La Servante (Kim Ki-young - 1960)
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
La Servante de Kim Ki-young (1960).
Bien, irracontable (j'ai mis 40 minutes pour raconter l'histoire oralement). Un film à la fois marxiste et féministe à la Oshima, et complètement gore et misogyne en même temps (la vérité sur les rapports de classe verse dans la terreur et la phobie du sexe avant d'être un rêve). "Rosemary Baby" et "le Locataire" me semblent avoir un peu copié le film (escalier très polanskien). Bonne mise en scène efficace, pas datée.
Bien, irracontable (j'ai mis 40 minutes pour raconter l'histoire oralement). Un film à la fois marxiste et féministe à la Oshima, et complètement gore et misogyne en même temps (la vérité sur les rapports de classe verse dans la terreur et la phobie du sexe avant d'être un rêve). "Rosemary Baby" et "le Locataire" me semblent avoir un peu copié le film (escalier très polanskien). Bonne mise en scène efficace, pas datée.
Dernière édition par Tony le Mort le Mar 18 Sep 2012 - 16:36, édité 3 fois
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
C'est un peu comme "l'Empire des Sens" qui aurait été filmé par le Fritz Lang de la période américaine.
Pas sûr que le film soit vraiment misogyne mais lle fait de prendre au pied de la lettre la fin édifiante et morale, sans doute plaquée pour faire passer au public et à la censure un film qui allait loin, implique aussi cette misogynie. On n'en sort qu'en s'identifiant aux personnages, à ce que leur comportement a de passif et suicidaire. Piège à tous les niveaux.
Pas sûr que le film soit vraiment misogyne mais lle fait de prendre au pied de la lettre la fin édifiante et morale, sans doute plaquée pour faire passer au public et à la censure un film qui allait loin, implique aussi cette misogynie. On n'en sort qu'en s'identifiant aux personnages, à ce que leur comportement a de passif et suicidaire. Piège à tous les niveaux.
Dernière édition par Tony le Mort le Mar 18 Sep 2012 - 16:34, édité 4 fois
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
C'est aussi la matrice des films de terreur édifiants à la Hanneke sauf que chez Hanneke, toutes les situations sont les symbole d'une démission ou culpabilité métaphysique ou sociologique plus profonde que les personnages eux-mêmes.
Ici tout est littéral, les personnages énoncent eux-même la vérité au début: "on a acheté une maison trop grande, une télé qui sert à rien, et en plus on a humilié la servante, mais si on arrête, on va passer pour des cons, car la seule personne à qui ont peut avouer notre culpabilité est la société elle-même. La servante non, elle nous hait, donc on continue et on regarde ce qui va se passer". Leur mort et leur passivité, leur cynisme est en dessous d'eux-même. Ce n'est pas un point de vue sur le centre de la vie perdu irrémédiablement, mais sur la décision en train d'être prise de le perdre.
Film lucide: les victimes de l'aliénation induite par le consumérisme et la sélection économique en fonction de la classe sociale ne demandent à personne de reconnaître cette aliénation , car ils sont ce qu'étaient aussi leur bourreaux à l'origine.
La schize rend la reconnaissance inutile (même la bourgeoisie a une idée de la perte et de l'enfer qui devance son pouvoir).
Mais c'est peut-être une idée fausse justement (elle n'est valable qu'à l'intérieure de chaque classe sociale).
Ici tout est littéral, les personnages énoncent eux-même la vérité au début: "on a acheté une maison trop grande, une télé qui sert à rien, et en plus on a humilié la servante, mais si on arrête, on va passer pour des cons, car la seule personne à qui ont peut avouer notre culpabilité est la société elle-même. La servante non, elle nous hait, donc on continue et on regarde ce qui va se passer". Leur mort et leur passivité, leur cynisme est en dessous d'eux-même. Ce n'est pas un point de vue sur le centre de la vie perdu irrémédiablement, mais sur la décision en train d'être prise de le perdre.
Film lucide: les victimes de l'aliénation induite par le consumérisme et la sélection économique en fonction de la classe sociale ne demandent à personne de reconnaître cette aliénation , car ils sont ce qu'étaient aussi leur bourreaux à l'origine.
