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Gravity (A. Cuarón): Never Mind the Bullock/les fins des étoiles

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Message par Eyquem Jeu 31 Oct 2013 - 1:27

Puisque personne n'a encore dit un mot sur Gravity (même pas Erwan: mais qu'est-ce que tu fiches?!), je m'y colle.

Comme spectacle, c'est quelque chose. J'ai trouvé que toute la première partie était une réussite éclatante. J'ai retenu mon souffle à plusieurs reprises. C'est un vrai tour de force, beau et tendu et à la fois. Ca faisait un moment que je n'avais pas eu autant de plaisir devant un film de ce genre.
C'est dommage que le film ne tienne pas la distance; ça s'épuise dans la deuxième partie, aussi vite que les réserves d'oxygène (on doit essuyer les larmes de Sandra Bullock, etc: c'était plus touchant dans After Earth, sur un sujet semblable).

Sur la 3D, il m'a semblé que c'était la première fois qu'elle se justifiait. Même Avatar ne rendait pas aussi bien, dans sa construction des espaces, à cause d'un découpage encore trop rapide. Ici l'utilisation systématique du plan-séquence fait que l'espace créé par la 3D devient vraiment un espace à explorer, "immersif" comme on dit.

Enfin bref. C'est pas l'idée que je me fais d'un grand film, mais comme film d'action, y a pas à dire, c'est super.


Dernière édition par Eyquem le Jeu 31 Oct 2013 - 9:12, édité 1 fois
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Message par gertrud04 Jeu 31 Oct 2013 - 8:24

Hello Eyquem, d’accord avec toi…sur le fait que Erwan exagère !Smile 

Par contre très déçu par le film. D’ailleurs, j’en ai marre : quand j’aime bien un film grand public (genre Pacific Rim), vous n’aimez pas et quand c’est moi qui n’aime pas, vous trouvez ça bien. Je m’y perds à la fin (lol).

Sur le fond, c’est rien de plus qu’un film catastrophe assez banal. D’abord le crash puis les rescapés qui tentent de survivre. On a vu ça plein de fois. Dans le genre, autant revoir l’Aventure du Poseidon. C’était bien plus émouvant, y avait de bons acteurs : Gene Hackman, Shelley Winters (la « grosse dame »),… et là aussi on avait la tête à l’envers.

Au début du film, on nous dit que dans l’espace, il n’y a pas de son. Il y avait là une idée qu’il aurait fallu exploiter notamment dans les moments de tension. Ne faire entendre que les voix humaines et priver le reste de bande sonore. Ça, c’eut été surprenant. Au lieu de quoi, à la moindre scène d’action, le réalisateur noie tout sous plein d’effets sonores et une musique gonflée aux hormones (comme Hollywood sait en produire à la pelle aujourd’hui). Façon artificielle de créer de la tension, là où, encore une fois, les seules images accompagnées de chevrotement des voix humaines auraient suffi.

Après tout, si on repense aux catastrophes récentes filmées et diffusées à la télé (ex : 11 septembre), il n’y a souvent que des images à regarder : on voit tout mais on entend rien si ce n’est les commentaires du mec qui filme et lance des oh my god, oh my god ! Et ça n’en est pas moins impressionnant.

Je me suis aussi souvenu de 2001 et de la scène où l’astronaute est tué par l’ordinateur HAL. Kubrick, quand il filme la mort dans l’espace, c’est sans le son. Et ça glace d’effroi. Borges (hello) avait dit d’ailleurs sur l’ancien forum que l’accroche d’Alien « Dans l’espace, personne ne vous entend crier », c’est Kubrick qui l’avait filmé littéralement.

Bref un film pour moi qui a plus sa place à la géode (pour profiter pleinement de la 3 D) que dans une salle ciné.
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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 8:52

Hi Eyquem;

ai vu, et j'avais un super titre punk de topic : Never Mind the Bullock...


j'ai trouvé ça d'une nullité...

-tout le monde cause espace, mais c'est pas un film sur l'espace, c'est un film sur la haine de l'espace (étendue, profondeur, infini, distance...) sandra le dit, clairement...c'est un film sur le proche, la proximité, la nostalgie du chez soi...

-on compare à 2001, c'est l'inverse, pas seulement cinématographiquement, en terme de désir et de croyance; ce qui est la même chose finalement : 2001, c'est la volonté d'échapper à la terre, à la pesanteur... une volonté d'arrachement constitutive de la transcendance humaine, l'os balancé dans l'espace qui devient navette, bien entendu il y a un retour, mais dont la nature reste complexe, et en tous les cas ne se réduit pas à cette image grossière du retour au limon originaire, dont dieu a tiré l'homme, mais pas la femme;  au désir de transcendance, s'oppose le désir de la terre, de la mère... comme dans "after earth"... La terre comme mère endeuillée de ses enfants; le film a la structure inverse de 2001, on finit par la station debout... avec SB dans le rôle du grand singe, "féminisme" oblige, dominant un monde sauvage désert, où la 3 D, trouve ses limites; mais sous le féminisme, l'image de la femme traditionnelle : maman-maison...au mec qui s'en va au loin, se détache, se libère, s'oppose la femme qui s'agrippe, s'accroche... on est dans le western...

-on cause souvent de la main qui agrippe, s'agrippe, sans en saisir l'importance psychanalytique  (Abraham- Török); jerzy en avait parlé quelques fois...


