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Les films, ça sert à ça : apprendre à vivre, à faire son lit

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Message par Eyquem Sam 7 Avr 2012 - 15:46

Ici, les films, on en parle beaucoup, on essaie de les penser, car ils donnent à voir et à penser, ils "font voir". Mais il y a des films qu'on regarde pour "voir faire", pour apprendre, et pour imiter. Il y a bien des occasions où les films sont autre chose qu'un objet de discours, ou tout simplement ils inspirent certaines de nos conduites, nous font agir comme un autre, parler comme un autre. Effets de suggestion – ou de "sujétion" ? (peut-être que ce topic rejoindra celui de Borges, sur le sujet).


Qui saurait prendre son élan pour monter un escalier, s'il n'avait pas vu Cary Grant le faire dans "Notorious"?

Les films, ça sert à ça : apprendre à vivre, à faire son lit Notori10
marche par marche,
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puis, hop, deux par deux,
Les films, ça sert à ça : apprendre à vivre, à faire son lit Notori12
voilà ce que c'est d'être le vrai maître du temps : marcher de telle façon que c'est le temps qui se règle sur vous.

(en mouvement, c'est évidemment mille fois mieux :
https://www.youtube.com/watch?v=PD6N93bWpuA&feature=relmfu
de 06'18 à 06'50)



Qui saurait faire son lit s'il n'avait pas vu Karina le faire, dans "Une femme est une femme"...





... ou si Gene Kelly ne lui avait pas montré d'abord comment s'y prendre ?





"J'ai vu faire ça dans un film. Les films ça sert à ça, à apprendre à vivre, à apprendre à faire un lit."

(Léaud, dans "La Maman et la putain", après s'être jeté sur le lit avec la couette, comme Karina)
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Message par Invité Sam 7 Avr 2012 - 16:51

non l'élégance de Cary Grant est inimitable. jamais je ne pourrai avoir une once de son élégance en le voyant. Il est l'ELEGANCE faite homme. Et mon plaisir de spectateur est de retrouver l'acteur tel qu'en lui même dans les films de Hawks et non pas un personnage comme chez Hitchcock.

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Message par Borges Sam 7 Avr 2012 - 16:53

joli topic

http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/lemonde.htm


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Message par Borges Sam 7 Avr 2012 - 17:03

slimfast a écrit:non l'élégance de Cary Grant est inimitable. jamais je ne pourrai avoir une once de son élégance en le voyant. Il est l'ELEGANCE faite homme. Et mon plaisir de spectateur est de retrouver l'acteur tel qu'en lui même dans les films de Hawks et non pas un personnage comme chez Hitchcock.

oui, mais c'est précisément parce qu'il est inimitable qu'il est à imiter, pour Archibald Alexander Leach même; notons que c'est Leo McCarey (cette sacrée vérité) qui a inventé CGrant;

le voir c'est pas l'imiter, c'est être lui, immédiatement; c'est après que les choses se compliquent... c'est la magie du cinéma; il ne relève pas seulement l'acteur, contingent et imparfait, dans la forme idéale d'une figure, il rend le spectateur immédiatement l'égal de cette figure idéale; autrement dit, ce n'est jamais des ombres que nous contemplons au cinéma, mais des idées, que nous devenons, que nous sommes, que nous projetons, en quoi nous nous projetons...

autrement dit il suffit de voir un film avec CG pour être CG, mieux, ce n'est que pour le regard du spectateur admiratif qu'existe ce CG idéal; le film est inachevé, le monde et les personnages qu'il nous propose doivent être achevés, il est le corrélat d'une visée intentionnel, ici, l'admiration...

dans la lecture on figure le monde, les personnages, les lieux, dans le cinéma on va au-delà de la figure, de l'image; il ne s'agit pas seulement de voir ce qui est là, mais de le rendre invisible, de le donner à voir à la pensée; le spectateur rend invisible ce que l'image donne à voir, il porte les choses au-delà de leur figure sensible, il les dé-figure; ou plus exactement, le cinéma se situe dans le passage de la figure sensible à sa relève dans l'idée, dans la pensée; je pense à la merveilleuse scène de la balançoire dans "le cheik blanc"; ford ne dit pas autre chose quand il nous apprend qu'il faut préférer la légende aux faits...


plus simplement, tout admirateur de CG, imitant et renversant flaubert, pourra dire : "CGrant c'est moi, durant le temps, l'éternité d'une projection"


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Message par Invité Sam 7 Avr 2012 - 18:21

d'un autre je pourrais, je peux, dire c'est moi, mais Cary Grant non, il est à la fois lui et son piedestal. Il est impossible que je m'identifie, à ses chevilles, à sa façon de retoucher son veston, à l'implantation et la raie de ses cheveux.
Il incarne à nul autre pareil cette distance, ces années lumières qui me maintiennent si loin, si près, du cinéma.
Il a l'art indéniablement de me voler sans heurts la vedette.

