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Shame (McQueen)

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Message par Invité Ven 27 Jan 2012 - 10:18

Bien écrit Beaucoup plus classique qu'Hunger (même si en effet comme on l'a noté ici beaucoup de scènes se répondent: le dialogue central, la tentative de suicide dans les bras du frère qui est l'inverse de la scène de Hunger ou la gardien de prison se fait exploser devant sa mère) et musique en effet nulle (tous les trajets de métro avec du sous-Gavin Bryars, Carrey Mulligan qui est mignonne mais chante comme une casserole). Au niveau recherche formaliste c'est un peu décevant, mais comme mélodrame sirkien pas trop mal (mais en dessous d'un film comme Congonluk de Seren Yüce).
Ca fait surtout beaucoup penser aussi à une version masculine (et déplacée d'un rang social vers le haut, même si le personnage n'en va pas mieux pour autant) des films qu'Amos Kollek faisait il y a 20 ans ("Sue Perdue dans Manhattan). On a sans doute survendu le thème "film sicéral sur l'obsession sexuelle": il s'agît plutôt plutôt d'un mélodrame sur la solitude en général: le personnage de Michael Fassbender s'intègre dans un environnement bourgeois (scénario assez habile qui suggère que ce n'est pas le sien au départ, mais ne l'explique pas) qui fait se terminer tardtard l'adolescence et commencer tôt la vieillesse, finalement sa frustration est le signe qu'il restera dans la classe moyenne (son seul luxe et son appartement, pour le reste son chef n'est pas gêné de l'humilier devant sa soeur). Les extrêmes amoureux ne sont pas présentés comme des marges, mais une absence de code (et donc de connivence) au sein de la norme.
Comme dans "Hunger" les dialogues sont très bons, mais servent plus à situer les personnages les uns par rapport aux autres qu'à représenter un rapport (il est vrai qu'il n'est pas facile de représenter un rapport au cinéma). Bien vus: New York aussi enfoncée et coincée dans les années 80 que Paris dans la fin du XIXème siècle, ou le personnage qui croit manifester de la sensibilité et un goût qui excède sa condition de publicitaire en disant qu'il aurait voulu vivre dans les années 60 sans penser que pour sa collègue noire ça n'a pas forcément la même valeur culturelle d'âge d'or, plutôt celui d'une lutte face à une mentalité arriérée (il la perd à ce moment là).


Dernière édition par Tony le Mort le Ven 27 Jan 2012 - 15:53, édité 4 fois

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Message par Invité Ven 27 Jan 2012 - 15:36

Entre Hunger et Shame il y un petit peu la même différence qu'entre les "Idiots" et "Festen" à l'époque du Dogme (même si Shame est quand-même mieux que Festen). Je ne sais plus où Godard disait que "les Idiots" lui avaient plus mais que "Festen" l'avait en revanche déçu et ennuyé. Comme je le comprenais ce brave homme: la promesse de se contraindre à désarçonner le public de manière programmatique, d'incarner ce programme dans un style, était in fine en stratagème pour sur-vendre des films ultra-classiques, avec des scénarios ultra-balisés avec des familles bourgeoise à névrose, non plus une incarnation neuve de la révolte et de la provocation mais des nosographie existentielles et familiales de inconfort et de la rancœur.
Shame est post-sirkien de la même manière que Festen était post- bergmanien.
Pendant les premières 20 minutes on peut se dire que l'obsession sexuelle du personnage est juste un prétexte pour filmer des gens derrières des vitres à l'intérieur comme à l'extérieur (en fait très belle idée), ou faire ressortir que le comportement des gens dans un wagon de métro est parfois plus invraisemblables que les scénarios pornographiques les plus conventionnelles, ou encore que plus personne ne s'étonne de l'indétermination du personnage central et que c'est cela qui permet encore la séduction.
Mais à partir du moment où la soeur débarque pour rappeler au personnage qui il est et d'où il vient le film ne repose, sur des pitch psychologiques ultra-balisés:
-la fille qui squatte la salle de bain a un comportement parfait pour une ex-copine, à la fois revancharde et protectrice , mais en fait c'est la sœur et on sent à partir de ce qui a déjà été montré un truc vaguement trouble et incestueux qui lie les deux personnages: elle a plus raison que son frère sur les rapports humains, mais éprouve le besoin de séduire exclusivement devant lui, n'assume pas seule la mémoire de ses relations. t ses couops de téléphoens désemparés , son frère qui craint qu'elle "replonge" dont on en sait pas quoi etc...
-le bon copain de soirée un peu maladroit qui se laisse raccompagner en taxi comme un enfant à consoler après un plan drague raté est en fait un petit chef, qui représente d'un même mouvement son autorité et sa vie familiale pour se mieux se faire obéir (en fait c'est une assez bonne idée de personnage). L'espèce de montage parallèle en faux flashback de la fin lorsque le personnage erre dans New York est aussi formellement pas super-innovant.

Pas très original donc, mais en fait j'ai bien aimé, ça aurait pu être juste un chouïa moins prétentieux. C'est un peu "le Goût des Autres" filmé par Antonioni.

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Message par Invité Ven 27 Jan 2012 - 22:21

Tony le Mort a écrit :


Pas très original donc, mais en fait j'ai bien aimé

moi non plus je n'aime pas ce qui est original mais d'un autre côté je n'aime pas non plus ce qui est conventionnel.
C'est chiant car il me faut viser tellement juste lorsque je veux voir un film qu'en définitive ça me paralyse et je regarde la télé.
mais je n'aime pas regarder la télé car j'ai l'impression de me rincer l'oeil tellement c'est racoleur.

c'est cornélien alors je vais dans le frigo, je prends un cône de glace et je rêvasse appuyé à la grille du balcon.

et puis après j'ai pas fait mon travail. ah, c'est con. j'aimerais tant aimer tous les films. mais je ne peux pas. c'est l'enfer.

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Message par Invité Ven 27 Jan 2012 - 22:48

ce Shame ne me dit pas assez. J'attends de trouver le DVD à la médiathèque.

Tu seras toujours le Mort, Tony ? Tu ne seras jamais Tony ou même Toni comme le beau film de Renoir du même nom ?