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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 8:56

gertrud04 a écrit:Hello Eyquem, d’accord avec toi…sur le fait que Erwan exagère !Smile 

Par contre très déçu par le film. D’ailleurs, j’en ai marre : quand j’aime bien un film grand public (genre Pacific Rim), vous n’aimez pas et quand c’est moi qui n’aime pas, vous trouvez ça bien. Je m’y perds à la fin (lol).
Hi gertrud04

nous sommes deux fois d'accord, sur Erwan (mais faut pas lui mettre la pression, comme on dit ), et sur la qualité du film, médiocre...
comment expliquer toutes les étoiles que lui décerne la presse, paradoxe pour un film qui ne regarde jamais vers elles...comme on est loin de tree of life, qui est aussi une histoire de mère en deuil...


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Message par Eyquem Jeu 31 Oct 2013 - 9:05

'jour Gertrud,

Ah mais, je suis d'accord, entièrement d'accord: la liste des défauts de ce film, on n'en finirait pas si on la commençait. Je n'arrêtais pas de regretter que le film utilise autant de clichés dans son récit, qu'il verse dans des effets sonores et dramatiques tapageurs. Je me disais: mince, ce mec Cuaron, il a 100 millions de dollars, il peut faire tournoyer des navettes et des acteurs dans l'espace autant que ça lui chante, pourquoi ça ne lui suffit pas? Il a des techniciens de génie qui lui fabriquent des caméras 3D capables de virevolter dans le vide, sans qu'on comprenne jamais où est leur point d'ancrage: pourquoi il s'embarrasse d'un scénario aussi bavard? (quand je dis "bavard", c'est non seulement parce que le film parle beaucoup, mais surtout parce qu'il impose un "texte", une signification, particulièrement lourde, à l'aventure de son personnage, et que je ne sens aucune implication véritable du metteur en scène dans ce récit.) J'aurais préféré, comme toi, un film plus sobre: on a déjà suffisamment la tête qui tourne avec les images. J'aurais préféré un "documentaire", avec des personnages sans histoire particulière; ça aurait été le simple compte-rendu d'un accident dans l'espace. Le film aurait renoncé à sa musique trompettante aux moments-clés; il y aurait eu plus de silence et plus d'effroi.
La comparaison avec 2001 ne tient évidemment pas. Devant 2001, on sentait vraiment ce que ça voulait dire, la solitude, l'esseulement au milieu du grand rien; on sentait ce que c'était, la terreur devant l'infini.
"Gravity", c'est le film d'un technicien, un technicien hors pair, mais un technicien seulement. Je n'ai pas réussi à m'émouvoir du calvaire de Sandra Bullock: ça sonne faux, convenu; je ne m'ôtais pas de l'idée que le film n'en avait rien à faire, qu'il avait juste besoin d'un "arc" narratif, comme ils disent sur FdC: c'est juste du savoir-faire, une recette de scénario; il n'y a rien dessous. (Faut voir la scène d'adieu où elle aboie en écoutant des chiens: ridicule. On a l'impression d'être dans une des comédies précédentes de Sandra Bullock, qui se signalaient pas particulièrement par leur génie).

Mais une fois qu'on a dit tout ça, je maintiens: c'est une expérience de spectateur, en tout cas ça l'a été pour moi. J'en suis sorti avec une légère faiblesse dans les genoux, un sentiment de flottement, consécutifs à la sensation de désorientation constante que le film nous inflige pendant une heure et demie, avec une habileté que j'ai trouvée remarquable.
Je n'avais pas éprouvé ça depuis... disons, "Mission to Mars", un film que j'aime beaucoup et où de Palma avait réalisé quelques séquences de dérive en apesanteur que j'avais trouvées prodigieuses.

(tu as un mp, au fait Wink )
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Message par Eyquem Jeu 31 Oct 2013 - 9:11

Borges a écrit:ai vu, et j'avais un super titre punk de topic : Never Mind the Bullock...
lol: tu penses bien que je vais l'ajouter tout de suite!
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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 9:13

gertrud04 a écrit:
Au début du film, on nous dit que dans l’espace, il n’y a pas de son. Il y avait là une idée qu’il aurait fallu exploiter notamment dans les moments de tension. Ne faire entendre que les voix humaines et priver le reste de bande sonore. Ça, c’eut été surprenant. Au lieu de quoi, à la moindre scène d’action, le réalisateur noie tout sous plein d’effets sonores et une musique gonflée aux hormones (comme Hollywood sait en produire à la pelle aujourd’hui). Façon artificielle de créer de la tension, là où, encore une fois, les seules images accompagnées de chevrotement des voix humaines auraient suffi.

(...)

Je me suis aussi souvenu de 2001 et de la scène où l’astronaute est tué par l’ordinateur HAL. Kubrick, quand il filme la mort dans l’espace, c’est sans le son. Et ça glace d’effroi. Borges (hello) avait dit d’ailleurs sur l’ancien forum que l’accroche d’Alien « Dans l’espace, personne ne vous entend crier », c’est Kubrick qui l’avait filmé littéralement.
Hi;




Au fond "gravity" n'est rien d'autre qu'une amplification mélodramatique (drame plus musique, dans ce cas atrocement kitsch, sentimentale;  souvent comme dans drive on a un effet boite techno-électro, on flotte dans un état de mélancolie; la mère conduisait sans but sur terre... ) de cette séquence, qui lie la science, et le cinéma (c"est du cinéma muet); le reste est silence...et dire que certains abrutis osent raconter que le film retrouve le vertus du cinéma muet...