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Message par Eyquem Sam 7 Avr 2012 - 18:22

Borges a écrit:le cinéma se situe dans le passage de la figure sensible à sa relève dans l'idée, dans la pensée; je pense à la merveilleuse scène de la balançoire dans "le cheik blanc"

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Message par Eyquem Sam 7 Avr 2012 - 20:06

(entre parenthèse :



de connaître cette scène, ça m'a été très utile pour comprendre ce que Heidegger veut dire par être-au-monde dans la préoccupation, l'affairement quotidien ; en particulier ce qu'il dit sur l'outil - le bol, la table, le lit, mais aussi la porte, la fenêtre - qui est ce qu'il est, non pas quand on le regarde, mais quand il se fait oublier dans l'usage qu'on en fait.

Un outil, en toute rigueur cela n’existe pas. À l’être de l’outil appartient toujours un complexe d’outils au sein duquel il peut être cet outil qu’il est. L’outil est essentiellement « quelque chose pour... ».

L’outil, conformément à son ustensilité, est toujours par son appartenance à un autre outil : l’écritoire, la plume, l’encre, le papier, le sous-main, la table, la lampe, les meubles, les fenêtres, les portes, la chambre. Ces « choses » ne commencent pas par se montrer pour elles-mêmes, pour constituer ensuite une somme de réalité propre à remplir une chambre. Ce qui fait de prime abord encontre, sans être saisi thématiquement, c’est la chambre, et encore celle-ci n’est-elle pas non plus l’« intervalle de quatre murs » dans un sens spatial géométrique — mais un outil d’habitation.

L'usage spécifique de l'outil, où celui-ci seulement peut se manifester authentiquement en son être, par exemple le fait de marteler avec le marteau, ne saisit point thématiquement cet étant comme chose survenante, pas plus que l'utilisation même n'a connaissance de la structure d'outil en tant que telle. Le martèlement n'a pas simplement en plus un savoir du caractère d'outil du marteau, mais il s'est approprié cet outil aussi adéquatement qu'il est possible. En un tel usage qui se sert de..., la préoccupation se soumet au pour... constitutif de ce qui est à chaque fois outil ; moins la chose-marteau est simplement « regardée », plus elle est utilisée efficacement et plus originel est le rapport à elle, plus manifestement elle fait encontre comme ce qu'elle est - comme outil.

et il décrit plus loin (§16) ce moment d'éclaircie où le lieu - "l'atelier" ou aussi bien la chambre de Gene Kelly -, apparaît dans son tout : "Or, avec une telle totalité, c’est le monde qui s’annonce". C'est peut-être ce que cette scène permet de "voir".

Voilà. c'était ma parenthèse cuistre. lol)

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Message par Invité Sam 7 Avr 2012 - 20:10

que le cinéma éclaire la philosophie, voilà qui est cavellien !

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Message par Invité Sam 7 Avr 2012 - 20:20

je suis complétement hermétique à la philosophie, la pensée, les idées, les raisonnements, bref, tout ce qui n'est pas subjectif, sans pour autant penser avoir tort, mais c'est ce que je crois avoir compris de son bouquin - Cavell - La philosophie, le jour d'après demain, dont l'ombre de Fred Astaire, du reste, orne la couverture.

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Message par Invité Sam 7 Avr 2012 - 21:00

Oui, ça, on avait compris, depuis le temps, on est pas encore totalement sourdingues. Tu vas nous le répéter combien de fois?

Tu es dans le senti, le ressenti, l'évidence, le vécu, le nez collé à la vitre, dans l'image, énamouré devant l'élégance ou la grâce, ou la montée en grâce absolue, de chose ou de machin ou de truc-bidule. Etc etc etc.

Et tu ne cesses de dire qu'y a rien à dire, de penser qu'y faut pas penser, d'expliquer qu'il faut pas expliquer, de raisonner sur le fait qu'il faut pas raisonner, etc etc etc.

Tu penses (non, pardon, tu ressens, tu vis) que le cinéma est de droite, par nature, évidence. T'es comme le cinéma, à droite, alors que la pensée, la philo, tout ce qu'est pas cinéma pur bougeant devant ton n'oeil, sont à gauche.


Dis slim, alias camille, alias lionel simon, t'as pas mille plateaux, t'as mille colombes, mille cheveux sur la tête à Mathieu, Mireille. Et comme tu sais, Mireille, elle n'est ni à gauche ni à droite. Elle est là où on la pose.

