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Carnet de route pour une Orestie africaine - Pasolini

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Message par adeline Dim 3 Mai 2009 - 18:53

Hoy les gens,

est-ce que certains d'entre vous ont vu ce film, en salle ou en dvd ? J'aimerais bien en discuter un peu...

Je l'ai vu il y a une semaine, et depuis ça me trottine dans la tête d'écrire dessus. Je me dis, je vais écrire ce qui me vient spontanément, et puis après, ça pourra aller sur le blog, ou bien rester ici et continuer en discussion.

Le procédé de base est le même que pour "Repérages en Palestine". C'est un montage de repérages très bien filmés avec la voix de Pasolini en off, écrite à son retour je pense, qui commente et explique les images, tout en revenant dessus et en construisant une narration.
Le postulat de départ de ce carnet de route est double : le vrai désir de Pasolini de tourner l'Orestie, d'Eschyle, dans l'Afrique contemporaine, donc du début des années 70. Et la certitude que ce projet n'aboutira jamais, et que ce carnet de route est en fait le vrai projet, le seul qui existera.
L'idée de tourner cette Orestie en Afrique est très réfléchie : il lui semble qu'à cette époque précisément, les récents États africains vivent la transition qu'Athéna fait vivre à Athènes à la fin de l'Orestie. Instituant le premier tribunal humain pour juger Oreste en lieu et place des Érinyes, Athéna fait passer la société athénienne du monde du mythe, symbolisé par les vengeresse Érinyes, au monde de la raison, de la justice rationnelle, qui acquittera Oreste. Les Érinyes deviennent alors les Euménides, et un cycle de vengeance se clôt. Pour Pasolini, un parallèle peut être tiré entre l'entrée des États africains dans la démocratie, d'inspiration socialiste ou capitaliste, et cette institution du tribunal humain par Athéna. L'Afrique (c'est ainsi qu'il s'évertue à dire, j'explique après) passerait de l'ère du mythe et des tribus à l'ère de la raison et de la démocratie.
Il s'en va alors en repérages dans la région de l'Afrique des Grands Lacs. Il tourne au Mozambique, au Tanganyika, sur les bords du lac Victoria, au Biafra, à Dar-es-Salam (je dis de tête, peut-être que je me trompe). Ce sont de vrais repérages, et la caméra est tout le temps en mouvement, elle cherche autant que Pasolini cherche. Que cherche-t-il ? Tout d'abord des acteurs. C'est-à-dire des visages et des corps. Pour le vieil Agamemnon, qui rentre épuisé de Troie. Pour Oreste. Electre, etc. Tout le film est impressionnant pour cela : Pasolini sait pour quoi il est là, pour quoi il filme l'Afrique. C'est frontal et direct. Les Agamemnon et Oreste qu'il évoque sont superbes. Il hésite pour Electre, trouve que le sourires et les couleurs que portent les jeunes filles de la ville où il se trouve ne pourraient jamais porter la haine et la violence d'Electre. Il n'évite pas certains clichés. Autour du lac Victoria, il filme avec la même simplicité. La pauvreté, les huttes toutes dénuées de tout. Mais à l'extrême opposée de Darwin et son cauchemar, pas une ombre de misérabilisme ou d'apitoiement dans ses images. Ici, ces gens dans ces huttes, de l'autre côté du fleuve, à la station service, dans ce village dont on sait qu'il est en lutte contre le désert et qu'il tient debout frêlement, il trouvera les personnages du chœur. Ceux qui chanteront la pièce. Et sur les images de l'Afrique contemporaine, les coiffeurs, les mécaniciens, le marché dépouillé en plein soleil, tout ce monde pour lequel il veut faire son film, et avec lequel il tournera, sur ces images s'élèvent le chant d'un chœur italien, très beau, très simple, dont on dirait qu'il vient du sol et des gens des images. Il filme une sortie d'usine aussi, en profite pour faire un petit commentaire sur la modernité des jeunes filles qui travaillent à l'usine, surtout sur celle-ci qui séduit et taquine la caméra. Il filme une école, là les élèves travaillent dans les champs, et sont appliqués en cours. Puis vient le moment de trouver qui jouera les Erinyes. C'était impressionnant tellement sans presque rien, tout était transformé. Quelques plans fixes et simplement cadrés, d'arbres vraiment en majesté se succèdent. Ils se déploient chacun dans tout l'écran, le plein cadre suffit à peine à les contenir, et souvent en contre-jour d'un couchant, ils se découpent en noir, tous plus énormes les uns que les autres. Avant même que sa voix ne viennent énoncer l'idée, elle frappe et s'impose : les Érinyes seront ces arbres, qui sont à eux seuls tout le mythe de l'Afrique. Et en effet, il voudrait pouvoir faire jouer les Érinyes par ces arbres...
