Api' (pour faire court) : les cm de Weerasethakul

Sur le net, on trouve quelques courts de Weerasethakul, en s'aidant de la filmographie parue sur http://www.kickthemachine.com/works/index.html


Notamment :

Phantoms of Nabua (2009 - 10'56)

Au Musée d’art moderne de Paris, un court-métrage montre d’autres jeunes gens tournant en rond dans la nuit. Mais le feu ne les dévore pas. Rouge, chaleureux, il brûle un ballon de football qu’ils se renvoient en riant dans une scène mystérieuse. A l’arrière-plan se tient un écran de cinéma zébré, lui, d’éclairs de lumière froide, verte...

http://blog.mondediplo.net/2009-11-17-Thailande-Nous-tournons-en-rond-dans-la-nuit

Luminous People (2007, 15'22) (fragment de L'état du monde)

A group of people is in a boat traveling along Mekong River that stretches along the Thai-Laos border. They are running against the wind, anticipating a farewell. In the middle of the river, the lady head of the family casts the ashes off into the stream.

Mobile Men (2008, 3'15)

Two young men in a pickup truck are filming themselves.Belonging to different parts of the world,through the use of a camera they are discovering each other.

Arte a diffusé le court "A letter to Uncle Boonmee". Du coup, c'est disponible sur leur site quelques jours :

http://videos.arte.tv/fr/videos/pour_oncle_boonmee-3420566.html

Les gens ont fui, laissant leurs maisons vides, occupées par des militaires. Mais les morts restent, le temps de leurs réincarnations.

ça m'a beaucoup intéressé Mobile Men. (beaucoup d'affinités avec le cinéma de weerasethakul)

salut Largo,

Largo a écrit:http://mubi.com/films/ashes

Un nouveau CM d'Apichatpong à découvrir.

Quelques captures :



(elles sont tronquées donc cliquez ici pour le plein écran)

Le film fait plein d'allusions à la situation thaïlandaise, qui nous échappent si on n'a pas suivi ce qui s'y passe depuis 2006.

Le synopsis signé AW sur Mubi dit ceci :

King Kong a rarement aboyé. Elle a été avec nous depuis ses trois mois. Chaque nuit elle s’est endormie et a regardé autour d’elle dans ses rêves.

Nous pensions que nos esprits étaient enrichis par la terre fertile et les feuilles les plus vertes et les insectes les plus rares et l’abondance d’humilité. Mais en Mars est venu un jour où nous nous sommes réveillés de notre rêve. Le ciel pleurait des cendres. Le sol pourri tremblait alors que des vermisseaux s’élevaient pour goûter la neige grise. Par-delà les montagnes la lumière de la dévotion brillait et aveuglait nos âmes. Les ténèbres étaient si radieuses que nous sanglotions et hurlions en silence. Et nous nous réveillions encore, et encore.

Nous nous sommes unis comme plusieurs King Kongs sans aucun son. A chaque battement de cœur un bébé naissait avec sa bouche fermement close comme le toucher de deux pierres. Avec plaisir nous vivions dans l’espoir, et espérions ne jamais nous réveiller. Une terre de Rien. Nous dormions. Nous souriions. Nous courions.

- Apichatpong Weerasethakul

Il faut sans doute faire le lien entre le nom du chien qui n'aboie jamais, King Kong, et la présence dans le film, signalée au générique, des militants contre l'article 112 (Lese Majeste Law).

Cet article 112 stipule : "Whoever defames, insults or threatens the King, Queen, the Heir-apparent or the Regent, shall be punished with imprisonment of three to 15 years.” - sans que soit précisé ce qui constitue la diffamation ou les insultes.