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Message par Invité Sam 28 Jan 2012 - 2:36

Y sait pas, pas plus qu'il ne sait ce qu'il y a dans la chambre 237. Tony lui a bien défendu d'en parler. cyclops

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Message par Invité Sam 28 Jan 2012 - 14:02

hello Jerzy,

ça va ?

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Message par Présence Humaine Sam 4 Fév 2012 - 1:44

bonjour les amis,
ravie de vous relire après une longue absence, ravie surtout de voir qu'ici on prend le temps de parler de Shame puisque le film a fait l'objet d'un traitement on ne peut plus injuste voire globalement crétin, les deux principaux arguments pour ne pas dire tous sont : mise en scène transparente et, donc, puritanisme, ce dernier argument est selon moi totalement invalidé par certaines scènes précises, mais il semble que les critiques aiment à s'endormir devant les scènes qui mettraient à mal leur jugement.
Je vous poste ici ma critique qui recoupe ou prolonge ce que vous avez pu en dire. Je vais également chercher du côté de Sartre, Merleau-Ponty et Emerson : http://vostfr-cinema.blogspot.com/2011/12/shame-de-steve-mcqueen.html
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Message par balthazar claes Sam 4 Fév 2012 - 9:40

Salut PH, figure-toi que j'étais moi aussi en train de me poser des questions sur ce film. Or ton texte est un petit peu hors-sujet je trouve, il fait un peu trop l'impasse sur la question de la honte.

Je m'étais fait quelques réflexions sur le thème de « l'image pornographique » en comparant Pola X et L'Histoire de Richard O de Damien Odoul. Le X du porno, le O de l'érotisme, tout ça faisait un joli petit schéma. Se rappeler que dans Pola X il y a une scène porno, celle de l'inceste ; l'inceste est faux mais le sexe est vrai, comme si, pour se rapprocher du tabou de l'inceste frère-soeur, Carax, qui a dit plusieurs fois que c'était là son sujet fondamental choisissait de passer par la transgression d'un autre tabou plus abordable, ce qui semble tiré par les cheveux. Il y a quelque chose de maudit chez Carax, une folie des grandeurs, un malheur, un goût pour la chute.

Dans Pola X on ne se libère de rien, les choses vont de mal en pis. Pierre sacrifie tout, argent famille et gloire, pour sauver le sublime ou quelque chose comme ça ; pour finir le sublime finit par sombrer à son tour. Il ne reste que la merde, pour reprendre le titre du dernier film de LC : film de commande où on lui demande de parler de Tokyo et du Japon, et tout ce qu'il trouve à faire c'est montrer un personnage qui dit qu'il hait les japonais et ne supporte pas leurs yeux bridés, ça n'a pas l'air d'aller mieux chez LC.

L'Histoire de Richard O, c'est un film joyeux sur l'obsession sexuelle, le contraire de Shame. Amalric y bricole une espèce de machine, d'agencement qui est une expérimentation de son obsession, une thérapie expérimentale. Il se trouve un acolyte, un type étrange qui a le don de pouvoir s'approcher des femmes sans jamais déclencher leurs méfiance, et qui les invite à révéler leurs fantasmes devant une caméra. Amalric regarde ces confidences pornographiques et va cueillir ces femmes en leur offrant précisément le fantasme qu'elles attendent. Puis les deux acolytes repartent, sillonnent Paris tout l'été, perchés à deux sur un vélo, et c'est le type bizarre qui pédale.

La machine de Richard O lui permet de transformer sa demande éperdue, obsessionnelle, en offre de services sexuels. Le film laisse espérer que ce montage tend à le guérir, le libérer de son aliénation.


Shame est des trois le film le moins dangereux, le plus prudent, policé. C'est comme un téléfilm de M6, genre une mère courageuse doit affronter une terrible maladie. Brandon est un type sympathique, affligé d'un pénible et navrant syndrome, une sorte de TOC. C'est un peu mal, mais ça va c'est pas trop grave, le film est une sorte de promotion, de valorisation de l'obsession sexuelle comme différence acceptable, - ça pourrait arriver à votre voisin, il ne faudrait pas lui en vouloir.

Son cas est hyperbolique, ce n'est pas telle ou telle pratique qui lui pose problème mais la honte en soi. C'est de la branlette théorique, dit autrement. Deleuze parlait des alcooliques, chaque alcoolique est différent, a ses alcools et ses moments, l'alcoolisme de l'un n'est pas le même que celui d'un autre, tel boit du blanc le matin, tel autre du whisky le soir et cette différence n'est pas rien. Ici c'est pareil. Il y avait une comédie us il y a pas longtemps, « Group sex », où le héros, type sain et équilibré, se faisait passer pour obsédé pour entrer dans un groupe d'obsédés anonymes dans le but de se rapprocher d'une fille dont il était amoureux. On voyait que chaque membre du groupe avait sa folie personnelle, son fétichisme à lui, ses pratiques exclusives. Or Brandon, quant est lui, pratique indifféremment prostitution, drague PUA-style, drague sentimentale, masturbation sous la douche, consommation d'images porno, fréquentation de backrooms gay... Son obsession n'a pas de contours, elle est théorique et hyperbolique. En ce sens en effet il pourrait aussi bien être kleptomane, coupeur de nattes, accro au nespresso ou kidnappeur de nains de jardins. C'est pourquoi il ne reste que la honte en soi, honte désincarnée, affaire de morale et de métaphysique... Sa nuit de folie expérimentale se conclut par un pesant interdit : - faut pas faire ça, ça pourrait faire du mal à ta sœur. C'est une manière de changer de sujet, cette réduction de la question à sa dimension existentielle et morale.


honte

Il y a dans les traités d’anatomie une partie qu’on appelle le « honteux interne », un muscle je crois, je ne suis pas sûr.
Le « honteux interne », ce mot me poursuit. Je n’entends plus que ça. Le honteux interne, le honteux interne.


Alors il s'avère que Michaux se gourait, le honteux interne est un nerf, nerf honteux interne ou nerf puddendal, situé en 5 sur ce schéma, et essentiel semble-t-il au bon fonctionnement de l'érection, ce qui ne manque pas de sel.

