par Willard à la machette et un lâché de bombe atomique (fin alternative non retenue par le cinéaste). Et on retrouve bien sûr tout ça très fort dans "Youth without youth", film que j'ai revu récemment et qui m'a beaucoup plus passionné que la première fois (fourre-tout, foutoirique, il y a visiblement trop de choses dont Coppola voulait ici nous causer mais le geste est beau et d'une grande générosité) comme espèce de synthèse énorme du siècle passé, à travers le dilemme intérieur de Dominic. Il est pris, à propos de son cas extraordinaire, entre son humanisme (disons hérité des Lumières) et son double "diabolique" qui prône l'idée du nouvel homme qui a traversée le XXème comme le rappelle Badiou (je sais pas si on peut parler de "moi", de "ça", je suis pas sûr que l'approche de Coppola soit vraiment psychanalytique?) et ce n'est pas un hasard si le dilemme sur la bombe atomique revient frapper en fin de film. Mais tout ça est bien foutu, ça relation avec son double est bel et bien dialectique. Willard c'est une sorte d'ancêtre de la frappe militaire chirurgicale, mais dont le geste barbare coïncide avec la barbarie du résultat. L'expérience du Mal (via la remontée du fleuve) est vécue sur le terrain par Willard là où aujourd'hui un mec avec un bouton derrière un ordinateur envoie une bombe sur tel ennemi public ou tel autre avec un drône ou à partir d'un porte-avion. On avait pas mal discuté de ça sur le forum des CDC fut un temps, avec Borges et IQI notamment... bref.
Bon, mais là c'est pas vraiment la question (et sa réponse pessimiste, car tu as raison de souligner qu'on part bien souvent de la réponse mais qu'on se pose souvent même pas la question de la question, ceci dit d'autres y ont déjà réfléchis et plutôt bien) de savoir si on peut vraiment éradiquer le Mal qui est posée, ou alors d'un "Mal" moins linéaire, moins en ligne droite, plus en forme de colimaçon, de spirale. Dans les films récents, avec apparemment le Haneke, il y aurait Mystic River bien sûr, le dernier Carpenter même si il a toujours plus ou moins dit la même chose depuis le début, "No country for old men", aussi, qui évoqueraient la prolifération du Mal. Je crois que la place de ce type de discours dans l'aujourd'hui est quand même soulignée assez souvent et est assez claire étant donné la rhétorique (très connoté religieusement) prenant appui sur le Mal utilisée pour soutenir quelques guerres les plus récentes (d'un côté comme de l'autre).
Invité- Invité
Re: Le village des damnés - Wolf Rilla 1960
la psy, certainement; mais plutôt du côté de Jung, et du Freud de "Totem et tabou", du sacrifice originaire, du "roi sacré"; Il faut rappeler que c'est le bouquin de Frazer, "le rameau d'or" qui sert de fondement théorique et anthropologique à "apocalypse now" (livre qui a aussi marqué freud, dans sa recherche des origines de la société, de la morale...); on peut voir le livre de Frazer dans l'un des plans du film, c'est une des lectures du colonel K; dans "Youth without youth", on trouve un autre "historien des religions", M Eliade; Eliade et Frazer sont assez "fascistes", dans le sens fort du mot; chez C, il y a cette attraction pour le côté "mythofasciste" des choses...l'ombre, etc.
haneke, c'est plutôt une "déconstruction" de la religion, du mythe, même si reste chez lui présent ce mythe du "Mal"...
haneke, c'est plutôt une "déconstruction" de la religion, du mythe, même si reste chez lui présent ce mythe du "Mal"...
Borges- Messages : 6044
Re: Le village des damnés - Wolf Rilla 1960
adeline a écrit:
En tous cas, dans le Village de damnés, tout est beaucoup plus simple pour tout le monde : les Russes bombardent leur village des damnés et tuent tout le monde, les Anglais préfèrent la solution du sacrifice d'un seul, ce qui tue aussi tous les enfants.
C'est maintenant la solution américaine; on se souvient, du côté des enfants
-Lesley Stahl on U.S. sanctions against Iraq: We have heard that a half million children have died. I mean, that's more children than died in Hiroshima. And, you know, is the price worth it?
-Secretary of State Madeleine Albright: I think this is a very hard choice, but the price--we think the price is worth it.
--60 Minutes (5/12/96)
Borges- Messages : 6044
Re: Le village des damnés - Wolf Rilla 1960
Je repense à ce rapprochement avec Apocalypse Now (je n'ai pas vu Youth without youth). Je ne connaissais pas l'existence de cette fin alternative d'ailleurs.
En fait, je disais que la menace représentée par les enfants dans le Village des damnés était en fait le communisme, mais c'était peut-être un peu rapide. Parce que les Soviétiques aussi sont confrontés à une colonies de ces enfants, comme l'Australie, et ailleurs encore sur Terre. Quelle serait alors cette menace ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle est totalement extérieure. C'est vraiment la communauté (le village pour la Terre) en danger. Est-ce que ça serait les Nazis ? Ça me semblerait étranger.
Dans Apocalypse Now, la menace est intérieure, en nous. Elle est à l'origine de l'homme. Ce n'est pas la même menace, ou le même mal.
Chez Haneke, le mal vient de la trop grande volonté de pureté, le mal vient de la volonté même de bien. C'est encore autre chose, même si là aussi il est question d'une communauté mise en danger. Chez Haneke, on ne peut pas se débarrasser de ce mal, ou de cette menace.
En fait, je disais que la menace représentée par les enfants dans le Village des damnés était en fait le communisme, mais c'était peut-être un peu rapide. Parce que les Soviétiques aussi sont confrontés à une colonies de ces enfants, comme l'Australie, et ailleurs encore sur Terre. Quelle serait alors cette menace ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle est totalement extérieure. C'est vraiment la communauté (le village pour la Terre) en danger. Est-ce que ça serait les Nazis ? Ça me semblerait étranger.
Dans Apocalypse Now, la menace est intérieure, en nous. Elle est à l'origine de l'homme. Ce n'est pas la même menace, ou le même mal.
Chez Haneke, le mal vient de la trop grande volonté de pureté, le mal vient de la volonté même de bien. C'est encore autre chose, même si là aussi il est question d'une communauté mise en danger. Chez Haneke, on ne peut pas se débarrasser de ce mal, ou de cette menace.
adeline- Messages : 3000
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