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Discussion autour de Hunger

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Message par Borges Jeu 20 Nov 2008 - 12:03

JM a écrit: L'histoire que raconte Bobby au prêtre est tellement "visuelle",intense, je trouve, que l'on se demande si on a vu les images du drame ou pas. Le texte joue là-dessus, en mettant au même niveau quelque chose de vu (la course dans la forêt) et quelque chose d'entendu..






Salut JM


quelques remarques

Oui, je dirai pas que c'est visuel ; le prêtre et le mec parlent, ça dure, c’est fixe ; on sent comme un manque, on veut voir les images, les mots changés en image ; c’est trop sec, nous sommes comme privés de quelque chose ; ayant vu le film après avoir lu ton texte, j’attendais ce moment que tu décris, BS enfant, et le reste, mais ça ne venait pas ; j’ai même cru qu’il était seulement raconté, avant qu’il ne revienne ; pendant tout le temps, de la conversation, discussion, on s'attend à ce que surgissent les images, mais c'est pas le moment; SMQ, retarde l’image, le retour du passé dans le présent, ou le transport du présent dans le passé, ou rien de ça, quelque chose d’autre ; l'image vient quand le corps est complètement hors du coup, c'est vraiment la fin de l'image sensori-motrice... l'agonie...après cette conversation, plus de mots, je crois, du côté des résistants, BS je crois ne dit plus rien ; il a tout dit ; ses parents pas plus, je crois ; le médecin leur cause techniquement, on leur demande leur nom…

Ce partage, des mots, et des images, c'est vraiment riche, cette opposition parlé, entre le prête et BS, très proche de la tragédie, au sens fort, au sens grec, au sens du discours contre discours, comme on dit dans l’Antigone, une des grandes figures du terrorisme, de la résistance à la puissance de l’Etat, tour à tour considérée comme dingue ou comme pure héroïne, on se souviendra qu’elle fut enfermée dans une grotte, avec assez de nourriture pour ne pas mourir de faim ; laisser mourir de faim quelqu’un étant chez les Grecs une faute absolue.

Le prêtre et BS, deux positions qu'aucune voie moyenne ne peut se faire rejoindre... d’une part, la voie de la raison, de la famille, de la religion, et de l’autre, cet impératif absolu d’une décision qui ne sait rien de tout cela ; c’est le choix religieux, du chevalier de la foi ; je pense à Kierkegaard ; comme dirait Badiou, avec BS, on touche à un point de réel, le lieu d’une décision, d’un impossible ; SMQ porte toute cette affaire au niveau du mythe, de la puissance mythique ; il réussit réellement à porter la vie de BS au niveau de l’aphorisme de vie ; on pense à toutes ces décisions absolues, contre lesquelles ne peuvent rien les argumentations, l’appel au monde, et à ses valeurs ; les vraies décisions de l’âme échappent à la psychologique ; est-il fou, défaitiste, suicidaire, mégalo… ? on pourrait jouer de ces réductionnismes… rien de cela, peut-être, plutôt, ma faim qui d’aucun fruit ici ne se régale ; on pense à Socrate que ses potes tentent de convaincre d’échapper à sa condamnation, de fuir, et qui résiste au nom de la vérité, on pense à ce film de FZ, « un homme pour l’éternité » ; mais le corps n’est pas là, chez Platon, pas plus que l’art ; il faut s’en délivrer, le corps est tombeau ; on parle, on parle, comme dit Jankélévitch, opposant la mort de Jésus à celle de Socrate, la mort héroïque et la mort angoissée, douloureuse, sans gloire, la mort de l’homme infâme ; autre différence frappante, c’est le corps devenu lieu d’inscription de la douleur, mais aussi de la résistance, le corps est vraiment ici une manière de support de la puissance de l’idée, de la morale, de la conviction ; c’est le corps martyr, mais filmé du point de vue de la peinture ; on peint sur les murs, mais incapable de peindre sur les murs, c’est sur le corps agonisant que les couleurs se marquent ; on sait que Hegel fait du corps le lieu premier du surgissement de l’image, le corps comme support premier de la création ; je pense au personnage de Souleymane, et à son corps écrit ; mais, là, on s’éloigne…un peu…

SMQ sépare le temps de la parole, de l’argumentation, et le temps de la mort, où des images optiques et sonores se dégagent d’un corps qui ne peut plus agir sur le monde, et plus même le sentir au fait ; devant cette extrême faiblesse, la violence du monde surgit de chaque geste, du moindre mouvement, lumière, son… mais aussi la pitié, dans l’opposition, entre le corps des deux infirmiers.

Rancière, relisant Deleuze, avait fait de Stewart condamné à sa chaise un des lieux de basculements de l’image action, un des passages au-delà de l’image sensori-motrice, combien le cas de BS est plus fort, plus puissant, à penser cette impuissance qui délivre l’image de ses emprises dans les mots, dans les réactions, dans l’action…


Vous, je sais pas, mais j’ai énormément pensé à Kubrick, pendant le film, à deux kubrick, orange mécanique et 2001 ; Hunger, c’est de l’orange métallique, l’invention d’un corps indestructible, d’une puissance de résistance absolument folle ; mais les images finales, le passage du vieil homme, au nouveau, au gosse, la marque chrétienne est évidente, c’est 2001 ; gros plan sur l’œil, corps mourrant dans un lit, succession des plats…surgissement de l’enfant… dans Orange, parodiquement, Kubrick faisait revenir le monolithe dans le lit d’hôpital où Alex se remet, on pourrait dire que SMQ filme la fin de 2001 dans une prison ; BS, et ses deux amis, c’est Jésus, et les deux larrons, dont causent B avec le prêtre ; le problème du religieux et du politique est là posé…


