La Chambre Claire
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La Chambre Claire
Donc ici nous pourrons partager nos découvertes photographiques. Je crois que Careful en a un paquet dans ses tiroirs...
Je commence avec une série qui m'a vraiment subjuguée, trouvée dans un très bon blog (très souvent mis à jour, c'est une adresse à suivre) :
Masao Yamamoto
Et sinon, j'aime beaucoup le style d'un photographe français qui ne semble pas très connu : Christian Demare
Là encore le site est très riche, beaucoup, beaucoup d'images...
Et enfin l'adresse où vous verrez les photos les plus magnifiques du monde, c'est bien entendu la mienne
Dernières séries en cours (vers le bas de la page où il y a toutes les photos) : "La femme de nos rêves"
"Old Friends"
Je commence avec une série qui m'a vraiment subjuguée, trouvée dans un très bon blog (très souvent mis à jour, c'est une adresse à suivre) :
Masao Yamamoto
Et sinon, j'aime beaucoup le style d'un photographe français qui ne semble pas très connu : Christian Demare
Là encore le site est très riche, beaucoup, beaucoup d'images...
Et enfin l'adresse où vous verrez les photos les plus magnifiques du monde, c'est bien entendu la mienne
Dernières séries en cours (vers le bas de la page où il y a toutes les photos) : "La femme de nos rêves"
"Old Friends"
Re: La Chambre Claire
"Pas de titre ou de légendes, mais une volonté de laisser parler ces photographies qui ne sont que des fragments, ne pas imposer un sens arbitraire.
"
"LE MONDE DIPLOMATIQUE, Décembre 2000
Comment rendre compte en images ? Antoine d'Agata n'est pas un photographe de reportage au sens habituel. Envoyé à Jérusalem par l'agence Vu pour un magazine américain (qui n'a pas publié son travail), il a rapporté peu d'images, qu'il a montées en séquences, sans légendes, comme une planche-contact. Cette autre façon de porter son regard a trouvé un écho certain dans la presse française. Témoignage fort d'une subjectivité, qui doit poser aussi interrogation sur son articulation au réel, sur le sens que produit cette confrontation lorsque manque un élément du décryptage.
Ce vendredi de prière, « jour de la colère » pour les Palestiniens, je me suis retrouvé pour la première fois en position de photographier une situation de conflit. Ce n'est pas le regard que porte le photographe sur le monde qui m'intéresse, mais ses rapports les plus intimes avec celui-ci. Dans mes photographies, dans ma pratique ordinaire du mensonge, je ne peux pas prétendre décrire autre chose que ma propre situation - mes états ordinaires, mes déséquilibres intimes. Je crois que les seules photographies qui ont une existence propre sont les images « innocentes ». On les trouve dans les fichiers de police et les albums de famille. Elles témoignent du rôle du photographe, de son implication, de l'authenticité de sa position. En général, j'évite de définir à l'avance ce que je vais photographier. Les prises de vue sont dues au hasard des rencontres et des situations. Les choix restent inconscients, mais les obsessions sont les mêmes : la peur, l'obscurité, la mort...
Ce jour-là, pour atteindre le lieu des événements, je me suis laissé guider par le bruit des détonations. De suite, la nécessité de photographier, non comme un acte réfléchi, mais comme la mise à plat d'une expérience ordinaire et extrême. J'ai voulu établir un état des lieux partiel et partial, systématique et instinctif d'un espace physique et émotionnel où je me retrouvais, acteur à part entière. Le photojournalisme, souvent, utilise un langage ignorant de sa propre matière : l'apparence, l'ambiguïté, l'imaginaire. Critiquer de façon cohérente l'image dominante actuelle exige d'une photographie qu'elle soit lucide sur les conditions troublées de son expérience entre l'œil et le regard, la machine et l'inconscient, sur l'impureté fondamentale de son rapport au réel et au fictif. Une expérience aussi brève ne me permet pas d'accompagner les images d'une analyse politique ou d'une prise de position idéologique. Je ne peux parler que du sentiment de frustration extrême qui m'a accompagné pendant ces quelques heures. Pas le temps de communiquer, de déchiffrer les événements, de toucher à l'essentiel ou de collectionner les fragments d'une réalité chaotique qui échappent à toute analyse et visualisation instantanée de l'événement, mais n'en sont pas moins ses constituants essentiels. Quant au contenu, quel peut en être le sens dans un conflit sur médiatisé où les soldats, les enfants palestiniens et les journalistes semblent tous jouer à la perfection le rôle qui leur a été réservé ? Difficile d'expliquer ce que l'on ressent devant un homme qui tombe à terre à quelques mètres de soi. Difficile de raconter la colère devant la mort d'un enfant, dont le seul crime, au-delà de toute considération politique, aura été cet après-midi-là de jeter des cailloux.
Répugnant à jouer le rôle de voyeur, confronté dans l'urgence aux aspects les plus dérisoires de l'engagement photographique, je n'étais finalement témoin que de ma propre expérience - et de mon manque d'expérience -, de mon impuissance devant l'imbécillité de la violence armée du fort sur le plus faible, de ma position à l'intérieur du chaos. Ne me restent aujourd'hui à l'esprit que les plaisanteries échangées par des soldats israéliens, alors même qu'ils se servaient de leurs armes, et l'inconscience de ces enfants palestiniens qui semblaient se livrer à un jeu dont les règles leur échappent.
Au final, ne reste qu'un bloc d'images assez chaotique, forme aboutie, absolue, bien que terriblement éphémère. Pas de titre ou de légendes, mais une volonté de laisser parler ces photographies qui ne sont que des fragments, ne pas imposer un sens arbitraire. J'essaie de rendre compte de contradictions inhérentes à la « fonction » du photographe documentaire, censé retranscrire une réalité complexe alors qu'il ne relate qu'une somme d'expériences. Je peux alors utiliser le monde à mes propres fins et, dans une expérience assez solitaire, le remodeler, le transformer à volonté, faire en sorte que, sans les images, le monde n’existe plus. "
"Christine Delory-Momberger a voulu rencontrer Antoine d’Agata pour parler de cela avec lui, du journal intime, de la photographie, de son écriture photographique. Elle connaissait les images, la renommée « drugs, sex and night » qui ne répondait en rien à l’intimité, à la gravité à l’évidence pure de l’émotion que ses photographies faisaient naître.
Une étonnante lucidité dans ces entretiens et une parole d’Antoine d’Agata « qui porte la même exigence d’intégrité que sa pratique photographique ». Des questions subtiles, importantes, un effacement nécessaire et puissant de Christine Delory-Momberger qui laisse tout l’espace pour un face à face solitaire.