-sans la musique le film ne tient pas une seconde,  et elle vaut pas grand-chose... je donne tout le film et sa musique pour




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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 9:14

Eyquem a écrit:
Borges a écrit:ai vu, et j'avais un super titre punk de topic : Never Mind the Bullock...
lol: tu penses bien que je vais l'ajouter tout de suite!
T'es un prince (comme dirait Holden)

Wink 
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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 9:36

Eyquem a écrit:
Mais une fois qu'on a dit tout ça, je maintiens: c'est une expérience de spectateur, en tout cas ça l'a été pour moi. J'en suis sorti avec une légère faiblesse dans les genoux, un sentiment de flottement, consécutifs à la sensation de désorientation constante que le film nous inflige pendant une heure et demie, avec une habileté que j'ai trouvée remarquable.
Je n'avais pas éprouvé ça depuis... disons, "Mission to Mars", un film que j'aime beaucoup et où de Palma avait réalisé quelques séquences de dérive en apesanteur que j'avais trouvées prodigieuses.
-La scène de mission to mars remakée dans gravity était déchirante; mais comme "2001", "tree of life", "mission to mars" est un film sur l'ouverture à l'infini... le désir de l'autre (pas seulement humain); sans ce désir, y a pas de distance ni de proximité; le seul moment où quelque chose de la distance est donné à sentir dans le film, plus qu'à voir, c'est quand les corps s'éloignent de nous, nous échappent, s'en vont dans le lointain; la distance et la proximité sont métaphysiques et humains, et non pas géométriques, ou je sais quoi... la distance, c'est ce qui me sépare par le désir du désirée, c'est tout simplement le désir, car sans le désir, jamais l'autre ne peut m'apparaitre dans sa distance, comme distance;  "gravity" est un film sans désir (au sens de levinas, plus que psy), sans transcendance, sans humanité...la fidélité à la terre quand elle n'est pas pensée avec Nietzsche, quand elle n'est que nostalgie de la vie moyenne américaine ne peut pas nous toucher, ne peut pas toucher; l'un des axiomes du film, inconscient, c'est la fin de l'histoire, dans les deux sens du mot, comme récit, et comme mouvement de l'humanité; l'histoire n'est pas finie, et comme les personnages de Beckett nous devons encore nous raconter bien des histoires, en inventer...et meilleures que celle de GC, putain que je déteste cet acteur (le bhl du cinéma)

-sinon, pour l'expérience de spectateur, je crois que j'étais très mal placé pour regarder ça de manière sereine : plusieurs fois, j'ai failli recevoir des trucs en pleine figure; c'est Marker, dans sa fameuse lettre sur la 3D adressée aux cahiers de hollywood  qui disait :  "Pour donner le sentiment d’un vase de fleurs, il y a deux procédés : mettre en valeur ses formes et ses couleurs, — par des moyens esthétiques — ou bien vous le casser sur la tête.  (...) Et la fonction fondamentale du 3-D, pour l’instant, semble être de flanquer à travers la figure du spectateur la plus grande variété d’objets. C’est un jeu de massacre à l’envers. (...) Est-il utile de dire qu’on se lasse plus vite de cette surprise à répétition que de tout le reste, et qu’en fin de compte c’est là où l’efficacité n’est pas cherchée, qu’elle opère ? Reconnaissons un effet qui porte, lorsque la surprise opère cette fois d’avant en arrière, et qu’un personnage apparait sans crier gare en premier plan, en se levant de dessous le cadre : là, il se lève réellement devant vous, et vous sursautez."


-à la 3D, Marker opposait la 4ème dimension, l'histoire;

ai-je rêvé ou bullock lui répond-t-elle vers la fin du film : never mind the story?




"
Je n’ai guère confiance dans les lunettes, par une sorte de préjuge, il faut bien le dire, réactionnaire : ce serait la première fois qu’une forme d’art à pour première condition de se mettre un corps étranger sur le nez. Mais comptons sur la science pour résoudre ce problème, fut-ce en créant des bébés aux yeux naturellement polarisés. Il y en aura bien d’autres, à commencer par la dimension des écrans et la disposition des salles. Dans l’état des choses, le spectateur placé près de l’écran perd considérablement de la définition, et participe à un monde gazeux — placé loin, l’écran lui apparaît comme une espèce d’aquarium d’où s’échappent de temps à autre des fusées qui viennent se perdre dans le no man's land. Car le film à deux dimensions a ses limites, celles de l’écran, reconnues et admises. Mais la troisième dimension n’a pas de limite. Pas de cadre en avant ni en arrière. Pour la première fois, dans un moyen de représentation, l’infini fait son apparition. La balle de tennis qui échappe à ses deux seules destinations possibles : être avalée par le bord inférieur de l’écran, ou vous arriver dans l’œil, se perd, cesse d’être.

Un monde à trois dimensions sans rien de tactile est un monde de fantômes, nous y sommes aussi étrangers que les morts de Sartre, plus étrangers que dans le monde, admis, des images plates. Nous admettrons sans doute un jour le réalisme du relief, mais il faut toujours un temps d’incubation. Le réalisme ne va pas forcément de pair avec le perfectionnement de la représentation. Il ne vient pas de l’imitation de la réalité, mais de la référence à une représentation admise de ladite.

Le côté "actualités" des films italiens l’illustre assez bien, et il n’est que de penser à un film comme The Quiet One, où le fait d’être agrandi de 16 en 35 et de présenter en conséquence un grain plus apparent assimilait l’image à la photo de journal, et tirait précisément de son imperfection technique un surcroit de crédibilité. C’est peut-être pourquoi chaque progrès technique s’accompagne d’abord d’un recul esthétique.