Ici, on pourrait agencer avec le Mesrine…
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Message par Borges Jeu 20 Nov 2008 - 12:09

Ah, j'y pense : le problème, la question du suicide, dans les films de PG et SMQ... commentant Spinoza, pour qui la mort est toujours un événement venu du dehors, Deleuze dit qu'on ne se suicide jamais, mais que l'on meurt toujours vaincu par la puissance plus grande d'une force extérieur...
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Message par Borges Jeu 20 Nov 2008 - 17:24

Certaines choses m'avaient intrigué dans le film de SMQ, l'aspect christique, l'éloge du sacrifice, l'unité sans faille des gars de l'IRA et de leurs familles, l'esprit de corps militaire, mais bon, comme c'étaient des mecs qui luttaient du bon côté, dans mon découpage de l'histoire, j'ai laissé ça de côté, puis, faisant quelques recherches sur le mec et ses oeuvres, je suis tombé sur plusieurs liens encore plus intrigants....où le sens du sacrifice et de l'unité pue pas mal...


Queen and Country was created by Steve McQueen in response to a visit he made to Iraq in 2003 following his appointment by the Imperial War Museum's Art Commissions Committee as an official UK war artist. Queen and Country was also commissioned by Manchester International Festival.

During the six days McQueen spent in Iraq, he was moved and inspired by the camaraderie of the servicemen and women that he met. He proposed that portraits of those who have lost their lives during the conflict be issued as stamps by Royal Mail.

'An official set of Royal Mail stamps struck me as an intimate but distinguished way of highlighting the sacrifice of individuals in defence of our national ideals.

The stamps would focus on individual experience without euphemism. It would form an intimate reflection of national loss that would involve the families of the dead and permeate the everyday – every household and every office.' Steve McQueen



http://www.artfund.org/queenandcountry/Queen_and_Country.html


Faudrait en savoir un peu plus...
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Message par HarryTuttle Ven 21 Nov 2008 - 10:13

En passant, une interview de Steve McQueen par Laure Adler sur France Culture (à écouter en ligne jusqu'à mercredi prochain)
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/avventura/fiche.php?diffusion_id=67986
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Message par Borges Ven 21 Nov 2008 - 10:31

HarryTuttle a écrit:En passant, une interview de Steve McQueen par Laure Adler sur France Culture (à écouter en ligne jusqu'à mercredi prochain)
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/avventura/fiche.php?diffusion_id=67986

Merci, HT : malheureusement, en ce qui me concerne, je hais Laure Adler; il m'est impossible de l'écouter.
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Message par HarryTuttle Ven 21 Nov 2008 - 10:47

C'est l'autre qu'il faut écouter...

Si tu préfères l'original dans sa version anglaise:
http://alsolikelife.com/shooting/?p=341
http://www.ifc.com/film/film-news/2008/09/video-steve-mcqueen-on-hunger.php
http://www.salon.com/ent/movies/btm/feature/2008/05/24/mcqueen/index.html

Bonus: un essai-photo sur Hunger
http://cine-file-chicago.blogspot.com/2008/10/visual-essay-on-steve-mcqueens-hunger.html
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Message par Borges Ven 21 Nov 2008 - 11:13

HarryTuttle a écrit:C'est l'autre qu'il faut écouter...

Si tu préfères l'original dans sa version anglaise:
http://alsolikelife.com/shooting/?p=341
http://www.ifc.com/film/film-news/2008/09/video-steve-mcqueen-on-hunger.php
http://www.salon.com/ent/movies/btm/feature/2008/05/24/mcqueen/index.html

Bonus: un essai-photo sur Hunger
http://cine-file-chicago.blogspot.com/2008/10/visual-essay-on-steve-mcqueens-hunger.html

Salut HT,

ça va?

Je propose qu'on se dise "bonjour", que lorsque l'on s'adresse à quelqu'un on le nomme...


Impossible HT, de n'écouter que l'autre, rien que l'idée que l'on puisse causer sur FCulture, çà me ruine l'esprit, et combien encore plus causer avec cette c... et puis, je suis pour les liens- textes, plus que pour les mots parlés; dites, ce que je crois, c'est qu'il ne faut pas donner des liens, comme ça, il faut participer à la construction d'un texte, à partir de ces sources... en extraire des éléments à agencer, réécrire... donner quelques infos, construire des portraits de type pas nécessairement connus de tous, et même de type très connus; bon, on connaît pas tous SMQ, on a vu son film comme si le mec venait de nulle part, n'avait rien fait, c'est pas terrible comme approche... c'est un peu ce que reprochait Rancière au punctum de Barthes, il est impossible de le voir sans un certain contexte, construit....on doit en finir avec la lecture interne du film, les analyses... ainsi de SMQ, faut qu'on sache, qui il est, d'où il vient, comment il vit, où... ses idées politiques, il en a pas certainement, comme tout le monde... les spectres doivent avoir un fonctionnement d'agence de détectives... les spectres enquêtent, sur le Net, évidemment, enfin le plus souvent...


