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Kinatay : Brillante Mendoza est-il vraiment brillant ?

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Message par Largo Mer 18 Nov 2009 - 9:19

Une question stupide pour s'interroger sur un cinéaste très prolifique et qui a su en quelques films imposer un style. Sa mise en scène (comme beaucoup d'auteurs contemporains en fait) part du plan-séquence. Morceau de bravoure techinque qu'il est, à mon sens, parvenu à renouveller.

Ni plan fixe, ni panoramique contemplatif, mais une caméra embarquée, tremblante qui creuse des sillons, qui explore, qui fouille, qui sonde...et qui n'essaie pas de se faire passer pour ce qu'elle n'est pas (une caméra amateur à la Blair Witch)

Je vous recommande bien sûr d'aller voir Kinatay, même si je sais que la morbidité qui s'en dégage ne plaira pas à tout le monde.

( critique : http://spectresducinema.blogspot.com/2009/05/critiques-vos-papiers-ne-change-rien_24.html )
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Message par Borges Mer 18 Nov 2009 - 11:34

L'angoisse et le malaise naissent de cette caméra rendue folle par la cruauté des actes perpétrés en sa présence.

J'aime bien ton texte; on s'arrête parfois sur des phrases et des images curieuses. Tu relis Lautréamont en ce moment, Largo?


La force du film tient aussi à l'implacable construction binaire du scénario : mariage et insouciance le jour, le monde du crime la nuit.

Le coup du mariage, ça rappelle évidemment FFC; non?
même si ce que tu dis du film n'a rien à voir avec l'univers du Parrain.
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Message par Largo Mer 18 Nov 2009 - 12:05

Merci Borges, mais jamais lu Lautréamont, tout juste feuilleté par hasard.

Le mariage du Parrain, oui effectivement, on a là deux manières très très différentes de pénétrer un cercle familial. Si on s'en tient à la mise en scène et à mon souvenir lointain du film, on dirait que Coppola crochète élégamment et discrètement la serrure de la salle de bal pour aller se promener de table en table, incognito.

Mendoza, lui, c'est à la perceuse qu'il ouvre la porte pour suivre son personnage.

Ah oui, j'oubliais, un truc évident que j'avais pas noté quand j'ai écrit le texte. Le nom du héros : Peping, qui renvoie à "peeping".

Sur le terrain du voyeurisme et des actes de cruauté, on peut sans doute comparer utilement Kinatay et Le Ruban blanc.

Mendoza s'en tient du début à la fin au point de vue fragmenté du héros, c'est un parti pris cohérent je crois. Et c'est une rigueur dont fait fi Haneke en apposant à son film la voix off du prêtre, sans pour autant se contenter de filmer ce que le personnage a la possibilité de voir (comme ça a été dit sur le topic par Adeline, je crois)
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Message par Largo Jeu 19 Nov 2009 - 9:17

Brillante Mendoza parle de sa démarche en commentant des extraits de ses films ici : http://www.telerama.fr/cinema/brillante-mendoza-c-est-ma-responsabilite-de-raconter-des-choses-aussi-terribles,49599.php

Je loge quelques techniciens dans un immeuble où je vis et travaille, et ils sont salariés à l’année. Quand je ressens le besoin de filmer quelque chose, je peux le faire dans l’instant.

Il paraît que Godard fait pareil.
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Message par Invité Dim 11 Nov 2012 - 10:12

A la manière de ce qui se trame dans les films de Brillante Mendoza, nous avons retrouvé au gré des films regardés, systématiquement, fatalement, un certain nombre d'éléments malheureusement déplaisants pour la plupart. Il y aura donc dans les textes proposés ci-dessous de nombreuses répétitions, la conscience de passer et repasser plusieurs fois par des chemins descriptifs et critiques identiques, à des moments différents, face aux différents films. Une persistance dans l'écriture choisie, qui n'a pas pour intention d'être harcelante, mais plutôt d'être "illustration" de l'insistance avec laquelle le cinéaste retombe inlassablement, film après film, dans les mêmes travers.

la suite ici

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Message par Invité Dim 11 Nov 2012 - 10:24

c'est sympa de mettre en mémoire des textes dont nous n'avons pas eu connaissance au moment.

Wink

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Message par Invité Dim 11 Nov 2012 - 14:50

J'ai pas compris mais de rien.

