Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
5 participants
Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
tout se passe sur ce forum comme si la peinture n'existait pas, c'est tout de même hallucinant sur le forum des spectres du cinéma...
Borges- Messages : 6044
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
lol
Quand Largo a ouvert sa chambre claire, j'avais pensé ouvrir un topictural, et ce qui m'a retenu, c'est que je ne lui trouvais pas un super titre.
Je me souviens très bien. J'avais eu envie de parler d'Eugène Leroy.
Eugène Leroy, c'est un peintre qui n'aimait pas Vermeer. Il aimait Corot et surtout Rembrandt. Dans un de ses entretiens, il raconte que devant "La fiancée juive", il s'était mis à pleurer. Il avait foutu le camp du musée, à vélo, aussi vite qu’il avait pu. Il avait 25 ans.
C’est quelque chose que je peux comprendre. Quand j’ai lu ça, je me suis dit : c’est un peintre pour moi.
Il a peint des trucs illisibles. On n’y voit rien souvent. Des tableaux chargés de couleurs, appliqués au couteau, ou même directement au tube ; rarement au pinceau, et toujours en couches très épaisses. Ce sont des femmes, des arbres, la lumière de novembre. On regarde le titre, puis le tableau, puis le titre. On en croit difficilement ses yeux. Et puis, l’image apparaît, la figure est là, elle monte du fond. Ca ne marche pas toujours, ni pour tous les tableaux. Et même quand ça marche, l’hésitation du début ne se perd jamais tout à fait, les taches qu’on croyait avoir devant les yeux et qui nous empêchaient de voir quoi que ce soit, elles reviennent. Le tableau paraît ne pas tenir, on n’est jamais sûr de tenir tout à fait la figure, de ne pas la voir disparaître dans le fond. Quand elle est là, pourtant, rien de plus solide. Alors on essaie de tenir les deux, l’espèce d’éblouissement du début, et puis l’impression, au sens tactile, qui suit. (Mais bon tout ça, c'est très banal, c'est banalement dit ; on pourrait le dire d'un Cézanne, de pas mal de modernes.)
J’aimerais bien que vous les voyiez, « Emma de Los Angeles », « Marina », « Valentine à Croix ». Mais impossible de les trouver sur Internet, où y en a que pour Vermeer et sa fichue laitière qui vous fait des yaourts au lait entier pour l’éternité.
Je mets celui-ci, « Le long été », qui date de 1991. Et un dessin à la pointe sèche, parce que ça passe mieux sur un écran. A vous de voir.
Quand Largo a ouvert sa chambre claire, j'avais pensé ouvrir un topictural, et ce qui m'a retenu, c'est que je ne lui trouvais pas un super titre.
Je me souviens très bien. J'avais eu envie de parler d'Eugène Leroy.
Eugène Leroy, c'est un peintre qui n'aimait pas Vermeer. Il aimait Corot et surtout Rembrandt. Dans un de ses entretiens, il raconte que devant "La fiancée juive", il s'était mis à pleurer. Il avait foutu le camp du musée, à vélo, aussi vite qu’il avait pu. Il avait 25 ans.
C’est quelque chose que je peux comprendre. Quand j’ai lu ça, je me suis dit : c’est un peintre pour moi.
Il a peint des trucs illisibles. On n’y voit rien souvent. Des tableaux chargés de couleurs, appliqués au couteau, ou même directement au tube ; rarement au pinceau, et toujours en couches très épaisses. Ce sont des femmes, des arbres, la lumière de novembre. On regarde le titre, puis le tableau, puis le titre. On en croit difficilement ses yeux. Et puis, l’image apparaît, la figure est là, elle monte du fond. Ca ne marche pas toujours, ni pour tous les tableaux. Et même quand ça marche, l’hésitation du début ne se perd jamais tout à fait, les taches qu’on croyait avoir devant les yeux et qui nous empêchaient de voir quoi que ce soit, elles reviennent. Le tableau paraît ne pas tenir, on n’est jamais sûr de tenir tout à fait la figure, de ne pas la voir disparaître dans le fond. Quand elle est là, pourtant, rien de plus solide. Alors on essaie de tenir les deux, l’espèce d’éblouissement du début, et puis l’impression, au sens tactile, qui suit. (Mais bon tout ça, c'est très banal, c'est banalement dit ; on pourrait le dire d'un Cézanne, de pas mal de modernes.)