La schize rend la reconnaissance inutile (même la bourgeoisie a une idée de la perte et de l'enfer qui devance son pouvoir).
Mais c'est peut-être une idée fausse justement (elle n'est valable qu'à l'intérieure de chaque classe sociale).
Dernière édition par Tony le Mort le Mar 18 Sep 2012 - 16:21, édité 4 fois
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Les Torture Movies proviennent de Strindberg et Ibsen.
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Ce sont tous des films et des pièces où il n'y pas de rapports sexuels, déjà ou à nouveau.
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Beaucoup aimé La Servante. Cette scène torride où elle rentre mouillée...
La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Les scènes avec les enfants m'ont plus retenu (la fille a la polio: le fait de s'installer dans une maison moderne représente un vrai enjeu si on prend sa maladie au sérieux, contrairement à ce que dit le père) et lorsque le pianiste demande à son élève de se sauver (elle qui a déclenché l'enfer: elle surpaye la servante, sans doute pour faire exploser le couple légitime) .
Le pianiste bien avachi (et monstrueux) se retrouve coincé entre 4 femmes dont une seule d'entre elles suffirait à l'envoyer en enfer (un regard un peu fassbindérien passe parfois dans le film).
C'est avec "Trouble Everyday" une des rares scènes de viol masculin que j'ai vue au cinéma.
La scène avec la pluie est vraiment rapide, elle franchit la fenêtre hors champs, c'est là qu'on voit que c'est un très bon cinéaste.
Le pianiste bien avachi (et monstrueux) se retrouve coincé entre 4 femmes dont une seule d'entre elles suffirait à l'envoyer en enfer (un regard un peu fassbindérien passe parfois dans le film).
C'est avec "Trouble Everyday" une des rares scènes de viol masculin que j'ai vue au cinéma.
La scène avec la pluie est vraiment rapide, elle franchit la fenêtre hors champs, c'est là qu'on voit que c'est un très bon cinéaste.
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
La description de l'usine au tout début est aussi très forte. La première scène semble tournée dans une vraie usine.
Un univers étrange, à cheval entre le lycée et l'usine, où le paternalisme de l'entreprise (offrir la culture aux ouvrières) les maintient (ainsi que le prof) dans l'infantilisme sexuel. Je ne sais pas dans quelle mesure cela correspond à la réalité du travail dans la société coréenne.
Très belle séquence sur la fille qui se suicide, simplement exclue trois jours, elle décide de mentir et présente son renvoi comme définitif (elle récuse sans doute aussi l'humanisme du discours de la surveillante au moyen du théâtre de la coquetterie). Mais ce mensonge et cette fuite sont immédiats. Un livre ne pourrait pas restituer cette rapidité.
Deux points de rencontres et d'écarts avec le situationnisme:
Le situationnisme veut montrer que nous sommes les contemporains de l'instauration de la société de classe, pour préserver une chance de l'abattre, et que cette société de classe devient ensuite un spectacle statique qui s'auto-entretient.
Ici non: l'usine est une étape dans un processus logique dans lequel la chance n'intervient plus, et où la famille devient elle-même un spectacle pour la société. Il y a du spectacle dans et pour le spectacle, ce qui sépare la description de l’aliénation de la description de sa genèse. Tout est exprimé soit en terme d'ordre, soit en terme psychologique. A la fin le père annonce qu'il va refouler le fait que la bonne est surmenée: après tout c'est dans l'ordre. Pour que le refoulement s'opère, il fallait que que même au sein de l'aliénation, la mort de tous reste un rêve ou bien un fantasme.
"L'argent est le plus annihilant de tous les signifiants". Le film pose de l'intérieur de la famille une autre question: "et si ce signifiant ultime était la mort plutôt que l'argent?". Cela traverse tous le cinéma de l'après-1930. Comment en effet pourrions nous supporter Peckinpah et Hitchcock sans cela?
Le film fait penser à du Chabrol, plutôt qu'à Fassbinder en fait...