Mais les choses vont vite, dans la vie du cinéma, et les marges s’y recoupent. Tandis qu’en dépit de ses prétentions le 3-D tourne le dos au réalisme, le film plat arrive enfin à s’y établir comme en son domaine privilégié. Dernier bastion, le film américain lui-même y passe. Et l’événement de ce dernier mois pourrait bien être, en dépit de House of Wax et de ses trompettes en relief, la présentation discrète de Man Crazy, d’Irving Lerner. "Moi, j’ai trouvé une quatrième dimension : j’ai une histoire" fait dire à un producteur la dernière anecdote à succès.

Lerner n’avait que deux dimensions, mais il avait une histoire.¶"

(Marker, lettre de hollywood, Cahiers du cinéma)


c'est bien pensé; mais plutôt que d'infini je parlerais d'indéfini...

Marker a écrit:Un monde à trois dimensions sans rien de tactile est un monde de fantômes, nous y sommes aussi étrangers que les morts de Sartre, plus étrangers que dans le monde, admis, des images plates.
c'est sans doute pour annuler cette absence que le gars insiste tant sur les mains... mais cela ne change rien à l'affaire...

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Message par Eyquem Jeu 31 Oct 2013 - 10:25

Borges a écrit:[dans 2001,]bien entendu il y a un retour, mais dont la nature reste complexe, et en tous les cas ne se réduit pas à cette image grossière du retour au limon originaire, dont dieu a tiré l'homme, mais pas la femme; au désir de transcendance, s'oppose le désir de la terre, de la mère... comme dans "after earth"...
Comme dans Avatar aussi, tu en avais beaucoup parlé dans le topic du film, de ce retour à la Terre-Mère. J'ai vu que Cameron était remercié au générique; c'est Ed Harris qui fait la voix off de Houston, à cause de Abyss je suppose, auquel le film rend aussi hommage - mais là encore, on peut dire que Gravity est en-dessous de son modèle: il n'y a aucune scène dans le film qui ait la force de la plongée finale dans Abyss, quand ME. Mastrantonio accompagne de sa voix la descente de Ed Harris.
(tout dans Abyss devient émouvant, une fois qu'on est passé par la scène de "résurrection" de ME.Mastrantonio: sans doute à cause de ce que tu dis sur le désir/distance, plus haut:
Borges a écrit:La scène de mission to mars remakée dans gravity était déchirante; mais comme "2001", "tree of life", "mission to mars" est un film sur l'ouverture à l'infini... le désir de l'autre (pas seulement humain); sans ce désir, y a pas de distance ni de proximité; le seul moment où quelque chose de la distance est donné à sentir dans le film, plus qu'à voir, c'est quand les corps s'éloignent de nous, nous échappent, s'en vont dans le lointain; la distance et la proximité sont métaphysiques et humains, et non pas géométriques, ou je sais quoi... la distance, c'est ce qui me sépare par le désir du désirée, c'est tout simplement le désir, car sans le désir, jamais l'autre ne peut m'apparaitre dans sa distance, comme distance
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Message par gertrud04 Jeu 31 Oct 2013 - 12:16

Eyquem a écrit:
Borges a écrit:La scène de mission to mars remakée dans gravity était déchirante; mais comme "2001", "tree of life", "mission to mars" est un film sur l'ouverture à l'infini... le désir de l'autre (pas seulement humain); sans ce désir, y a pas de distance ni de proximité; le seul moment où quelque chose de la distance est donné à sentir dans le film, plus qu'à voir, c'est quand les corps s'éloignent de nous, nous échappent, s'en vont dans le lointain; la distance et la proximité sont métaphysiques et humains, et non pas géométriques, ou je sais quoi... la distance, c'est ce qui me sépare par le désir du désirée, c'est tout simplement le désir, car sans le désir, jamais l'autre ne peut m'apparaitre dans sa distance, comme distance
Et moi qui adorais ce film sans jamais avoir osé l'avouer....
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Message par Invité Jeu 31 Oct 2013 - 17:34

hello,
qu'est ce que je prends mazette! :)pourquoi je devrais écrire des poncifs sur ce film là lol. Mais j'y pensais depuis quelques jours faut avouer;
vos réflexions enrichissent.
Je n'ai pas aimé du tout. Pas ressenti une quelconque émotion, le film est trop rapide pour cela, cherche trop à être aimable, et la distance du spectateur blasé à l'écran, via les lunettes, ne m'a pas rendu Bullock plus désirable.
je comprends pas pourquoi on en fait tout un plat, quand la 3d est de mise.
J'avais pas compris l'emballement pour children of men du même Cuaron non plus ... chez lui la durée accompagne le constat d'un monde déshumanisé ou inhumain (les mouvements de caméra suivant des trajectoires mécaniques, les corps dans le vide spatial qui ne sont plus que des mannequins animés par motion capture) elle en impose la marque, elle est le signe d'un rejet du hors-champ, honni, de l'ailleurs: les débris filant à toute vitesse autour du globe; il vaut mieux revenir à l'en-soi, à l'intérieur, au confort d'une utopie réactionnaire, je sais pas trop.
"Kowalski", c'est une référence au kowalski de vanishing point? un homme-mobile, sans désir; le pari; la disparition.
Les signes qu'il place au premier plan, c'est quand même un peu énorme, comme caractère informatif placardé, histoire qu'on comprenne bien: le personnage de Marvin le martien (Mars dieu de la guerre) avec sa tenue romaine flottant dans le vide hors de la navette spatiale américaine hors d'usage. Les représentations religieuses dans les stations russe et chinoise. Le batracien dans l'eau à la fin.


