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Jouer l'evolution contre l'écologie: le design automobile et la crise comme mythes bourgeois

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Message par Invité Dim 8 Jan 2012 - 16:16

La crise économique des années 2000 a marqué à la fois la généralisation et la transformation de ce que l’on appelait il y a 20 ans le « bio-design », il est donc possible de l’interpréter comme mythe au sens de Barthes.
Deux tendances apparues au Japon caractérisaient en effet le design automobile des années 90 :
1) d’une part le bio-design, où la carrosserie mimait la morphologie animales au moyen de formes fluides et rondes, mais sans considération aérodynamique (exemple : la Mazda RX7 ou la 5ème génération de Toyota Célica),
2) d’autre part la citation post-moderne de traits caractéristiques de véhicules parmi les plus importants des années 50 et 60 (comme la Mazda 121 reprenant la 2CV, la Miata reprenant la MGB, les Nissan Figaro et PAO citant les Vespa 400 et mini Fiat des années 50 étant les exemples les plus représentatifs).
Cette inventivité stylistique coïncidait singulièrement à un moment charnière entre croissance et récession, lorsque la production automobile japonaise et la globalisation de sa diffusion arrivaient à pic, avant d’être concurrencées en Asie par la Corée du Sud. On reprochait alors en Occident aux constructeurs japonais d’améliorer sans inventer les produits occidentaux pour travestir un impérialisme industriel en « soft-power », et de copier des solutions techniques développées historiquement par l’Occident y compris pour des produits de luxe, comme la Toyota 2000GT qui était une Jaguar E en réduction ( elle-même pensée comme une réponse démocratisée, rendue accessible à la haute bourgeoisie et exportable, des Ferrari). Jacques Calvet existait dans les médias comme signe de ce discours. Mais la mode stylistique japonaise creusait habilement ce reproche pour le retourner, en insistant sur ce qui distingue la notion de standardisation de celle de copie, que les constructeurs occidentaux faisaient semblant de confondre.

La crise de l’automobile des années 2000 a correspondu à la fusion du bio-design et du mouvement post-moderne, et ce au niveau mondial. Cela découle sans doute du fait que l’industrie automobile s’est à la fois consolidée et affaiblie, à l’image de la classe moyenne qui représente sa clientèle. Ainsi la nationalisation ratée de l’industrie automobile anglaise dans les années 70 (y compris Rolls Royce…) a précédé sous Tatcher la revente de Rover à Honda puis à BMW. Les repreneurs avaient à chaque fois une stratégie contradictoires : en position de prendre des parts de marché sans investissement technique, tirant parti de la notoriété de marques prestigieuses, multipliant les sites de productions pour bénéficier de concurrence entre les coût de main d’œuvre à l’échelle sous-régionale et d’incitant fiscal temporaires (comme en Belgique, où le gouvernement a dû il y a 10 ans réduire légalement le salaire du travail de nuit sous la menace de Volkswagen qui menaçait de délocaliser une usine), mais en même temps ils s’exposaient à une concurrence entre leur propre produits et entre les différents coûts de productions de leur différents sites.

