#3 - Etendard de la mémoire
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Re: #3 - Etendard de la mémoire
Je poursuis un peu ici mon étude sur les nazis dans les films actuels :
"OSS117", film profondément cynique et antipathique. Plus antipathique que le personnage est le ton débonnaire du film qui, après un premier épisode pouvant encore faire illusion, ne cache plus son plaisir douteux de se repaître à gogo de nouvelles sorties xénophobes, homophobes, machistes, anti-jeunes, imbéciles, et pas grand-chose d'autre, sans se soucier le moins du monde du fait que les spectateurs en redemandent et tout en jouant avec hypocrisie d'un second degré au capital pseudo "critique". Le coq qui aime marcher sur ses excréments est aussi, je crois, une bonne vieille figure caricaturale des français, il ne semble donc pas interdit non plus de rire contre le film. Comme dans le premier épisode, les nazis sont des personnages comiques qui se plaignent de leur sort d'éternels méchants dans la fiction. Ils n'acceptent pas leur condition sérieuse et préfèreraient encore sans doute le ridicule d'OSS qui leur vole la vedette (c'est clairement le thème d'une des scènes de ce second volet). Il leur pique même leur antisémitisme. Le nazi qui se suicide à la fin récite quelques vers de Shakespeare qu'il fait sien (en remplaçant "juif" par "nazi") : "Un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l'affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ?". Notons que la dernière ligne est peut-être le point de départ du prochain Tarantino (à suivre)
Dans "The Reader", au contraire, le rire fait tristement défaut à tous les niveaux, le tragique dégouline de chaque plan, de chaque musique, de chaque situation. On se souvient de ce qu'Arendt a dit après le procès d'Eichmann. A la suite de Brecht, elle ne voit pas d'autre manière artistique pour aborder, juger (puisqu'il s'agit en partie d'un film de procès, c'est là la différence par exemple avec le film de Verhoeven) des individus de la sorte que la comédie. On ne peut que leur donner raison en voyant le film ampoulé de Daldry. Le film semble pourtant aller dans la direction des thèses d'Hannah Arendt (pour aller vite : la banalité du mal, la culture - avant tout grecque classique, bien sûr ! - comme garde-fou), mais voilà, la forme est tout à fait inappropriée. Une telle histoire, un tel personnage (celui d'une ancienne tortionnaire d'Auschwitz) peuvent entrer dans le moule académique du tout venant hollywoodien qu'au risque de diluer son sujet complexe et d'un grand intérêt. Mais "The reader" est intéressant car il montre bien, par le négatif, qu'on ne peut traiter ce sujet sans en appeler forcément au spectateur qui regarde et que cet appel ne peut se faire sans distanciation (Brecht), sans la mise de côté des artifices narratifs hollywoodiens traditionnels (la première partie du film qui fait comme si la question de l'identification ne se posait pas). Sans cela, le spectateur n'a d'autre choix que de naviguer à vue et de s'agripper par la suite à ce qu'il peut, même si certaines perches tendues sont particulièrement mal venues. Mandelbaum, le critique du Monde, parle d'antisémitisme involontaire de la part du réalisateur. Volontaire ou pas, c'est un peu n'importe quoi. Au pire peut-on reprocher à Daldry une maladresse pataude, illustrée entre autre dans ces abjectes séquences esthétisées de visite à Auschwitz.
Dans "The Reader", au contraire, le rire fait tristement défaut à tous les niveaux, le tragique dégouline de chaque plan, de chaque musique, de chaque situation. On se souvient de ce qu'Arendt a dit après le procès d'Eichmann. A la suite de Brecht, elle ne voit pas d'autre manière artistique pour aborder, juger (puisqu'il s'agit en partie d'un film de procès, c'est là la différence par exemple avec le film de Verhoeven) des individus de la sorte que la comédie. On ne peut que leur donner raison en voyant le film ampoulé de Daldry. Le film semble pourtant aller dans la direction des thèses d'Hannah Arendt (pour aller vite : la banalité du mal, la culture - avant tout grecque classique, bien sûr ! - comme garde-fou), mais voilà, la forme est tout à fait inappropriée. Une telle histoire, un tel personnage (celui d'une ancienne tortionnaire d'Auschwitz) peuvent entrer dans le moule académique du tout venant hollywoodien qu'au risque de diluer son sujet complexe et d'un grand intérêt. Mais "The reader" est intéressant car il montre bien, par le négatif, qu'on ne peut traiter ce sujet sans en appeler forcément au spectateur qui regarde et que cet appel ne peut se faire sans distanciation (Brecht), sans la mise de côté des artifices narratifs hollywoodiens traditionnels (la première partie du film qui fait comme si la question de l'identification ne se posait pas). Sans cela, le spectateur n'a d'autre choix que de naviguer à vue et de s'agripper par la suite à ce qu'il peut, même si certaines perches tendues sont particulièrement mal venues. Mandelbaum, le critique du Monde, parle d'antisémitisme involontaire de la part du réalisateur. Volontaire ou pas, c'est un peu n'importe quoi. Au pire peut-on reprocher à Daldry une maladresse pataude, illustrée entre autre dans ces abjectes séquences esthétisées de visite à Auschwitz.
Invité- Invité
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Hello,
J'ai comme l'impression que tu n'es pas très sensible à l'humour d'OSS 117 :
Tu en parles comme si c'était du premier degré. Mais des films qui tournent en dérision la grandeur coloniale de la France gaulliste, il n'y en a pas tant que ça. Moi je trouve plutôt sain d'avoir cette auto-dérision là.