Hunger cassera la baraque, à son échelle, c'est certain, c'est un film fait pour ça, un tas de jeunes vont le voir comme un film de prison...quelque chose comme Oz, breaker, et je sais pas quoi d'autre...ce qu'il est aussi; c'est pas loin non plus du dernier Gibson...je parle des mauvais côtés...
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Message par Invité Ven 21 Nov 2008 - 11:45

Bonjour,

Je propose de maintenir mon texte mais dans ce cas, il doit y avoir aussi dans la revue un puissant "contre-texte" à propos de tout ce que dit Borges. Cette histoire de timbres est simplement abjecte, je n'étais pas au courant, elle traduit en effet un sens du sacrifice très louche chez SMQ. Mon texte essaye d'évoquer d'une façon un peu fulgurante la résistance telle qu'elle se présente dans le film. Il faut absolument préciser "ailleurs" qu'il est fort probable que la résistance des irlandais intéresse moins SMQ que le sens du sacrifice en toutes circonstances, en l'occurence pour et contre la "couronne".

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Message par HarryTuttle Ven 21 Nov 2008 - 12:43

Bonjour, bonjour *serrage de mains virtuelle et tout*

Je vois pas trop le problème moral avec ces timbres. La monnaitisation de la mort? L'encouragement au sacrifice en sachant que si on meurt on finit sur un timbre au moins? et la tête du Che sur les Tshirt?
D'abord le gouvernement UK en Irak est pas celui de Thatcher contre l'Irlande.
Ensuite ce sont juste des timbres... c'est pas un monument au morts, ou un jour férié "spécial occupant d'Irak"
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Message par HarryTuttle Ven 21 Nov 2008 - 15:33

Quand on sait dans quel état d'esprit les soldats vont en Iraq :
https://www.youtube.com/watch?v=3y_5vxM8PYM

OK, on peut difficilement en faire des héros-martyr automatiquement. Mais un homme mort est un homme mort. C'est normal que les anglais pleurent leurs morts, même si leur place n'était pas en Iraq. On ne peut pas dire que leurs morts ne comptent pas, que c'est mal de les honorer, juste parce que ce conflit est injustifié.
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Message par Largo Ven 21 Nov 2008 - 16:08

Ouais, alors j'avais entendu parler de cette histoire de timbres, je crois qu'il en parle dans un interview mais je sais plus bien où.

Toujours est-il que j'ai trouvé ce genre de propos :

Steve McQueen : "Ce qui m'intéresse c'est les gens, et comment les gens gèrent les situations et toutes ces choses qui arrivent à cause de la politique, et qui obligent les gens à survivre. Voilà ce qui m'intéresse : la survie dans un environnement politique donné. S'il s'agit d'une situation dans laquelle les politiciens ont un rôle important, super, mais ce qui compte pour moi, ce n'est pas la politique mais les gens qui sont confrontés à cette situation particulière."

En english : "Is Queen and Country anti the war in Iraq?

It is neither pro-war nor anti-war. It is a work of art that helps us reflect upon the many complex feelings we have about war. It seems, for those who are against the war, my project is regarded as a good thing. For people who support the war, it is regarded as a good thing too. This work is like a sphere – roll it this way, roll it that way. In the end, it's an art work – a tribute to the deceased and a reflection on the validity of war, the structure of power and notions of national identity."

La dernière est tirée du site officiel : http://www.artfund.org/queenandcountry/index.php

Donc, méfions-nous avant de le taxer de pro-guerre ou je ne sais quoi d'autres... Redonner un visage à ceux que l'on cache sous le drapeau en sortant les cercueils de l'avion, ca peut aussi être une forme de résistance, comme de soutien.

Dans la première je retrouve bien l'attention qu'il porte dans le film aux prisonniers mais égalemennt aux matons.

Pour le rapport à Gibson, je suis mitigé, rappelons-nous de la fin, avec JM : sa manière de placer des sons et des images qui, loin de mettre en exergue l'agonie de Sands, la poétise en faisant écran. On ne saurait y voir le dolorisme que l'on dénoncait dans la Passion du Christ ou Apocalypto, cet acharnement a nous faire sentir la douleur d'un héros.
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Message par Invité Ven 21 Nov 2008 - 16:13

Du grand n'importe quoi en effet cette citation de SMQ. Les choses sont au moins claires.

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Message par Largo Ven 21 Nov 2008 - 16:17

Il y a, je crois un lien fort avec Alexandra et Sokurov. Ce qui nous choque au premier abord c'est le fait que ce soit une commande émanant du gouvernement et que McQueen soit allé en Irak 6 jours, sous haute protection, comme l'a fait Sokurov en Tchétchénie.

Mais il me semble que les discours des deux hommes sont à distinguer. Sokurov prône la paix, la fraternité des peuples pour mieux légitimer un refus de l'émancipation tchétchène. McQueen, lui, se place au-dessus des querelles, des convictions politiques, du pacifisme et de tout ça. C'est le point de vue de l'artiste qui fouille les tréfonds de l'âme humaine, l'Homme avec un grand H. Il ne se veut pas journaliste, commentateur ou activiste. C'est rare de trouver une telle ambition et c'est peut-être plus riche et plus fort qu'un type comme De Palma qui met des coups d'épée dans l'eau en disant qu'il faut continuer, encore et toujours à s'indigner.

La démarche de SMQ me fait un peu penser aussi aux Flandres de B. Dumont : cette même volonté de s'attacher à la réaction d'un homme, d'un groupe confronté à la violence, l'oppression, la cruauté etc.
Avec Dumont c'était encore plus volontairement abstrait puisque le pays attaqué n'était même pas défini...
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Message par Borges Ven 21 Nov 2008 - 17:00

Hello Largo

ça va?