Un univers étrange, à cheval entre le lycée et l'usine, où le paternalisme de l'entreprise (offrir la culture aux ouvrières) les maintient (ainsi que le prof) dans l'infantilisme sexuel. Je ne sais pas dans quelle mesure cela correspond à la réalité du travail dans la société coréenne.
Très belle séquence sur la fille qui se suicide, simplement exclue trois jours, elle décide de mentir et présente son renvoi comme définitif (elle récuse sans doute aussi l'humanisme du discours de la surveillante au moyen du théâtre de la coquetterie). Mais ce mensonge et cette fuite sont immédiats. Un livre ne pourrait pas restituer cette rapidité.
Deux points de rencontres et d'écarts avec le situationnisme:
Le situationnisme veut montrer que nous sommes les contemporains de l'instauration de la société de classe, pour préserver une chance de l'abattre, et que cette société de classe devient ensuite un spectacle statique qui s'auto-entretient.
Ici non: l'usine est une étape dans un processus logique dans lequel la chance n'intervient plus, et où la famille devient elle-même un spectacle pour la société. Il y a du spectacle dans et pour le spectacle, ce qui sépare la description de l’aliénation de la description de sa genèse. Tout est exprimé soit en terme d'ordre, soit en terme psychologique. A la fin le père annonce qu'il va refouler le fait que la bonne est surmenée: après tout c'est dans l'ordre. Pour que le refoulement s'opère, il fallait que que même au sein de l'aliénation, la mort de tous reste un rêve ou bien un fantasme.
"L'argent est le plus annihilant de tous les signifiants". Le film pose de l'intérieur de la famille une autre question: "et si ce signifiant ultime était la mort plutôt que l'argent?". Cela traverse tous le cinéma de l'après-1930. Comment en effet pourrions nous supporter Peckinpah et Hitchcock sans cela?
Le film fait penser à du Chabrol, plutôt qu'à Fassbinder en fait...
Dernière édition par Tony le Mort le Jeu 20 Sep 2012 - 10:34, édité 2 fois
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
C'est horrible: la mort est aussi un signifiant. Avant l'invention du cinéma, et surtout de son retour dans le linéaire et le romanesque (via le passage au parlant, analysé par Fondane et Daney, à travers ce que le cinéma russe a perdu à ce moment-là) il n'en allait peut-être pas ainsi (à part dans le récit religieux).
Quand on pense à un disparu réel, on pense souvent en terme de montage et de flashback, de projection sur un écran. Rarement en terme de toucher, de manque éprouvé envers la consistance du corps. Tout ce qui est physique est de l'ordre du signe qui rappelle un récit où se tient encore la personne vivante. La mémoire est organisée comme Citizen Kane, comme Proust.
"La Servante" déconstruit un peu cela, à travers les incohérences du récit (et l'extrême cohérence de l'ordre social qui le supporte, dans lequel le deuil devient l'objet d'un aveu).
Quand on pense à un disparu réel, on pense souvent en terme de montage et de flashback, de projection sur un écran. Rarement en terme de toucher, de manque éprouvé envers la consistance du corps. Tout ce qui est physique est de l'ordre du signe qui rappelle un récit où se tient encore la personne vivante. La mémoire est organisée comme Citizen Kane, comme Proust.
"La Servante" déconstruit un peu cela, à travers les incohérences du récit (et l'extrême cohérence de l'ordre social qui le supporte, dans lequel le deuil devient l'objet d'un aveu).
Dernière édition par Tony le Mort le Mer 19 Sep 2012 - 16:53, édité 1 fois
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Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Il y a déjà un côté "Peter Watkins" dans "la Marseillaise" de Renoir (un reportage sur la prise des Tuileries, avec des sans-culottes, garde nationaux et rois du passé qui voient la caméra sans lui parler).
Mais la Servante est l'inverse de Peter Watkins et Renoir, c'est le présent qui ne décèle plus le regard continument porté sur lui. Au départ un espace hyper-contemporain, organisé, où tout le monde est capable d'énoncer l'aliénation en cours, ses causes socio-économique. A la fin une clôture, un univers mental et irréel, une histoire d'appartement, de fœtus effrayant, mais dont la perte est quand-même un arrachement.
