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Le shounen, décryptage d'une des séries de ce genre dominant

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Le shounen, décryptage d'une des séries de ce genre dominant Empty Le shounen, décryptage d'une des séries de ce genre dominant

Message par wootsuibrick Jeu 18 Juin 2009 - 9:21

Je vais tenter d'analyser ici une oeuvre d'un genre qui a marqué une grande partie de l'enfance de ma génération, le shounen (manga pour jeune garçon).
On pourrait me rétorquer qu'il y a des oeuvres plus ambitieuses artistiquement parlant, ou plus adaptées à la réflexion, que ce genre commercial destiné aux enfants, adolescents, qui mériteraient plus d'attention; je répondrai simplement que c'est peut-être vrai, mais qu'un sentiment qui dépasse la simple nostalgie me pousse à m'y pencher sérieusement. Il y a quelque chose de "primitif" qui dépasse les simples ambitions commerciales des studios d'animation japonais, ou des grandes maisons d'édition, qui se manifeste souvent dans ce genre, et parfois cette dimension me semble évidente dans des séries plus ambitieuses que la moyenne. Des séries qui ne se contentent pas de remplir le cahier de charge des studios d'animation, mais tentent avec une forme de sincérité de retravailler les motifs du genre sans pour autant les corrompre. Je vais ici partir d'une de ses séries, Hunter x Hunter de Yoshihiro Togashi, et tenter de voir dans quelle mesure tout en jouant à première vue totalement dans les canons du genre, au point de ne rien perdre du public habitué, cette série revitalise les codes qui font l'efficacité du processus d'identification aux figures qui peuplent le shounen.


L'un des points remarquables de la série Hunter x Hunter, et sans doute le plus visible pour qui connaît les codes du genre, c'est le côté foutraque et assez imprévisible des péripéties. A première vue les codes semblent être respectés, les hiérarchies, les valeurs, l'esthétique, la forme, les thématiques sont fidèles aux habitudes du genre, on retrouve les thèmes de l'amitié, du groupe à consolider, la quête, et les vilains à combattre; tout ce qui fait le sel des genres à figures héroïques. Dans le genre du shounen dont fait partie Hunter x Hunter, le thème du groupe est souvent traité avec une attention particulière. On pourrait attribuer ce fait, même si il s'agit là d'un cliché, à l'importance qu'accorde la société japonaise au travail, à la vie collectif. Il se forme ainsi toujours une équipe autour du héros, une équipe qui le soutien souvent autant affectivement qu'en terme de puissance, potentiel d'attaque. D'ailleurs, souvent ce genre joue dans d'autres contextes que celui d'une lutte héroïque contre le mal, il peut par exemple aussi traiter du sport, tout en gardant les mêmes formes, structures du récit que lorsqu'il traite de combat physique contre le mal. L'apport du sport apporte un thème certes mineur, dans la direction affective que tente de mobiliser la plus part des séries, mais clairement présent : le thème du jeu, des règles à assimiler pour gagner. Ce thème du jeu est aussi souvent présent dans les phases d'entraînement des personnages de shounen de "baston", mais disparaît généralement dans les phases de combat réel, où seule apparaît la puissance affective, technique, et physique à déployer pour vaincre. Là où Hunter x Hunter se singularise c'est dans l'importance qu'il accorde au thème du jeu, et ce même hors des phases d'entraînement et d'assimilation des règles. Ici le jeu s'étend hors des moments d'entraînement, ou je dirais plutôt que la dimension ludique des affrontements qu'ils soient dans le champ de l'entraînement ou dans l'affrontement "réel" contre les forces du mal prend une grande importance. Certes le jeu peut aussi devenir le thème central de beaucoup d'autres shounen, mais généralement dans ce cas de figure les limites entre le réel et le jeu sont assez claires, sauf lorsque le thème de la réalité virtuelle est traité. Hunter x Hunter traite de ce thème du jeu en le mêlant peu à celui de la réalité virtuelle... Bien que lors d'une saison le thème du virtuel soit traité en trompe l'oeil, la croyance y est inversée, et aboutie à une conclusion très déceptive pour qui s'attend au traitement habituel sur les frontières du virtuel et du réel. Je reviendrai plus tard dans le texte sur ce moment de la série.