Et montrer des nazis râlant parce qu'ils ont toujours les rôles de méchants, ça ne minimise en rien les crimes "des vrais", plutôt une pique lancée contre la grosse industrie des films de guerre ; quelque chose qu'on aurait pu voir dans un Tonnerre sous les Tropiques, par exemple.
J'ai comme l'impression que tu n'es pas très sensible à l'humour d'OSS 117 :
"...ne cache plus son plaisir douteux de se repaître à gogo de nouvelles sorties xénophobes, homophobes, machistes, anti-jeunes, imbéciles, et pas grand-chose d'autre,"
Tu en parles comme si c'était du premier degré. Mais des films qui tournent en dérision la grandeur coloniale de la France gaulliste, il n'y en a pas tant que ça. Moi je trouve plutôt sain d'avoir cette auto-dérision là.
Et montrer des nazis râlant parce qu'ils ont toujours les rôles de méchants, ça ne minimise en rien les crimes "des vrais", plutôt une pique lancée contre la grosse industrie des films de guerre ; quelque chose qu'on aurait pu voir dans un Tonnerre sous les Tropiques, par exemple.
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Largo a écrit:Hello,
J'ai comme l'impression que tu n'es pas très sensible à l'humour d'OSS 117 :"...ne cache plus son plaisir douteux de se repaître à gogo de nouvelles sorties xénophobes, homophobes, machistes, anti-jeunes, imbéciles, et pas grand-chose d'autre,"
Tu en parles comme si c'était du premier degré. Mais des films qui tournent en dérision la grandeur coloniale de la France gaulliste, il n'y en a pas tant que ça. Moi je trouve plutôt sain d'avoir cette auto-dérision là.
Et montrer des nazis râlant parce qu'ils ont toujours les rôles de méchants, ça ne minimise en rien les crimes "des vrais", plutôt une pique lancée contre la grosse industrie des films de guerre ; quelque chose qu'on aurait pu voir dans un Tonnerre sous les Tropiques, par exemple.
salut,
je me méfie simplement du fait que ce second degré est le prétexte pour une déferlante, et ce depuis deux films maintenant, de sorties complaisantes de ce type qui semblent plaire. Je n'ai rien contre la "dérision de la grandeur coloniale de la France de De Gaulle", mais déjà ne faudrait-il pas qu'elle s'accompagne d'un cynisme dans le fond très sarkozyste. OSS n'est qu'un gros connard ? C'est toujours lorsqu'on pourrait croire que la réponse est évidemment "oui" que le film, cynique, refuse définitivement de faire pencher la balance.
Pour le reste sur les nazis, je n'ai pas écris cela, je crois.
Invité- Invité
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Ca n'existe pas ça, le premier, le second, le troisième degré; pas de manière aussi simplette, qu'on veut bien le faire croire; mais je vais pas passer ma vie à redire de relire Lacan, et Freud, sur le mot d'esprits dans ses rapports avec l'inconscient. L'humour, c'est aussi une manière de dire sans dire, en prétendant ne pas dire. etc. OSS 117; j'en ai lu des tonnes, enfant; c'est mieux que la parodie; c'est plus comique, parce que c'est aussi du premier degré, diraient certains. "Pourquoi tu me dis que tu vas à X, pour me faire croire que tu vas à Y, alors que je sais très bien que tu vas à X". Lacan et Freud aiment beaucoup cette blague. Un truc essentiel, dans l'humour, c'est bien celui de la communauté, de la chapelle, du groupe : ceux avec qui ont ri; la question à la Deleuze serait alors, "quel genre de vie faut-il mener pour rire à OSS117? "
Borges- Messages : 6044
Re: #3 - Etendard de la mémoire
On se souvient de ce qu'Arendt a dit après le procès d'Eichmann. A la suite de Brecht, elle ne voit pas d'autre manière artistique pour aborder, juger (puisqu'il s'agit en partie d'un film de procès, c'est là la différence par exemple avec le film de Verhoeven) des individus de la sorte que la comédie. On ne peut que leur donner raison en voyant le film ampoulé de Daldry. Le film semble pourtant aller dans la direction des thèses d'Hannah Arendt (pour aller vite : la banalité du mal, la culture - avant tout grecque classique, bien sûr ! - comme garde-fou), mais voilà, la forme est tout à fait inappropriée.
Faudrait préciser ; et peut-être aussi rappeler qu’Arendt s’est élevée contre l’utilisation politique (pédagogique) du procès, qui (selon Ben-Gurion) devait apprendre aux jeunes Israéliens que les Juifs ne sont pas des moutons que l’on mène à l’abattoir, mais des gens capable de riposter (la fameuse réappropriation de la violence par les Juifs, de Lanzmann et du dernier Tarantino)
For Arendt, Ben-Gurion’s educational agenda converted the Eichmann case into a “show trial” in which the primary focus was not on the dispensation of justice for deeds performed by an individual, but rather on the sufferings of Jews at the hands of the Nazis and, indeed, throughout history. However imperative this educational mission, the courtroom was, in Arendt’s eyes, the wrong place to pursue it (…)Arendt’s tone reflected this clash of the claims of justice with those of political education. Her criticism of Ben-Gurion and the lead prosecutor, Gideon Hausner, arose from her sense of what justice demands in a criminal proceeding, namely, a strict and unvarying focus on the deeds of the perpetrator. As Arendt wrote, “On trial [were] his deeds, not the sufferings of the Jews, not the German people or mankind, not even anti-Semitism and racism.” Her “Epilogue” emphasizes this point: “The purpose of a trial is to render justice, and nothing else; even the noblest of ulterior purposes . . . can only detract from the law’s main business: to weigh the charges brought against the accused, to render judgment, and to mete out due punishment.”