-Faut être un peu sérieux, comme disait le bon vieux Sartre, nous sommes embarqués, le coup de l'artiste au dessus de l'histoire, de la guerre, du pour et du contre, c'est trop comique, ça sent la ruse, la lâcheté ; réellement, je préfère un mec qui me dit je suis pour, à ce genre de position sans le moindre intérêt, petite ruse de l’indécidable et tricherie si balourde ; et puis, comment peut-il nous faire le coup du mec qui s'intéresse à L'homme, qui n'existe pas, aux situations limites, nous dire que son propos n'est pas la guerre, mais les gens ordinaires, et leur souffrance, et accepter de bosser pour une institution dont la finalité première fut la propagande ; il est allé en Irak, encadré, il n’a rien vu, dit-il, de ce qu’il voulait voir, mais il a été témoin de la camaraderie de ces gars au front, et de retour, n’ayant rien filmé, il a eu cette idée de timbres, avec les familles des soldats morts en Irak, je crois ; le but n’est pas la critique, des morts, de la guerre, mais de rendre hommage aux types morts pour les idéaux de la Grande Bretagne : Queen and Country ; ces timbres, c’est pire que les monuments aux morts, et tout ce que vous voulez ; rien de plus vomissable que d’affirmer que les pour trouveront ça bien, et les contre aussi ; voilà tout le monde est content ; et l’artiste lui, il est au-dessus, ni pour ni contre, ni content ni pas content ; il fait réfléchir, oui ; on attendait que lui pour penser ; il nous fallait bien ça ; ni…ni... bel exemple de ce fameux indécidable, au sens vil du mot, qui gouverne les messages médiatiques, et pas mal de création, cette tricherie dont parle Rancière. Il est où, lui ? De quel droit, il se tient au dehors ? Ca pue, l’opportunisme, les petites ruses ; le mec fait un film sur un résistant, qui se tue pour s’affirmer en tant que sujet politique, et lui, nous raconte que son film n’est pas politique ; c’est d’une drôlerie ; une victoire de Thatcher, en fait. Nous avions déjà eu quelque chose du même genre au fait avec le film sur Hitler, ni d’un côté ni de l’autre, du côté de l’humain, comme si la politique était du côté des martiens…

-Ce qui rapproche les deux films, le Gibson et le SMQ, c’est l’éloge du corps, de ce fameux corps du matérialisme démocratique, comme dit Badiou ; ici, il ne s’agit pas du corps de jouissance, pas plus que de souffrance, tout simplement ; c’est quelque chose entre la passion, le sacrifice, et la reprise du fameux slogan « que peut un corps ? » ; comme chez Gibson on lie Jésus, et le corps sain, sportif, le corps des Rambo, du soldat, du guerrier, le corps métallique, le corps fascistes… qui fait honte aux corps ordinaires…au corps des gens ordinaires…

-Bon, on pourrait naturellement comprendre ça très positivement, mais bon, cette idée de sacrifice, de timbres, ces conneries sur Ali à qui on ne peut pas s’identifier aussi facilement qu’avec Bobby, ça me plaît pas trop…
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Message par Invité Ven 21 Nov 2008 - 18:43

Borges a écrit:
-Ce qui rapproche les deux films, le Gibson et le SMQ, c’est l’éloge du corps, de ce fameux corps du matérialisme démocratique, comme dit Badiou ; ici, il ne s’agit pas du corps de jouissance, pas plus que de souffrance, tout simplement ; c’est quelque chose entre la passion, le sacrifice, et la reprise du fameux slogan « que peut un corps ? » ; comme chez Gibson on lie Jésus, et le corps sain, sportif, le corps des Rambo, du soldat, du guerrier, le corps métallique, le corps fascistes… qui fait honte aux corps ordinaires…au corps des gens ordinaires…

Il me semble que c'est un peu plus compliqué, ou différent dans le film... tu en conviendras je pense, mais cette sale histoire de timbres vient effectivement brouiller les cartes. ..

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Message par Borges Ven 21 Nov 2008 - 19:41

JM a écrit:
Borges a écrit:
-Ce qui rapproche les deux films, le Gibson et le SMQ, c’est l’éloge du corps, de ce fameux corps du matérialisme démocratique, comme dit Badiou ; ici, il ne s’agit pas du corps de jouissance, pas plus que de souffrance, tout simplement ; c’est quelque chose entre la passion, le sacrifice, et la reprise du fameux slogan « que peut un corps ? » ; comme chez Gibson on lie Jésus, et le corps sain, sportif, le corps des Rambo, du soldat, du guerrier, le corps métallique, le corps fascistes… qui fait honte aux corps ordinaires…au corps des gens ordinaires…

Il me semble que c'est un peu plus compliqué, ou différent dans le film... tu en conviendras je pense, mais cette sale histoire de timbres vient effectivement brouiller les cartes. ..


JM a écrit:
Borges a écrit:
-Ce qui rapproche les deux films, le Gibson et le SMQ, c’est l’éloge du corps, de ce fameux corps du matérialisme démocratique, comme dit Badiou ; ici, il ne s’agit pas du corps de jouissance, pas plus que de souffrance, tout simplement ; c’est quelque chose entre la passion, le sacrifice, et la reprise du fameux slogan « que peut un corps ? » ; comme chez Gibson on lie Jésus, et le corps sain, sportif, le corps des Rambo, du soldat, du guerrier, le corps métallique, le corps fascistes… qui fait honte aux corps ordinaires…au corps des gens ordinaires…

Il me semble que c'est un peu plus compliqué, ou différent dans le film... tu en conviendras je pense, mais cette sale histoire de timbres vient effectivement brouiller les cartes. ..