« Intégrité dans le souci obsédant de suivre ses choix jusqu’au bout, intégrité dans le refus de tout compromis et de toute routine, dans la préoccupation de ne jamais se laisser suborner par le marché de la forme et de l’esthétisme, intégrité dans la poursuite obstinée d’une vie au risque de l’art ou d’un art au risque de la vie.
À mille lieues du sensationnalisme auquel on voudrait les réduire, l’œuvre et la pratique artistiques d’Antoine d’Agata sont proches de celles de ces méticuleux enquêteurs, des ces écorchés vifs de l’âme, William Burroughs, Francis Bacon, Henri Michaux….. »
Les traces de ces rencontres de bars en cafés parisiens sont inscrites dans « Le désir du monde », Entretiens, Antoine d'Agata et Christine Delory-Momberger, Téraèdre, extraits
Acte photographique
Je ne peux photographier si je ne suis pas acteur à part entière des situations dans lesquelles je m’immisce ou que je provoque. Cet engagement est à mes yeux la seule légitimité acceptable de l’acte photographique.
Fantasme
Le fantasme du libre arbitre est devenu une tare pour laquelle je paie encore le prix fort aujourd’hui. Ma liberté me rend chaque jour plus fragile mais aussi plus conscient de mes parts d’ombre.
Construction intellectuelle
L’expérience que j’ai de ce type d’immersion prolongée me permet aujourd’hui de me défaire de tout romantisme. Je vais à l’essentiel. Je n’ai plus besoin de prétexte, ni de justification. J’ai entrevu peu à peu l’obscénité même d’une construction intellectuelle et poétique qui servirait d’alibi à ma faim insatiable de chair et de substances anesthésiantes.
Projet
Mes images, elles sont l’antithèse d’une élaboration réfléchie. Elles résistent éperdument à tout agencement qui relèverait du projet.
Isolement
Vouloir me positionner au-delà de toute limite acceptable est probablement un trait d’orgueil, mais cet isolement est la dernière arme possible contre le vide de l’art contemporain. La pire concession serait de renoncer en tant que photographe à une position authentique. Ce renoncement est pourtant la particularité majeure de la quasi-totalité de la production photographique actuelle.
Monstration
Aujourd’hui je ne cède qu’en dernier recours aux impératifs de la monstration de me images et je donne mon énergie à des recherches plus solitaires.
Commande
Je pars pour la Syrie, le Mozambique, la Cisjordanie, le Japon, le Brésil, le Congo…Tout est organisé avec des bouts de ficelles, aucune commande n’est payée mais je n’ai aucun compte à rendre.
La nuit
La nuit reste un espace en creux dans lequel je suis condamné à me perdre. Mais le rapport de virginité au monde qu’elle m’impose me donne le pouvoir de me régénérer. Elle me torture. Elle me nourrit. J’y puise une conscience physique du monde.
J’accepte
J’aime les défauts de leurs corps abîmés, leurs faux seins, les maquillages dégoulinants, les odeurs rances de chaque recoin de leurs sexes usés. Je crains leur indifférence à mes caresses, la cruauté de leurs sarcasmes, le mépris dans leurs regards. J’accepte avec humilité l’irréversibilité de leurs destins tordus à donner la nausée.
La fatigue
La fatigue que génèrent d’incessantes nuits blanches est une fatigue irrémédiable. Elle ronge le ventre et la mémoire. Toute fuite est illusoire.
La légèreté
Je n’ai ni archives, ni domicile. Un sac contient tout ce que je possède. Je me défais de ce qui peut m’alourdir ou me ralentir. L’oubli est le comble de la légèreté.
Le flou
Mes états seconds produisent toutes sortes d’inadvertances quand je photographie et cela m’a sans doute conduit à me rapprocher de cette vision. Mais le flou est un outil dangereux qui entraîne irrémédiablement la photographie vers la poésie et l’abstraction. Je suis à la recherche d’un état intermédiaire de la représentation photographique, mois graphique, plus charnel, plus imbriqué dans la matière même du corps.
La distance
Mais je suis passé d’un sentiment de distance aliénant, d’un détachement frileux et d’une incapacité à vivre, à une forme assumée d’interaction avec le monde, aussi frustrante et limitée soit-elle.
Antithèse
L’acte photographique est l’antithèse de toute approche littéraire, esthétique ou analytique du médium. La photographie, avant même d’être un langage, est un art martial dont les principes seraient le risque et l’inconscience.
Style
Je me méfie du style qui, s’il a une fonction précise dans ce processus d’interprétation du réel, enferme très vite le photographe dans une logique de manipulation, de rendement et d’efficacité.
Épuration
Plus je m’implique dans ma pratique, plus je délaisse une part de ma vie qui, je le sais, part peu à peu en lambeaux….je suis dans un processus constant d’épuration. Vivre en logique avec ses idées est compliqué, violent. Maintenant, je ressens entièrement le vide de mon existence. Lorsque je sacrifie ce que je suis sur l’autel de la normalité, je n’ai plus rien à offrir.
Facilité
La photographie contemporaine se délecte de cette poésie de la surface, de l’élégance glacée des êtres et des objets quand leur apparence est mise à plat. La facilité de la démonstration m’ennuie.
Le choix ?
Mais j’étais parti pour me taire, et les hasards de la vie m’ont offert l’opportunité d’utiliser mon propre destin, aussi misérable soit-il, comme unique outil et unique parole. Je n’ai plus le choix.
Le flash
Ces questions, qui sont pour d’autres d’ordre purement esthétique, se heurtent chez moi à une absence absolue d’intérêt pour l’aspect technique de la photographie, que je n’ai ni le temps ni le désir de considérer. Le flou peut être maîtrisé, bien sûr, au prix d’une technicité besogneuse et de nombreux photographes aujourd’hui s’y complaisent.
Solitude
Ma parole porte en elle cette solitude.
Peinture
La seule exposition de peintre que j’ai jamais visitée est une rétrospective de Bacon, organisée au MoMa New York en 1989. Ce fut un choc dont je ne me suis toujours pas remis."
"SOUVENT TANTOT, MAIS JADIS PARFOIS, LA GALERE POUVAIT DEVENIR LA COLERE,"
Souvenez vous.
Antoine d'Agata
Sinon, j'ai eu la chance de voir quelques photographies (des petits formats) de Masao Yamamoto, à Nantes; ce fut important, mémorable. C'est bien que tu mentionnes ce photographe, Largo.
ps: C'est dommage,Largo, que tu aies retiré l'affiche de ton CM...