À ce moment du film intervient une première coupure : on se retrouve dans une salle de cinéma à Rome, face à un public d'étudiants africains. Pasolini tient le micro, hors cadre parfois il entre dans le champ. On se doute qu'il vient de projeter les images de ses repérages, et il demande aux étudiants présents : que pensez-vous de mon projet ? L'idée de tourner l'Orestie en Afrique pour les raisons données tient-elle la route ? Faut-il tourner dans l'Afrique des années 70 ou remonter dans les années 60, au moment des indépendances ? Peu à peu, le fossé qu'il y a entre Pasolini et son auditoire apparaît. Il est repris, on ne peut pas parler de l'Afrique, l'"Afrique" n'existe pas, n'est pas une réalité. Il parle des tribus. Mais de quelles tribus ? Parle-t-on des Bretons à propos de la France ou des Toscans à propos de l'Italie ? L'Afrique, ce sont des nations, des États, etc... L'idée n'enthousiasme pas, les parallèles de Pasolini ne convainquent pas, son anti-capitalisme et son rêve d'un monde brut et archaïque buttent contre les désirs de modernités de l'auditoire. Deux fois une discussion ainsi vient interrompre et réfléchir les images tournées en Afrique.
À un autre moment, avec une désinvolture très rigolote, Pasolini interrompt son film "stop, à ce moment, j'ai eu une idée très importante, que j'ai essayé de réaliser". Cette idée, c'est de tourner la pièce entièrement chantée par des chanteurs noirs-américains, sur du free-jazz. On se retrouve alors dans un studio à Rome. Un grand saxophoniste argentin et son trio en pleine cession de vrai free jazz (enfin je crois, je suis pas hyper forte en jazz), accompagnent deux chanteurs noirs-américains dans une scène entre Agamemnon et Cassandre. C'est intense et déstabilisant comme un vrai set de free-jazz. La Cassandre chante d'une manière tellement absurde, fausse et distordue que c'en est limite insupportable, et pourtant fascinant. À ce moment, j'ai senti très fort quel type de film pasolinien aurait donné cette Orestie africaine. Fin du set, retour en Afrique.
Autre idée de parallèle : la guerre du Biafra qui fait rage à cette période serait la guerre de Troie dont rentre Agamemnon, et dont à un moment le choeur narre les horreurs. Quelques images détonnent alors fortement au milieu de celles tournées par Pasolini, et il éclaircit rapidement cette différence : ce sont des images d'archives de la guerre, qu'il a insérées à ses propres images. Commence une séquence assez difficile à supporter, d'images des combats, des charniers, des blessés. Brutes, dures, sanguines même en noir et blanc. Cherche-t-il à rendre palpables les horreurs de l'Illiade, et à démythifier la guerre "homérique" ? Sent-il dans ces images insoutenables une force mythique au contraire, qui dépasse l'être humain, quelque chose de sublime ? L'acmé est atteinte, et mes voisins ont tous détourné les yeux, lorsqu'un peloton d'exécution est mis en place. La caméra filme les soldats qui arment leurs fusils, mettent en joue, tirent. Et contrechamp, elle se tourne vers le prisonnier, que l'on voit tressaillir. C'est presque seconde par seconde la scène de The Passanger, que la femme de Nicholson ne supporte pas de regarder (si je me souviens bien). Difficile de recevoir ces images, mais impression très forte.
Puis le film se termine avec une scène réellement jouée, nous dit Pasolini, comme si le film était réellement tourné, celle où Oreste retrouve Électre sur la tombe d'Agamemnon lorsqu'il revient à Argos, et fait serment de tuer Clytemnestre et Egisthe, sa mère et son amant, pour venger son père. Auparavant, Pasolini avait filmé, quelque part dans une douce campagne, un père et sa fille faisant les gestes rituels sur la tombe de la mère. Gestes qui auraient pu être ceux d'Electre. C'est donc sur cette même tombe que l'Oreste africain arrive et retrouve Electre. Le vent fait bouger les feuilles des arbres comme si les Érinyes vraiment allaient surgir. Et l'on suit Oreste se dirigeant vers l'université de Dar es Salam, que Pasolini choisit comme tribunal, celui qui jugera Oreste mais on se souvient aussi des crimes de la guerre du Biafra. Là encore, les lieux semblent être faits pour accueillir le vrai tribunal athénien d'Oreste, et Oreste arrivant sur Dar es Salam semble vraiment surgir de ses années d'errance...