T'as raison, faut pas aller trop vite... mais bon, ça nous apprendra à ne pas juger sur pièce, sur le choc, comme on dit pas...les bonnes réponses sont celles qui prennent du temps...
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Message par Invité Ven 21 Nov 2008 - 20:41

Rien de "facile" dans cette histoire, je m'exprime mal. Cela me rappelle que tu as semble-t-il oublié de nous proposer quelque chose de très argumenté à propos du film de Gibson, quelque chose que tu nous as promis voici plusieurs mois maintenant... faut pas aller trop vite, peut-être que ta découverte du film de SMQ va ...

Dans la seconde partie du film, ne s'agit-il pas pour BS de "réduire" ce corps justement ? Et SMQ de casser nécessairement cette dynamique de survival de prison dont tu parles ? Dire que le penchant probable de SMQ est "rattrapé" par la décision de BS. Pas forcément d'accord avec l'idée qu'il n'y a pas de jouissance (je ne parle pas seulement pour BS), je ne suis pas sûr que le film montre ça ?

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Message par Borges Ven 21 Nov 2008 - 23:17

JM a écrit:Rien de "facile" dans cette histoire, je m'exprime mal. Cela me rappelle que tu as semble-t-il oublié de nous proposer quelque chose de très argumenté à propos du film de Gibson, quelque chose que tu nous as promis voici plusieurs mois maintenant... faut pas aller trop vite, peut-être que ta découverte du film de SMQ va ...

Dans la seconde partie du film, ne s'agit-il pas pour BS de "réduire" ce corps justement ? Et SMQ de casser nécessairement cette dynamique de survival de prison dont tu parles ? Dire que le penchant probable de SMQ est "rattrapé" par la décision de BS. Pas forcément d'accord avec l'idée qu'il n'y a pas de jouissance (je ne parle pas seulement pour BS), je ne suis pas sûr que le film montre ça ?






Je pensais "jouissance" dans le sens de Badiou, comme je dis...



"Le matérialisme démocratique ne connaît donc que des corps et des langages. Les corps sont soit des corps de jouissance soit des corps souffrants.

« L’éthique » contemporaine se ramène finalement à dire que les corps de jouissance c’est mieux que les corps souffrants, énoncé qui, nous le verrons, ne va pas de soi.

En ce qui concerne les langages, il n’y également que deux possibilités : vous avez affaire soit à un langage autoritaire, soit à un langage contractuel. La cuisine contemporaine combine les choses de la façon suivante : à un langage autoritaire correspondent des corps souffrants et à un langage contractuel correspondent des corps de jouissance.

Cette pluralité est-elle accessible à la pensée, à savoir celle que j’ai appelé le matérialisme dialectique ?

Si cette pluralité pouvait être formalisée dans une logique, cela voudrait dire qu’il y a des catégories, ce que récuse, nous l’avons vu, le matérialisme démocratique : pour celui-ci, les corps ne sont appéhendables que dans leur devenir – c’est précisément cela que désigne le terme de vie. Il ne saurait y avoir de catégorie surplombant les corps ; c’est la raison pour laquelle nos contemporains raffolent de la formule de Spinoza : « on ne sait pas ce que peut un corps ». Et de même pour les langages : aucune catégorie n’est pensable qui soit susceptible de surplomber les langages. On ne peut entrer dans la vie des langages que par leur devenir, soit leur généalogie. Qu’il n’y ait que la vie et la généalogie a déjà été parfaitement formulé par Nietzsche [cf. La généalogie de la morale]. Le matérialisme démocratique est une philosophie généalogique de la vie, une philosophie du devenir des corps marqués par des langages, ou encore un historicisme vitaliste. Son Bien suprême, ce vers quoi il enjoint de tendre, c’est un corps de jouissance, i.e. un corps adéquat à ce qu’il peut (pour reprendre la formule de Spinoza), et qui soit autorisé par un langage contractuel ; c’est peut-être cela que, aujourd’hui du moins, on appelle la liberté.

Vous devinez quelle va être ma stratégie cette année : je vais tenter de soutenir qu’il n’est pas vrai qu’il n’y a que des corps et des langages. Ce qui impliquera de soutenir la contrepartie des conséquences négatives du matérialisme démocratique – à savoir : il y a des catégories, il y a des vérités, il y a l’éternité. Vous remarquez que cela revient à soutenir, contre la proposition : « il y a du Deux » (des corps et des langages), la proposition : « il y a du Trois » (ce qui est cohérent pour un matérialisme dialectique). Un passage au début du Traité des passions de Descartes, qui m’a longtemps paru énigmatique, dit à peu près la même chose : il y a, dit-il, l’âme, le corps … et les vérités. Pour un supposé dualiste comme Descartes, cette promotion du Trois est en soi remarquable. C’est là la généalogie dont, quant à moi, je me réclame pour affirmer que nous ne sommes pas voués au Deux, c’est-à-dire à l’état des choses."