Shame (McQueen) - Page 2 Penien


Le film échoue pour les mêmes raisons à montrer la mauvaise répétition, la dimension répétitive de la pulsion, Brandon ne fait jamais deux fois la même chose, il s'invente plutôt au contraire un parcours existentiel ! En ceci il élude son sujet, reste poliment, aimablement à la porte de ce qui serait vraiment horrible.


Ce qui est réussi c'est son air triste et fade, qui témoigne de son vide intérieur. C'est donc un type très sympathique, un adulescent sympathique et qu'on nous présente comme tel, un type normal et sain affligé de la honte, et de la honte de la honte. C'est pourquoi il prend toutes les injures pour lui.


LA PORNOGRAPHIE FAIT-ELLE AUTORITÉ ?
La question de l’autorité de la pornographie apparaît comme un débat
dans le débat (elle est en effet une sorte de passage obligé dans les analyses
du langage pornographique – celles de Judith Butler, de Rae Langton et de
Nancy Bauer par exemple). Elle repose sur une comparaison entre le
discours pornographique et le discours légal. Une façon de relativiser la
force illocutoire du discours pornographique consiste à dire qu’il n’est pas
doté de la légitimité ou de l’autorité nécessaires pour imposer une définition
des pratiques et des rôles sexuels. Loin d’être une parole légitime (à
l’image de celle d’un juge ou d’un arbitre), le discours pornographique fait
l’objet d’un désaccord, d’un débat au sein de la société. Loin d’être un point d’arrêt dans le questionnement sur la juste relation entre les sexes, la
pornographie met en scène un pouvoir (souvent masculin) dont la légitimité
est précisément mise en cause. Au coeur de la pornographie et de son
discours on trouve en effet des relations de pouvoir, d’humiliation, de
domination qui animent les relations entre les sexes. C’est pourquoi elle
vaut comme injure, c’est-à-dire « prétention à imposer un statut à visée
dégradante à des personnes qui la refusent », et non comme loi.

http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=CITE_015_0097

La dimension de misère sexuelle n'est pas tellement présente dans son histoire, Brandon a du talent pour séduire, il n'a que l'embarras du choix, les filles se jettent pratiquement sur lui dans le métro, il est doté d'un pouvoir sexuel supérieur. Il ne sait que faire de cet excès de pouvoir, de cette autorité sexuelle, de sa propre désirabilité : c'est vraiment un problème de riche, son problème c'est plutôt le désœuvrement que la misère.

Sa honte est de ne pas savoir choisir, vouloir ; honte existentielle de l'indétermination, de l'immaturité.

balthazar claes

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Shame (McQueen) - Page 2 Empty Re: Shame (McQueen)

Message par Invité Sam 4 Fév 2012 - 15:17

L'Histoire de Richard O, c'est un film joyeux sur l'obsession sexuelle, le contraire de Shame. Amalric y bricole une espèce de machine, d'agencement qui est une expérimentation de son obsession, une thérapie expérimentale. Il se trouve un acolyte, un type étrange qui a le don de pouvoir s'approcher des femmes sans jamais déclencher leurs méfiance, et qui les invite à révéler leurs fantasmes devant une caméra. Amalric regarde ces confidences pornographiques et va cueillir ces femmes en leur offrant précisément le fantasme qu'elles attendent. Puis les deux acolytes repartent, sillonnent Paris tout l'été, perchés à deux sur un vélo, et c'est le type bizarre qui pédale.

La machine de Richard O lui permet de transformer sa demande éperdue, obsessionnelle, en offre de services sexuels. Le film laisse espérer que ce montage tend à le guérir, le libérer de son aliénation.


J'ai vu ce film, et je suis bien obligé de dire que j'ai trouvé ça au delà de mauvais: tout bonnement abominable.

Un objet suffisant et creux, complaisant dans le dépressif et auto-satisfait dans l'exploration soi-disant du désir sous sa face la plus complaisamment morbide, louchant vers Bataille comme un normalien exhibant ses références; certainement pas joyeux, mais bien plus grave, enfilant fièrement les clichés les plus éculés, les plus pourris, dans un mélange de genres nauséeux, habillé de psychanalyse parisienne-tendance. ça fait s'interpoler, sans autre raison qu'un petit voyeurisme malsain, la chosification méprisante du féminin réduit à un corps hystérique pathologique et les fausses profondeurs d'une quête existentialo-libidinale à laquelle on ne peut pas croire une demi-seconde.

Mais le pire, dans ce film, ce qui signe pour moi son abjection, c'est l'instrumentalisation voyeuriste permanente, sous couvert d'un compassionnel ostentatoire, de cette "complicité" entre Amalric et le type, manifestement choisi pour son corps anorexique, décharné jusqu'au malaise scopique, corps-martyr caverneux, méphistophélique, doublé d'une forte insistance sur la dimension de sa folie - sa voix monocorde, arythmique (une sorte d'homme-enfant fou, guetté par l'aphasie, présenté comme un pur idiot congénital mais qui aurait accès, de ce fait, à la vérité cachée du désir, rendu du côté de la folie pittoresque, inquiétante et attendrissante).

La caméra exploitant jusqu'à la lie le contraste corporel entre les deux personnages pour nous imposer un schéma de rédemption par l'innocence a-phasique, calquée au poil près sur le mode de lien Cruise/Hoffman dans 'Rain Man" et autres rencontres miraculeuses édifiantes, façon encore Innaritu, entre l'épave crucifiée des bas fonds, sauveuse, et le bourgeois belle-âme en déréliction, sauvé (mais finalement non, assassiné par où il a pêché, voir plus bas).

Et la stéréotypie du renversement de ce schéma: Amalric dans l'errance névrotique et l'incompréhension du désir féminin, coincé dans le langage, alors que l'autre, évidemment, entre directement dans le mystère de ce désir parce que c'est une sorte de pur enfant inadapté et fragile, peau écorchée, vulnérabilité nue au bord de la dissolution corporelle, suscitant pour tout cela la pulsion maternante et protectrice des femmes.