Ce qui peut donner de l'intéret à Hunter x Hunter c'est aussi la variété de ses situations, la variation des relations, réactions qu'amènent les situations qui constituent le tissus de la série est supérieure à la norme du shounen. Il arrive souvent dans le shounen classique que les figures se figent et que la structure et les situations deviennent très répétitives, et prévisibles. Le créateur de la série Hunter x Hunter se joue beaucoup des attentes habituelles du lecteur, spectateur de shounen. Ce partis pris est d'autant plus évident dans le traitement que fait l'auteur de la série des personnages. Le genre du shounen fait souvent du "héros" un personnage dépassant les autres membres de son groupe, bien qu'il peut arriver qu'on consacre un épisode à un personnage secondaire. Ou plutôt elle fait d'un des héros de l'équipe le personnage central. La supériorité de ce personnage central sur les autres personnages qui constituent son équipe ne se traduit pas forcément en terme de force physique, ou de technique plus efficace, mais plus en terme d'attention que consacre la série à sa personnalité, dont elle prend les couleurs. Par exemple le personnage principal de la série qui tourne autour du basket, Slam Dunk, bien que n'étant pas le meilleur joueur de son équipe, est celui qui par son imprévisibilité et son ridicule fait basculer les matchs (que ce soit à l'avantage ou au désavantage de son équipe). Et cette imprévisibilité, ce ridicule accompagnant l'énergie débordante, voir surhumaine du personnage central, sont les moteurs comiques et dramatiques de l'ensemble de la série. Le héros de Slam Dunk, Sakuragi Hanamichi, en portant ce qui fait les caractéristiques du genre dont il est le héros reste constamment le fil directeur, le centre des enjeux de la série. Dans Hunter x Hunter un personnage qu'on identifie comme secondaire peut passer dans une autre "saison" au premier plan, sans que pour autant le personnage ou les personnages qui passent du premier au second plan ne cessent d'évoluer. On a ici une autre logique dans la manière de traiter le thème du groupe. L'équipe formée ne fonctionne pas comme le support d'une figure héroïque dominante, mais selon les enjeux émergeant une figure peut prendre la place du personnage qu'on avait identifié au départ comme le héros. On évite ici ce qui arrive dans la plus part des shounen, où souvent un personnage qui passe au second plan arrête d'évoluer, ses caractéristiques sont figées. En ce qui concerne Hunter x Hunter le déplacement du centre, de la ligne de fuite de la série, vers un personnage différent donne à chaque saison un ton différent, au point qu'on a parfois l'impression que la série fonctionne en mêlant plusieurs registres formels, comme si elle était composé de plusieurs sous-genre, chaque personnage important correspondant à un sous-genre. Mais cette logique ne s'organise pas en mode quête mineur, genre mineur et quête majeur, genre majeur, la charge émotive de la quête que l'on considère au départ du récit comme celle d'un personnage mineur, peut donner des enjeux émotionnels égaux ou "supérieurs" à celle de celui qu'on avait identifié comme le protagoniste principal. Ce changement de personnage, de genre, ne se fait pas non plus à la manière abrupt du Dragon Ball de Toriyama, vu que des enjeux important mis en place au départ continuent d'évoluer au second plan pendant que la seconde quête qui était en gestation dans la précédente partie prend le premier plan. Et cela se fait d'une manière assez souple, car on peut identifier ces changements de ton, voir de sous-genre, comme des modifications de la psychologie centrale, motrice de la dramaturgie de l'intrigue. On passe ainsi de la quête du père, enjouée mais dangereuse de Gon, à la vengeance sombre de Kurapica.

Je reviens à l'omniprésence du thème du jeu... ici il ne sert pas à figer un contexte, à la manière des séries tournant autour d'un sport, ou d'un jeu vidéo faisant perdre les frontière du réel (Digimon, Zegapain). Au contraire la série joue beaucoup sur le glissement constant d'un contexte sur un autre contexte, et la possibilité de déplacer les règles. La principale technique pour gagner étant souvent ici de déplacer ce qu'on prenait au départ pour des règles fixes : un mur qu'on abat pour créer une troisième possibilité, le refus constant de l'affrontement direct, les épreuves de l'examen qui ne commencent ni finissent au moment où on l'imagine.
On peut certes ici réduire cette manière de relancer l'intérêt à un travail malicieux. Mais je ne l'ai pas ressenti comme ça. A mes yeux, en faisant danser les codes du genre auquel il appartient, Hunter x Hunter redonne du sens à ce qui est la principale thématique du shounen, "le parcours initiatique".
Autre fait remarquable, les affrontement gardent un aspect "jeu cruel", voir sadique, qui est souvent évacué dans la plus part des shounen qui préfèrent généralement garder l'aspect masochiste ou fun de l'affrontement. Dans Hunter x Hunter un combat peut se transformer en séance de torture.