(Politics, Philosophy, Terror, essays on the thought of H.A.)
Borges- Messages : 6044
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Tu as tout à fait raison de rappeler ceci Borges, cependant je ne crois pas que la question se pose (ni explicitement, ni implicitement) dans le film de Daldry. Le procès est effectivement censé jouer un rôle pédagogique pour les jeunes juristes (dont le personnage principal fat partie) mais il n'est pas question je crois d'encourager les spectateurs à défendre l'idée selon laquelle la création de l'Etat d'Israël était une nécessité, comme "vengeance", ni même de les interroger là-dessus. Les choses qui tournent autour du procès (que j'ai appelé des perches tout à l'heure), c'est "qu'auriez-vous fait à la place de la tortionnaire ?", "Qu'est ce que la loi autorise et dans quelles circonstances ?", "le procès n'est-il pas un simulacre dans la mesure où il faudrait condamner tous ceux qui savaient (alliés y compris) et qui n'ont rien fait ?", et enfin "la tortionnaire Hanna est-elle meilleure que ses collègues parce qu'elle avoue au procès alors que les autres chargent toute la responsabilité sur son dos ?"
Invité- Invité
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Pour ce qui est d'OSS117, j'ai (malheureusement) vu le second volet.
Très choqué par les blagues racistes constantes à l'égard des Chinois et le peu de réactions que cela a engendré. Le running gag du chinois partout, idiot, avec des centaines de frères, gros accent....
La fin avec la reprise du célèbre monologue de Shylock m'a sidéré. Comment peut on en rire ?
La question que m'a vraiment faite me poser ce film c'est : mais de quoi rit on ? Comment peut on en rire ? Franchement, peut on rire du nazisme ? Peut on rire du racisme ? Ou du moins, de cette façon ?
L'etendard maschiste du film c'est pour rendre le personnage attachant ?
Très choqué par les blagues racistes constantes à l'égard des Chinois et le peu de réactions que cela a engendré. Le running gag du chinois partout, idiot, avec des centaines de frères, gros accent....
La fin avec la reprise du célèbre monologue de Shylock m'a sidéré. Comment peut on en rire ?
La question que m'a vraiment faite me poser ce film c'est : mais de quoi rit on ? Comment peut on en rire ? Franchement, peut on rire du nazisme ? Peut on rire du racisme ? Ou du moins, de cette façon ?
L'etendard maschiste du film c'est pour rendre le personnage attachant ?
DB- Messages : 1528
Re: #3 - Etendard de la mémoire
David_Boring a écrit:Pour ce qui est d'OSS117, j'ai (malheureusement) vu le second volet.
Très choqué par les blagues racistes constantes à l'égard des Chinois et le peu de réactions que cela a engendré. Le running gag du chinois partout, idiot, avec des centaines de frères, gros accent....
La fin avec la reprise du célèbre monologue de Shylock m'a sidéré. Comment peut on en rire ?
La question que m'a vraiment faite me poser ce film c'est : mais de quoi rit on ? Comment peut on en rire ? Franchement, peut on rire du nazisme ? Peut on rire du racisme ? Ou du moins, de cette façon ?
L'etendard maschiste du film c'est pour rendre le personnage attachant ?
Hello DB,
Il te sera probablement répondu que les insultes racistes constantes à l'égard des chinois font partie de ce "second degré", que le cinéaste se moque de l'époque où les chinois (communistes) étaient toujours vus comme les gros méchants dans les films d'espionnage. Ceci dit, tu prends un film comme "Les Barbouzes" (1964) de Lautner, ça repose grosso-modo sur le même ressort, avec des chinois qui débarquent de partout, et je me permet d'avoir quelques doutes quant au "second degré" de l'emploi des chinois dans ce film même s'ils sont bien sûr là également pour faire rire, voyez-vous j'ai plutôt comme l'impression que Lautner veut nous faire passer quelque chose de ce qui serait pour lui l'essence du chinois..
Il y a des trucs qui m'ont fait rire tout de même, mais c'était plutôt des idées de mise en scène (pour reprendre une expression que certain d'entre vous n'aiment pas trop ). Notamment le coup du split-screen avec les téléphones qui sonnent les uns après les autres. Voilà, avec des idées comme ça (qui sont aussi parodiques), en resserrant plutôt le film autour de ça plutôt que de s'enfoncer avec son "idiot magnifique" comme j'ai pu lire ailleurs, à mon avis il aurait pu faire un film rigolo. Un truc dans la veine "Top Secret !" des ZAZ.