On nous suggère également constamment que l'autre, c'est une sorte de clochard à deux doigts de la mort promise, un mix de "fou" sorti des documentaires de Deligny et de corps-martyr-saint tarkovskien, un errant, un fantôme, sans maison ni abri, et qu'Almaric héberge, le couvant de son affection fraternelle, moins par humanisme que parce que le seul souci de ces deux êtres incorporels, purs et beaux dans leur fragilité extrême et complémentaire (la laideur se trouvant également magnifiée comme il se doit, mais avec un petit côté: "eh oh, c'est quand-même répugnant non, ça vous met mal à l'aise?), c'est la quête de l'absolu ultime représenté par le mystère de la femme fatale et dévoreuse, etc etc.



Et tout ça baignant dans d'abominables mignardises de mises-en-scènes de corps prostrés dans le coin d'une chambre, de clichés de "retour à l'enfance" de ces écorchés mystiques. Sur fond de guitare post-rock languide transmettant l'obligatoire crachin de l'âme et de sensation de bonheur évanescent, etc.

La séquence où le duo se promène en vélo dans Paris la nuit (c'est beau une ville la nuit, dirait Bohringer), où le grand décharné conduit, Amalric rêvassant au sublime évanescent de la vie sur le porte-bagages, c'est la synthèse tellement clichetonneuse et attendue de tout ce fatras poético-tragique de belle-âme, à la sauce dépressive douceâtre, que c'est une des plus exaspérantes.

Alors, évidemment, pour bien boucler la boucle: on comprend dès l'ouverture que la quête merveilleusement dangereuse d'Amalric, sur le fil du funambule, de la jouissance tragique, lui fait rencontrer dans un bar une détraquée sado-maso qui va mettre pile poile fin à cette quête en l'assassinant sauvagement. Et on ne manque pas d'y repasser, pour souligner la triste issue toute de glaucité glaçante, mais aussi interpellante, quelque part au niveau du vécu de la vie des saints et martyrs de l'objet femme - continent noir, castrateur et vachement inquiétant. Ah ça, oui, il est guéri, et bien guéri. Et nous aussi. D'un montage aussi mortifère que sans portes ni fenêtres sur quoi que ce soit que ressemble un peu, même de loin, à du "bonheur".


Non, c'est pas possible. Une des pires daubasses prétentieuses que j'ai pu voir ces trois dernières années. Je pensais pas que j'aurais l'occasion de la mentionner un jour.

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Message par Invité Sam 4 Fév 2012 - 16:08

Jerzy a écrit :

comme un normalien exhibant ses références

Qu'est-ce que tu as contre les normaliens maintenant ?
tu en as presque toujours après quelqu'un / cool, Jerzy...

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Message par Invité Sam 4 Fév 2012 - 16:15

Parce que le perso d'Amalric est fortement connoté du côté de son séminal "comment je me suis disputé" de Desplechin.

Le "normalien" comme nouvelle figure romanesque du cinéma intello-franchouille. Et je trouve ce genre de figure assez gavante et pas trop cool.

Sinon, j'aime bcp Amalric. Je trouve que c'est un acteur très drôle, dont les talents comiques sont encore sous-exploités.


Et au lieu de tenter de sonder mon âme intérieure profonde, as-tu vu ce film "histoire de Richard O"? Je suis curieux de savoir si ma perception du film est partagée. Qu'elle soit juste, j'en a la certitude quasi-scientifique, si je puis dire, mais qu'elle soit partagée, j'ai encore des doutes. Laughing

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Message par Invité Sam 4 Fév 2012 - 16:55

hélas non, Jerzy mon incuture en cinéma n'a d'égal que l'immense nombre des films que je n'ai pas vu lol.
sinon d'accord Amalric est drôle et bon mais Despléchin il ne faut pas tellement m'en parler

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Message par balthazar claes Sam 4 Fév 2012 - 18:17

Ah ça, mon cher Jerzy, on a pas vu le même film. Cela dit je défendrais pas Odoul en général, celui qu'il avait fait avant celui-ci m'avait beaucoup déplu. Mais abject-à-la-kapo... bof. Moi ça me faisait rire. C'est embêtant.

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Message par Invité Sam 4 Fév 2012 - 18:38

Pas abject à la kapo. Je ne pense pas du tout à "kapo".

Abject pour tout ce qu'il est. Et ma description correspond point par point à ce qui est vu dans le film.
Et puis, il est sauvagement assassiné, oui ou non? Tu parles plus haut de guérison et de libération...


Bon, ok, ça t'a fait rire.

C'est pas embêtant du tout.

D'ailleurs, ça ne t'embêtera pas non plus que tes histoires de machines fantasmatiques X ou O, destinées à aliéner ou désaliéner le désir, tes planches anatomiques et consort, perso, ça me fait hyper marrer, sans doute pas dans le sens que tu espères.

Chais pas. Comme l'impression que ça vire de plus en plus au psychanalysme mortifère, tout ça...

Chacun son truc, mec. Very Happy

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Message par Invité Sam 4 Fév 2012 - 20:24

Je ne connais pas "le Poison", mais sinon, le film est un peu l'opposé de (l'excellent) 'A Letter to Three Wives" de Mankiewicz, un autre film sur la séduction sexuelle en situation de surplace social.
A 70 ans de distance le même milieu social, la même notion de "réussite", mais non pas une séductrice mais un séducteur, non pas l'invisible mais au contraire le fait d'être taraudé par l'impossibilité de s'effacer, non pas l’hypocrisie du mariage mais son impossibilité. Le briefing d'entreprise sur le marketing viral c'est aussi le symétrique de la tirade de Kirk Douglas contre la radio de l'autre côté du poste. Mais dans le fond rien n'a changé.
Michael Fassbender a un peu les expressions de Kirk Douglas jeune dans ce film.



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Message par balthazar claes Dim 5 Fév 2012 - 0:25

Oh, c'est embêtant pour moi. J'estime assez haut tes opinions. Mais mes petits schémas sont pour rire, évidemment, pas de problème.

Il est pas sauvagement assassiné, c'est un accident, par contre. Tout s'arrangeait pour lui et finalement pas de bol, c'est plutôt ça pour autant que je me souvienne. Et puis les balades à vélo c'est de jour, je crois, mais ça change pas grand chose..