(Badiou; qu'est-ce que vivre, séminaire)


Les corps de souffrance, c’est naturellement les corps de l’Ethique (au sens de Badiou), de la charité, de l’action humanitaire… et des restos du cœur ; je pense un peu à cet enfoiré de Coluche en ce moment, avec assez peu de sympathie…le corps de souffrance, ce corps à qui Thatcher refuse sa pitié, très logiquement ; elle se déterminait à partir d’un choix politique; comme Bobby Sands, elle a choisi son point, elle se détermine politiquement; elle est le digne ennemi de Sands, un principe, mais elle gagne plus vite la position du principe abstrait, sans la souffrance de la dématérialisation du corps, elle ne passe pas par la faim, l'agonie, elle est toute suite dans le principe; sa vérité est abstraite, la vérité de Sands doit d'abord se faire un corps, et le traverser; c'est la mort qui fera de lui une parole, un logos; là, j'improvise; passons plutôt en France; comiquement, qu’on se souvienne de la grève de la faim de Coluche, pratiquement à la même époque ; le mec protestait contre la censure médiatique et politique suscité par sa candidature à la candidature ; quelques années plus tard, il fondera les ignobles restos du cœur, avec baratin, et idéologie…enterrant les promesses du grand soir, juste à manger et à boire, enterrant la forme même de la promesse comme catégorie politique ; désormais le politique, la politique, c’est la gestion du présent, et oublions la misère du monde, pour nous occuper des misères des Français…version soft de Le Pen, qui lui faisait de la politique.
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Message par Borges Ven 21 Nov 2008 - 23:26

Le film de SMQ, a une structure très classique, un, deux, trois; c'est une pièce de théâtre, le co-auteur du scénario est dramaturge; un on se bat, avec les corps, on résiste; deux on argumente, on fonde la décision de mourir; trois on meurt... mais comme dirait l'autre, là encore la mort est pensée de manière héroïque; c'est pas la mort du on, c'est la mort maîtrisée, voulue; la possibilité de l'impossible, et non pas l'impossible du possible; BS ne meurt pas de faim comme les victimes des famines, africaines, quelques années après, on aura le fameux live aid, grand moment du visuel, où les chanteurs remplacent les mourants... BS, ne meurt pas non plus comme les types des camps, pas non plus comme jésus, la référence évidente... il meurt comme un sportif, dans l'endurance de l'épreuve... Qu'à partir d'un certain moment, la volonté ne soit plus là, présente c'est une évidence, mais jamais il n'y a renoncement à la puissance de la volonté; plutôt vouloir le néant, que ne rien vouloir. Là encore, c'est une lecture négative du film.


Avant ce film SMQ avait déjà traité d'un suicide collectif...
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Message par Invité Mar 25 Nov 2008 - 20:02

J'ai feuilleté les cahiers de novembre aujourd'hui, Frodon évoque aussi les tournesols de Van Gogh à propos du cercle de merde.. SMQ explique aussi le truc des timbres dans l'entretien "cahier des charges", pas de questions plus précise à ce sujet de la part de Frodon, bien sûr..

[Lu aussi le papier de Burdeau à propos du film de Khoo. Ca sent bon l'époque pleine de mauvaise foi des cahiers jaunes pour défendre tel ou tel auteur, en gros les films de Khoo, c'est pas terrible mais moi je vous dit que c'est génial. J'aime bien son expression qui est reprise sur allociné, pour un autre cinéaste les cahiers auraient trouvé une formule beaucoup plus lapidaire pour dire la même chose.]

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Message par Borges Mar 25 Nov 2008 - 23:02

JM a écrit:J'ai feuilleté les cahiers de novembre aujourd'hui, Frodon évoque aussi les tournesols de Van Gogh à propos du cercle de merde.. SMQ explique aussi le truc des timbres dans l'entretien "cahier des charges", pas de questions plus précise à ce sujet de la part de Frodon, bien sûr..

[Lu aussi le papier de Burdeau à propos du film de Khoo. Ca sent bon l'époque pleine de mauvaise foi des cahiers jaunes pour défendre tel ou tel auteur, en gros les films de Khoo, c'est pas terrible mais moi je vous dit que c'est génial. J'aime bien son expression qui est reprise sur allociné, pour un autre cinéaste les cahiers auraient trouvé une formule beaucoup plus lapidaire pour dire la même chose.]


Triste de me retrouver avec JMF; c'était trop évident; mais ça suffit pas, il faut évoquer plusieurs choses : les tournesols, les corbeaux, la merde, Artaud et Dieu, et surtout lier Van Gogh, Bacon, et Vincente Minnelli... sinon ça n'a pas de sens...mais ce sera pour une autre fois...même si SMQ dit avoir été surtout influencé par Vélasquez et Goya... Curieux, mais j'ignorais tout à fait que Vélasquez avait le même prénom que Maradonna; comme on dit, la tête et la main.
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Message par Eyquem Dim 30 Nov 2008 - 14:24

Bonjour JM, bonjour Borges,

J'ai lu, un peu vite je l'avoue, ce que vous avez écrit. Je le relirai, promis. Je ne vois pas comment vous pourrez retomber sur vos pieds en citant Van Gogh ou Bacon, qui ne peignaient que des champs de tournesol, des paires de chaussures, ou des types assis, en train de se raser, et pas des matraquages de flics ou des murs couverts de merde.