En ce qui concerne le cas anglais, la production de masse s’est complètement effondrée à l’issue de cette période, mais le nom des modèles les plus symbolique a survécu. Ainsi la Mini, à l’origine une voiture techniquement géniale, à la fois populaire et raffinée (premier moteur transversal à traction avant, dans un espace ultra-compact). Celle-ci n’est plus à présent qu’une étiquette appliquée aux modèles citadins de BMW, qui reprennent l’esthétique d’une vieille voiture massivement diffusée, mais à présent pour un marché de niche upper-class, avec un produit techniquement banal. Volkswagen a utilisé le même concept avec ses Coccinelles récentes, tout comme Peugeot avec les voitures à toit escamotables qui reprennent la configuration d’un modèle de luxe lancé pendant la crise des années 30. On pourrait mentionner bien d’autres exemples , comme Jaguar racheté par Ford qui copie la carrosserie de ses premiers modèle, alors que lorsque la marqué était indépendante, l’évolution stylistique était un enjeu vital pour renouveler sa clientèle.
Mais pour que cette démarche puisse réussir dans une période où la partie de la classe moyenne pouvant acheter de temps modèle se raréfie, il faut que chaque nouvelle version du modèle ait pratiquement la même apparence que la précédente, de sorte que l’évolution industrielle du modèle imite en la tordant une notion biologique de l’évolution.
Les générations successives d’un même modèle possèdent la même morphologie que les précédentes. Cependant pour valoriser l’acheteur de la nouveauté, elles doivent avoir des signes distinctifs qui rappellent les signes de variabilité individuelle qui existent au sein d’une même espèce biologique. La nouvelle Mini n’a pas tout à fait les mêmes phares que sa devancières, la découpe des surfaces vitrées est très légèrement différente. La nouvelle Peugeot 208 ressemble à la 20, mais aussi plus à la 205 que la 207 ne ressemblait à la 206. L’Alfa 157 reprend totalement l’apparence d l’Alfa 155 qui reprend elle-même la calandre d’un modèle des années 30.