Alors pourquoi tu la fermes pas, une fois pour toutes? Ou alors faut arrêter de boire, t'entrainer pour le marathon, man.


Je peux pas croire que tu enseignes (quoi que ce soit), comme tu nous l'a révélé il y a peu.

Mais si tu enseignais, quelque part, quelque chose, n'importe quoi, je réclame ta démission immédiate, ou ton renvoi de l'éducation nationale. Une sorte de congé sans solde illimité... Smile



(bonne fête des cloches, slime tout fat).

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Message par Invité Dim 8 Avr 2012 - 16:34

Les étudiants acquièscèrent d'un signe de tête, marquant vigoureusement leur accord
sur une affirmation que plus de soixante deux mille répétitions leur avaient fait accepter,
non pas simplement comme vraie,
mais comme axiomatique, évidente en soi, totalement indiscutable.

AH et moi te culons dans Le meilleur des mondes

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Message par Invité Lun 9 Avr 2012 - 10:50

au fond les films n'appellent rien d'autre qu'un état du cinéma.

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Message par Invité Lun 9 Avr 2012 - 15:59

j'ai deux textes critiques de référence en matière de films, tous deux américains, écrits à la première personne et d'une vitalité sans pareille : Genèse de Sleepy Hollow de Bill Krohn paru dans cdc et Les Sixties sans compromis - en regardant les films d'Andy Warhol de Thom Andersen, fabuleux, paru dans le n° 13 de Cinéma.

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Message par Invité Lun 9 Avr 2012 - 19:01

au final ici peu de films sont débattus - vus ? je ne sais pas.
et quasiment jamais ( sauf Kubrick peut être ) de films au répertoire.
il est rare qu'un film soit "découvert" ici : Erwan , Adeline ?

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Message par Dr. Apfelgluck Mar 10 Avr 2012 - 6:11

slimfast a écrit:au final ici peu de films sont débattus - vus ? je ne sais pas.
et quasiment jamais ( sauf Kubrick peut être ) de films au répertoire.
il est rare qu'un film soit "découvert" ici : Erwan , Adeline ?

Pour ma part, si je fais vite un quota "en gros", je ne regarde que des films allant des années 20 aux années 80. Je ne vois vraiment que très rarement des "nouveaux" films. A part quelque bonnes surprises, le cinéma actuel me laisse un peu indifférent, vide. Je n'ai que très peu envie de revisionner par le suite des films que j'ai vu en salle.

J'ai souvent peur de parler des films de répertoire, car bien souvent "tout a été dit". Peur de déblatérer des lieux communs et des redondances au kilomètre.
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Message par Borges Mar 10 Avr 2012 - 7:59

faut pas avoir peur de ça, je crois...la différence vient de la répétition, parfois;
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Message par Invité Mar 10 Avr 2012 - 13:51

Je ne sais pas si je peux monter un escalier comme Grant mais j'ai vu un nombre impressionnant de films (tous tournés par des hommes d'ailleurs) qui m'ont permis de gérer une relation avec une femme qui a avorté ou pense le faire:"Anatomie d'un rapport", "le Combat dans l'île", "People will Talk", "la Maman et la Putain", "Two Lovers", un truc de Hal Hartley dont j'ai oublié le titre; et j'en oublie sans doute. J'ai toute une palette de mines constipées et de réactions silencieuses à ma disposition qui jusqu'ici ne m'ont servies à rien.
C'est marrant le cinéma positionne souvent la bourgeoisie face à ce sujet, comme question sur laquelle se décide l'inclusion ou la rupture avec elle, et met le public à la place de la bourgeoisie. Puis c'est un sujet qui parle aussi bien aux cathos qu'au reste du monde. Ordet c'est l'inverse d'un avortement.

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Message par Dr. Apfelgluck Mar 17 Avr 2012 - 6:56

Eyquem a écrit:

Qui saurait prendre son élan pour monter un escalier, s'il n'avait pas vu Cary Grant le faire dans "Notorious"?

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marche par marche,
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voilà ce que c'est d'être le vrai maître du temps : marcher de telle façon que c'est le temps qui se règle sur vous.

Il y a une autre scène d'escalier que j'aime bien, chez Hitchcock. Elle se trouve dans "Shadow Of A Doubt", quand Joseph Cotten apprend la mort de la seconde personne suspectée d'être "le tueur des veuves joyeuses". Après avoir feinté l'indifférence devant les deux policiers, il monte les escaliers de la maison de sa soeur tout guilleret. Mais, quand il se retourne, il aperçoit la belle Teresa Wright qui le scrute depuis le pallier. Là, il sait qu'elle a tout comprit. Depuis ce moment, elle ne prendra plus que l'escalier externe, celui-ci étant devenu maudit.

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