Lebenszeichen, Herzog 1968
Lebenszeichen, Herzog 1968
Lebenszeichen, le premier Herzog (1968). Pas mal: 3.5/5 Très beau noir et blanc, superbe musique.
L'histoire de Stroszek, un soldat de l'armée allemande pendant la seconde guerre mondiale, en Grèce (mais la Grèce montrée est clairement celle des années 60). Il a épousé une grecque. Blessé au cours d’une embuscade de partisans (montrée dans un très beau plan, un travelling sur des enfants qui fuient, qui devient un plan fixe sur une place avec un bus semblant avoir été abandonné au moment où il allait partir, une chèvre qui le renifle, dont on ne sait pas s’il est un flashback ou une vision onirique), il part en convalescence et doit garder avec sa femme et deux autres soldats (un étudiant en philologie et Meinhard, un tenancier de bar, criminel repenti, à la fois individuellement fou, et plein de bon sens quand il s’agît de se mesurer à la vie collective) un dépôt de munition située dans les ruines du château de l’île de Cos, à la limite d’une petite ville.
Il n’a de contact qu’avec ses proches et les enfants de l’ile; s’ennuie et demande à son supérieur d’être confronté à plus d’action. Au cours d’une patrouille destinée à dissuader des partisans, la vision d’un champ d’éoliennes en plein soleil déclenche un accès de folie.
Il se barricade dans le château, en expulse ses proches, menace de faire exploser la ville, nargue ses supérieurs, les contraignants à une opération d’évacuation inutile, joue au sniper et tue un âne, lance un feu d’artifice, défend une sorte de culte solaire (« seul le soleil peut se tenir en face du soleil »). On ne sait finalement pas trop ce qu'il advient de lui, le dernier plan semble un travelling arrière sur un paysage aride vu d’une ambulance, ou d’un camion qui conduit des prisonniers.
Je ne sais pas si ce qui m’a intéressé dans le film, un traitement de la question du racisme, correspond à une intention d’Herzog. La ville qu’il décrit est à la fois une planque, et le lieu d’un d’une stratégie politique dirigée tant vis-à-vis des soldats que des Grecs. Le comportement paternaliste des commandants occupants l’île atténue la violence du fait de l’occupation, mais en même temps confirme un discours raciste à double tranchant à la fois sur l’indolence méditerranéenne, et sur la Grèce comme creuset de la civilisation occidentale et de la culture. Il est vrai que les habitants de l’île sont montrés d’une manière qui peut mettre à l’aise : soit des jeunes soit des vieillards, soumis à l’occupant sans être visiblement menacé, perpétuellement opposés à l’idéal de la Grèce antique (le jeune philologue exhume une stèle avec une prière panthéiste pour la fertilité du sol et de la mer , mais dit à regret : « vous savez les vrais Grecs anciens, ceux des Jeux Olympoque, étaient beaucoup plus violents que cela »). Le film mentionne les partisans mais ne les montre pas (comme il en montre aucun adulte grec), finalement, ils sont mis sur le même plan que les Grecs antiques, réduits à des symboles renvoyant tant à la fatalité, qu'à la culture comme idéologie ou encore à un idéal de maturité individuelle.
Il semble à la fois croire à cette triple incarnation –symbolique, mais finalement forcée et idéologique- mais montrer aussi que le racisme, séparé de la violence, reste une absurdité, Herzog l’oppose non à la morale mais à l’idée à la fois d’expérience individuelle et d’enracinement dans une tradition.
Une scène assez belle : un jeune musicien tzigane se présente au château, pas grand-chose ne se passe, il reste sur le seuil. En ville il revoit les soldats, dit à Meinhard, qui semble jaloux de lui car il est devenu à force de provocation le bouffon des autres soldats, tandis que le tzigane a sans doute un rapport culturellement profond avec la musique et l’idée de transmission d’un message via un jeu de représentation de soi à priori anodin que Meinhard n'arrive pas à rerendre pour lui: « je ne fais rien que chercher mon peuple ». Meihnard lui répond avec une ironie méprisante « mais si c’est lui qui vous cherche, vous tournez en rond ». La surenchère dans la folie est pour le personnage principal une manière d’opposer une tradition à ce mépris, malheureusement elle implique aussi l’oubli de la réalité à laquelle elle s’oppose , et fait finalement de l’impossibilité de cet oubli une forme d’échec (la folie est un refuge, auquel on n'accède quand on ne comprend que l'on est seul et que les rencontres les plus anodines impliquent une métaphysique , mais dans l'impossibilité romantique de terminer cette métaphysique l'on oublie que l'on est seul. Avec son premier film Herzog juge utile de critiquer le nazisme et le racisme, ce qui est pas une super idée car enfin il n'y a pas que cela dans la vie - mais il le fait de manière consistante: la nazisme est critiqué en tant que théorie de la rencontre envers une transcendance, qui ne marche pas, finalement non pour ses valeurs, mais sa propre dévaluation).