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Message par Invité Lun 12 Nov 2012 - 15:02

J'ai un peu des réticences sur Kitanay, où la noirceur de la deuxième partie n'a pas d'enjeu réel (j'ai vu la fin en accéléré), mais j'aime bien la scène d’autoroute dans la camionnette (l'autoroute est à la fois un environnement rationalisé, aseptisé et un Achéron). Là il n'y plus de travelling, et on sent que le personnage se réfugie dans un rapport enfantin à la nuit, à la voiture, à la femme et au voyage qui lui fait accepter d'être un tueur (un peu comme "They Live by Night", sauf que chez Ray ce refuge éclate, alors que chez Mendoza il devient imprenable).
Le film matérialise bien une frontière, avec la barre de péage (et les truands qui doivent se montrer courtois avec la caissière, qui rappelle la femme qu'ils ont kidnappée, mais décide de leur sort parce que justement elle ne voit rien)

(la fin c'est plus le retour au couple légitime et au métier de flic que sur le groupe de tueurs)

La scène du mariage au début en effet bien réussie, tout est lisse, mais on sent que le personnage principal n'a pas de points de repère: d’une part le mariage se déroule dans un cadre administratif investi comme une église puis dans un McDo qui fonctionne comme la propriété fonctionne dans le Parrain. D'autre part derrières la rondeurs des uns et des autres il y a une concurrence entre les status sociaux dans la famille (on sent que le personnage d’apprenti-flic sera un éternel outsider pour sa famille*) qu'il n'y a pas (ou moins) dans le monde des criminels (et où pour cette raison, on peut être complètement passif). D'ailleurs les deux mondes sont aussi opposés en terme de bagnole (le monospace clinquant de l'oncle contre la camionnette anonyme du gang).
Le montage et l'interprétation sont bons.

*C'est peut-être une remarque prétentieuse mais ce regard sur le statut sociologique du policier dans un pays en développement (mais aussi dans les pays plus riches, mais c'est alors en moins visible au niveau de l’infrastructure) me semble bien vu, je crois avoir senti des choses comparables ailleurs (on devient initialement flic pour ne pas tomber dans la marge, mais en même temps intégrer un ordre où on ne peut pas devenir riche non plus. C'est une forme individuelle de résistance a-politique à une pauvreté et une corruption d'ordre politique, en même temps qu'une acceptation des implication collectives de cette corruption. Les questions de complicité par rapport à la violence d'état apparaissent souvent ensuite, elles surviennent comme quelque chose amené par le destin**. C'est un peu le mérite de Manchette d'inverser ce rapport dans les polars: le positionnement politique est situé à l'origine, tandis que c'est l'impact personnel de l'ambivalence morale qui apparaît comme une fatalité encore à vivre)*

**"A la Courbe du Fleuve" de Naipaul est pas mal pour la manière dont il parle de cela , bien que par ailleurs politiquement et moralement ultra-réac et boiteux.


Dernière édition par Tony le Mort le Lun 12 Nov 2012 - 16:35, édité 6 fois

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Message par Invité Lun 12 Nov 2012 - 15:51

Tiens justement, en plus du mariage, il y a aussi une autre opposition entre Kinatay et la Parrain.
Deux scènes de barre de péage qui figurent le passage vers enfer. Péage que les Corleone ne parviennent pas à franchir dans le Parrain, ce qui les place finalement pour le reste du film du côté du deuil, parce que c'est le frère "légitime" qui y meurt, mais qui est franchie sans problème dans Kinatay, ce qui place là les truands de Mendoza au-delà du deuil.

Chez Coppola, la religion va fonctionner comme médiation de la société entière pour les truands qui sont situé en dehors de la société, grâce à la mort du frère à cette barre de péage (mais on ne montre pas l'enterrement de James Caan). Dans Kinatay, il n'y pas de médiation, parce qu'il n'y a pas d'extériorité sur la société, il n'y a pas besoin de religion, pas d'épreuve autre que celle que l'on définit soi-même.

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Et chez Coppola Santino est buté parce qu'il essaye de rejoindre sa femme, tandis que dans Kinatay la femme est le viatique qu'il faut avoir avec soi pour rester en vie (mais en même temps désinvestie moralement et sacrifiée, à qui on demande d'assumer la mort que l'on refuse pour soi)

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