Au contraire l’inventivité technologique de l’automobile dans les années 50 était sans doute en partie causée par un désir de se distinguer de la période de la crise des années 30 et de la guerre, et de les faire oublier : généralisation du style ponton, ou Fiat demandant à Dante Giacosa de recréer une fiat 500 aussi novatrice que celle des années 30. Cela s’expliquait en partie par le fait que de nombreux ingénieurs important s’étaient compromis ; le plus connu d’entre eux, Porsche, il serait intéressant d’étudier la situation de FIAT sous le fascisme, assez complexe.
Mais paradoxalement le changement complet de paradigme technologique après-guerre était aussi le signe que les besoins classe moyenne étaient stables, que le fascisme ne les avait pas reconfigurés.
Par exemple la DS est esthétiquement radicalement différente de la Traction Avant qu’elle remplace (elles ont cependant le même moteur et en partie le même designer, Flamino Bertoni), mais technologiquement, conceptuellement, sociologiquement et politiquement, elles représentaient au moment de la sortie le même système de valeurs, articulaient de la même façon le rapport entre l’évolution technologique, l’industrialisation, la consommation et la bourgeoisie.
La Dauphine et la R8 partagent la même structure organique (4 portes, 3 volumes, moteur arrière d’un litre refroidi par eau) , mais leurs carrosseries sont radicalement différentes et exprime le consensus technique de leur époque en terme d’aérodynamique et d’ ergonomie
De même aux USA au sein d’une gamme pléthorique un modèle connaissait plusieurs générations (parfois renouvelées à chaque millésime) pour cibler exactement la même portion d’acheteurs potentiels, le même type de revenu et de positionnement sociologique, et cette stabilité autorisait l’ évolution du vocabulaire esthétique.
A présent cette évolution n’existe plus, la situation s’est inversée : la clientèle d’acheteurs de voiture neuves ne se renouvelle plus, la production délocalise ou est confrontée à des licenciements massifs, mais le code esthétique s’immobilise. Paradoxalement une notion de filiation visuelle entre les produits remplace la discontinuité esthétique que permettait la reproduction de ses consommateurs. Singulièrement ce code esthétique contemporain mime l’écart qui existe entre les différences individuelles des représentants d’une même espèce animale partageant le même milieu écologique. Avant il correspondait plutôt à une notion de l’individu non plus individuelle, mais du rapport de l’espèce à sa famille (l’automobile) au sein de l’évolution. Il y a un texte intéressant de Foucault sur Cuvier et Linné de 1970 où il définit que le premier écart ; entre les individus ; est d’ordre épistémologique (parce que la réalité de l’individu est déjà donnée, il s’agît de trouver une méthode pour rendre compte de l’ appartenance de plusieurs individus à l’espèce qui est le premier échelon de classification), et le second d’ordre ontologique (avant Cuvier, les catégories classificatoires les plus générales sont considérées comme les plus abstraites et arbitraires, dont la réalité est justement à prouver).
Deux remarques :
-On peut sans doute aussi affirmer que pour l’automobile, la crise provoque un réflexe de conservation qui substitue une représentation épistémologique à un problème qui devrait se poser en terme ontologique. Le fait que le design automobile s‘inspire à présent principalement des rapports de la taxonomie animale et de l’individu biologique est sans doute un moyen indirect de faire l’impasse d’une réflexion plus poussée, à la fois de la part les fabricants et les clients, sur la légitimité ontologique de l’automobile en tant facteur de pollution en pleine crise écologique. Lorsque les automobiles se mettent à ressembler à des espèces animale, la figuration esthétique de la variabilité biologique devient un moyen de les représenter comme un règne quasi-animal immédiatement réel, pris à la fois dans un risque de disparition et d’extinction (Foucault : c’est au début du XIXème siècle seulement que le concept d’extinction biologique s’est mis à correspondre à celui de mort, il y a un lien Darwin/Nietzsche à cet égard, que la notion de « fonction » de Cuvier a préparé sans le voir) et symétriquement, dans une lutte pour la survie qui implique de fait une interaction radicale et directe de leur environnement. Cet environnement est en biologie le seuil-limite de la variabilité individuelle. Mais dans le cas de l’automobile ce seuil est constitué de routes et d’infrastructure elles-mêmes faites par l’homme, issues d’une production et d’une industrie, ce qui les mets sur le plan de données naturelles est que la continuité de leur existante et de leur impact polluant excède le cycle de vie des biens de consommations. Le code esthétique automobile actuel réintègre cet excès dans le domaine non de la vie mais de la nature (une figuration de la durée cumulative de la vie hors de la reproduction, pareillement non anthropomorphe lorsqu’elle est issue du vivant et de l’industrie).
-Le design automobile est significatif d’une déformation la signification du concept de différence en biologie, il transfère sur l’espèce (une catégorie collective) des traits qui appartiennent réellement à l’individu. En biologie les légères différences esthétiques peuvent caractériser des individus qui existent simultanément. Mais l’industrie ne peut figurer ces différences que dans une logique exclusivement reproductive : les mêmes modèles d’une même version sont tous identiques, mais diffèrent de leur devancier comme le feraient deux individus qui pourraient exister simultanément (ce qui se retrouve dans le clonage). Cette inquiétante propension de l’homme en temps de crise, à mettre le problème de la spéculation sur la survie et de la continuité du genre exactement à la place où figurait avant celui de la différence entre contemporains est ainsi immédiatement figurée dans son paysage, par lui-même, sans qu’il le dise.

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Message par Invité Mar 10 Jan 2012 - 21:04

correction: il fallait lire "spéculation sur la survie" et non "spéculation sur ma survie". Vous aurez réctifié de vous-même je présume.

J'aurais dû mettre plus de photo, et sans doute expliquer pourquoi dans Tonnerre Mécanique le mal n'a pas de marque, tandis que chez Carpenter et King c'est une Plymouth.

Donc la Nissan Figaro:
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La Vespa 400:
Jouer l'evolution contre l'écologie: le design automobile et la crise comme mythes bourgeois Vespa400-00

Il est clair que la Vespa 400 était une voiture bien plus bourgeoise que la Peugeot 403 que Sartre conchie dans la préface à Aden Arabie.
Notez que Simone de Beauvoir roulait en Simca Aronde (une Frégate lui aurai tapé la honte, et juste une Dauphine fallait quand même pas déconner), comme quoi il faisait quand-même attention de ne pas se couper.

Dans Adieu Philippine je crois que c'est une Frégate?




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