Invité- Invité
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Participons, donc, et allons un peu au-delà des clichés. Soyons sérieux, et remettons les pendules à l'heure; rappelons que le fameux monologue dans Shakespeare fonctionnait déjà de manière ironique; les gens riaient en écoutant ce pauvre Juif réclamer une place dans l'humanité; le monologue n'avait rien d'humaniste; d'une certaine manière on retrouve quelque chose de sa valeur "première", en le mettant dans la bouche d'un nazi, surtout si l'on pense que le crime absolu (pas seulement contre l'humanité, mais contre dieu) était alors attribué aux Juifs (les assassins de Jésus); la destruction des Juifs, c'est un peu la mort de Dieu, ou sa mise à mort, dans bien des discours; comment un nazi peut-il oser se prétendre humain! Il serait très intéressant de vraiment voir la chose à fond.
Borges- Messages : 6044
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Borges a écrit:Participons, donc, et allons un peu au-delà des clichés. Soyons sérieux, et remettons les pendules à l'heure; rappelons que le fameux monologue dans Shakespeare fonctionnait déjà de manière ironique; les gens riaient en écoutant ce pauvre Juif réclamer une place dans l'humanité; le monologue n'avait rien d'humaniste; d'une certaine manière on retrouve quelque chose de sa valeur "première", en le mettant dans la bouche d'un nazi, surtout si l'on pense que le crime absolu (pas seulement contre l'humanité, mais contre dieu) était alors attribué aux Juifs (les assassins de Jésus); la destruction des Juifs, c'est un peu la mort de Dieu, ou sa mise à mort, dans bien des discours; comment un nazi peut-il oser se prétendre humain! Il serait très intéressant de vraiment voir la chose à fond.
Ce qui m'a sidéré, justement, c'est l'aspect historique de l'utilisation de la pièce par les Nazis. Le marchant de Venise a beaucoup été joué sous le régime Nazi, surtout - ça n'étonnera personne; pour son côté antisémite. Je crois que c'est Kershaw qui montre comment le régime Nazi a utilisé ce genre de truc pour la propagande.
"Les gens riaient" ? C'est quoi ce genre de généralité a-historique ? De quels "gens" est-il question ? De nobles élisabéthains ? De "gens" du peuple ? De "gens" du XVIème ? Soyons sérieux justement, de "gens" du XXIème siècle ?
L'opinion publique n'existe pas.
Que je sache, le côté humaniste ou antisémite de ce monologue (ou même de la pièce entière) c'est tout un échiquier, qui joue avec les Noirs, qui joue avec les Blancs.
Et puis d'ailleurs je m'en fous que Shakespeare soit humaniste ou antisémite, c'est la question d'en rire qui m'a sidéré.
Comment peut-on en rire ?
DB- Messages : 1528
Re: #3 - Etendard de la mémoire
David_Boring a écrit:
"Les gens riaient" ? C'est quoi ce genre de généralité a-historique ? De quels "gens" est-il question ? De nobles élisabéthains ? De "gens" du peuple ? De "gens" du XVIème ? Soyons sérieux justement, de "gens" du XXIème siècle ?
L'opinion publique n'existe pas.
Que je sache, le côté humaniste ou antisémite de ce monologue (ou même de la pièce entière) c'est tout un échiquier, qui joue avec les Noirs, qui joue avec les Blancs.
Et puis d'ailleurs je m'en fous que Shakespeare soit humaniste ou antisémite, c'est la question d'en rire qui m'a sidéré.
Comment peut-on en rire ?
a-historique? Mais non, DB, c'est précisément historique; quand je dis les gens riaient, je veux dire que le rire a une histoire ;il est contextuel; ce que nous trouvons humaniste, nous, ça faisait rire, à cette époque ; qui, comment, pourquoi, dans quel mesure, c’est pas mon problème, ici ; le problème que je veux suggérer, c’est la différence de réception, et du contexte de réception d’une œuvre « esthétique » : ça faisait rire qu'un Juif prétende fonder une communauté avec l'humanité chrétienne, car l'humanité est d'abord chrétienne, en ne recourant qu'à des critères, disons, physiques ; aucun des critères que Shylock avance ne peut fonder une communauté avec le chrétien en tant que chrétien ; un chrétien ne se définit par par ses yeux, ses mains, sa sensibilité, ses souffrances, ou que sais-je, ce qu’il mange ou ne mange pas… ce sont des arguments comiques, et qui rabaissent la valeur du chrétien en tant que chrétien ; on pourrait presque faire tenir à un animal cette défense ; le chrétien, dans une certaine mesure, c’est précisément celui qui tient pour rien son existence sensible, qui ne se définit pas par elle, dans son essence. Le problème ici, selon Cavell c’est précisément le déni de la chair, du corps : “there is no proof for you that I am a man, that I am flesh, until you know that you are flesh”; il y a de belles pages dans "Les voix de la raison" sur le problème que soulève Eyquem, celui de la vision, voir en tant que; il parle d’une cécité à l’âme, qui par exemple, peut interdire à certains de voir un homme dans un esclave. Mais il dit aussi que les propriétaires d’esclaves ne traitaient pas les esclaves comme des esclaves parce qu’ils ne parvenaient pas à les voir comme des êtres humains, mais parce qu’ils les voyaient comme des esclaves.
He hath disgraced me, and hindered me half a million, laughed at my losses, mocked at my gains, scorned my nation, thwarted my bargains, cooled my friends, heated mine enemies; and what's his reason? I am a Jew.
Rappelons, ce qui complique le problème que Shylock est un Juif converti (comme Othello, l'autre Autre, de Shakespeare, est un Maure chrétien) et un vénitien étranger; question de l'identité impossible.
Comment peut-on en rire ?
Quelle sens à ta question, tu cherches quelles formes de raisons ?