Cet article avait rarement été utilisé, mais depuis 2006 (coup d'Etat militaire contre Thaksin Shinawatra, celui que soutenaient les Chemises rouges, lors des manifestations de 2010), il est régulièrement utilisé pour emprisonner les opposants politiques :

From 1990 to 2005, the Thai court system only saw four or five lese-majesty cases a year. From January 2006 to May 2011, however, more than 400 cases came to trial, an estimated 1,500 percent increase.[20] Observers attribute the increase to increased polarization following the 2006 military coup and sensitivity over the elderly king's declining health

(wiki)

http://en.wikipedia.org/wiki/L%C3%A8se_majest%C3%A9_in_Thailand


Le roi n'est plus perçu comme un recours, mais comme une des causes de la lenteur des progrès démocratiques et de l'essor des inégalités sociales :

Ces turbulences [celles de 2010] dépassent les habituelles luttes pour le pouvoir et ses prébendes au sein des élites de la région de Bangkok (qui concentre 50 % de la richesse nationale). Elles traduisent des tensions profondes et des mécontentements sociaux qui couvent depuis plusieurs décennies. Cette fois-ci, les doléances de populations pauvres rurales et urbaines se sont soudain imposées face à une élite intégrée qui « n’apprécie pas l’égalité (2) » et monopolise pouvoir et ressources nationales.

Cette dimension de classe distingue les troubles actuels de ceux qui ont ponctué l’histoire moderne de la Thaïlande. Elle exacerbe l’érosion du système royal, puisque la monarchie constitutionnelle n’est plus perçue comme une solution aux mécontentements sociaux, mais comme l’une de leurs sources. Parfum de fin de règne au « pays du sourire » : la succession du roi suscite la plus grande appréhension au sein de la population.

...


L’ex-premier ministre [Thaksin] a provoqué l’ire des cercles proches de la famille royale, car ses projets de développement rural, par exemple, menaçaient des prérogatives royales vieilles d’un demi-siècle. Il fut accusé de lèse-majesté (acte susceptible de poursuites pénales) et soupçonné d’entretenir des desseins républicains masqués — accusations réitérées lors des derniers événements.

http://www.monde-diplomatique.fr/2010/07/CAMROUX/19365
On sait que les chemises rouges venaient du nord/nord-est de la Thaïlande, des régions pauvres du pays, ouvrières et paysannes.

C'est de là que vient Weerasethakul, la région de Khon Kaen, dont il est question dans "Ashes". Depuis "Blissfully yours", tous ses films se passent dans cette région.


Dans ce contexte, "Ashes" prend une autre résonnance.
Il y est question d'un homme (Weerasethakul lui-même ?) qui raconte, en voix off, le rêve d'une cité en couleur, nourrie de ses souvenirs de la ville de Khon Kaen. Comme Orphée, il tente de fixer son rêve, il essaie de le dessiner, mais en dessinant, il tourne le dos à son rêve, et son dessin est seulement en noir et blanc.

Le film fait défiler une série d'images en couleurs, dont on peut noter d'ailleurs qu'elles ont été obtenues avec une caméra Lomo. J'avais lu, il y a quelque temps, l'histoire de cette firme de l'époque soviétique, fermée puis reprise, et devenue aujourd'hui à la mode. A l'origine, le Lomo était un compact produit à Leningrad : ce sont ses défauts qui plaisent aujourd'hui et qu'on retrouve dans le film (images vignettes, très colorées, flou, cadrage imprécis...)

ce qu'il ne faut pas faire pour aimer ces cinéastes, se farcir l'histoire de leur petit drapeau. lomo : j'avais le mot sur le bout de la langue que ça m'énervait et tu me l'apportes : merci.

Il y a une séquence, dans Ashes, sur un campement de militants contre l'article 112 :





Autre info, de mai 2012 (date du tournage)

May 2012, "Uncle SMS" (real name Ampon Tangnoppakul — Thai: อำพล ตั้งนพกุล — known familiarly as "Ah Kong" หรือมักเรียกกันว่า "อากง") died in a prison hospital at the age of 61 while serving a 20–year prison sentence.[76][77][78] He had been denied bail on 8 occasions

le commentaire est chic ..

Merci, Sherlock Eyquem pour l'enquête

Y'a un papier (le seul sur le web ?) des Independants sur le court.

'soir Largo,

Asketoner en a aussi parlé sur son blog :

http://fromafog.blogspot.fr/2012/05/ashes-apichatpong-weerasethakul.html