Et le psychanalysme mortifère je ne sais pas ce que tu entends par là. Mais sinon je n'ai rien à opposer à ton interprétation du film, elle ne me convient pas mais elle me paraît cohérente et adéquate. faudrait que j'y pense à l'occasion.

balthazar claes

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Message par Invité Dim 5 Fév 2012 - 1:04

Oui, bon, enfin, il ne meurt pas sauvagement assassiné, mais juste par accident malencontreux parce qu'elle le pousse hors du lit, après avoir démontré une violence physique fort inquiétante et digne de la petiote dans l'exorciste. Et tout ça parce qu'il refusait de lui chirurgiquer gratos la tronche à coups d'gnons, son rêve de bonheur à elle.
(Les autres petiotes qu'il a rencontré tout au long de son périple passionnant nous renseignant, à un degré moins radical mais tout aussi sociologiquement bluffant, sur les fantasmes secrets de la gent féminine rôdant au jardin de Luxembourg ou dans les estaminets avoisinants.)

Ce qui, somme toute, dans l'unité de la scène, revient plus ou moins au même, et on ne songe pas tellement à séparer l'agression puis l'accident comme événements autonomes, non causalement liés.

Les balades à vélo, y en a le jour, mais y en a aussi la nuit - ce sont les plus powétiques.

Sinon, tu penses bien que j'ai effacé ce truc de mon disque dur pour faire la place à des bousasses un peu plus divertissantes. Donc, je n'ai pas la mémoire absolue de toutes les scènes et de tous les enchainements.

Cependant, tout ce que je décris plus haut, c'est ça. Et c'est la tonalité dominante. On part certes (juste après l'ouverture, qui nous avertit de la fin fatale quoiqu'accidentelle, certes), dans la tonalité soi-disant légère du libertinage pseudo-comique libératoire, avec ce dispositif fastidieux et grotesque des témoignages caméra d'inconnues mystérieuses jactant sur leur jouissance féminine intime, le genre de truc qui ne peut réjouir, je ne sais pas moi, que des séminaristes fatigués d'avoir trop lu saint thomas d'aquin.
Puis ça vire réflexions existentielles murmurées en tapinois dans les angles morts de grand loft pour membres torturés (avec un anneau hérissé de piquants) de la jet-set intelloïde. Puis le perso du semi-cadavre idiot congénital pré-crucifié prend une place de plus en plus importante, qui va nous enseigner plein de choses fondamentales oubliées à propos de la jouissance des femmes, avec son style perso très fascinant, cad avec une voix mongoloïdesque qui en appelle au recueillement ému devant l'innocence des vraies valeurs non polluées par le vain bavardage conceptuel du gars Amalric.
Du coup, le gars Amalric va grandir dans sa tête, ouvrir de gros yeux de bille signifiant une sorte de rebirthing super enthousiasmant. Et va se prendre d'affection pour cet êêêtre étrange venu d'ailleurs et si attachant, qui ne semble avoir ni maison ni foyer ni thune ni rien. Il décide de l'héberger, parce qu'il le divertit plutôt bien de son nombril non copernicien endolori, et au grand dam de son ex-pimbêche psycho-perturbée qui lui demande quoi, au phone.
Pis nos deux compères, délivrés des enquiquinements superficiels comme le fait de gagner sa croûte et de payer son loyer, enfin rendus à l'intimité des paroles vraies et profondes, méditent en déambulant, soit à la maison, soit dans les jardins, soit de jour, soit de nuit, soit à pied soit à vélo, non pas sur le prix exorbitant des lofts, ni sur l'anorexie masculine, ni sur la charité envers les sans-abris, mais sur les femmes en tant qu'énigme ontologico-sexuelle.
Alors, le type qui fait peur avec son cou tout mince comme une tige dans eraserhead finit par rencontrer une gentille boulotte maternante qui se prend du désir de le remplumer, éventuellement, avec un peu de foie gras fait maison.
Pis on retourne, par une arabesque subtile, à l'accident du début qui n'en est pas un tout en étant un.

Non, c'est vraiment un film très intéressant. Je découvre sur allociné que les cahiers, en la personne de Frodon, avaient adoré, trouvant ça d'une justesse à couper le souffle ("Un film du côté de ce qui vibre, avec du sourire et une tension qui ne trichent pas", non mais lol, quoi. Je m'inquiète pour la vie sexouelle de Frodon). Faut lire aussi, pour le fun, les critiques des spectacteurs. La majorité, soit 43%, lui mettent un zéro étoiles. Ils n'ont pas voulu croire qu'il n'y avait pas un truc à la Gérard Majax.

Et si tu ne sais pas trop ce que j'entends par psychanalysme mortifère, ce film, par la puissance stimulante de son contenu, aurait pu ou du te briefer un peu.


Maintenant, tu peux relire aussi ta propre notule conceptuellement vasectomique (qui n'est pas de la branlette théorique triste, mais marrante), sur les dispositifs machinesques à la mords moi l'noeud pour "libérer" et "guérir" de problèmes qu'on se crée en voulant les résoudre, comme dirait Watzlawik, et sans doute pour échapper à l'ennui vacuitaire d'une vie trop uniformément confortable, les problématiques assommantes de transgressions qui n'excitent que les curés psychanalystes ou de grands bourgeois désœuvrés victimes de la psychanalyse, les schémas sur les nerfs coincés honteux dans le pénis du phallus signifié par un trait unaire divisé par une barre ternaire ("schème on you", remember, big poilade), et autres considérations de la plus haute importance. Parce que susceptibles d'être rigolotes pour qui leur accorderait un intérêt, même infinitésimal, dans l'ordre des problèmes drolatiques qui agitent le vaste monde.


Et tu comprendras plus-mieux en quoi consiste un psychanalysme mortifère.