C'est fascinant de voir comme Pasolini, sûr de lui, de ses questions, de ses idées, filme l'Afrique comme je l'ai rarement vu. À la fois il dispose de ce qui se présente à lui, mais en filmant tellement ce qui est et non pas ce qu'il désire, ou déplore, ou voudrait changer, ou regrette, ou condamne, comme souvent n'importe quel blanc qui filme l'"Afrique", que c'est une image forte et chouette qui se dégage. Des pays en construction, en lutte, au travail, en pleine vie, qui avancent. Evidemment, il n'évite pas certains clichés et certaines approximations (notamment lors d'une fête de mariage, durant laquelle il voit le passage du mythe tribal à la raison, il filme les griotes à l'extérieur qui chantent et dansent, et à l'intérieur, la vraie cérémonie est pour lui, avec une organisation plus proche d'une cérémonie occidentale, plus rationnelle. Comme si l'on pouvait scinder ainsi une seule cérémonie en deux. De même, à un moment, il décide, en narrateur omniscient, que les danses des jeunes hommes dans tel village ne sont plus du tout empreinte de leur dimension spirituelle, mais qu'avec leur blue-jeans et leur air, un peu, désabusé, ils ne dansent plus que traditionnellement. Rien ne semble plus incertain...) Mais c'est le jeu, aussi, de ne rien comprendre, et ça ne le perturbe pas dans son idée toute abstraite de transposition, qui prend une ampleur évidente au fur et à mesure du carnet de route. Le film est tourné à la fin des années soixante, et il reprend l'idée du "Back to Africa" en la liant au jazz, avant que Fela Kuti ne fasse lui aussi ce lien dans l'afrobeat (enfin je crois, lol, je connais pas trop trop, c'est comme une intuition), ce que je trouve très très fort de faire déjà à cette époque-là.

Enfin bref, j'ai trouvé ça brut et très fort !


Dernière édition par adeline le Dim 3 Mai 2009 - 19:11, édité 1 fois

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Message par wootsuibrick Dim 3 Mai 2009 - 18:57

vu un morceau de ce film, les vingt premières minutes je crois.
mais le dvd était rayé pas pu continué.
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http://mondesducinema.blogspot.com/

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Message par Invité Dim 3 Mai 2009 - 20:42

Je n'ai pas vu le film, j'ai appris qu'il était sortis en salle ou en DVD récemment..texte très riche..

À un autre moment, avec une désinvolture très rigolote, Pasolini interrompt son film "stop, à ce moment, j'ai eu une idée très importante, que j'ai essayé de réaliser". Cette idée, c'est de tourner la pièce entièrement chantée par des chanteurs noirs-américains, sur du free-jazz. On se retrouve alors dans un studio à Rome. Un grand saxophoniste argentin et son trio en pleine cession de vrai free jazz (enfin je crois, je suis pas hyper forte en jazz), accompagnent deux chanteurs noirs-américains dans une scène entre Agamemnon et Cassandre. C'est intense et déstabilisant comme un vrai set de free-jazz. La Cassandre chante d'une manière tellement absurde, fausse et distordue que c'en est limite insupportable, et pourtant fascinant. À ce moment, j'ai senti très fort quel type de film pasolinien aurait donné cette Orestie africaine. Fin du set, retour en Afrique.

Dans "L'évangile selon St Matthieu", il utilisait le standard "Motherless Child" pour accompagner une scène..

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Message par adeline Dim 3 Mai 2009 - 20:47

Ah oui, je rêve de le voir depuis le documentaire en Palestine. Je croyais que la seule musique du film était la Passion selon Saint Mathieu, de Bach ?
Vraiment, je crois que ça vaut le coup de chopper le dvd, qui en plus est semble-t-il très riche en bonus, et il y a des images tournées en Inde aussi je crois...