J’aimerais bien que vous les voyiez, « Emma de Los Angeles », « Marina », « Valentine à Croix ». Mais impossible de les trouver sur Internet, où y en a que pour Vermeer et sa fichue laitière qui vous fait des yaourts au lait entier pour l’éternité.
Je mets celui-ci, « Le long été », qui date de 1991. Et un dessin à la pointe sèche, parce que ça passe mieux sur un écran. A vous de voir.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
(Et si vous voulez vraiment que je vous dise,
mon actuel avatar a rendu mondialement célèbre un "Poisson" de Chu Ta.
Et celui d'avant, un "Jaune piquant" de Barcelo.)
mon actuel avatar a rendu mondialement célèbre un "Poisson" de Chu Ta.
Et celui d'avant, un "Jaune piquant" de Barcelo.)
Eyquem- Messages : 3126
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
un beau texte déjà
sans parler des illustrations
sans parler des illustrations
Borges- Messages : 6044
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
Oui, ça donne envie d'en voir plus, j'aime bien ces tableaux où la figure, la représentation ne se donne pas à voir au premier regard. Il faut exercer son oeil sur la toile, creuser, démeler les strates de peintures pour qu'elle surgisse, qu'elle se reconstitue sous nos yeux...
J'avais aussi pensé ouvrir ce topic, comme titre, j'avais L'Atelier (en pensant à tous les arts graphiques) mais j'avais ptet pas la matière pour le lancer...
Dernière expo que j'ai vu et qui m'a beaucoup plus c'était James Ensor et ses masques. Récemment, j'ai fait le parallèle avec le photographe Ralph Eugene Meatyard :
(il faudra mettre une petite série de ses oeuvres dans la chambre claire)
J'avais aussi pensé ouvrir ce topic, comme titre, j'avais L'Atelier (en pensant à tous les arts graphiques) mais j'avais ptet pas la matière pour le lancer...
Dernière expo que j'ai vu et qui m'a beaucoup plus c'était James Ensor et ses masques. Récemment, j'ai fait le parallèle avec le photographe Ralph Eugene Meatyard :
(il faudra mettre une petite série de ses oeuvres dans la chambre claire)
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
Largo a écrit:
J'avais aussi pensé ouvrir ce topic, comme titre, j'avais L'Atelier (en pensant à tous les arts graphiques) mais j'avais ptet pas la matière pour le lancer...
salut Largo,
pourquoi l'"atelier" plutôt que la "galerie" ?
Invité- Invité
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
Bin, je sais pas, c'est plus chaleureux, et puis un peintre qui nous présente ses oeuvres nous révèle un peu de son intimité. Les ateliers disent en général beaucoup d'un artiste.
Ca peut être aussi un lieu secret, entouré de mystère où l'on rêve de pénétrer, comme pour être un peu mieux dans le secret des dieux, lol.
Pis, j'avais en tête les photos de Bacon dans son atelier qui m'impressionnent toujours (Eyquem en avait du reste un peu parlé je crois dans le topic voisin) :
La galerie, en général, c'est froid, on ne se parle pas, et on fait que passer.
Ca peut être aussi un lieu secret, entouré de mystère où l'on rêve de pénétrer, comme pour être un peu mieux dans le secret des dieux, lol.
Pis, j'avais en tête les photos de Bacon dans son atelier qui m'impressionnent toujours (Eyquem en avait du reste un peu parlé je crois dans le topic voisin) :
La galerie, en général, c'est froid, on ne se parle pas, et on fait que passer.
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
Largo a écrit:Les ateliers disent en général beaucoup d'un artiste.
pas comme leur chambre (ou alors il faudrait regarder sous le lit ?) :
Citation : "J'avais voulu exprimer un repos absolu par tous ces tons divers". VG
Invité- Invité
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
Hé, hé
Bon sinon, pour le fun, une belle image de l'atelier :
Et pour filer les liens avec la photographie, on se souvient de l'intérêt de Marcel pour cet art naissant :
A part ça, un peintre américain que j'aime beaucoup : Andrew Wyeth.
(c'est Meeek qui avait ce tableau en avatar non ?)
Cet usage de la peinture à l'eau est très surprenant, on s'attend plutôt à des formes diluées, éthérées, étalées, on attend un certain flou. Alors que devant ses toiles on est frappés par la rudesse du trait, comme si les paysages avaient été taillés au scalpel, sculptés par un vent puissant...