Ou alors remate toi l’œuvre complète de Desplechin, puisque, si mes souvenirs ne me trahissent point, tu t'enthousiasmais (un affect pourtant extrêmement rare chez toi) pour son Conte de Noël, dans lequel tu as vu également des choses comme de la légèreté, de la joie, des trucs libérants, des nœuds dénoués, ou des dénouements noueux dans un mouchoir de poche, enfin de ces œdipanités amusantes qui divertissent la bourgeoisie chabrolienne de province, tous les papis mélomanes qui, à Roubaix, lisent Nietzsche en allemand dans le texte, et jouent au piano tous les matins, pour se détendre avant le petit déj, l'art de la fugue, mais dont le reste du monde se contrefiche éperdument. (Sauf peut-être Emmanuel Bourdieu. Auteur, depuis, du polar "intrusions", qui, je le rappelle, talonne de près "le jour et la nuit" au titre du nanar le plus incroyable de l'histoire du cinéma français).



Ce qui n'avait pas manqué de m'interloquer, déjà, à titre d'amorce de running gag annoncé en son temps par l'éloge de la fille coupée en deux, puis une admiration non feinte pour essential killing, et confirmé ici pour le meilleur et pour le rire.

Et si ce n'était pas si drôle, je m'inquiéterais pour tes goûts cinéphileux et l'hypothèse alarmante de ton enlèvement par une secte de psychanalystes pataphysiciens sado-masochistes, t'infligeant une reprogrammation neuro-linguistique à l'insu de ton plein gré.



Bonne nuit, m'grand. Very Happy

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Message par balthazar claes Dim 5 Fév 2012 - 3:41

Là je dois dire que ta prose me paraît s'éloigner du film et le reconstruire à ta sauce. Le grand niais et sa voix mongoloïde, comme tu dis, n'est pas du tout de toutes les scènes, on ne le voit pas tant que ça, et le film n'est pas du tout aussi bavard que ça en confidences existentielles.

Puis la gentille boulotte n'est pas du tout boulotte dans mon souvenir, elle est plutôt svelte et très chouette. Aussi, si on s'intéresse à Amalric, il se présente là tout décomposé, encore plus débraillé, dévissé que dans Tournée, c'est rudement bien fait à quel point il a l'air à côté de la plaque, tout suant et velu, bel investissement d'acteur.

Prenons la scène de l'affiche, scène de frénésie sexuelle à l'arrière d'un bistrot. Amalric a vu la bande où la fille avouait son attirance éperdue pour la dégradation. Il se retrouve face à elle, quelques secondes hésitant, puis se lance dans ce que j'ai interprété comme une imitation de Rocco Sifredi, accent italien et propos graveleux. Là je suis déjà mort de rire, comme c'est difficile à expliquer. Il ne savait pas comment entrer dans le vif du sujet avec cette soeur d'obsession, puis balance ce speech inepte, et c'est exactement ce qu'il fallait dire. Ensuite les deux se ruent à l'arrière du bar donc, et copulent, elle lui demande de l'insulter, il s'exécute, prononce les injures rituelles, tiens, prends ça. C'est une excellente scène de rapports sexuels maladifs, ça ressemble à un porno moyen, sauf qu'un accent est mis sur l'application, le côté laborieux, pathétique de la chose. Leur zèle, leur courageux investissement sportif. Shame n'arrive pas à la cheville de ça. On voit la chair dans sa dimension avilissante, dans sa dimension de vaine dépense, mais sous l'angle comique. On ne peut guère que rire de cette chair à l'enthousiasme si dépoétisé. Il ne s'agit pas du tout d'avilissement moral, c'est juste le contraste entre la médiocre densité de leur relation objective (ils ne se connaissent ni d'ève ni d'adam, ne se reverront jamais) et l'intensité qu'ils se jouent l'un à l'autre, à laquelle ils s'accrochent comme des naufragés. C'est leur choix d'y croire et de s'y accrocher, ce sont des êtres humains occupés à ramer, comme tout le monde. Peut-être confondent-ils loisirs et travail. Puis ensuite elle lui montre ses fesses dans la rue, et il galope bravement derrière, à sa poursuite. Ils sont touchants dans leurs efforts pour rattraper l'obscur objet du désir, quoi.

Par contre avec celle qu'il semble aimer, à la fin, la scène de lit exprime échange, fusion, etc, rien à voir. Il a un peu épuisé ses vains désirs, il va mieux.

Puis aussi, il ne cesse de rencontrer des filles qui le tapent, lui balancent beignes et gifles, et il ne les a pas volées, cet idiot de sournois. C'est tout à fait burlesque, simple et plaisant.

Quant à mon insondable stupidité, telle qu'exprimée dans tous mes commentaires depuis les origines, je ne sais pas trop si c'est bien le sujet du topic. Mais, tu m'obliges à corriger, non, j'ai jamais trouvé Conte de Noel bien drôle ni utile. Tu dois confondre avec un autre idiot, je suppose.

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Message par Invité Dim 5 Fév 2012 - 5:00

Je m'éloigne pas du tout. Ne t'en déplaise, je sais regarder un film, je suis capable de saisir sa logique interne, et quand je le décris, même sous la forme de l'hyperbole, j'en saisis très précisément la moelle substantifique, sans du tout m'éloigner de l'objet par des distorsions et des contorsions interprétatives, ou le colorant de mes obsessions. Par contre, je pense que tu ne sais pas regarder un film, et que la plupart du temps, dans l'interprétation que tu en donnes, tu substitues d'emblée à ce qu'est le film un forçage de sens, par une profusion de schémas théoriques et interprétatifs (la plupart du temps aléatoires, tantôt empruntés à du Deleuze anti-psychanalytique, tantôt au psychanalysme le plus dogmatique - et dans un cas comme dans l'autre essentiellement réduits à de la pure rhétorique, cad non compris). Source sans fin de frictions entre nous, il est vrai.

Et ces points de détail que tu corriges confirment complètement à mes yeux la perception que j'en donne. A ton corps défendant, parce que tout ce qui semble te ravir dans cette moche chose d'un inintérêt abyssal, considérée en dehors de je ne sais quelle Weltanschauung de l'authenticité débraillée investie, ainsi que le thème, en général, porno-attitudesque ou non, des fantasmes sexuels égrillards ou transgressifs, heureux ou malheureux, frôle et même atteint le degré zéro parmi tous les trucs possibles et imaginables susceptibles de retenir l'attention pendant disons 1h15.
Ce que ne dément pas ton commentaire descriptif, qui lui même frôle et atteint le même degré d'inintérêt toutes considérations confondues (psychologiques, cinématographiques, psychanalytiques, sociologiques, anthropologiques, métaphysiques, érotiques, théologiques, cliniques, tout ce que tu voudras).