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Message par Invité Dim 3 Mai 2009 - 21:13

adeline a écrit:Je croyais que la seule musique du film était la Passion selon Saint Mathieu, de Bach ?

Oui, aussi. Celle-là même qui figure aussi dans le "Casino" de Scorsese. Tiens, je sais plus ce qu'il en disait de Pasolini le Marty dans ses histoires du cinéma italien..?

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Message par Invité Ven 8 Mai 2009 - 18:56

salut Adeline, je réponds à ton invitation. Revu le film, avec la volonté de ne pas me laisser impressionner par sa nature versatile, sa forme poreuse présentée comme "intention de film" par Pasolini, avec cette idée d’une Orestie noire qui paraît audacieuse, très inspirée. Pasolini crée un genre : "le film de repérages", un cas unique dans l’histoire du cinéma(paraît-il) qui donne au film son destin de film maudit, parce que non assimilable aux conventions télévisuelles et cinématographiques.
En regardant tout ça de près, j’ai fini par me demander si Pasolini n’avait pas fait œuvre coloniale en transposant l’Orestie d’Eschyle en Afrique. Comment inclure l’idée de civilisation qui est née en Afrique dans la tragédie grecque? Pasolini n’en fait rien, il s’en tient à son Orestie et vise les Indépendances africaines pour symboliser le passage, la transformation des Erinyes en Euménides ; c’est-à-dire la transformation de l’irrationalité sauvage et terrifiante en irrationalité qui intègre la rationalité. Pasolini voit les Indépendances africaines comme l’institution de l’Aéropage par la déesse de la Raison, la transformation des cités sauvages en cités civiles, écrit-il, dans lesquelles les sombres tyrannies, imposées par des dieux archaïques, sont remplacées par des institutions démocratiques et dirigées par de nouveaux dieux. Le passage d’un état sauvage à un état civil et démocratique. Les Indépendances sont la catharsis, l’institution de l’Aéropage qui repousse les successions de Rois qui ont ensanglanté le continent, ou ce qu’il désigne comme la stagnation séculaire de la culture tribale qui a dominé les terres africaines. A partir de ça, la tragédie d’Eschyle me paraît être une grosse connerie qui tourne en roue libre, quand on sait les Indépendances fictives. De grandes figures historiques qui se battaient pour la justice sociale et la démocratie avaient déjà été dégagées au moment où Pasolini tourne son Oreste : Ruben Um Nyobe(1958), Felix Moumié(1960), Lumumba(1961), Mehdi Ben Barka(1965)…
Pasolini poursuit son intuition poétique, sans se soucier des vérités historiques des génocides en Afrique. Il n’y a eu aucune transformation des Erinyes, et les Rois ou dictateurs sont encore là aujourd’hui, je parlais d’Omar Bongo notamment, pas vraiment inquiété puisque le parquet de Paris s’oppose à une enquête sur les chefs d’Etat africains.
La provocation de l’Orestie : réécrire, transposer des carnages humains, et peut-être ne plus rien y comprendre.
C’est ce que je pouvais dire, dans un premier temps.

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Message par adeline Ven 15 Mai 2009 - 14:51