Mais la Servante est l'inverse de Peter Watkins et Renoir, c'est le présent qui ne décèle plus le regard continument porté sur lui. Au départ un espace hyper-contemporain, organisé, où tout le monde est capable d'énoncer l'aliénation en cours, ses causes socio-économique. A la fin une clôture, un univers mental et irréel, une histoire d'appartement, de fœtus effrayant, mais dont la perte est quand-même un arrachement.
Dernière édition par Tony le Mort le Mer 19 Sep 2012 - 17:29, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
D'ailleurs "la Marseillaise" et la 'Servante", se terminent toutes deux par une diégèse faite depuis l’intérieur du récit, par un personnage qui en délivre la leçon morale.
Dans les deux cas cette leçon morale contredit le récit:
-dans la Marseillaise: Valmy s'annonce comme une défaite, les soldats ont peur et sont démoralisés, les généraux sont des nobles et vont rejoindre les Autrichiens. Mais ayons confiance: ce sera une victoire et le début d'une nouvelle ère.
-dans la Servante: la servante pourrait dans la réalité se venger et tuer les enfants. Mais il suffit de postuler que toutes les femmes sont des salopes pour neutraliser la portée de cette vengeance.
D'ailleurs les titres s'emboitent et se réfutent: "la Marseillaise/la Servante": chacun est la continuité et la neutralisation de l'autre. On fait des révolutions pour qu'il n'y ait plus de servantes, mais les servantes sont l'échec de la révolution: elles sont sceptiques lorsqu’elles se vengent.
Dans les deux cas cette leçon morale contredit le récit:
-dans la Marseillaise: Valmy s'annonce comme une défaite, les soldats ont peur et sont démoralisés, les généraux sont des nobles et vont rejoindre les Autrichiens. Mais ayons confiance: ce sera une victoire et le début d'une nouvelle ère.
-dans la Servante: la servante pourrait dans la réalité se venger et tuer les enfants. Mais il suffit de postuler que toutes les femmes sont des salopes pour neutraliser la portée de cette vengeance.
D'ailleurs les titres s'emboitent et se réfutent: "la Marseillaise/la Servante": chacun est la continuité et la neutralisation de l'autre. On fait des révolutions pour qu'il n'y ait plus de servantes, mais les servantes sont l'échec de la révolution: elles sont sceptiques lorsqu’elles se vengent.
Invité- Invité
Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
J'ai vu le film il y a quelques temps et je retrouve un peu dans tout ce que tu en dis ce qui fait le film. Mais c'est un film dont je serai incapable de dire ce que je pense.
J'ai trouvé que c'était du grand n'importe quoi du début à la fin, et en même temps pas dénué d'intérêt. Complètement idiot psychologiquement, sans aucune cohérence, avec des lourdeurs de camion, une mise en scène à la truelle, et pourtant très riche et brassant une multitude de thèmes. L'histoire est inracontable, tu as raison Tony, car le scénario est complètement débile. On aurait pu en faire dix films tenus. Ça a donné un film pas tenu du tout. Cette leçon morale de la fin, scène qui ouvre et clôt le film, c'est vraiment la cerise sur le gâteau du grand n'importe quoi.
En sortant, je me suis même dit que Carlotta (le distributeur éditeur) arrivait à faire passer des citrouilles pour des lanternes. Vendre la restauration de ce film (copie restaurée dont deux bobines sur neuf sont des bobines d'exploitation : la moitié de l'image était recouverte d'un sous-titre anglais. Imaginez la restauration : l'image, reconstituée pour moitié, bouge comme si un serpent se trémoussait dessous…) comme la restitution d'un classique du cinéma mondial à l'échelle d'un Renoir, d'un Rossellini ou que sais-je, à mes yeux c'est du mensonge.