"LE MONDE DIPLOMATIQUE, Décembre 2000
Comment rendre compte en images ? Antoine d'Agata n'est pas un photographe de reportage au sens habituel. Envoyé à Jérusalem par l'agence Vu pour un magazine américain (qui n'a pas publié son travail), il a rapporté peu d'images, qu'il a montées en séquences, sans légendes, comme une planche-contact. Cette autre façon de porter son regard a trouvé un écho certain dans la presse française. Témoignage fort d'une subjectivité, qui doit poser aussi interrogation sur son articulation au réel, sur le sens que produit cette confrontation lorsque manque un élément du décryptage.
Ce vendredi de prière, « jour de la colère » pour les Palestiniens, je me suis retrouvé pour la première fois en position de photographier une situation de conflit. Ce n'est pas le regard que porte le photographe sur le monde qui m'intéresse, mais ses rapports les plus intimes avec celui-ci. Dans mes photographies, dans ma pratique ordinaire du mensonge, je ne peux pas prétendre décrire autre chose que ma propre situation - mes états ordinaires, mes déséquilibres intimes. Je crois que les seules photographies qui ont une existence propre sont les images « innocentes ». On les trouve dans les fichiers de police et les albums de famille. Elles témoignent du rôle du photographe, de son implication, de l'authenticité de sa position. En général, j'évite de définir à l'avance ce que je vais photographier. Les prises de vue sont dues au hasard des rencontres et des situations. Les choix restent inconscients, mais les obsessions sont les mêmes : la peur, l'obscurité, la mort...
Ce jour-là, pour atteindre le lieu des événements, je me suis laissé guider par le bruit des détonations. De suite, la nécessité de photographier, non comme un acte réfléchi, mais comme la mise à plat d'une expérience ordinaire et extrême. J'ai voulu établir un état des lieux partiel et partial, systématique et instinctif d'un espace physique et émotionnel où je me retrouvais, acteur à part entière. Le photojournalisme, souvent, utilise un langage ignorant de sa propre matière : l'apparence, l'ambiguïté, l'imaginaire. Critiquer de façon cohérente l'image dominante actuelle exige d'une photographie qu'elle soit lucide sur les conditions troublées de son expérience entre l'œil et le regard, la machine et l'inconscient, sur l'impureté fondamentale de son rapport au réel et au fictif. Une expérience aussi brève ne me permet pas d'accompagner les images d'une analyse politique ou d'une prise de position idéologique. Je ne peux parler que du sentiment de frustration extrême qui m'a accompagné pendant ces quelques heures. Pas le temps de communiquer, de déchiffrer les événements, de toucher à l'essentiel ou de collectionner les fragments d'une réalité chaotique qui échappent à toute analyse et visualisation instantanée de l'événement, mais n'en sont pas moins ses constituants essentiels. Quant au contenu, quel peut en être le sens dans un conflit sur médiatisé où les soldats, les enfants palestiniens et les journalistes semblent tous jouer à la perfection le rôle qui leur a été réservé ? Difficile d'expliquer ce que l'on ressent devant un homme qui tombe à terre à quelques mètres de soi. Difficile de raconter la colère devant la mort d'un enfant, dont le seul crime, au-delà de toute considération politique, aura été cet après-midi-là de jeter des cailloux.
Répugnant à jouer le rôle de voyeur, confronté dans l'urgence aux aspects les plus dérisoires de l'engagement photographique, je n'étais finalement témoin que de ma propre expérience - et de mon manque d'expérience -, de mon impuissance devant l'imbécillité de la violence armée du fort sur le plus faible, de ma position à l'intérieur du chaos. Ne me restent aujourd'hui à l'esprit que les plaisanteries échangées par des soldats israéliens, alors même qu'ils se servaient de leurs armes, et l'inconscience de ces enfants palestiniens qui semblaient se livrer à un jeu dont les règles leur échappent.
Au final, ne reste qu'un bloc d'images assez chaotique, forme aboutie, absolue, bien que terriblement éphémère. Pas de titre ou de légendes, mais une volonté de laisser parler ces photographies qui ne sont que des fragments, ne pas imposer un sens arbitraire. J'essaie de rendre compte de contradictions inhérentes à la « fonction » du photographe documentaire, censé retranscrire une réalité complexe alors qu'il ne relate qu'une somme d'expériences. Je peux alors utiliser le monde à mes propres fins et, dans une expérience assez solitaire, le remodeler, le transformer à volonté, faire en sorte que, sans les images, le monde n’existe plus. "
- Spoiler:
"Christine Delory-Momberger a voulu rencontrer Antoine d’Agata pour parler de cela avec lui, du journal intime, de la photographie, de son écriture photographique. Elle connaissait les images, la renommée « drugs, sex and night » qui ne répondait en rien à l’intimité, à la gravité à l’évidence pure de l’émotion que ses photographies faisaient naître.
Une étonnante lucidité dans ces entretiens et une parole d’Antoine d’Agata « qui porte la même exigence d’intégrité que sa pratique photographique ». Des questions subtiles, importantes, un effacement nécessaire et puissant de Christine Delory-Momberger qui laisse tout l’espace pour un face à face solitaire.
« Intégrité dans le souci obsédant de suivre ses choix jusqu’au bout, intégrité dans le refus de tout compromis et de toute routine, dans la préoccupation de ne jamais se laisser suborner par le marché de la forme et de l’esthétisme, intégrité dans la poursuite obstinée d’une vie au risque de l’art ou d’un art au risque de la vie.
À mille lieues du sensationnalisme auquel on voudrait les réduire, l’œuvre et la pratique artistiques d’Antoine d’Agata sont proches de celles de ces méticuleux enquêteurs, des ces écorchés vifs de l’âme, William Burroughs, Francis Bacon, Henri Michaux….. »
Les traces de ces rencontres de bars en cafés parisiens sont inscrites dans « Le désir du monde », Entretiens, Antoine d'Agata et Christine Delory-Momberger, Téraèdre, extraits
Acte photographique
Je ne peux photographier si je ne suis pas acteur à part entière des situations dans lesquelles je m’immisce ou que je provoque. Cet engagement est à mes yeux la seule légitimité acceptable de l’acte photographique.
Fantasme
Le fantasme du libre arbitre est devenu une tare pour laquelle je paie encore le prix fort aujourd’hui. Ma liberté me rend chaque jour plus fragile mais aussi plus conscient de mes parts d’ombre.
Construction intellectuelle
L’expérience que j’ai de ce type d’immersion prolongée me permet aujourd’hui de me défaire de tout romantisme. Je vais à l’essentiel. Je n’ai plus besoin de prétexte, ni de justification. J’ai entrevu peu à peu l’obscénité même d’une construction intellectuelle et poétique qui servirait d’alibi à ma faim insatiable de chair et de substances anesthésiantes.