J'ai aussi pensé à Bacon devant le film, mais comme à un parfait contre-exemple. N'est-ce pas lui qui disait, dans ses entretiens avec Sylvester, qu'on n'atteindrait jamais la violence de la sensation par un représenté sensationnel mais par la "violence au repos" d'un homme couché ou simplement assis sur une chaise ? "Peindre le cri plutôt que l'horreur" : "Hunger" est bien plus du côté de l'horreur, du spectacle, du sensationnel, que du cri, de la sensation, des forces invisibles qui déforment un corps au repos. Tout ceci, bien sûr, je l'écris depuis "Logique de la sensation".

Tant de choses m'ont déplu dans ce film, à commencer par ce qu'il exige de ses acteurs. Demander à son acteur de perdre 20, 30 kg, de ressembler à un vrai gréviste de la faim, je trouve ça aussi obscène que ce que faisait Michel Journiac, qui fabriquait du boudin avec son sang, pour communier avec les visiteurs des galeries d'art.

Je repense à cet entretien avec Badiou :

Vous marquez votre défiance à l'égard d'un art qui se complait dans la célébration du corps supplicié ou dans une forme de cruauté orgiaque. Pourtant, vous le rappelez, la cruauté est une figure du réel. Elle se manifeste chaque fois qu'un individu est transcendé par « quelque chose de plus vaste que lui ».

BADIOU : La cruauté n'a de sens qu'à rendre lisible la transcendance de l'Idée. Elle est alors elle-même déplacée du corps vers le plus-que-le-corps, elle est la violence faite au fini par l'infini, violence qui n'est pas une incarnation ou une descente, mais une relation disjonctive, aurait dit Deleuze. Ce genre de cruauté nous rend plus forts, nous rend meilleurs. Alors qu'en général, évidemment, le consentement à la cruauté avilit. Il ne s'agit jamais, dans l'art, que de traverser la cruauté vers l'affirmation du point de laquelle, rétroactivement, la cruauté s'illumine comme avènement d'un sur-corps. N'ayons pas peur des mots : d'un corps glorieux. C'est une des définitions possibles de l'art : faire voir ce que c'est qu'un corps glorieux. La plupart des exhibitions contemporaines du corps n'y parviennent nullement. Elles arrêtent au contraire le corps dans l'insuffisance de son obscénité

http://ciepfc.rhapsodyk.net/article.php3?id_article=76

Le corps glorieux, on voit bien que c'est ce que tente d'atteindre McQueen.
Mais je trouve insupportable de ne le voir se lever que sous la semblance d'un corps christique, ou d'un rescapé des camps en pyjama rayé, ou d'un acteur ayant perdu 20 kg pour sa performance - toutes ces figures se superposant dans la dernière partie, en un amalgame pour le moins douteux.


Quant à la portée critique de la chose, j'ai quand même des doutes. Je suis sorti du film dans un sale état, ne me sentant rien de plus qu'une fourmi, qu'un ciron, hébété, écrasé - et pas du tout armé d'une saine colère et prêt à en découdre avec tous les états fascistes.

Cette affaire de timbres, ça veut quand même beaucoup dire. Pour moi, c'est la suite logique de "Hunger" : ce qu'il retient de ces corps souffrants, sacrifiés, ce n'est pas leur parole, mais juste leur image, en laquelle se reconnaissent et se rassemblent toutes les identités victimaires du monde - Christ, militants de l'IRA, déportés, soldats envoyés en Irak.
L'image, le timbre, comme voile de Véronique d'une humanité-Christ.

D'ailleurs, Steve McQueen ne fait guère de différences entre les victimes et les bourreaux. Bobby Sands est un Christ mais les bourreaux aussi - vous ne dites rien de ce plan sur le jeune CRS qui pleure, ou sur le flic qui meurt sur les genoux de sa mère, comme un Christ de Michel-Ange. Et tout le début du film joue de cet indiscernable entre les militants et les matons - le flic du début, on est longtemps à savoir de quel côté il se trouve. Et lui aussi a ses stigmates, à la main, qui ressemblent comme deux gouttes d'eau aux escarres de Bobby à la fin.
Piéta pour tout le monde, sans distinction.
McQueen peut ensuite se réjouir que son film plaise à tout le monde, ne choisisse pas son camp, mais fasse parler, émeuve, bouleverse.

Je préfère pas manger de cette hostie-là.
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Message par Invité Dim 30 Nov 2008 - 15:55

Hello Sébastien,

J'ai bien lu ton texte. Je laisse Borges te répondre à propos des tournesols et de Bacon, perso j'ai pas du tout cherché à approcher le film de cette façon-là.

Oui, la citation de Badiou est bien, je comprends pas ton commentaire après, par contre. L'acteur a perdu 20 kilo pour pouvoir le mettre dans son cv, oui, non, rien à foutre à vrai dire ?! Abjection de Dreyer, ou de Scorsese, et de plein d'autres? Souvenir de ce con d'acteur français qui trainait lors d'une émission TV dans la boue Godard parce que selon lui c'était un pervers sadique avec les acteurs.

L'histoire des timbres, ok j'ai déjà dit ce que j'en pensais et il n'y a pas lieu de ne pas rattacher cela au film après coup, en effet.

Que penses-tu des plans ou le maton mange chez lui, le gros plan sous la table sur les miettes qui tombent ? Ce mec, c'est un "rat", il vit avec la peur, c'est cela surtout que montre SMQ.