Ce dernier point débouche sur un autre aspect remarquable de la série, la fascination pour le mal, les vilains.
Généralement dans les shounen de baston, on sait que tous les vilains ne sont pas tous des salauds finis, qu'ils peuvent basculer du côté des bons. Ce qui arrive dans beaucoup de séries célèbres, de Saint Seiya à Dragon Ball. Mais généralement ce changement de camp équivaut plus ou moins à une conversion due à une erreur de jugement, bien que parfois le méchant devenu gentil continue à tenter de rivaliser avec le héros qui l'a vaincu depuis l'intérieur du groupe. Il peut même arriver que le méchant converti, bascule à nouveau un moment du côté du mal (Végéta dans Dragon Ball Z).
Hunter x Hunter joue autrement avec la figure du mal, on a l'impression que le choix des vilains n'est pas juste une erreur de jugement, il y a une espèce de vrai fascination pour les vilains, une espèce de plaisir qui est du au fait qu'ils sont souvent les plus habile au jeu qui les oppose, ou non, aux gentils, leur cruauté étant particulièrement adaptée aux règles posées par les jeux qui composent une partie de la trame de la série. D'où la nécessité qu'on parfois les gentils de contourner la règle pour gagner sans perdre leur bonté. Certains vilains qui s'assument totalement peuvent aussi momentanément basculer du côté des gentils, sans perdre de leur personnalité. Ce basculement est rarement une conversion, ni une victoire des bons sur les mauvais, mais un désir du vilain de rendre la partie plus intéressante. Cela souligne souvent le goût du jeu, et de l'affrontement du vilain. Il y a ici peu de conversion possible, vu que le monde dans lequel évolue les personnages n'appelle pas une victoire du bien sur le mal. Les notions de bien ou de mal ne semble concerner que des choix personnels, contrairement à beaucoup d'autres scénarios de shounen. Le monde dépeint dans Hunter x Hunter est juste un monde ou on peut à n'importe quel moment basculer du statut de proie à celui de prédateur et vice versa. On a ainsi tendance à croire que le monde dépeint ici est fondamentalement un jeu cruel, les héros étant constamment de potentiels proies qui jouent aux prédateurs. Lorsque les héros basculent complètement du côté des prédateurs ce n'est pas sans conséquence morale comme le soulignera la fin d'une saison mettant en scène l'affrontement d'un héros contre une bande de brigand, Genei Ryodan. Ce héros est mis "hors-jeu" non pas à cause d'une victoire de ses ennemis, mais parce qu'il n'assume pas les mise-à-morts que son désir et sa volonté de vengeance lui ont permis d'accomplir. Il est hanté par les fantômes de ceux qu'il a tué pour assouvir sa vengeance. Le gentil qui tue les vilains n'en sort pas indemne, sauf si il a lui même une part maudite dés le départ de la quête.
L'un des vilain les plus présent dans la série, et qui semble jouer à la fois le rôle de l'ennemi et du mentor à dépasser pour le héros naïf, Gon, est un espèce de Joker, Hisoka, qui ne se bat que pour prendre du plaisir. En voyant en Gon et ses camarades de potentiels futurs adversaires intéressants il décide de les observer, tout en les provocant de temps en temps pour tester leurs capacités. Mais l'aspect qui peut le plus troubler dans la nature des rapports qu'entretien Hisoka avec Gon et son ami Kirua qui sont deux enfants, c'est la dimension perverse; l'affrontement, ou l'idée de l'affrontement à venir procurant à ce personnage une excitation explicitement sexuelle. Heureusement nous sommes dans le cadre d'un produit pour jeunes adolescents cette perversité n'a aucune conséquence, et reste assez sommaire.


Le soleil rayonnant et la joie des héros qui semblent sur le départ d'une promenade, dans le générique de la première saison :



Le soleil noir de la bande des méchants qui doit faire face au héros (Kurapica le personnage à la chaîne) qui veut leur mort, générique d'une saison plus tardive de la série:





L'une des figures centrales de ce second générique est le chef de la bande de brigands, Kuroro (le jeune homme qui a le front tatoué d'une croix). Il semble avoir un passé douloureux, il aurait grandit dans une cité poubelle, rejetée hors du monde civilisé.
Malgré sa réputation et la preuve de sa puissance qu'il démontre à plusieurs reprises au cours de la série, ce personnage n'a à aucun moment l'occasion d'affronter directement les héros (du moins en l'état actuelle de la série), il se trouve même vaincu, le coeur enchaîné par celui qui désire sa mort, Kurapica, sans avoir pu se défendre.
Ce personnage étrange semble être tout le long de la série une puissance éteinte, qui en ayant accepté sa mort ne risque plus rien. Son pouvoir consiste à l'aide d'un livre magique à capturer les techniques et capacités de ses adversaires. En capturant le pouvoir d'un médium il apprendra même au début de l'affrontement qui oppose sa bande au héros vengeur, la défaite à venir. D'où peut-être son impassibilité lors des phases où il est réduit à l'impuissance.
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