Projet
Mes images, elles sont l’antithèse d’une élaboration réfléchie. Elles résistent éperdument à tout agencement qui relèverait du projet.
Isolement
Vouloir me positionner au-delà de toute limite acceptable est probablement un trait d’orgueil, mais cet isolement est la dernière arme possible contre le vide de l’art contemporain. La pire concession serait de renoncer en tant que photographe à une position authentique. Ce renoncement est pourtant la particularité majeure de la quasi-totalité de la production photographique actuelle.
Monstration
Aujourd’hui je ne cède qu’en dernier recours aux impératifs de la monstration de me images et je donne mon énergie à des recherches plus solitaires.
Commande
Je pars pour la Syrie, le Mozambique, la Cisjordanie, le Japon, le Brésil, le Congo…Tout est organisé avec des bouts de ficelles, aucune commande n’est payée mais je n’ai aucun compte à rendre.
La nuit
La nuit reste un espace en creux dans lequel je suis condamné à me perdre. Mais le rapport de virginité au monde qu’elle m’impose me donne le pouvoir de me régénérer. Elle me torture. Elle me nourrit. J’y puise une conscience physique du monde.
J’accepte
J’aime les défauts de leurs corps abîmés, leurs faux seins, les maquillages dégoulinants, les odeurs rances de chaque recoin de leurs sexes usés. Je crains leur indifférence à mes caresses, la cruauté de leurs sarcasmes, le mépris dans leurs regards. J’accepte avec humilité l’irréversibilité de leurs destins tordus à donner la nausée.
La fatigue
La fatigue que génèrent d’incessantes nuits blanches est une fatigue irrémédiable. Elle ronge le ventre et la mémoire. Toute fuite est illusoire.
La légèreté
Je n’ai ni archives, ni domicile. Un sac contient tout ce que je possède. Je me défais de ce qui peut m’alourdir ou me ralentir. L’oubli est le comble de la légèreté.
Le flou
Mes états seconds produisent toutes sortes d’inadvertances quand je photographie et cela m’a sans doute conduit à me rapprocher de cette vision. Mais le flou est un outil dangereux qui entraîne irrémédiablement la photographie vers la poésie et l’abstraction. Je suis à la recherche d’un état intermédiaire de la représentation photographique, mois graphique, plus charnel, plus imbriqué dans la matière même du corps.
La distance
Mais je suis passé d’un sentiment de distance aliénant, d’un détachement frileux et d’une incapacité à vivre, à une forme assumée d’interaction avec le monde, aussi frustrante et limitée soit-elle.
Antithèse
L’acte photographique est l’antithèse de toute approche littéraire, esthétique ou analytique du médium. La photographie, avant même d’être un langage, est un art martial dont les principes seraient le risque et l’inconscience.
Style
Je me méfie du style qui, s’il a une fonction précise dans ce processus d’interprétation du réel, enferme très vite le photographe dans une logique de manipulation, de rendement et d’efficacité.
Épuration
Plus je m’implique dans ma pratique, plus je délaisse une part de ma vie qui, je le sais, part peu à peu en lambeaux….je suis dans un processus constant d’épuration. Vivre en logique avec ses idées est compliqué, violent. Maintenant, je ressens entièrement le vide de mon existence. Lorsque je sacrifie ce que je suis sur l’autel de la normalité, je n’ai plus rien à offrir.
Facilité
La photographie contemporaine se délecte de cette poésie de la surface, de l’élégance glacée des êtres et des objets quand leur apparence est mise à plat. La facilité de la démonstration m’ennuie.
Le choix ?
Mais j’étais parti pour me taire, et les hasards de la vie m’ont offert l’opportunité d’utiliser mon propre destin, aussi misérable soit-il, comme unique outil et unique parole. Je n’ai plus le choix.
Le flash
Ces questions, qui sont pour d’autres d’ordre purement esthétique, se heurtent chez moi à une absence absolue d’intérêt pour l’aspect technique de la photographie, que je n’ai ni le temps ni le désir de considérer. Le flou peut être maîtrisé, bien sûr, au prix d’une technicité besogneuse et de nombreux photographes aujourd’hui s’y complaisent.
Solitude
Ma parole porte en elle cette solitude.
Peinture
La seule exposition de peintre que j’ai jamais visitée est une rétrospective de Bacon, organisée au MoMa New York en 1989. Ce fut un choc dont je ne me suis toujours pas remis."
"SOUVENT TANTOT, MAIS JADIS PARFOIS, LA GALERE POUVAIT DEVENIR LA COLERE,"
Souvenez vous.
Antoine d'Agata
Sinon, j'ai eu la chance de voir quelques photographies (des petits formats) de Masao Yamamoto, à Nantes; ce fut important, mémorable. C'est bien que tu mentionnes ce photographe, Largo.
Masao Yamamoto
2007-09-13 - 2007-09-30
Ecole des Beaux Arts de Nantes
44001 Nantes cedex1 - France
La QPN 2007
La 11ème édition de la Quinzaine Photographique Nantaise
2007-09-13 - 2007-09-30
Quinzaine photographique Nantaise QPN
44200 Nantes - France
«J’aime l’idée que mes images donnent la sensation de photos anonymes trouvées aux puces, qu’elles aient ce charme et ce mystère... et que chacun se les approprie, les découvre et invente sa propre histoire».
ps: C'est dommage,Largo, que tu aies retiré l'affiche de ton CM...
^x^- Messages : 609
Re: La Chambre Claire
Je vais la remettre c'est parce qu'elle s'affichait tronquée chez moi en fait...
Sinon merci pour ces textes, c'est passionnant et je connaissais pas la planche-contact de Jérusalem.
Sinon je dois avouer que les photos d'Antoine D'Agata en général me terrifient. Ca réveille des angoisses profondes chez moi.
Si j'ai un reproche à lui faire cependant c'est effectivement d'être parfois à la limite du plagiat de Bacon, que la référence est trop littérale, trop directe. C'est un peu dommage.
Bon et puis il dit n'en avoir rien à foutre de la technique mais les corps emmêlés, déformés, je serais curieux de savoir comme il les produit...
Sinon merci pour ces textes, c'est passionnant et je connaissais pas la planche-contact de Jérusalem.
Sinon je dois avouer que les photos d'Antoine D'Agata en général me terrifient. Ca réveille des angoisses profondes chez moi.
Si j'ai un reproche à lui faire cependant c'est effectivement d'être parfois à la limite du plagiat de Bacon, que la référence est trop littérale, trop directe. C'est un peu dommage.
Bon et puis il dit n'en avoir rien à foutre de la technique mais les corps emmêlés, déformés, je serais curieux de savoir comme il les produit...