L’opinion publique n’existe pas ; oui, mais je n’ai pas ici sorti des sondages sur qui riait ou ne riait pas aux pièces de Shakespeare, au Marchand de Venise, sans tenir compte de ceux qui n'osaient pas, ne pouvaient pas, ou n'allaient jamais au théâtre... et je ne cherche à justifier aucune action, en disant ça ; ne faisons pas dire à Bourdieu ce qu’il n’ a jamais dit.
Oui, c’est plus simple.
« Bref, j'ai bien voulu dire que l'opinion publique n'existe pas, sous la forme en tout cas que lui prêtent ceux qui ont intérêt à affirmer son existence. J'ai dit qu'il y avait d'une part des opinions constituées, mobilisées, des groupes de pression mobilisés autour d'un système d'intérêts explicitement formulés ; et d'autre part, des dispositions qui, par définition, ne sont pas opinion si l'on entend par là, comme je l'ai fait tout au long de cette analyse, quelque chose qui peut se formuler en discours avec une certaine prétention à la cohérence. Cette définition de l'opinion n'est pas mon opinion sur l'opinion. C'est simplement l'explicitation de la définition que mettent en œuvre les sondages d'opinion en demandant aux gens de prendre position sur des opinions formulées et en produisant, par simple agrégation statistique d'opinions ainsi produites, cet artefact qu'est l'opinion publique. Je dis simplement que l'opinion publique dans l'acception implicitement admise par ceux qui font des sondages d'opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, je dis simplement que cette opinion-là n'existe pas. »
Borges- Messages : 6044
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Ca n'a rien d'historique de sortir un truc comme ça, d'affirmer "les gens" en riaient. Il existe une histoire des mentalités qui réfléchit à ce genre de choses entre autres, on ne peut pas se permettre de balancer des généralités comme ça.
Si ça n'est pas ton problème de savoir le comment, le pourquoi, le qui, il faut t'abstenir de faire des réflexions de cette sorte "les gens riaient".
Quand à ce que tu dis sur le Marchand, certes, pourquoi pas, c'est un point-de-vue qui n'est pas intégralement partagé (d'autres défendent la vague humaniste - j'en fais pas partie) mais ce n'est surtout pas ce qui m'intéresse.
Je trouve ça surtout beaucoup plus grave d'utiliser un monologue ultra connu d'une pièce qui a été beaucoup joué sous le régime nazi (j'ai pas les chiffres en tète ni une bibliothèque sous la main) qui devait être de l 'ordre d'une quarantaine de représentations sur une dizaine, quinzaine d'années.
C'est ça que je trouve grave, c'est l'utilisation de l'horreur dans le comique. OSS 117 ne pose pas le problème de savoir si le nazi est humain, ce n'est pas l'intérêt de la scène d'ailleurs. Il s'agit d'un nazi traqué pour les crimes commis sous le régime nazi envers les juifs pour être traîné en justice. Comment rire des nazis ? avec ? Contre ? pour ?
Je pense au Dictateur qui vient trop tard, et qui me parait plus intéressant que des histoires de corps chrétiens.
Le paragraphe que tu cites est bien celui auquel je pensais. Parce que prècisèment tu profitais del 'affirmation que l'opinion publique se gaussait pour avancer que tu remettais les pendules à l'heure. Je te réponds "c'est pas si simple et y'a l'aspect propagande".
Si ça n'est pas ton problème de savoir le comment, le pourquoi, le qui, il faut t'abstenir de faire des réflexions de cette sorte "les gens riaient".
Quand à ce que tu dis sur le Marchand, certes, pourquoi pas, c'est un point-de-vue qui n'est pas intégralement partagé (d'autres défendent la vague humaniste - j'en fais pas partie) mais ce n'est surtout pas ce qui m'intéresse.
Je trouve ça surtout beaucoup plus grave d'utiliser un monologue ultra connu d'une pièce qui a été beaucoup joué sous le régime nazi (j'ai pas les chiffres en tète ni une bibliothèque sous la main) qui devait être de l 'ordre d'une quarantaine de représentations sur une dizaine, quinzaine d'années.
C'est ça que je trouve grave, c'est l'utilisation de l'horreur dans le comique. OSS 117 ne pose pas le problème de savoir si le nazi est humain, ce n'est pas l'intérêt de la scène d'ailleurs. Il s'agit d'un nazi traqué pour les crimes commis sous le régime nazi envers les juifs pour être traîné en justice. Comment rire des nazis ? avec ? Contre ? pour ?
Je pense au Dictateur qui vient trop tard, et qui me parait plus intéressant que des histoires de corps chrétiens.
Le paragraphe que tu cites est bien celui auquel je pensais. Parce que prècisèment tu profitais del 'affirmation que l'opinion publique se gaussait pour avancer que tu remettais les pendules à l'heure. Je te réponds "c'est pas si simple et y'a l'aspect propagande".
DB- Messages : 1528
Re: #3 - Etendard de la mémoire
David_Boring a écrit:Ca n'a rien d'historique de sortir un truc comme ça, d'affirmer "les gens" en riaient. Il existe une histoire des mentalités qui réfléchit à ce genre de choses entre autres, on ne peut pas se permettre de balancer des généralités comme ça.
Si ça n'est pas ton problème de savoir le comment, le pourquoi, le qui, il faut t'abstenir de faire des réflexions de cette sorte "les gens riaient".