Hello Breaker,

merci d'être passé pour discuter un peu de ce film !
Je suis contente de lire ce que tu as écrit, car j'imaginerais volontiers ressentir le même genre de doutes à une deuxième vision du film. De toute manière, on sent très bien dans le film qu'il ne cherche pas du tout à réfléchir sa position et son idée, il la soumet, mais ne la questionne pas vraiment je crois. Il n'évite pas non plus de sacrés clichés. Tu as raison en faisant remarquer qu'en 70 on sait déjà à quoi s'en tenir sur les "soleils des indépendances", et j'imagine que c'est bien pour ça qu'il demande aux étudiants africains s'il ne faudrait pas situer le film dans les années 60. Quand tu dis qu'il poursuit son intuition poétique sans vraiment se préoccuper de ce qu'il se passe réellement au-delà de simples analogies, je pense que tu as tout à fait raison. C'est le propos même de son idée. Essayer de tenir une analogie simple. Au risque de nier finalement les spécificités des gens, des pays et des situations qu'il filme. Mais si ce film est bien un documentaire dans sa forme et sa genèse, je ne pense pas du tout que Pasolini ait une démarche documentaire. Il cherche les images de ce qu'il a en tête, et s'il ne trouve pas, il va ailleurs. S'il trouve des images qui conviennent, indépendamment de leur traduction de la réalité de laquelle elles émergent, il les prend. Dans Repérages en Palestine on voit bien cela, il cherche quelque chose, qu'il ne trouve pas, alors il ira ailleurs. La question est de savoir si une telle attitude est coloniale ou non... Ce qu'il trouve en Afrique et qui lui plaît, c'est le mélange entre ce qu'il appelle "archaïque" dans Repérages en Palestine et des tentatives d'organisations socialistes. Est-il aveugle pour encore y croire en 70 ? Ou fait-il volontairement abstraction des réalités politiques pour ne s'en tenir qu'à ses idées ? Et dans ce cas, est-ce une attitude coloniale ? ll exploiterait l'image de l'Afrique, et d'une Afrique qui n'existe alors que dans ses désirs, au même titre que d'autres en exploitent les hommes et les ressources... À la fois je sens ce que tu veux dire, et pourtant dans ce que j'ai vu du film, j'ai senti une distance qui irait contre cela. Dans ses images à lui en tous cas. L'insertion des images d'archives de la guerre du Biafra plaide au contraire contre lui.

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Message par Invité Ven 15 Mai 2009 - 23:03

je ne l'ai pas vu mais je ne comprends pas quel est le projet de Pasolini.
C'est quoi une Orestie ?

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Message par Invité Sam 16 Mai 2009 - 7:38

camille a écrit:je ne l'ai pas vu mais je ne comprends pas quel est le projet de Pasolini.
C'est quoi une Orestie ?

Je ne m'y connais pas trop en Orestie non plus mais voici quelques informations à ce propos ici. Je ne sais pas ce que ça vaut..

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Message par Invité Sam 16 Mai 2009 - 13:49

j'avoue ne pas être avancée ni voir plus clair.
Pourtant ce projet ( si j'ai bien compris ) de film, m'intrigue.

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Message par Invité Lun 25 Mai 2009 - 12:12

Revu le film une troisième fois !
J’avais beaucoup aimé le film tout en restant bloqué par cette idée d’Orestie noire. Lu quelques pages de Nietzsche qui ont desserré l’étau des perceptions hostiles à l’égard du film. La naissance de la tragédie. Zarathoustra. Par delà bien et mal. Ce sont des clés de cette parade sauvage.
Quand Pasolini dit aux étudiants : « il me semble que la civilisation tribale africaine ressemble à la civilisation archaïque grecque », ils n’entendent pas la grandeur et la beauté, l’énergie dionysiaque de cet énoncé ; pire, ils lui font la leçon :
- étudiant n°1 : L’Afrique n’est pas une nation, c’est un continent… Moi je ne connais pas l’Afrique. Je viens d’Ethiopie. Il ne faut pas généraliser en parlant d’Afrique… Le mot « Afrique » ne veut rien dire.
- étudiant n°2 : Je voudrais, à propos de ce film, rappeler d’abord à son auteur, il ne faut pas trop créer sur l’histoire du tribalisme en Afrique. Parce que les Européens, en général, ont trop inventé sur le tribalisme pour commettre leurs forfaits. Alors si on doit parler de l’Afrique, on parle d’une race, non des tribus…
- étudiant n°3 : je trouve que c’est dangereux quand vous parlez de démocratie. Je ne sais pas si la civilisation européenne, moderne, nous a apporté la démocratie comme on le dit généralement.

- réponse de Pasolini : c’est très intéressant, mais vous oubliez quelque chose. Qui a fait la frontière du Congo et du Nigeria ? Les colonialistes. La réalité nigériane est fausse, créée par les patrons européens. Ils ont créé le Nigeria en traçant des lignes, mais ce n’est pas la réalité… Il ne faut pas avoir peur de la réalité. Si en Afrique il y a encore des tribus, si les Ibos se sentent différents des Haoussa, c'est la réalité, il faut l'affronter... Quand je parle de « démocratie », je n’entends pas la démocratie réelle, mais la démocratie formelle. Quand Oreste arrive à Athènes, un tribunal humain est instauré. Pour la première fois, des hommes sont élus comme juges. Ce sont eux qui jugent un autre homme, et non les Dieux. C’est un pas énorme dans l’histoire de l’humanité, mais c’est un pas formel, une forme qui devra se remplir de démocratie réelle.

un bémol toutefois : en conclusion du film, Pasolini termine son commentaire en citant Senghor pour espoir de démocratie, rapport à cette transformation des Furies en Euménides. Senghor a été une régression pour l’Afrique, quand en 1962, il élimine Valdiodio N’diaye du pouvoir en l’accusant de complot contre l’Etat.