Le perso, dont je dis par provoc qu'il a une voix mongoloïde et un corps martyr scopiquement destiné au voyeurisme malsain, c'est exactement ça qui lui donne une place importante dans le film, à titre d'accroche putassière. Il ne s'agit pas de comptabiliser les scènes où il apparaît quantitativement.
Ce n'est pas un personnage secondaire, c'est le personnage le plus important après Amalric. Leur relation constitue l'axe narratif central du récit, et ce que tu me racontes, ce sont des scènes périphériques, anecdotiques, par rapport à cet axe qui organise puis distribue les enjeux de la "quête".
Le perso en question, d'abord filmeur des confessions caméra, devient au fil du récit le "guide" du récit de formation, si on peut parler ainsi. Son importance devient ultra-déterminante dans la dernière partie, celle où le nœud se dénoue, pour rester dans les métaphores foireuses. Et les 20 dernières minutes sont bien les plus déterminantes: le reste, les rencontres, les baises, etc, n'existant au fond que pour permettre les discussions déterminantes, sur leur mode particulier, entre les deux personnages masculins qui vont tous les deux vers le point d'accomplissement de leur expérience commune (à titre scientifique pourrait-on dire).



La substance même du récit repose bel et bien alors sur ce que j'en disais plus haut: cet éclairage donné par une icône frelatée de l'aliénation psychiatrique, qui enseigne l'innocence retrouvée à un bourgeois paumé.
Le film joue sans cesse sur l’ambiguïté du va et vient d'une hésitation entre "documentaire" et "fiction" au sujet de ce personnage. Qui est de l'ordre de la curiosité morbide. Tout en se posant sur le registre compassionnel hypocrite et contraignant. C'est une prise d'otage, une instrumentalisation, tout simplement. - A minima, du spectateur, car l'acteur dont il est question, difficile de ne pas l'avoir remarqué, se signale à l'attention sur une modalité très particulière que je vais à présent préciser plus platement, puisque tu ne sembles toujours pas avoir compris le sens de mes posts précédents.

Le réalisateur semble d'ailleurs s'investir, pour reprendre ton expression, dans cette "problématique" des handicapés. Sa "Folle Parade prenant pour toile de fond l’univers des handicapés mentaux", nous explique-t-on sur son site dédié.
Ceci confirmant ma gêne fondamentale, car il est manifeste que l'acteur jouant le personnage "insolite", comme tu dis, accompagnant Amalric dans la quête de sa quéquète, souffre d'une pathologie qui se marque très visiblement sur son corps et dans sa façon d'acter devant la caméra. Tout comme il est manifeste que le cinéaste exploite cette donnée, tout en nous faisant croire qu'il y va d'un regard généreux sur cette exhibition de "différence", d'une imagerie "sympathique" de fraternité (donnée notamment par ces fameuses scènes de promenade en vélo, qui misent tout sur l'insolite formel du grand corps famélique qui pédale devant, pendant que le corps gentiment névrosé médite sur la fraternité humaine derrière). Avec ou sans le consentement de cet acteur, cela m'est tout à fait secondaire, car ça n'annule en rien le fait incontestable d'une exploitation douteuse, voyeuriste, de la monstration insistante d'un corps affecté au point de l'insolite, et constituant par là un processus d'accroche du spectateur.

Tout comme, dans un autre registre, un point d'accroche du spectateur dans "la colline a des yeux" d'un Wes Craven, était constitué par la présence d'un acteur souffrant d'une pathologie physique spectaculaire (et devenu une mascotte pour divers productions fantastiques de série z).
Et ce n'est pas une référence pénétrée à Tod Browning et à son freaks, dans la filmo du réalisateur, qui atténuera ma gêne. Rapprochement qu'incite bien évidemment un titre comme "folle parade". Titre d'une rare putasserie lui-même, substituant la notion de "fou" à celle de "monstrueux". Ce qui, à quelque degré que puisse être prise cette substitution, donne bien à penser sur la hauteur de vue et de réflexion de son auteur sur ses thèmes de prédilection. S'il pense la "folie" à la même hauteur qu'il pense le "sexe", ça doit être quelque chose.



Cette donnée scopique a suscité chez moi une gêne immédiate et fondamentale, disais-je, et pourtant je ne suis pas du genre bégueule ou père la morale. Et ma réserve ne tient pas non plus sur un interdit de représentation ou une sacralisation quelconque, ni une "objectivation" exprimée par le déni et stigmatisant une "différence" quelconque.
Simplement, je considère qu'il y a lieu, quand on recourt à ce procédé, de mettre les cartes sur la table, de ne pas capitaliser sur l’ambiguïté et le malaise.
On s'étonnera, par exemple, de ne trouver sur google image quasiment aucune photo associée au nom de cet acteur introuvable, qui a joué dans deux ou trois films tous signés par le même réalisateur. Comme si là, bizarrement, il était frappé d'un interdit de représentation, objet d'un secret honteux, non montrable ou à cacher.



Tout ceci m'avait immédiatement évoqué aussi la stratégie dramaturgique d'un Jaco Van Dormael qui, sous le prétexte de son concernement familial personnel (son frère était trisomique), en a fait la matière, d'abord d'un court-métrage complaisant, ensuite du film qu'on connaît, avec Auteuil, qui repose exactement sur les mêmes ressorts dramaturgiques de ce schème catho-rédempteur, que je mentionnais à propos de rainman: l'innocent, à qui le royaume des dieux appartient, révélant au bourgeois égoïste une vérité fondamentale.



Tu n'as pas donc bien aperçu cette donnée, trop préoccupé par les histoires de bistouquettes morbides et de jolies filles tantôt sympathiques tantôt baffeuses, mais moi, c'est l'élément central qui a retenu mon attention.

Et en termes d'éthique, ce genre de film, au delà de sa nullité fondamentale, me pose des problèmes.