Bon sinon, pour le fun, une belle image de l'atelier :
"notre vie sociale est, comme un atelier d'artiste, remplie des ébauches délaissées où nous avions cru un moment pouvoir fixer notre besoin d'un grand amour, mais je ne songeais pas que quelquefois, si l'ébauche n'est pas trop ancienne, il peut arriver que nous la reprenions et que nous en fassions une oeuvre toute différente, et peut-être même plus importante que celle que nous avions projetée d'abord."
Et pour filer les liens avec la photographie, on se souvient de l'intérêt de Marcel pour cet art naissant :
"Il en est des plaisirs comme des photographies. Ce qu'on prend en présence de l'être aimé, n'est qu'un cliché négatif, on le développe plus tard, une fois chez soi, quand on a retrouvé à sa disposition cette chambre noire intérieure dont l'entrée est "condamnée" tant qu'on voit du monde."
A part ça, un peintre américain que j'aime beaucoup : Andrew Wyeth.
(c'est Meeek qui avait ce tableau en avatar non ?)
- Andrew Wyeth"With watercolour, you can pick up the atmosphere, the temperature, the sound of snow shifting through the trees or over the ice of a small pond or against a windowpane. Watercolour perfectly expresses the free side of my nature."
Cet usage de la peinture à l'eau est très surprenant, on s'attend plutôt à des formes diluées, éthérées, étalées, on attend un certain flou. Alors que devant ses toiles on est frappés par la rudesse du trait, comme si les paysages avaient été taillés au scalpel, sculptés par un vent puissant...
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
(ce matin, je me sens un peu comme un pape, sur ma chaise de bureau)
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
et alors, c'est comment ?ce matin, je me sens un peu comme un pape, sur ma chaise de bureau
Bacon n'aimait pas du tout ses variations sur le Velazquez. Je crois même me souvenir qu'il en avait un peu honte, et que cette honte l'a retenu d'aller voir l'original à Rome.
C'est vrai que ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
(Je repense au Pape de Bacon, et je me dis qu'en fait, on dirait qu'il est en train de se faire aspirer par un trou noir, qu'il s'apprête à se désintégrer pour disparaître avant de se reconstituer dans un autre temps.)
Re: Et quoi et qui donc de la vérité en peinture?
"La force de la vie qui l'habite roule dans les chairs flétries et couvre les haillons de pourpre. Si le Christ n'avait pas été, Rembrandt eût trouvé d'autres légendes pour raconter, du berceau à la tombe, le drame humain qu'il vivait, ou bien il se fût passé de légendes et n'eût pas mis sous ses tableaux les titres dont ils n'ont pas besoin. Dans la naissance de n'importe qui, dans le repas de n'importe qui, dans la mort de n'importe qui il se retrouve. Son humanité est réellement formidable, elle est fatale comme la plainte, l'amour, l'échange continu, indifférent et dramatique entre tout ce qui naît et tout ce qui meurt. Il suit notre marche à la mort aux traces de sang qui la marquent. Il ne pleure pas sur nous, il ne nous réconforte pas, puisqu'il est avec nous, puisqu'il est nous-mêmes. Il est là quand le berceau s'éclaire. Il est là quand la jeune fille nous apparaît penchée à la fenêtre, avec ses yeux qui ne savent pas et une perle entre les seins. Il est là quand nous l'avons déshabillée, quand son torse dur tremble au battement de notre fièvre. Il est là quand la femme nous ouvre les genoux avec la même émotion maternelle qu'elle a pour ouvrir ses bras à l'enfant. Il est là quand le fruit tombe d'elle dix ou quinze fois dans sa vie. Il est là après, quand elle est mûre, que son ventre est raviné, sa poitrine pendante, ses jambes lourdes. Il est là quand elle est vieillie, que son visage crevassé est entouré de coiffes, que ses mains desséchées se croisent sur la ceinture pour dire qu'elle n'en veut pas à la vie de lui avoir fait du mal. Il est là quand nous sommes vieux, que nous regardons fixement du côté de la nuit qui vient, il est là quand nous sommes morts et que notre cadavre tend le suaire aux bras de nos fils." (Elie Faure, Histoire de l'art. L'art moderne I. Page 108-09)
adeline- Messages : 3000
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