Dernière édition par erwan le Ven 1 Nov 2013 - 11:13, édité 1 fois

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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 18:53

Hi Erwan;
"children of men", j'avais trouvé çà nul, aussi... mais  si on regroupe quelques films de ce type on se rend compte qu'il y a chez lui une thématique maternelle, ce qui devrait lui valoir son entrée dans le cercle extra large des auteurs cahiers...


quelqu'un connait la série "Defying Gravity"?
vu un épisode à la télé, y a quelques jours...



Dernière édition par Borges le Jeu 31 Oct 2013 - 19:23, édité 1 fois
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Message par adeline Jeu 31 Oct 2013 - 19:03

Ah là là, les exploitants de cinéma art et essai qui attendent LE gros film depuis un an et demi seraient atterrés de nous lire Wink En plus, la 3D, c'est deux euros de plus par billet ; et il fallait que ce film soit un succès, tout le milieu du cinéma, y compris les critiques, est bien trop heureux, inconsciemment, d'y contribuer pour essayer de rattraper en deux mois l'année catastrophique…

Je suis quand même d'accord avec la manière dont Eyquem défend une sorte d'efficacité de l'action dans la première partie du film, j'ai aussi été captivée, et puis j'ai adoré avoir l'impression de voir vraiment la vallée du Nil depuis l'espace, c'était zolie.

Mais vraiment, le film ne crée aucune émotion pérenne. Et la citation de Mission to Mars (moi aussi j'adore ce film) est tellement creuse, sans rien ; il faut dire aussi que j'étais persuadée qu'on allait revoir Clooney, que jamais le réalisateur n'aurait le courage de le faire disparaître du film si tôt. Ça n'a pas loupé, évidemment, et ma voisine a poussé un soupir de soulagement quand il a réapparu "ah, c'est lui, enfin !", qu'elle a dit.

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Message par Invité Jeu 31 Oct 2013 - 19:34

Ca me rappelle cette rumeur selon laquelle filmer l'espace est du flan puisque l'idée a circulé que les premiers pas sur la lune étaient filmés en studios, patins, couffins ...

Tout le monde le sait maintenant filmer l'espace relève de la supercherie, ou alors filmer un espace-temps. Filmer l'espace c'est comme dire écrire l'écriture, ou alors filmer l'espace de l'espace. Ca oui.

Quant à ton expression Adeline, l'art et essai, c'est vrai est tombé bien bas, bien bas.

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Message par Borges Jeu 31 Oct 2013 - 20:02

Comme disait truffaut, un peu de polémique ne fait de mal à personne, ce qui la rend inutile...

j'ai parcouru quelques unes des sottises qui se disent sur le film; pas toutes, une vie n'y suffirait pas...

surprise, nous retrouvons chez balournatique,  associés la fameuse jubilation, de l'enfant,  et le vomi...

Balournatique a écrit:Bon ça ne change peut-être pas grand chose, et Gravity reste malgré tout un bon film, mais entendre la critique se pâmer devant le spectacle proposé, jubilant comme un enfant à la foire du Trône, après avoir dégueulé sur Cloud atlas et After earth sous prétexte que c'était moche et complètement idiot, ça aussi c'est édifiant.
Nous sommes pourtant très loin de la pesanteur des corps, et du réel de AK, qui semble le désir inconscient du film; on parle de féminisme, connerie comme d'habitude; si on examine bien "gravity", et son mouvement, on a une femme très intelligente,  habillée, sans désir, sans corps,  que le récit déshabille, pas beaucoup, pas autant que dans le AK, mais tout de même, avant de nous l'exposer, étalée sur le ventre, dans la "boue",  avec ses jolies fesses en 3D; (répétition du strip tease de Ripley, of course...mais Ripley n'avait pas de fesses aussi jolies; qui est l'alien à piéger dans ce cas?  )...


sinon le texte du balournatique est absolument sans intérêt, une suite de jeux de mots  et des niaiseries sur le nouvel age, dont le "critique" ne sait bien entendu pas grand-chose...comme il l'avoue lui-même;

ma surprise, pas la moindre allusion  à buster keaton, ce qui lui aurait permet de briller auprès de tous ceux qui nous refont le coup "plus le cinéma se technicise plus il devient primitif", là je pense à Camille B., l'indépendant, dont le texte  est assez décevant...



il s'agit comme le conseille Kowalsky de s'agripper... (je reviendrai sur cette question, qui est le sujet du film)

Grab something. Grab anything


quelle est la différence entre le corps burlesque et le corps 3D ?


Mathieu Macheret nous a fait un texte digne d'un enfant prodige, génie des maths,  de la physique, de la géométrie, avec une spécialité en espace euclidien; un traité du vide...
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Message par Invité Jeu 31 Oct 2013 - 20:33

Borges a écrit:
il s'agit comme le conseille Kowalsky de s'agripper... (je reviendrai sur cette question, qui est le sujet du film)
alors si c'est cela, c'est Essential killing, séance de rattrapage : on l'avait un peu boudé à l'époque.

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Message par Borges Sam 2 Nov 2013 - 13:08

Ballournatique a écrit: Et puis de toute façon que répondre à un message m’invitant à lire leur topic sur Gravity alors qu’ils n’y font que répéter ce qui a déjà été dit ailleurs (la haine de l’espace, l’agrippement, le retour à la pesanteur, la renaissance, etc)

Avec moi tu dois apprendre à penser, à t'élever, tu ne dois pas confondre ce que je dis, ce à quoi j'allusionne avec les conneries qui s'écrivent un peu partout. Quand je parle "agrippement",  ou devrais-je dire, "cramponnement", c'est au sens fort, au sens conceptuel, psy, anthropologique de ce mot.