Re: La Chambre Claire
Paris Photo commence, pour ceux qui veulent avoir un large aperçu de la photographie contemporaine.
Re: La Chambre Claire
Bon, voilà un petit aperçu des photographes découverts à Paris Photo. Petit panel subjectif :
Gilbert Garçin
Ken Kitano (j'adore !)
Laurence Leblanc
Jean-Christophe Bourcart
David Armstrong
Simona Ghizzoni
Bahman Jalali (ça aussi j'aime beaucoup)
Kyungwoo Chun
Harry Callahan (plus connu)
Gilbert Garçin
Ken Kitano (j'adore !)
Laurence Leblanc
Jean-Christophe Bourcart
David Armstrong
Simona Ghizzoni
Bahman Jalali (ça aussi j'aime beaucoup)
Kyungwoo Chun
Harry Callahan (plus connu)
Re: La Chambre Claire
je ne sais pas pourquoi, mais je pense à Bacon (le peintre) devant cette photo.
Borges- Messages : 6044
Re: La Chambre Claire
Borges a écrit:
je ne sais pas pourquoi, mais je pense à Bacon (le peintre) devant cette photo.
Oui. Moi aussi.
J'aime beaucoup ce topic.
lorinlouis- Messages : 1691
Re: La Chambre Claire
Cool, les copains.
Bacon, oui, pourquoi pas (l'arrière plan un peu géométrique peut-être, un peu carcéral, ça enferme la figure).
Amenez-nous vos images !
Bacon, oui, pourquoi pas (l'arrière plan un peu géométrique peut-être, un peu carcéral, ça enferme la figure).
Amenez-nous vos images !
Re: La Chambre Claire
Allez, pour faire mon intéressant, j'ajoute en bonus track une photo (enfin un montage de trois photos différentes, soyons honnête) que j'ai réalisé dans les lieux d'exposition...
Re: La Chambre Claire
Quoi ! Mais c'est donc un pur simulacre !une photo (enfin un montage de trois photos différentes
(j'ajoute que j'aime bien, d'ailleurs)
Oui, mais on voit encore trop le visage, et pas assez la tête.je ne sais pas pourquoi, mais je pense à Bacon (le peintre) devant cette photo.
Un photographe que Bacon aimait bien, c'est Peter Beard - en particulier ses éléphants et ses cadavres d'animaux, dans "End of the game".
J'avais vu une expo très impressionnante de ses cahiers - de collages, dessins, textes - des volumes "monstrueux", à plein d'égards, comme celui-ci :
avec des centaines de pages de ce genre :
Un portrait inoubliable de Karen Blixen, par Peter Beard :
Et Bacon, aussi, est passé devant l'objectif :
Et en retour : Beard, par Bacon :
Eyquem- Messages : 3126
Re: La Chambre Claire
Eyquem a écrit:Quoi ! Mais c'est donc un pur simulacre !une photo (enfin un montage de trois photos différentes
(j'ajoute que j'aime bien, d'ailleurs)
Et pour être encore plus honnête, c'est un hommage à Duane Michals que j'apprécie énormément aussi :
Et merci pour la livraison Beard/Bacon, je connaissais pas ce photographe.
Un portrait de Bacon que j'aime bien aussi, par Bill Brandt :
Re: La Chambre Claire
Je vais essayer de retrouver certaines photographies qui me tiennent à cœur. Ce soir.
lorinlouis- Messages : 1691
Re: La Chambre Claire
Manager au Guggenheim d'Abou Dhabi...ça te dit pas ?
Jean-Christophe Bourcart,K. Kitano,K. Chun,D. Michals
Jean-Christophe Bourcart,K. Kitano,K. Chun,D. Michals
^x^- Messages : 609
Re: La Chambre Claire
Paolo Gioli :
http://www.cinedoc.org/htm/collection/fiche-auteur.asp?id=87
Paolo Gioli est né en 1942 à Rovigo, en Italie. Après avoir été peintre, sérigraphe, lithographe, il trouve dès 1968 et après un voyage aux Etats-Unis, un nouveau champ d'expérimentation dans les supports photochimiques que sont la photographie et le cinéma. Bien que marginal dans sa pratique et la mise au point de ses dispositifs cinématographiques, il rejoindra le mouvement italien du cinéma indépendant alors basé au Filmstudio de Rome et notamment composé de Gianfranco Baruchello, Massimo Bacigalupo, et Alfredo Leonardi. En photographie, il se fait remarquer par ses emplois du sténopé depuis 1969 et par l'impression de surfaces sensibles positives comme le polaroïd dès 1977 et le cibachrome dès 1979.
http://www.cinedoc.org/htm/collection/fiche-auteur.asp?id=87
Re: La Chambre Claire
Parmi mes photographes contemporains préférés, petit focus sur Michael Ackerman, de la célèbre Agence Vu :
Une forme d'onirisme très sombre dans des scènes apparemment banales...
Les 2-3 premières photos font un peu penser à Guy Maddin
Une forme d'onirisme très sombre dans des scènes apparemment banales...
Les 2-3 premières photos font un peu penser à Guy Maddin
Re: La Chambre Claire
La deuxième photographie du topic, page 1, je ne sais pas. Evidemment, c'est extrêmement bidouillé, avec des effets tellement invisibles qu'ils n'en sont que plus pesants, mais qu'en pensé-je ? Pas grand chose, mais je suis touché... C'est agaçant la photo, ça vous charme sans vraiment vous laisser libre de penser, encore moins de pensée.
En tout cas, voici un topic intéressant. J'aime ne pas savoir ce que j'en pense, je respire.
En tout cas, voici un topic intéressant. J'aime ne pas savoir ce que j'en pense, je respire.
Dernière édition par Van Stratten le Jeu 3 Déc 2009 - 18:09, édité 1 fois
Van Stratten- Messages : 165
Re: La Chambre Claire
Mais les Kinks nous rappellent que la photo, c'est aussi celle que tout le monde pratique tous les jours, partout, tout le temps.
Pas les people, mais "the people" :
People take pictures of the Summer,
Just in case someone thought they had missed it,
And to proved that it really existed.
Fathers take pictures of the mothers,
And the sisters take pictures of brothers,
Just to show that they love one another.
You can't picture love that you took from me,
When we were young and the world was free.
Pictures of things as they used to be,
Don't show me no more, please.
People take pictures of each other,
Just to prove that they really existed,
Just to prove that they really existed.
People take pictures of each other,
And the moment to last them for ever,
Of the time when they mattered to someone.
People take pictures of the Summer,
Just in case someone thought they had missed it,
Just to proved that it really existed.
People take pictures of each other,
And the moment to last them for ever,
Of the time when they mattered to someone.