Quand à ce que tu dis sur le Marchand, certes, pourquoi pas, c'est un point-de-vue qui n'est pas intégralement partagé (d'autres défendent la vague humaniste - j'en fais pas partie) mais ce n'est surtout pas ce qui m'intéresse.
Je trouve ça surtout beaucoup plus grave d'utiliser un monologue ultra connu d'une pièce qui a été beaucoup joué sous le régime nazi (j'ai pas les chiffres en tète ni une bibliothèque sous la main) qui devait être de l 'ordre d'une quarantaine de représentations sur une dizaine, quinzaine d'années.
C'est ça que je trouve grave, c'est l'utilisation de l'horreur dans le comique. OSS 117 ne pose pas le problème de savoir si le nazi est humain, ce n'est pas l'intérêt de la scène d'ailleurs. Il s'agit d'un nazi traqué pour les crimes commis sous le régime nazi envers les juifs pour être traîné en justice. Comment rire des nazis ? avec ? Contre ? pour ?
Je pense au Dictateur qui vient trop tard, et qui me parait plus intéressant que des histoires de corps chrétiens.
Le paragraphe que tu cites est bien celui auquel je pensais. Parce que prècisèment tu profitais del 'affirmation que l'opinion publique se gaussait pour avancer que tu remettais les pendules à l'heure. Je te réponds "c'est pas si simple et y'a l'aspect propagande".
Naturellement, ça n’a rien d’historique de sortir un truc pareil ; « les gens en riaient » ; j’aurais jamais le culot de prétendre que cet énoncé va entrer dans l’histoire ; je me fais pas d’illusion ; ce sera vite oublié ; et pourtant, il a une valeur universelle, indéniable ; il me suffirait de trouver quelques documents, des archives, par exemple une lettre, un journal privé, de je ne sais quel marchand d’alors, racontant que les spectateurs ont bien failli mourir de rire, à la représentation d’une pièce d’un certain Shakespere (orthographe d’époque, prouvant la validité du document) où un juif monstrueux se nourrit de livres de chair chrétienne ; et le tour est joué ; je l’aurais prouvé, démontré. Je suis entièrement d’accord avec toi pour affirmer qu’il existe une histoire des mentalités, depuis déjà un bout de temps ; ça remonte aux Annales ? Plus loin encore ? Oui, il est bon qu’en histoire, on n’étudie pas seulement les batailles, les rois, l’économie ; les gens, ils ont aussi des sentiments, des idées, des représentations ; des mentalités, en un mot ; et qui changent avec le temps ; comme c’est étonnant ; le début de la pensée ; grâce à cette histoire, il est presque universellement admis à présent que les mentalités changent ; les gens y pensent pas, y voient pas, ils sentent pas, ils aiment pas, et tout ça, hier comme aujourd’hui. Dylan a fait une chanson de cette vérité éternelle : « les mentalités changent ».
Plus étonnant encore, on a découvert que les gens ne rient pas des mêmes choses, ou de la même manière ; ça varie ; certains rient fort, d’autres doucement ; par exemple les femmes rient moins fort que les hommes, et les gens distingués de manières distinguées, les idiots ont plutôt un rire idiot, ne parlons pas du rire imbécile, de celui du sadique, ou encore de celui qui éclate sans raison. Y a les moments où l’on rit, et les endroits, où il ne faut pas ; par exemple dans les églises, ou les mosquées, dans les lieux sacrés en général ; on dit que c’est mauvais, démoniaque même ; on ne rit pas non plus dans les cimetières, pendant les enterrements ; on ne rit pas aux choses graves ; un général qui veut être respecté de ses hommes ne doit pas se laisser aller à rire bêtement ; les racistes rient aux blagues racistes ; les humanistes, aux humanistes ; et c’est tant mieux ; ça nous change ; il faut bien des rires, pour faire la diversité de l’humanité ; il y a plus de rires que ne peut en rêver la philosophie, comme disait Hamlet.
Pour citer mon cas personnel, et non historique, bien que je sois un être historique, en un sens du mot bien modeste, comme tout le monde, je suis dans l'histoire, y a des blagues, des films, des livres, et des choses qui me font plus rire du tout, alors qu'enfant...
Quand, où, qui, comment, pourquoi ? Ce n’est pas que c’est pas mon problème, ça me passionnerait de savoir qui riait, comment, intensités, durée, mode, dans le théâtre élisabéthain, au « Marchand de Venise », mais t’imagines bien que cela prendrait quelques années pour écrire un article scientifiquement recevable par la communauté des historiens des mentalités (« section rire »), certaines plus ouvertes que d’autres. Ce que je dis du Marchand de Venise, ce n’est qu’un point de vue, naturellement, et comme tous les points de vue, il n’est pas intégralement partagé ; d’autres défendent la vague qu’ils veulent.
Une question : « Le dictateur » vient trop tard par rapport à quoi ? Et en quoi c’est plus intéressant que les propos de Cavell sur le corps et ses textes sur Shakespeare ? Ici, si on parle cinéma, nazisme et rire, il aurait été plus intéressant de citer « To be or not to be », où est aussi utilisé le fameux monologue de Shylock.
Les nazis sont des humains aussi humains que les juifs.