"Le cramponnement, quel mot, tu ne trouves pas ? Sois prévenu, je ne pense qu'à ça, aujourd'hui : au crampon (y a foot, c'est samedi) au cramponnement, à ce que Imre Hermann avait appelé l'« instinct de cramponnement ».  

Tu sais qu'Hermann s'est amusé à déduire tous les concepts psy d'une théorie du cramponnement, "de l'instinct de cramponnement et d'un archi-événement traumatique de dé-cramponnement, qui construit la topique humaine, une topique qui ne connaît initialement aucune « triangulation ». Ça se joue d'abord, avant le décramponnement traumatique, entre les quatre « mains » du singeon et les poils de la guenon."

(derrida et moi)

cramponnement-décramponnement, c'est le sujet inconscient de gravity (une mère et sa fille, laissée tomber, dans tous les sens de ce mot; mais toute mère fut d'abord aussi une fille laissée tomber par sa maman, comme tout enfant, comme tout être vivant... );  à ce décramponnement originaire (au vide originaire qui nous pousse à nous cramponner à tout, et à n'importe quoi) le film substitue le cramponnement absolu, le cramponnement à l'absolu, à Dieu, qui est aussi une laisser aller, un détachement...



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Message par Eyquem Dim 3 Nov 2013 - 12:25

salut,
Borges a écrit:à ce décramponnement originaire (au vide originaire qui nous pousse à nous cramponner à tout, et à n'importe quoi) le film substitue le cramponnement absolu, le cramponnement à l'absolu, à Dieu, qui est aussi une laisser aller, un détachement...
Il me semblait bien avoir repéré une icône et un Bouddha;  

In one key scene, set aboard the ISS, Stone worries that there will be no one to pray for her soul — and as she keeps talking, we realize that she is essentially offering a makeshift prayer of her own, to whoever might be listening. And what does Cuaron show us, as this “prayer” begins? A close-up of an Eastern Orthodox icon, presumably left behind by one of the Russian cosmonauts, that depicts St Christopher, the patron of travelers.

http://www.patheos.com/blogs/filmchat/2013/10/gravity-and-prayers-for-those-who-travel-by-space.html
Gravity (A. Cuarón): Never Mind the Bullock/les fins des étoiles Gravit10
Le St Christophe apparaît exactement au moment où Stone comprend que sa capsule n'a plus de carburant et qu'elle ne pourra pas rejoindre la station chinoise. C'est pile à ce moment-là aussi que la voix d'Aningaaq se fait entendre et que Stone lui demande de prier pour elle. Après quoi, elle entend les chiens et se met à aboyer:
Saint Christophe est communément représenté par un homme traversant un cours d'eau et portant un enfant sur l'épaule, l’enfant figure le Christ. L'iconographie s'est élargie en certain lieux : certaines icônes de l'Église orientale le représentent tel un homme à tête de chien avec à la main un crucifix (wiki)

I cannot help but note that the way this icon functions in the film echoes a pattern that is often seen in Hollywood films: the main white American protagonists are typically secular and have no religion to speak of, while it is often some sort of exotic “other” who represents the spiritual dimension of the story. The Russian cosmonauts bring icons into space, and the Chinese taikonauts bring a smiling Buddha into space, but the Americans, as far as we can tell, bring nothing more than a Marvin Martian toy. (For his part, an Indian colleague of the Americans keeps a family photo tethered to his suit.)

Still, the fact that the film touches on spiritual themes at all is worth noting, and makes this film just a little bit more than the thrill ride that all the ads have promised.
Without giving away any essential spoilers, I will say that this moment begins with a prayer, then there is a close up shot of an image on the screen, then there is a hopeful visitation, and then salvation. This moment is depicted in a way that can be open to a few interpretations, one of them being a miracle. This is suggested in the image that hangs freely suspended in gravity, which is none other than a close-up shot of the icon of Saint Christopher, patron saint of travelers, left there by Russian Orthodox astronauts, and is depicted in the style below, with him carrying the Christ-child on his shoulder across the river. As for why this icon has a primary shot in the movie, I will leave it to the viewer to draw their own conclusion.
http://www.johnsanidopoulos.com/2013/09/movie-recommendation-gravity.html
When mission leader George Clooney floats off to his certain death in orbit above the Earth, he remarks on the beauty of the sun rising over the (sacred Hindu) River Ganges.
http://marksilk.religionnews.com/2013/10/08/gravity-and-space-religion/


Dernière édition par Eyquem le Dim 3 Nov 2013 - 13:40, édité 2 fois
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Message par Invité Dim 3 Nov 2013 - 13:28

Borges a écrit:
Avec moi tu dois apprendre à penser, à t'élever, tu ne dois pas confondre ce que je dis, ce à quoi j'allusionne avec les conneries qui s'écrivent un peu partout.
j'adore cette phrase mais bon Gravity c'est pour les gosses ... l'autre jour un d'eux me disait c'est les meilleurs effets 3D et tournait les talons. Que les éditoriaux se mettent au diapason, ben oui, les ventes les ventes ...