Ce qui me gêne dans ta réception au film c'est que tu fais comme si il s'agissait comme disait Borges d'un film de prison, un truc clos avec rien qui "dépasse" de l'extérieur. Alors, en effet, il peut arriver que matons ou crs pleurent ou que l'on montre qu'ils font subir la violence autant qu'ils la subissent eux (on pense à ce que Borges écrivait l'autre jour à propos de "Valse avec Bachir") mais cela reste cohérent car tous restent "prisonniers" des prises de position de MT que l'on entend et dont je parle ailleurs. Dans ce sens, je ne vois pas comment tu peux sortir du film en affirmant comme tu le fais qu'il n'y a pas quelque chose de proprement révoltant à retenir ? J'aimerais que tu m'expliques cela ?

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Message par Eyquem Dim 30 Nov 2008 - 18:38

L'acteur a perdu 20 kilo pour pouvoir le mettre dans son cv, oui, non, rien à foutre à vrai dire ?!

Je n'en ai pas rien à foutre, en ce qui me concerne.
L'image de cet acteur totalement décharné, douloureux, ça dépasse mes capacités de formulation et de raisonnement. Je ne peux y attacher aucune idée, y puiser aucune forme de résistance. Je la prends en pleine face, c'est tout, je ne sais pas quoi en faire.

Tu as tout à fait raison de faire le parallèle avec le Dreyer de "Jeanne d'Arc" ou le Scorsese de "Raging bull".
Je pourrais aussi citer la partie de chasse de "La règle du jeu", avec le gros plan sur le lapin qui meurt pour de bon.

La question de la cruauté, c’est celle de tout le cinéma moderne, on le sait. Je ne pose pas d'interdits, ou d'irreprésentable. C'est sans doute affaire de degrés - et je dirai alors très simplement que "Hunger" passe ce que je suis capable d'encaisser au cinéma.

Le film fait le pari très risqué qu'on verra constamment autre chose que ce qu'il nous montre. Ce qu'il nous montre, sous toutes les coutures, c'est un corps supplicié, qui se couvre d'escarres, un corps de douleur, qui ne tient plus debout, ne pèse plus, chie du sang, devient transparent. Mais ce qu'on doit voir, c'est l'idée qui le soutient, en laquelle, à proprement parler, il se sublime, au sens chimique. Steve McQueen nous montre un homme qui meurt, mais on doit voir un immortel. Il nous montre un corps de douleur, mais on doit voir un corps glorieux. Il nous montre un corps, et on doit voir une idée.

Mais la frontalité du film fait que je ne peux pas voir autre chose que ce qu'il me montre – je ne le sens pas gêné de me montrer ce qu’il me montre, je ne sens pas que McQueen déteste être là où il est, dans cette prison, dans ce labyrinthe, dans cette chambre d’hôpital. Je sais bien que c’est là qu’il faut être, mais personne ne devrait avoir envie d’y être. Il faudrait qu’il y soit sans y être, qu’il établisse, vis-à-vis de l’image, une distance qui me permettrait de l’ouvrir à une quatrième dimension – celle de l’idée, du corps glorieux, de l’immortel. Mais le parti pris de McQueen, c’est justement l’absence totale de distance. Il présente comme une évidence que s'il filme des coups, il faut que ce soit de vrais coups qui violacent les corps, que s'il filme des grévistes de la faim, il faut que ces acteurs fassent un "régime" sous contrôle médical et mettent en jeu leur propre intégrité physique. C’est cette évidence, cette frontalité, que je trouve détestable, parce qu’au fond la reconstitution veut parler à la place des faits, elle les supplante, les recouvre, elle veut crier aussi fort qu’eux – et elle devrait savoir qu’elle ne le peut pas.

Pourtant, après une heure quarante de happening christique en milieu carcéral, on a l’impression saisissante d’avoir été, à notre tour, ce dixième prisonnier, oublié par chance dans un coin noir d’une salle de cinéma devenue le quatrième mur d’une cellule quelque part en plein Ulster.

Voilà ce qu’on peut lire dans Libé, sous la plume d’Azoury. Ca dit exactement la supercherie que je n’aime pas dans le film : « l’impression d’y avoir été ».


Le reste de la discussion me paraît secondaire : film de prison ou pas film de prison. Ca ne me regarde plus vraiment, en un sens.


Dernière édition par Eyquem le Dim 30 Nov 2008 - 20:57, édité 2 fois
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Message par Invité Dim 30 Nov 2008 - 19:15

Et merde Séb, j'ai édité ton message en voulant te répondre ! Excuse-moi pour cette boulette.

Réponse quand même :

Je me suis aussi posé la question de l'absence totale de distance dont tu parles en cours de film. Il faut accepter le parti-pris de "reconstitution intégrale", McQueen n'est pas Watkins, il ne fait pas un film brechtien, c'est un fait. Borges dit ailleurs, en évoquant ce qu'écrit Badiou ailleurs du film, que la force du Spartacus de Kubrick vaut plus pour le texte de son scénariste que pour le travail du cinéaste. Ici McQueen se place clairement, en plasticien, du côté de la puissance des images plus que du texte. Le travail de réalisation autour du dialogue avec le prêtre, moment central du film, force le respect. Il fait réfléchir à deux fois avant de prétendre que le jeu de SMQ c'est uniquement de nous en foutre plein la vue avec des scènes horrible. Encore une fois, et contrairement à Largo, je n'ai pas saisi la fin du film comme un calvaire de souffrance pour BS, c'est là précisément que SMQ, pour moi, ne triche pas (il ne fait pas jouer la souffrance atroce à son acteur qui est en régime amincissant). Enfin je sais pas, relis mon texte si tu as le temps à l'occasion.

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