Picture of me when I was just three,
Sucking my thumb by the old oak tree.
Oh how I love things as they used to be,
Don't show me no more, please.
https://www.youtube.com/watch?v=TMokVXCVyTw
Pas les people, mais "the people" :
People take pictures of the Summer,
Just in case someone thought they had missed it,
And to proved that it really existed.
Fathers take pictures of the mothers,
And the sisters take pictures of brothers,
Just to show that they love one another.
You can't picture love that you took from me,
When we were young and the world was free.
Pictures of things as they used to be,
Don't show me no more, please.
People take pictures of each other,
Just to prove that they really existed,
Just to prove that they really existed.
People take pictures of each other,
And the moment to last them for ever,
Of the time when they mattered to someone.
People take pictures of the Summer,
Just in case someone thought they had missed it,
Just to proved that it really existed.
People take pictures of each other,
And the moment to last them for ever,
Of the time when they mattered to someone.
Picture of me when I was just three,
Sucking my thumb by the old oak tree.
Oh how I love things as they used to be,
Don't show me no more, please.
https://www.youtube.com/watch?v=TMokVXCVyTw
Re: La Chambre Claire
Merci, Van Stratten. Moi aussi j'ai du mal à réflechir, à développer une analyse sur un tableau ou une photo, je sais surtout si ça me plait ou pas. C'est peut-être que nous sommes trop habitués à décortiquer des films qui racontent une histoire, au sens strict. On peut dire s'il la raconte bien ou pas, s'il met le bon ton ou pas. Avec une photographie c'est vrai que c'est plus difficile.
Je vais quand même chercher un peu ce que les photographes pensent de leur travail, de la photographie en général...
Je me suis amusé à parcourir des entretiens réalisés par Frank Horvat avec de grands photographes, réunis dans l'ouvrage Entrevues (édition Nathan Image). J'ai attrapé au vol quelques extraits significatifs, juste pour voir...
La photographie, c'est comme...la sculpture
Franck Horvat : « On pourrait dire aussi que la photographie est comme la sculpture – je veux dire la sculpture dans le marbre ou dans le bois, où la forme n'est pas donnée par ce que le sculpteur apporte, mais par ce qu'il enlève : un procédé négatif en quelque sorte »
La photographie, c'est comme...le cinéma
Sarah Moon : « J'ai toujours senti la photo comme une possibilité de faire de la mise en scène, de raconter une histoire en images. Je cherche une image avec un minimum d'informations et de repères, une image pas située et qui pourtant me parle, qui évoque ce qui s'est passé avant et ce qui va se passer après. »
La photographie, c'est comme...un sport extrême
Joseph Koudelka : « Ce qui m'intéresse c'est les limites. Je photographie toujours les mêmes gens, les mêmes situations parce que je veux connaître les limites de ces gens, de ces situations, mes limites. Ce n'est pas important que je réussisse une photo la première fois, ni la cinquième, ni la dixième. »
La photographie, c'est comme...un mixer
Mario Giacomelli : « Quand nous prenons une photographie, nous nous plaçons devant les objets et nous en tirons des images, c'est-à-dire des copies, ou des extraits, qui passent par un trou et se déposent au fond de l'appareil. Mes yeux sont comme ce mécanisme : un moyen pour attraper au vol et pour mettre en boîte certaines choses, que je pétris et je mélange en moi et que je remets ensuite en circulation – pour les yeux des autres »
La photographie, c'est comme...de la peinture en bâtiment
Jean-Loup Sieff : « J'ai un mur dans l'escalier, un mur blanc, et chaque fois que je descends je le touche, je le trouve satisfaisant au toucher, son grain de peinture m'est agréable. Une qualité purement physique. C'est cette qualité de surface qui compte, qu'il s'agisse de la peau, du ciel, ou du mur.»
La photographie, c'est comme...des maths
F. Horvat : « Une vie est faite de milliards d'instants, comment décider lequel est décisif ? Cartier-Bresson le décide par la géométrie ; Winston Link, l'Américain qui photographiait les trains le décide par le passage du train ; Eva Rubinstein le décide par ses tripes. La géométrie me semble un critère aussi bon qu'un autre -, en fait, je n'en vois pas de meilleur. »
La photographie, c'est comme...l'architecture
Marc Riboud : « Je cherche des relations dans l'espace, parmi des éléments qui jouent les uns avec les autres, de manière que l'ensemble dise quelque chose. Une surprise visuelle, avec une certaine organisation de la forme »
La photographie, c'est comme...une utopie
Robert Doisneau : « Au fond, il n'y a rien de plus subjectif que l'objectif, nous ne montrons pas le monde tel qu'il existe vraiment. Le monde que j'essayais de montrer était un monde où je me serais senti bien, où les gens seraient aimables, où je trouverais la tendresse que souhaite recevoir. Mes photos étaient comme une preuve que ce monde peut exister. »
La photographie, c'est comme... Eux pour les deux dernières, je cale. Des idées ?
Hiroshi Hamaya : « J'ai le courage de faire face mais je ne veux pas exprimer de jugement. Le rôle du photographe est de décrire ce que les mots ou d'autres formes d'expression ne peuvent pas rendre. »
Javier Vallhonrat : « Pour moi le mot-clef est aussi quelque chose comme « coexistence » : une simultanéité de rapports entre moi-même et des réalités différentes, porteuses de signes différents. D'abord, évidemment, mon rapport avec l'objet que j'ai choisi. Ensuite mon rapport avec les procédés chimiques ou optiques – par exemple l'action de la lumière sur le papier sensible. Finalement mon rapport avec les symboles sur lesquels je fais des expériences, et qui trouvent dans la photographie un terrain particulièrement fertile. Ce qui compte pour moi est de comprendre ces rapports, les interférences entre eux, les modification qu'ils apportent à ma vision : comprendre comment la réalité que je vois, et à laquelle j'applique cette chimie, finit par acquérir une signification différente »
On peut aussi sortir du bouquin, et continuer en allant sur le site de Magnum :
La photographie, c'est comme...du journalisme introspectif :
Leonard Freed : "Ultimately photography is about who you are. It's the seeking of truth in relation to yourself. And seeking truth becomes a habit."
La photographie, c'est comme... faire de la philo quand on s'appelle Descartes :
Raymond Depardon : "The photographer is filled with doubt. Nothing will soothe him."
La photographie, c'est comme...écrire son journal intime
Patrick Zachman : "Je suis devenu photographe parce que je n'ai pas de mémoire. La photographie me permet de reconstituer les albums de famille que je n'ai jamais eus, dont les images manquantes sont devenues le moteur de mes recherches. Mes planches-contacts sont mon journal intime."