Borges- Messages : 6044
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Le dictateur arrive trop tard au cinéma. Dans la salle de cinéma. Sur les sièges des spectateurs.
la science des discussions a la puissance de produire ce résultat, parce que ceux qui n'ont aucun souci ni des intérêts privés, ni des intérêts publics, se plaisent surtout aux discours entièrement dépourvus d'utilité
DB- Messages : 1528
Re: #3 - Etendard de la mémoire
David_Boring a écrit:Le dictateur arrive trop tard au cinéma. Dans la salle de cinéma. Sur les sièges des spectateurs.la science des discussions a la puissance de produire ce résultat, parce que ceux qui n'ont aucun souci ni des intérêts privés, ni des intérêts publics, se plaisent surtout aux discours entièrement dépourvus d'utilité
Tu parles, gravement, avec noblesse, comme les conservateurs des anciens temps, des temps antiques ; tous ces hommes importants ; on dirait ; mais ça me plaît ce que tu dis là, c’est sérieux ; il faut défendre l’utilité, ceux qui ont le souci du public et du privé, qui poursuivent des intérêts publics et privés ; et se rendent ainsi utiles à leurs concitoyens, et au monde. Ah, oui, je suis d’accord ; les sophistes sont vilains, ils visent qu’à s’enrichir aux dépends des jeunes gens ; mais soyons indulgents avec ceux qui se laissent entraîner dans cette voie ; la jeunesse est naturellement portée à l'exagération et au merveilleux… et on ne dira jamais tout ce que nous devons à Hélène, dans les arts, les sciences, les institutions ; toutes ces choses bien utiles qui nous valent de l’emporter sur les Barbares asiatiques.
Mais, cependant, mon cher D.B., comme disait l’autre, il ne faut pas confondre le sérieux, avec l’esprit de sérieux ; il faut savoir rire, et rire de soi aussi ; ne pas trop se comprendre à partir du monde, et de l’utilité ; pensons à tous les inutiles au monde, pensons aussi que nous ne sommes pas que des outils, ou des objets ; bref, pensons.
« II y a sérieux quand on part du monde et qu'on attribue plus de réalité au monde qu'à soi-même, à tout le moins quand on se confère une réalité dans la mesure où on appartient au monde (…) les possédants (...) se connaissent et s'apprécient à partir de leur position dans le monde. Ainsi toute pensée sérieuse est épaissie par le monde, elle coagule ; elle est une démission de la réalité-humaine en faveur du monde. L'homme sérieux est « du monde et n'a plus aucun recours en soi ; il n’envisage même plus la possibilité de sortir du monde, car il s'est donné à lui-même le type d'existence du rocher, la consistance, l'inertie, l'opacité de l'être-au-milieu-du-monde. Il va de soi que l'homme sérieux enfouit au fond de lui-même la conscience de sa liberté, il est de mauvaise foi et sa mauvaise foi vise à le présenter à ses propres yeux comme une conséquence : tout est conséquence, pour lui, et jamais il n'y a de principe ; c'est pourquoi il est si attentif aux conséquences de ses actes. Marx a posé le dogme premier du sérieux lorsqu'il a affirmé la priorité de l'objet sur le sujet et l'homme est sérieux quand il se prend pour un objet.
Le jeu, comme l'ironie kierkegaardienne, délivre la subjectivité.»
(JPS, l’Etre et le Néant, p.226)
D'où te vient ce soudain désir de discuter, d'en découdre avec moi? Tu m'avais pas adressé la parole depuis des siècles.
Borges- Messages : 6044
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Borges a écrit:
Tu parles, gravement, avec noblesse, comme les conservateurs des anciens temps, des temps antiques ; tous ces hommes importants ; on dirait ; mais ça me plaît ce que tu dis là, c’est sérieux ; il faut défendre l’utilité, ceux qui ont le souci du public et du privé, qui poursuivent des intérêts publics et privés ; et se rendent ainsi utiles à leurs concitoyens, et au monde. Ah, oui, je suis d’accord ; les sophistes sont vilains, ils visent qu’à s’enrichir aux dépends des jeunes gens ; mais soyons indulgents avec ceux qui se laissent entraîner dans cette voie ; la jeunesse est naturellement portée à l'exagération et au merveilleux… et on ne dira jamais tout ce que nous devons à Hélène, dans les arts, les sciences, les institutions ; toutes ces choses bien utiles qui nous valent de l’emporter sur les Barbares asiatiques.
Avec noblesse ? Conservateurs ?
Pfff.... Nigga please
Borges a écrit:D'où te vient ce soudain désir de discuter, d'en découdre avec moi? Tu m'avais pas adressé la parole depuis des siècles.
La réponse est dans la question :
Borges a écrit:il ne faut pas confondre le sérieux, avec l’esprit de sérieux ; il faut savoir rire, et rire de soi aussi ; ne pas trop se comprendre à partir du monde, et de l’utilité ; pensons à tous les inutiles au monde, pensons aussi que nous ne sommes pas que des outils, ou des objets ; bref, pensons.