Ça n'enlève pas au film son intérêt, et certaines choses très réussies. Le personnage de la servante dans son côté fou et menaçant est très fort (pas du tout dans celui de la pauvre servante engrossée qui mendie l'amour du père de son enfant, d'autant que le retournement est complètement incongru). La vie du couple et les soucis financiers : le père est un professeur de musique dans une usine pour femmes qui offre à ses employées des cours pour se délasser après le boulot, sport ou musique au choix. Cours de musique d'ailleurs complètement irréalistes, où les ouvrières chantent comme si elles étaient un chœurs religieux. Ça ne permet pas à la famille de vivre, mais si le père perdait son emploi ça serait quand même un drame. La mère est couturière au foyer, se tue à la tâche et paye elle-même la nouvelle maison à escaliers. La présence de la "société" en hors champ aurait pu être réussie, mais je n'ai jamais réellement senti le "danger" qu'elle représente, et j'ai plutôt trouvé idiot cet enfermement sur la cellule familiale forcée de supporter le monstre.
Mais franchement, le scénario est immensément saugrenu et irréaliste, ce qui ne serait pas un problème s'il était autre chose, fantastique, poétique, comique, ou je ne sais quoi, mais il n'est rien de tout ça, il hésite entre la peinture de mœurs, le film d'angoisse psychologique et la chronique familiale, et à mes yeux la richesse des thèmes et l'énergie (utilisée à mauvaise escient) de la mise en scène n'arrivent pas à le sauver.
J'ai trouvé que c'était du grand n'importe quoi du début à la fin, et en même temps pas dénué d'intérêt. Complètement idiot psychologiquement, sans aucune cohérence, avec des lourdeurs de camion, une mise en scène à la truelle, et pourtant très riche et brassant une multitude de thèmes. L'histoire est inracontable, tu as raison Tony, car le scénario est complètement débile. On aurait pu en faire dix films tenus. Ça a donné un film pas tenu du tout. Cette leçon morale de la fin, scène qui ouvre et clôt le film, c'est vraiment la cerise sur le gâteau du grand n'importe quoi.
En sortant, je me suis même dit que Carlotta (le distributeur éditeur) arrivait à faire passer des citrouilles pour des lanternes. Vendre la restauration de ce film (copie restaurée dont deux bobines sur neuf sont des bobines d'exploitation : la moitié de l'image était recouverte d'un sous-titre anglais. Imaginez la restauration : l'image, reconstituée pour moitié, bouge comme si un serpent se trémoussait dessous…) comme la restitution d'un classique du cinéma mondial à l'échelle d'un Renoir, d'un Rossellini ou que sais-je, à mes yeux c'est du mensonge.
Ça n'enlève pas au film son intérêt, et certaines choses très réussies. Le personnage de la servante dans son côté fou et menaçant est très fort (pas du tout dans celui de la pauvre servante engrossée qui mendie l'amour du père de son enfant, d'autant que le retournement est complètement incongru). La vie du couple et les soucis financiers : le père est un professeur de musique dans une usine pour femmes qui offre à ses employées des cours pour se délasser après le boulot, sport ou musique au choix. Cours de musique d'ailleurs complètement irréalistes, où les ouvrières chantent comme si elles étaient un chœurs religieux. Ça ne permet pas à la famille de vivre, mais si le père perdait son emploi ça serait quand même un drame. La mère est couturière au foyer, se tue à la tâche et paye elle-même la nouvelle maison à escaliers. La présence de la "société" en hors champ aurait pu être réussie, mais je n'ai jamais réellement senti le "danger" qu'elle représente, et j'ai plutôt trouvé idiot cet enfermement sur la cellule familiale forcée de supporter le monstre.
Mais franchement, le scénario est immensément saugrenu et irréaliste, ce qui ne serait pas un problème s'il était autre chose, fantastique, poétique, comique, ou je ne sais quoi, mais il n'est rien de tout ça, il hésite entre la peinture de mœurs, le film d'angoisse psychologique et la chronique familiale, et à mes yeux la richesse des thèmes et l'énergie (utilisée à mauvaise escient) de la mise en scène n'arrivent pas à le sauver.
adeline- Messages : 3000
Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Je te trouve sévère. C'est vrai que les personnages existent moins que dans les premiers Oshima qui il me semblent sont portés par une sensibilité comparable, mais j'ai bien aimé.
Je crois qu'il faut plus le voir come une fable à la Brecht "hardboiled", qui expose les contradictions de chacun sans résolution possible (vu qu'au début de l'intrigue tout le monde a déjà conscience des ces contradictions, c'est l'abandon à la séduction sexuelle dont chacun espère à tort que celui qui en fait l'objet devienne une entrave et un garde-fou qui va tout faire pêter) , que pour la crédibilité de son scénario.