La photographie, c'est comme...lire un livre
Ferdinando Scianna : "A photograph is not created by a photographer. What they does is just to open a little window and capture it. The world then writes itself on the film. The act of the photographer is closer to reading than it is to writing. They are the readers of the world."
Je vais quand même chercher un peu ce que les photographes pensent de leur travail, de la photographie en général...
Je me suis amusé à parcourir des entretiens réalisés par Frank Horvat avec de grands photographes, réunis dans l'ouvrage Entrevues (édition Nathan Image). J'ai attrapé au vol quelques extraits significatifs, juste pour voir...
La photographie, c'est comme...la sculpture
Franck Horvat : « On pourrait dire aussi que la photographie est comme la sculpture – je veux dire la sculpture dans le marbre ou dans le bois, où la forme n'est pas donnée par ce que le sculpteur apporte, mais par ce qu'il enlève : un procédé négatif en quelque sorte »
La photographie, c'est comme...le cinéma
Sarah Moon : « J'ai toujours senti la photo comme une possibilité de faire de la mise en scène, de raconter une histoire en images. Je cherche une image avec un minimum d'informations et de repères, une image pas située et qui pourtant me parle, qui évoque ce qui s'est passé avant et ce qui va se passer après. »
La photographie, c'est comme...un sport extrême
Joseph Koudelka : « Ce qui m'intéresse c'est les limites. Je photographie toujours les mêmes gens, les mêmes situations parce que je veux connaître les limites de ces gens, de ces situations, mes limites. Ce n'est pas important que je réussisse une photo la première fois, ni la cinquième, ni la dixième. »
La photographie, c'est comme...un mixer
Mario Giacomelli : « Quand nous prenons une photographie, nous nous plaçons devant les objets et nous en tirons des images, c'est-à-dire des copies, ou des extraits, qui passent par un trou et se déposent au fond de l'appareil. Mes yeux sont comme ce mécanisme : un moyen pour attraper au vol et pour mettre en boîte certaines choses, que je pétris et je mélange en moi et que je remets ensuite en circulation – pour les yeux des autres »
La photographie, c'est comme...de la peinture en bâtiment
Jean-Loup Sieff : « J'ai un mur dans l'escalier, un mur blanc, et chaque fois que je descends je le touche, je le trouve satisfaisant au toucher, son grain de peinture m'est agréable. Une qualité purement physique. C'est cette qualité de surface qui compte, qu'il s'agisse de la peau, du ciel, ou du mur.»
La photographie, c'est comme...des maths
F. Horvat : « Une vie est faite de milliards d'instants, comment décider lequel est décisif ? Cartier-Bresson le décide par la géométrie ; Winston Link, l'Américain qui photographiait les trains le décide par le passage du train ; Eva Rubinstein le décide par ses tripes. La géométrie me semble un critère aussi bon qu'un autre -, en fait, je n'en vois pas de meilleur. »
La photographie, c'est comme...l'architecture
Marc Riboud : « Je cherche des relations dans l'espace, parmi des éléments qui jouent les uns avec les autres, de manière que l'ensemble dise quelque chose. Une surprise visuelle, avec une certaine organisation de la forme »
La photographie, c'est comme...une utopie
Robert Doisneau : « Au fond, il n'y a rien de plus subjectif que l'objectif, nous ne montrons pas le monde tel qu'il existe vraiment. Le monde que j'essayais de montrer était un monde où je me serais senti bien, où les gens seraient aimables, où je trouverais la tendresse que souhaite recevoir. Mes photos étaient comme une preuve que ce monde peut exister. »
La photographie, c'est comme... Eux pour les deux dernières, je cale. Des idées ?
Hiroshi Hamaya : « J'ai le courage de faire face mais je ne veux pas exprimer de jugement. Le rôle du photographe est de décrire ce que les mots ou d'autres formes d'expression ne peuvent pas rendre. »
Javier Vallhonrat : « Pour moi le mot-clef est aussi quelque chose comme « coexistence » : une simultanéité de rapports entre moi-même et des réalités différentes, porteuses de signes différents. D'abord, évidemment, mon rapport avec l'objet que j'ai choisi. Ensuite mon rapport avec les procédés chimiques ou optiques – par exemple l'action de la lumière sur le papier sensible. Finalement mon rapport avec les symboles sur lesquels je fais des expériences, et qui trouvent dans la photographie un terrain particulièrement fertile. Ce qui compte pour moi est de comprendre ces rapports, les interférences entre eux, les modification qu'ils apportent à ma vision : comprendre comment la réalité que je vois, et à laquelle j'applique cette chimie, finit par acquérir une signification différente »
On peut aussi sortir du bouquin, et continuer en allant sur le site de Magnum :
La photographie, c'est comme...du journalisme introspectif :
Leonard Freed : "Ultimately photography is about who you are. It's the seeking of truth in relation to yourself. And seeking truth becomes a habit."
La photographie, c'est comme... faire de la philo quand on s'appelle Descartes :
Raymond Depardon : "The photographer is filled with doubt. Nothing will soothe him."
La photographie, c'est comme...écrire son journal intime
Patrick Zachman : "Je suis devenu photographe parce que je n'ai pas de mémoire. La photographie me permet de reconstituer les albums de famille que je n'ai jamais eus, dont les images manquantes sont devenues le moteur de mes recherches. Mes planches-contacts sont mon journal intime."
La photographie, c'est comme...lire un livre
Ferdinando Scianna : "A photograph is not created by a photographer. What they does is just to open a little window and capture it. The world then writes itself on the film. The act of the photographer is closer to reading than it is to writing. They are the readers of the world."
Re: La Chambre Claire
Pour ceux qui veulent découvrir ou redécouvrir les touchantes photos d'Helen Levitt : http://fantomatik75.blogspot.com/2009/12/terrain-de-jeux-ii-helen-levitt.html?zx=e3a7f27dfd1b51cd
La rue, inépuisable terrain de jeux pour les petits new-yorkais...
La rue, inépuisable terrain de jeux pour les petits new-yorkais...
Re: La Chambre Claire
Je le connaissais pas mais il semble que Larry Sultan nous ait quittés...
Une galerie d'images ici : http://www.wallpaper.com/gallery/art/larry-sultan-gallery-exclusive/17050248/13737#nav
Et l'article du monde :
Une galerie d'images ici : http://www.wallpaper.com/gallery/art/larry-sultan-gallery-exclusive/17050248/13737#nav
Et l'article du monde :
Larry Sultan avait une tête de play-boy aux yeux bleus. Il était sympathique et enthousiaste, deux traits peu répandus dans le monde de l'art. Il était encore un enseignant généreux, dont l'énergie irradiait ses étudiants. Quand il présentait son travail sur scène, il mettait le public dans sa poche par son sens du spectacle, son humour et ses formules efficaces. Il était surtout un très grand photographe, auteur de livres cultes. Cet Américain est mort, dimanche 13 décembre, d'un cancer à son domicile de Greenbrae, en Californie, à l'âge de 63 ans.