Ceci dit le couple de Strozek et de sa trop belle et mystérieusement sereine femme grecque était intéressant (comment lui, jeune et falot, a fait pour l'épouser pendant la guerre et pourquoi?) et aurait pu donner lieu à une inspiration bergmano-pialatien, mais cela n'intéresse pas Herzog (en gros le moment où l'oeuvre Herzog bascule dans le panthéisme amazonico-lyrique c'est la scène où la femme en quelque sorte va expliquer à la Kommandantur qu'il n'y a plus de sexe)
L'histoire de Stroszek, un soldat de l'armée allemande pendant la seconde guerre mondiale, en Grèce (mais la Grèce montrée est clairement celle des années 60). Il a épousé une grecque. Blessé au cours d’une embuscade de partisans (montrée dans un très beau plan, un travelling sur des enfants qui fuient, qui devient un plan fixe sur une place avec un bus semblant avoir été abandonné au moment où il allait partir, une chèvre qui le renifle, dont on ne sait pas s’il est un flashback ou une vision onirique), il part en convalescence et doit garder avec sa femme et deux autres soldats (un étudiant en philologie et Meinhard, un tenancier de bar, criminel repenti, à la fois individuellement fou, et plein de bon sens quand il s’agît de se mesurer à la vie collective) un dépôt de munition située dans les ruines du château de l’île de Cos, à la limite d’une petite ville.
Il n’a de contact qu’avec ses proches et les enfants de l’ile; s’ennuie et demande à son supérieur d’être confronté à plus d’action. Au cours d’une patrouille destinée à dissuader des partisans, la vision d’un champ d’éoliennes en plein soleil déclenche un accès de folie.
Il se barricade dans le château, en expulse ses proches, menace de faire exploser la ville, nargue ses supérieurs, les contraignants à une opération d’évacuation inutile, joue au sniper et tue un âne, lance un feu d’artifice, défend une sorte de culte solaire (« seul le soleil peut se tenir en face du soleil »). On ne sait finalement pas trop ce qu'il advient de lui, le dernier plan semble un travelling arrière sur un paysage aride vu d’une ambulance, ou d’un camion qui conduit des prisonniers.
Je ne sais pas si ce qui m’a intéressé dans le film, un traitement de la question du racisme, correspond à une intention d’Herzog. La ville qu’il décrit est à la fois une planque, et le lieu d’un d’une stratégie politique dirigée tant vis-à-vis des soldats que des Grecs. Le comportement paternaliste des commandants occupants l’île atténue la violence du fait de l’occupation, mais en même temps confirme un discours raciste à double tranchant à la fois sur l’indolence méditerranéenne, et sur la Grèce comme creuset de la civilisation occidentale et de la culture. Il est vrai que les habitants de l’île sont montrés d’une manière qui peut mettre à l’aise : soit des jeunes soit des vieillards, soumis à l’occupant sans être visiblement menacé, perpétuellement opposés à l’idéal de la Grèce antique (le jeune philologue exhume une stèle avec une prière panthéiste pour la fertilité du sol et de la mer , mais dit à regret : « vous savez les vrais Grecs anciens, ceux des Jeux Olympoque, étaient beaucoup plus violents que cela »). Le film mentionne les partisans mais ne les montre pas (comme il en montre aucun adulte grec), finalement, ils sont mis sur le même plan que les Grecs antiques, réduits à des symboles renvoyant tant à la fatalité, qu'à la culture comme idéologie ou encore à un idéal de maturité individuelle.
Il semble à la fois croire à cette triple incarnation –symbolique, mais finalement forcée et idéologique- mais montrer aussi que le racisme, séparé de la violence, reste une absurdité, Herzog l’oppose non à la morale mais à l’idée à la fois d’expérience individuelle et d’enracinement dans une tradition.