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Message par Eyquem Dim 3 Nov 2013 - 14:14

Gertrud a écrit:Au début du film, on nous dit que dans l’espace, il n’y a pas de son. Il y avait là une idée qu’il aurait fallu exploiter notamment dans les moments de tension. Ne faire entendre que les voix humaines et priver le reste de bande sonore. Ça, c’eut été surprenant. Au lieu de quoi, à la moindre scène d’action, le réalisateur noie tout sous plein d’effets sonores et une musique gonflée aux hormones
Question "invraisemblances", le film en compte de belles:
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Message par Borges Lun 4 Nov 2013 - 11:09

Hi Eyquem,
tout ça donne presque envie de revoir le film, c'est comme si la 3D n'était qu'une couverture; children of men, c'était l'histoire de Marie, et du christ à venir; j'avais parlé de "tree of life", mère endeuillée, etc., on peut aussi noter que le film se termine par une citations des derniers mots de "to the wonder" : thank you (Love that loves us... thank you); la dimension religieuse du film interdit d'en faire un survival, genre d'ordinaire dominé par une absence d'ouverture au sens, à la valeur;  la vie, rien d'autre...

saint christophe c'est aussi le patron des conducteurs; on lui adresse une prière...

"Accorde-moi, Seigneur, une main ferme et un regard vigilant ; que personne ne soit blessé quand je passe. Tu as donné la vie, je prie pour qu'aucun de mes actes ne puisse enlever ou endommager ce Don de Toi. Abrite, Ô Seigneur, ceux qui m'accompagnent, des maux du feu et de toutes les calamités. Enseigne-moi à utiliser ma voiture pour le besoin des autres, et à ne pas manquer, par amour de la vitesse excessive, la beauté du monde ; et qu'ainsi, je puisse continuer ma route avec joie et courtoisie. Saint-Christophe, Saint patron des voyageurs, protège-moi et conduis-moi en toute sécurité vers ma destination.

Cher Saint-Christophe, tu as hérité d'un beau nom : « le Porteur du Christ », conséquence d'une légende merveilleuse qui raconte que, tout en portant les gens à travers un ruisseau déchaîné, tu as aussi porté l'Enfant-Jésus. Apprends-nous à être de vrais porteurs du Christ pour ceux qui ne Le connaissent pas. Protège tous les conducteurs qui transportent souvent ceux qui portent le Christ en eux. Amen.

Dieu Éternel et Tout-Puissant, daigne répandre Ton Esprit sur nous. Que nos cœurs soient remplis de cet amour vrai qui a permis à Ton Saint martyr Saint-Christophe de surmonter tous les tourments du corps. Amen. "


(porter le christ en soi, c'est ce que faisait au sens propre la fille de children of men; ryan stone ça me fait toujours penser aux rolling stone, qui n'amassent pas mousse, comme dit le proverbe anti nomades...c'est pas de la mousse à la fin du film, mais pas loin.. )

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Message par Borges Lun 4 Nov 2013 - 11:21

Petit sujet de réflexion pour Camille Claudel (qui rime si bien avec brunel) : la place de la boue dans quelques films américains récents : "lincoln", "to the wonder", "gravity"...

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Message par Borges Lun 4 Nov 2013 - 19:41

Ballournatique Buster a écrit:


   OK Borges, papotons...

   "agrippement", j’avais bien compris que tu l’entendais différemment, j’attendais seulement que tu développes... Hermann et l’instinct d’agrippement, je connais un peu, à travers Abraham et Torok, autres psy hongrois qu’appréciait Derrida, mais pas suffisamment pour en discuter avec toi, je te fais confiance. Opposer Gravity et 2001 à travers l’opposition cramponnement/décramponnement oui bien sûr, à ce niveau le film peut être vu comme l’anti-2001, étant entendu que si l’agrippement c’est une affaire de préhension (la main) c’est aussi une affaire de regard, surtout que chez le petit d’homme il n’y a pas le pelage de la mère auquel s’accrocher.

   Après si on veut élargir à tout le film, l’espace, la 3D, le deuil, l’agrippement, le vide, l’archaïque, etc, il faudrait peut-être aller du côté du Hermann mathématicien dont les théories mathématiques, bien que simplistes préfigurent la topologie lacanienne (hé hé). J’ai donc fait un petit tour dans la littérature (tu vois j’ai travaillé, ça mérite une bonne note) et je me suis arrêté sur deux choses concernant Hermann:
   1) la notion d’instinct (qui renvoie à l’archaïque et donc au cramponnement) aurait comme caractère, outre ceux de réflexe primaire et de réaction vitale, une structure tourbillonnaire, un rapport donc à la spatialité.
   2) la mélancolie, qui quand même traverse tout le film, renverrait à la géométrie sphérique, par opposition à la géométrie euclidienne (normalité) et à d’autres géométries plus complexes pour rendre compte de la manie et de la schizophrénie.
   Dans une optique hermannienne, on pourrait ainsi voir le retour à la Terre dans Gravity comme le passage d’une géométrie sphérique, tourbillonnaire (rendue approximativement par la 3D dont je persiste à penser qu’elle ne sert à rien quels que soient les progrès) à une géométrie euclidienne, le chez-soi, correspondant à la norme, la règle (sens propre et figuré), sinon la loi (ici-bas c’est la géométrie euclidienne qui fait autorité).

   Maintenant il ne faut pas oublier ce que nous raconte le film. Gravity c’est d’abord une histoire de deuil. Tu parlais d’Abraham et Torok, je ne sais plus à propos de quoi, je n’ai pas retrouvé le passage, mais A et T c’est justement la maladie du deuil et entre autres ce concept d’incorporation de l’objet perdu. La sphère c’est aussi la rondeur de la grossesse. Le fantasme d’incorporation se situerait là, qui conduit Bullock à s’identifier à l’enfant perdu lorsqu’elle l'attendait, qu'il était dans son ventre, d’où son désir de travailler dans l’espace, vécu comme un grand sac amniotique, d’où ses positions foetales à l’intérieur du vaisseau, d’où cette ambivalence source de vie/pulsion de mort qui accompagne le film, deuil auquel s’associe nécessairement la honte, d’où ce rite final de purification (feu, eau) avant la (re)naissance. Niaiserie tout ça, tu me diras, mais bon c’est dans le film, j’y peux rien.