Je ne connaissais Pasolini qu’à travers son film le plus sulfureux, qui m’a barré la route à l’extraordinaire poésie de son œuvre cinématographique. J’ai vu ces jours-ci Accattone(1961), La Ricotta(1962), Qu’est-ce que les nuages?(1968), et Pasolini l’enragé par Fieschi(collection cinéaste de notre temps). Je suis très impatient de voir La rage
J’ai pu rassembler quelques documents qui me paraissent importants(entretiens, textes, et témoignages), je peux les mettre en ligne si ça intéresse quelqu’un.


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Message par Invité Lun 25 Mai 2009 - 13:59

Salut breaker,

Je ne connaissais Pasolini qu’à travers son film le plus sulfureux, qui m’a barré la route à l’extraordinaire poésie de son œuvre cinématographique. J’ai vu ces jours-ci Accattone(1961), La Ricotta(1962), Qu’est-ce que les nuages?(1968), et Pasolini l’enragé par Fieschi(collection cinéaste de notre temps). Je suis très impatient de voir La rage…
J’ai pu rassembler quelques documents qui me paraissent importants(entretiens, textes, et témoignages), je peux les mettre en ligne si ça intéresse quelqu’un.

N'hésite pas à ouvrir carrément un sujet à propos de Pasolini par ici ! Il se trouve que j'ai, moi aussi, vu ou revu plusieurs de ses films récemment et je me ferai un plaisir d'en discuter avec toi..

Tu vas voir, "La Rage" est un film de montage, historique et poétique, assez original dans l'oeuvre de Pasolini, il y a peut-être un peu du "dernier" Godard dedans...

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Message par Invité Jeu 11 Juin 2009 - 19:47

Pasolini, portrait du poète en cinéaste(Editions Cahiers du cinéma, 1995), Hervé Jouvert-Laurencin inclut l’Orestie dans une trilogie antique, entre Œdipe Roi(1967) et Médée(1969). Pasolini a été intimement au contact du texte eschylien juste avant de devenir cinéaste, quand Vittorio Gassmann demande à Pasolini à la fin de 1959 une nouvelle traduction de l’Orestie afin de l’adapter pour le Théâtre populaire, "cela aide à comprendre l’allure tragique des premiers films, d’Accatonne et de Mamma Roma", dit Jouvert-Laurencin. Concernant le débat avec les étudiants de l’Orestie de Pasolini, J-L voit cette séquence comme l’institution de l’Aéropage institué par Athéna dans les Euménides: "si les étudiants peuvent être comparés sans difficulté aux citoyens honorables choisis par Athéna, la place de Pasolini est diversement envisageable ; il tient tout d’abord la place d’Oreste, assassin de sa mère, face à ses juges : c’est le Pasolini persécuté par la justice, incessamment convoqué au tribunal pour avoir «tué sa mère»(offensé sa patrie, sa religion, sa langue, brisé un tabou), pour y être, en fin de compte, toujours acquitté comme Oreste : au nom de la Raison, contre l’irrationalité de l’archaïsme…"
On peut signaler aussi, à propos de la forme, Chronique d’un été de Rouch et Morin, qui avait déjà élaboré ce dispositif d’emboîtements, des Parisiens interrogés et filmés dans la rue ou ailleurs, étaient de nouveau filmés et interrogés en train de visionner leurs réponses.

Concernant l’assassinat de Pasolini, Moravia n’était pas favorable à l’idée du complot ou du crime politique tel qu’en témoigne Ettore Scola notamment ou le blog de Pierre Assouline ; Moravia n’excluait pas tout à fait le sens de la présence d’un élément politique, "vraisemblablement pas organisé comme un complot, mais lié aux fréquentations probables de Pier Paolo au sein de milieux plus ou moins hors-la-loi ou infiltrés par toute sorte de corruption, politique ou pas."


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