C'est vrai que les scènes de cours de musique sont irréalistes, l'école-usine est bizarre, sans topologie crédible,filmée à la limite d'un décors expressionniste, mais en même temps tout me rappelait les cours de musique réel auquel j'ai assisté, ainsi que la réalité psychologique du lycée (immaturité sexuelle réelle est aussi une convention qui délimite précisément la place de l'adulte, en en extrayant la vie privée) ,plus qu'un film réaliste ne l'aurait fait.
La fin "édifiante" m'a déçue, mais j'ai l'impression qu'elle est liée au contexte politique de la Corée de l'époque (le film a été fait dans un court intervalle "libéral" entre la dictature de Syngmann Rhee et celle de Park Chung-hee, une révolution centriste mort-née,portée par à l'issue de laquelle Yun Po-sun a pris le pouvoir dans un intervale démocratique et parlementaire avant d'être renversé.
Elle est à la fois édifiante, conforme au risque d'une censure ne voulant pas d'un film ouvert, et d'une telle misogynie qu'elle ne peut être qu'une farce sans valeur propre.
Je crois qu'il faut plus le voir come une fable à la Brecht "hardboiled", qui expose les contradictions de chacun sans résolution possible (vu qu'au début de l'intrigue tout le monde a déjà conscience des ces contradictions, c'est l'abandon à la séduction sexuelle dont chacun espère à tort que celui qui en fait l'objet devienne une entrave et un garde-fou qui va tout faire pêter) , que pour la crédibilité de son scénario.
C'est vrai que les scènes de cours de musique sont irréalistes, l'école-usine est bizarre, sans topologie crédible,filmée à la limite d'un décors expressionniste, mais en même temps tout me rappelait les cours de musique réel auquel j'ai assisté, ainsi que la réalité psychologique du lycée (immaturité sexuelle réelle est aussi une convention qui délimite précisément la place de l'adulte, en en extrayant la vie privée) ,plus qu'un film réaliste ne l'aurait fait.
La fin "édifiante" m'a déçue, mais j'ai l'impression qu'elle est liée au contexte politique de la Corée de l'époque (le film a été fait dans un court intervalle "libéral" entre la dictature de Syngmann Rhee et celle de Park Chung-hee, une révolution centriste mort-née,
Elle est à la fois édifiante, conforme au risque d'une censure ne voulant pas d'un film ouvert, et d'une telle misogynie qu'elle ne peut être qu'une farce sans valeur propre.
Dernière édition par Tony le Mort le Mar 2 Oct 2012 - 18:49, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
adeline a écrit: ce qui ne serait pas un problème s'il était autre chose, fantastique, poétique
bizarrement c'est majoritairement ce que j'en ait perçu. sinon ce que tu en dit, me fait penser à ce que j'entends souvent dire du cinéma de "genre asiatique", une tendance à ne pas s'enfermer dans un genre justement, au risque de paraitre grotesque. J'ai vraiment un beau souvenir de ce film.
Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Oui, fantastique un peu dans le sens ou Répulsion et le Locataire ou le Couteau dans l'Eau sont fantastique.
Je me demande si Polanski l'a vu tiens...
Je me demande si Polanski l'a vu tiens...
Invité- Invité
Re: La Servante (Kim Ki-young - 1960)
Kim Ki-Young a réalisé deux remakes de ce film matrice en poussant un peu plus loin ses expérimentations plastiques. La Femme insecte, 1972, aux couleurs psychédéliques et aux angles complexes voire improbables. Woman on fire, 1982 où le domicile conjugal devient un espace de bifurcation cauchemardesque, avec cet immense élevage de poulets en batterie qui jouxte la maison et l'expressionnisme sonore baroque : par exemple le bruit d'une dizaine de pendule qui saturent le son.
Ces films reposent sur une tension sexuelle qui explose souvent en des finales au tragique absurde
Ces films reposent sur une tension sexuelle qui explose souvent en des finales au tragique absurde
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