DB- Messages : 1528
Re: #3 - Etendard de la mémoire
JM a écrit:Je poursuis un peu ici mon étude sur les nazis dans les films actuels :
[justify]"OSS117", film profondément cynique et antipathique. Plus antipathique que le personnage est le ton débonnaire du film qui, après un premier épisode pouvant encore faire illusion, ne cache plus son plaisir douteux de se repaître à gogo de nouvelles sorties xénophobes, homophobes, machistes, anti-jeunes, imbéciles, et pas grand-chose d'autre, sans se soucier le moins du monde du fait que les spectateurs en redemandent et tout en jouant avec hypocrisie d'un second degré au capital pseudo "critique". Le coq qui aime marcher sur ses excréments est aussi, je crois, une bonne vieille figure caricaturale des français, il ne semble donc pas interdit non plus de rire contre le film. Comme dans le premier épisode, les nazis sont des personnages comiques qui se plaignent de leur sort d'éternels méchants dans la fiction. Ils n'acceptent pas leur condition sérieuse et préfèreraient encore sans doute le ridicule d'OSS qui leur vole la vedette (c'est clairement le thème d'une des scènes de ce second volet). Il leur pique même leur antisémitisme. Le nazi qui se suicide à la fin récite quelques vers de Shakespeare qu'il fait sien (en remplaçant "juif" par "nazi") : "Un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l'affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ?". Notons que la dernière ligne est peut-être le point de départ du prochain Tarantino (à suivre)
Je suis tombé là dessus :
http://www.rue89.com/2009/08/28/moscato-derape-le-racisme-anti-asiatique-davantage-tolere
DB- Messages : 1528
Re: #3 - Etendard de la mémoire
Retour au sujet de départ : pourquoi le film de Spike Lee n'est jamais sorti ici ?
TF1 condamné lourdement en faveur de Spike Lee
par Emmanuel Torregano
TF1 Droits Audiovisuels vient d’être condamné à payer 32 millions d’euros à Spike Lee. En jeu, un contrat de distribution du dernier film du réalisateur que la Une n’a pas honoré, selon le jugement du TGI.
La Une ne s’en est pas vantée... Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu un jugement particulièrement dur à l’encontre du groupe TF1 dans l’affaire qui l’oppose au réalisateur Spike Lee, représenté par la société On my Own. Le TGI a condamné TF1 à une amende record de 32 millions d’euros dont 24 millions à verser immédiatement ! La Une a fait appel, mais cette procédure n’est pas suspensive. C’est l’incendie quai du Point du Jour... A l’heure actuelle, le jugement n’a pas encore été publié par le TGI, mais cela ne saurait tarder.
L’histoire a commencé en octobre 2007. TF1 et Spike Lee s’entendent sur la distribution dans les salles du dernier opus du réalisateur de "Do the right thing" et "Malcom X" pour la France et l’international, en dehors des Etats-Unis. Lors d’une première diffusion de contrôle, le film intitulé "Miracle at Santa Anna" fait bondir sur leurs sièges les responsables de TF1 International, la filiale du groupe. A tel point que l’affaire est portée directement devant le Tribunal de Commerce fin 2009, comme le note le rapport d’activité de TF1, pour tenter de dénouer les liens contractuels. Pas impressionnés, Spike Lee et la société de production On My Own en ont fait de même devant le Tribunal de Grande Instance pour non respect du contrat signé.
Provisions insuffisantes
Depuis, c’est le calme plat... celui d’avant la tempête. Il y a une dizaine de jours, le jugement du TGI tombe et il est lourd. On My Own avait réclamé 7,3 millions d’euros, plus les indemnités. De son côté, TF1 avait demandé 3 millions au titre de son préjudice... Mais, prudente, la Une avait ensuite provisionné la somme en 2010, comme cela doit se faire. Le verdict était d’ailleurs prévu pour cette année-là avant d’être décalé au premier semestre 2011, comme l’indique le rapport d’activité publié au printemps 2011. La somme record de 32 millions d’euros, dont 24 à payer sans délai, est une bonne affaire pour le réalisateur Spike Lee. "Miracle à Santa Anna" a été un échec aux USA avec moins de 8 millions de dollars de recettes... Il aurait certainement généré un peu plus s’il avait été distribué par TF1 dans les salles françaises. C’est à se demander quelle mouche a piqué les patrons de la Une dans cette affaire ! Refuser de distribuer un film n’est vraiment pas la meilleure stratégie, il vaut mieux, comme cela se fait souvent, proposer un circuit de salles discrètes et attendre quelques semaines pour le retirer afin d’éviter les ennuis.
Stratégie à long terme
Les activités de droits audiovisuels de TF1 regroupent principalement les activités d’exploitation en salles, l’exploitation des mandats de vente internationaux et l’exploitation des droits vidéo, à travers 4 sociétés : TF1 DA, TF1 International, UGC distribution et TF1 VIDEO. Cette structure a été rattachée directement au directeur financier de TF1, Philippe Denery dès 2008, d’une part en raison des problèmes judiciaires de son président, Patrick Binet, mais aussi et surtout parce que cet ensemble était en grande difficulté financière. Pour preuve, les droits audiovisuels ont généré de lourdes pertes en 2009 et 2010, respectivement de 22,5 millions et de 5,2 millions d’euros.
Et voilà que le TGI de Paris s’invite à la fête en condamnant TF1 International, devenue entre-temps TF1 Droits Audiovisuels. Nonce Paolini, le patron de la filiale du groupe Bouygues, n’avait vraiment pas besoin de cette affaire, alors que sa chaîne lutte pour redresser une audience sans cesse grignotée par ses rivaux. Une situation peu reluisante qui plombe le cours boursier de l’entreprise mais qui est aussi le résultat d’une absence de stratégie à long terme dans un environnement devenu plus complexe depuis l’avènement du Net et surtout la montée en puissance des réseaux sociaux qui détournent l’attention des téléspectateurs.
Eyquem- Messages : 3126
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