Ce genre de détail, qui n'a rien d'accessoire dans la conception d'un tel film, suffit pour moi à classifier, sans autre forme de délibération interne, l'objet filmique du côté des proto-snuffs.
Et indépendamment de l'investissement totalement inintéressant et d'une banalité sans nom, consistant pour l'acteur principal à sortir sa quéquète dans le champ en toute occasion et à pratiquer des rapports sexuels non-simulés. Pour nous dire des choses d'une tristesse et d'une bêtise sans nom au sujet des inquiétudes libidinales d'une frange de quarantenaires précoces ou trentenaires tardifs extrêmement situés sur le plan des poncifs sociologiques et des concernements qui vont avec. Pour le contenu de ces poncifs et stéréotypies, se rapporter à mes posts précédents.


La gentille boulotte n'est pas boulotte, c'est pas la question: elle incarne la maternance doucereuse vis à vis du personnage chétif, son corps anorexique, sa pure innocence qui suscite, dans le schéma psychologique convenu, et hypocrite, l'instinct couveur de l'éternel féminin ainsi fantasmé. Gentille boulotte, en ce sens. Je n'émets pas par là des critères esthétiques pour le vote de miss France sur tf1.

Tous les personnages féminins de ce film, production fantasmatique de l'auteur, relèvent des plus basiques stéréotypes phallocratiques, même pas dignes d'une production Beate Uhse pour peep-shows d'entreprises. Ce n'est pas que le perso d'Amalric se prenne des coups bien mérités ou qui font bien rire (faut avoir un sens de l'humour très particulier pour trouver tout ça léger, charmant, drôle voire euphorisant - tant la violence et la dégradation sont omniprésentes dans ce film sous sa forme la plus catholiquement bourgeoise), c'est que les stéréotypes de femmes qui les lui assènent sont aussi méprisants que méprisables.

Pour le reste, les considérations sur l'intérêt que représente l'accent mis sur le côté laborieux, pathétique, du désir et les rapports sexuels maladifs, comme tu les nommes, si ça t'enchante ou te ravit ou suscite des réflexions théoriques puissantes sur la différence entre le "x" du porno et l'éros de la marquise "o", c'est pas mon problème. J'ai d'autres centres d'intérêt en matière de cinématographie. Et ce machin n'est ni du Sade ni du Lautréamont, mais une putasserie parisianiste visant un certain public de personnes se prenant pour des théoriciens subtils de la psychanalyse, ou pouvant, à titres divers, entrer dans une logique d'identification, ou d'empathie, avec ce personnage joué par Amalric, en fonction de données empiriques et psychologiques qui m'échappent complètement. Car je suis de Verviers.

Que shame n'arrive pas à la cheville de ce bidule aussi, je m'en cague les roupettes à un point que tu peux à présent imaginer aussi.

Concernant le conte de Noël de Desplechin, je ne pense pas t'avoir confondu, et pas davantage avec un autre idiot, car je ne pense pas du tout que tu sois un idiot.

Bien le bonjour.

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Message par balthazar claes Lun 6 Fév 2012 - 16:39

Oui, bon, certes ; c'est bien possible. Personnellement j'adore Syd Barrett.

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Message par balthazar claes Mar 7 Fév 2012 - 0:29

Par contre, je pense que tu ne sais pas regarder un film, et que la plupart du temps, dans l'interprétation que tu en donnes, tu substitues d'emblée à ce qu'est le film un forçage de sens, par une profusion de schémas théoriques et interprétatifs (la plupart du temps aléatoires, tantôt empruntés à du Deleuze anti-psychanalytique, tantôt au psychanalysme le plus dogmatique - et dans un cas comme dans l'autre essentiellement réduits à de la pure rhétorique, cad non compris). Source sans fin de frictions entre nous, il est vrai.



C'est la guerre du noumène. Tu as certainement raison sur le film. Ce qui n'a aucune importance puisqu'il s'agissait de l'amener ici comme point de comparaison sur le thème de l'obsession sexuelle.

SMQ est un homosexuel noir, ou noir homosexuel, artiste contemporain, ce qui fait que son film parlant d'un cadre blanc coincé n'est pas trop autobiographique ; à mon humble avis, le film de Odoul l'est beaucoup plus. Ca se sent ; Odoul est possiblement un connard, mais vigoureusement obsédé sexuel hétérosexuel. Y a qu'à demander à Amalric, ils trainent ensemble dans les boites.



Ta puissance rhétorique me terrifie, et j'aime beaucoup la plupart de tes tirades, mais il me semble me souvenir que tu as juré à quelques reprises de ne plus jamais intervenir dans le petit monde de Borges. Donc tu es parjure ou imbécile.

Mais y a aucun problème à part ça, c'est vrai que mon niveau d'analyse filmique est effroyablement bas, j'avais des antennes dans le temps mais je suis devenu bien lent, bien bête.

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 1:10

balthazar claes a écrit:Oui, bon, certes ; c'est bien possible. Personnellement j'adore Syd Barrett.


Chalut balthie. Ouaip je te comprends. Tu sais, je préfère Syd Barrett à joy division, si je dois choisir.

Tout est relatif, sauf le romantisme, qui est absolu.

Je saisis pas très bien le sens de ton propos, ou ironie, sur l'opposition entre l'homosexuel noir et l'hétérosexuel blanc, mais je fatigue, là (ayant abattu un gros boulot scriptural à côté), et je crains de m'en foutre aussi un petit peu.

Bisou mon grand, te bile pas. C'est pas bien grave, tout ça. Du moment que tu bandes, ben, j'suis content pour toi, rhzz.

Tain je vais me coucher moi. Une ptite branlette et c'est marre.

lol

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Message par balthazar claes Mar 7 Fév 2012 - 1:39

Ce que je voulais dire c'est qu'il m'arrive de savoir regarder un film. Tu es vraiment excessif.

balthazar claes

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 1:46

L'hyperbole, n'oublie pas l'hyperbole.


Mais bordel, tu dors jamais... Comment je fais pour avoir le dernier mot, ici? Pfff

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Message par balthazar claes Mar 7 Fév 2012 - 1:58

Tu sais bien que sur le net, le dernier mot c'est le point godwin. Un mot encore plus joli que hyperbole. Mais je ne veux pas du tout avoir le dernier mot. En ce qui me concerne un boulot médiocrement scriptural m'attend à l'aube. pff

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