   Si on veut donc tout prendre en compte, et notamment ce cramponnement à Dieu, à l’absolu, dont tu parles, en opposition au 2001 de Kubrick, qui inscrirait le film dans une forme d’immanence, on pourrait alors l’interpréter comme une sorte de cycle cosmique, faisant de Gravity l’histoire d’une conflagration, à travers le parcours de Bullock, avec ce que cela suppose (encore) de purification et de recommencement... Tu vas dire que je me répète ou que j’ai rien pigé, mais c’est pas grave, en l’état je ne peux aller plus loin. Sous peine de me "décramponner" du film.

   Sur Grémillon et Gueule d’amour, il faut d’abord que je revois le film (du début je ne me souviens que de la scène du homard au restaurant), j’y reviendrai donc plus tard.

   3 novembre 2013 19:28


-Hi, Buster; merci pour ces remarques, bien papotantes; nous avons quelques fois parlé ici fantômes, cryptes, deuil, mélancolie (joyeusement) depuis les travaux de A/T (Jerzy notamment)
-Je réponds plus longuement, après...

PS : dis, Camille Claudel, ça ne va pas? Tu sais, j'y suis pour rien. J'aurais du m'en douter que t'étais pas du genre costaud s'en foutant de tout; faut être sacrément torturé et fragile jusqu'au génie pour se détruire fantasmatiquement dans un pseudo aussi lourd de souffrance; take care, et cramponne-toi à tout ce que tu peux, même à moi, si ça te dit; je suis là... moi aussi je l'aimais bien camille claudel, plus que toi, autant que toi (viens dans mes bras, courageusement)


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Message par Invité Lun 4 Nov 2013 - 20:00

Oui, de A&T, on en causait à l'occasion, notamment ici:

https://spectresducinema.1fr1.net/t921-stanley-kubrick-l-odyssee-d-un-monolithe

Souvenirs souvenirs Wink 


Occasion de citer, une fois encore, ces très beaux passages :


« Pour le moment apprenons à regarder ; hordes primitives, pithécanthropes, singeons pendus sur guenons, guenons pendues sur les branches, yeux luisants de fauves, regards brûlants de chefs, la forêt, la forêt, la bonne forêt originaire, puis, soudain, les cataclysmes, froid glaciaire, incendie, enfants dépendus de leur mère, mère dépendue de l’arbre, du feu, du feu, du feu partout, un feu qui " jette le froid ", un feu qui réchauffe aussi, oui, mais à quel prix, au prix de devenir torche soi-même, torche brûlant de honte, des rouges feux de la honte, de la foudre ignée du regard qui fait honte, du regard qui, tel le feu, décramponne l’enfant de la mère, décramponne la mère de l’enfant, de l’enfant devenu son arbre… La mère et l’enfant ! Depuis toujours ! Leur indissoluble unité ! Dissoute pourtant, dissoute trop tôt, voilà de quoi nous sommes souvenir, souvenir agi, souvenir agissant : voilà notre instinct d’homme le plus primitif, notre instinct filial, toujours frustré, toujours à l’œuvre ! »

« Oui, sans « les - yeux - luisants - qui - ont - décramponné - l’enfant - de - la - mère - trop - tôt », nous en serions encore à la poétique simienne du sécurisant pelage maternel. N’eût-elle été muée en nostalgie sans espoir, pour ne plus survivre qu’en un réflexe néo-natal et dans l’agilité de nos doigts éternellement affamés, éternellement en action. »  
« Aussi bien dis-je : la mère perdue est la mère de tout. […] Et si de tout cela nous avons en partage un tant soi peu, de mère pelue point besoin n’avons, quel qu’eût été l’ardeur de nos vœux pour son pelage, d’ailleurs inexistant… Mère glabre de soi-même, voilà ce que c’est qu’être un humain. Et c’est combien triste, triste à en mourir… de rire. »

« Qu’est-ce qui a bien pu forcer notre mère primordiale à perdre ces longs poils touffus, cet organe passif de l’instinct ? Il fallait sans doute qu’elle eût été elle-même un bébé décramponné et, de plus, qu’elle eût fait une identification mélancolique à " pas-de-poils-pour-bébé ". Alors, tout comme elle-même avait été laissée choir, elle fit tomber toute sa pilosité, faisant ainsi de sa peau devenue sans poils un premier avertissement de ce que la réalité existe, c’est-à-dire, qu’elle est, précisément, ce qui n’est pas, ce qui manque à l’instinct […] »

[…] Mais on sait que l'instinct, si malmené soit-il, réclame son droit. Aussi la main de notre ancêtre, sa main vide, sa main avide, saisissait-elle tout, pierres, lianes, ossements - les saisissait, les rejetait, les reprenait, les triturait, jusqu'à tant et si bien que tous ces substituts de la mère guenon fussent devenus des outils idoines et intelligents, prestes à fabriquer toutes sortes de mères: mère nourriture, mère-chaleur, mère-protection. Et toute la mère-civilisation n'est-elle pas faite de cette " réalité " de manque, transformée en illusion de cramponnement ? »

N. Abraham, « L’Enfant majuscule et l’unité duelle », dans L’écorce et le noyau.,  p. 338 et sv.
(Pas vu encore le film. J'attends le streaming. Ils arrivent, mais pas encore en vost...)

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