Une scène assez belle : un jeune musicien tzigane se présente au château, pas grand-chose ne se passe, il reste sur le seuil. En ville il revoit les soldats, dit à Meinhard, qui semble jaloux de lui car il est devenu à force de provocation le bouffon des autres soldats, tandis que le tzigane a sans doute un rapport culturellement profond avec la musique et l’idée de transmission d’un message via un jeu de représentation de soi à priori anodin que Meinhard n'arrive pas à rerendre pour lui: « je ne fais rien que chercher mon peuple ». Meihnard lui répond avec une ironie méprisante « mais si c’est lui qui vous cherche, vous tournez en rond ». La surenchère dans la folie est pour le personnage principal une manière d’opposer une tradition à ce mépris, malheureusement elle implique aussi l’oubli de la réalité à laquelle elle s’oppose , et fait finalement de l’impossibilité de cet oubli une forme d’échec (la folie est un refuge, auquel on n'accède quand on ne comprend que l'on est seul et que les rencontres les plus anodines impliquent une métaphysique , mais dans l'impossibilité romantique de terminer cette métaphysique l'on oublie que l'on est seul. Avec son premier film Herzog juge utile de critiquer le nazisme et le racisme, ce qui est pas une super idée car enfin il n'y a pas que cela dans la vie - mais il le fait de manière consistante: la nazisme est critiqué en tant que théorie de la rencontre envers une transcendance, qui ne marche pas, finalement non pour ses valeurs, mais sa propre dévaluation).
Ceci dit le couple de Strozek et de sa trop belle et mystérieusement sereine femme grecque était intéressant (comment lui, jeune et falot, a fait pour l'épouser pendant la guerre et pourquoi?) et aurait pu donner lieu à une inspiration bergmano-pialatien, mais cela n'intéresse pas Herzog (en gros le moment où l'oeuvre Herzog bascule dans le panthéisme amazonico-lyrique c'est la scène où la femme en quelque sorte va expliquer à la Kommandantur qu'il n'y a plus de sexe)
Dernière édition par Tony le Mort le Mar 8 Nov 2011 - 23:16, édité 6 fois
Invité- Invité
Re: Lebenszeichen, Herzog 1968
Bon d'accord c'est pas un film si ragoutant que cela et vous avez raison de pas réagir *. Il oppose à la fois roublardement et naïvement à la volonté de "puissance nazie" une super volonté qui comprend que la volonté de puissance est elle-même précaire et relative, là est la subtilité. Mais bon du moins il échappe au point Godwin en le doublant par l'extérieur, là où un Jean Pierre Mocky monte sur les vibreurs et salit les pneus mais laisse les freins intacts.
La semaine dernière j'ai pris un bout de "Solo" à 3 heures du Matin sur France2 est c'est pas si mal (on sent qu'il a essayé de travailler avec Manchette, mais que cela n'a pas marché). Herzog filme superbement en noir et blanc le soleil qui tape, comme si c'était une idéologie ou un programme politique, Mocky quant à lui filme bien la nuit en sachant mieux qu'elle n'en est pas une.
*de plus je n'ai pas vérifié ma ponctuation, ce qui est fâcheux car cela m'empêche de me désolidariser complètement de ce que j 'ai écrit il y a deux jours.
La semaine dernière j'ai pris un bout de "Solo" à 3 heures du Matin sur France2 est c'est pas si mal (on sent qu'il a essayé de travailler avec Manchette, mais que cela n'a pas marché). Herzog filme superbement en noir et blanc le soleil qui tape, comme si c'était une idéologie ou un programme politique, Mocky quant à lui filme bien la nuit en sachant mieux qu'elle n'en est pas une.
*de plus je n'ai pas vérifié ma ponctuation, ce qui est fâcheux car cela m'empêche de me désolidariser complètement de ce que j 'ai écrit il y a deux jours.
Invité- Invité
Re: Lebenszeichen, Herzog 1968
J'ai toujours beaucoup apprécié cette première œuvre d'Herzog. On y retrouve une grande majorité des thèmes qu'il va aborder dans ses réalisations suivantes. Cependant, il va falloir que je le revois avant d'en dire d'avantage.
J'ai le double coffret Herzog qui contient plusieurs entretiens, il s'attarde longuement sur ce film. Il explique avoir filmé la scène du poulet car cet animal lui faisait peur ( les poulets et la volaille en général font plusieurs apparitions dans ses films, en particulier dans "Stroszek").
L'ambiance de l'île est effectivement très 60's, elle rappelle un peu celle de Ibiza dans "More" de Schroeder.
J'ai le double coffret Herzog qui contient plusieurs entretiens, il s'attarde longuement sur ce film. Il explique avoir filmé la scène du poulet car cet animal lui faisait peur ( les poulets et la volaille en général font plusieurs apparitions dans ses films, en particulier dans "Stroszek").
L'ambiance de l'île est effectivement très 60's, elle rappelle un peu celle de Ibiza dans "More" de Schroeder.
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