Son parcours d'artiste est assez atypique : il fut un conceptuel pur et dur, qui interrogeait le sens et la lecture des images, notamment d'archives ; il est devenu un photographe presque classique, qui réalisait des photos aux couleurs chaudes, précises et attractives, qui traitaient subtilement de notre environnement marchand, de notre mémoire collective, de sa famille.
Né à New York en 1946, élevé dans une banlieue résidentielle de Californie, Larry Sultan étudie les sciences politiques dans les années 1960, et milite pour un art qui investit la rue. Ce sont des années très politiques, notamment sous le trompeur soleil californien, qui voit plusieurs artistes conceptuels - Ed Ruscha, Richard Prince, Lewis Baltz, John Baldessari... - s'emparer des images mais qui n'ont que faire de la " belle " photographie. Ces artistes travaillent l'image neutre et sans qualité - le quotidien, la publicité, les documents d'archives - parfois à des fins politiques, pour montrer combien ces documents sont de la pâte à modeler à lectures multiples.
Larry Sultan collabore avec un étudiant rencontré au San Francisco Art Institute, Mike Mandel. Ensemble, ils placardent sur les murs de Los Angeles des panneaux grand format ornés de slogans énigmatiques. " Je voulais montrer comment la publicité crée du désir dans la société, dira le photographe au Monde en 2002. C'était une idéologie naïve, sans efficacité politique réelle. "
Larry Sultan et Mike Mandel publient en 1977 un livre devenu introuvable et culte, Evidence, qui veut dire " preuve ". L'ouvrage ne paie pas de mine. Les auteurs n'ont pas fait les photos, ils les ont trouvées dans des fonds d'une centaine d'entreprises et d'institutions américaines spécialisées en aéronautique, construction, médecine, agroalimentaire, police, recherche. Sultan et Mendel ont regardé 2 millions d'images. Ils en ont publié 59, mais sans légende, formant une narration énigmatique. Que signifient ces hommes en costume qui pataugent dans de la neige artificielle ? Ces fils électriques qui font des noeuds ? Cette voiture en flammes ?
En détournant ces images de leur usage, Evidence les fait brutalement basculer dans le champ de l'art. La notion d'auteur vacille, la lecture est brouillée. Ce qui était trivial devient complexe. C'est aussi une critique pleine d'humour de la photo comme preuve - la photo ne prouve rien. La démarche sera abondamment reprise, mais, à l'époque, le monde de l'art est secoué. " Les tenants de la photo traditionnelle n'ont pas compris. Et les artistes, me reprochant de ne pas situer les images dans un contexte politique, m'ont traité de réactionnaire. "
Le doute derrière la fascination
Poursuivant son travail sur les archives, Larry Sultan entreprend au début des années 1980 un projet de dix ans centré sur sa famille. Son père, Irving Sultan, vient de se faire licencier de son poste de directeur adjoint de son entreprise. Sultan compile d'anciennes photos de famille, des extraits de films, des portraits qu'il vient de réaliser avec ses parents. Il réunit le tout dans un livre mémorable, Pictures from Home (1992). Les images aux couleurs vives racontent le quotidien d'une famille et dévoilent ses efforts vains pour sauver les apparences alors que le rêve américain s'écroule.
Dans les années 1990, Larry Sultan photographie la banlieue où il a grandi sous un jour particulier : il se penche sur les riches demeures louées par leurs propriétaires, avocats ou dentistes, pour tourner des films pornographiques. Il montre les lieux, les décors, les acteurs de films porno - la région au doux climat est en pointe pour cette industrie. Surtout, il évacue les scènes torrides pour se focaliser sur l'avant et l'après des acteurs, qu'ils soient nus ou habillés. Femme en hauts talons qui négocie au téléphone les horaires de sa baby-sitter, homme nu qui s'appuie sur l'évier d'une cuisine équipée.
Le mélange entre l'industrie du sexe, privée d'une bonne part de son fantasme, et les lieux qui gardent la trace de leurs propriétaires, crée un étonnant ensemble, où on ne sait pas à quel monde appartient chaque élément. Les images, à fort potentiel cinématographique, ont été réunies dans un livre formidable, The Valley. Une fois encore, Larry Sultan introduit le doute derrière la fascination qu'engendrent les images.
Lors d'une fraîche soirée de juillet 2002, l'artiste, micro en main, grand écran derrière lui, avait livré une belle performance dans le Théâtre antique d'Arles, dans le cadre du festival photo de la ville. Mille cinq cents personnes conquises ont découvert son travail, qu'il commentait comme un crooner. " Je veux montrer comment on devient un artiste, démythifier ce processus fait d'hésitations et d'erreurs ", avait dit ce professeur d'art contemporain au California College of Arts and Craft de San Francisco. Il ajoutait : " Je crée avec mes images une architecture de la mémoire. "
Michel Guerrin et Claire Guillot
13 juillet 1946
Naissance à New York
1977
Publie avec Mike Mandel un livre-culte, " Evidence "
1992
" Pictures from Home "
2004
" The Valley "
13 décembre 2009
Mort à Greenbrae (Californie)
Le Monde
Re: La Chambre Claire
Hi Largo,
Si je me souviens bien, il me semble avoir lu qu'Ursula Meier avait donné des consignes à la directrice photo Agnès Godard (35 rhums, Trouble Every Day, Golden Door , L'intrus, Jacquot de Nantes, Beau travail...) portant sur le travail de Larry S.
J'ai souvent été plus sensible au(x) début(s) de Sultan
qu'aux pavillons des classes moyennes (US) disons plutôt bourgeoises, occupés par des acteurs pornos, à partir des années 90; couleurs vives et lignes rigides.
Au Lieu Unique, à Nantes, j'ai eu la chance un jour, lors d'une expo collective, de pouvoir feuilleter le fameux Pictures From Home, portant sur la famille de Sultan.
Tu peux le demander à Noel si tu le souhaites Largo.
Il est en vente pr la modique somme de:
http://www.amazon.co.uk/Pictures-Home-Larry-Sultan/dp/0810937212/ref=sr_1_2?ie=UTF8&s=books&qid=1261510099&sr=8-2
Sinon, tu peux retrouver partout le Valley.
Par contre celui ci est assez (re)connu.
http://www.amazon.fr/Valley-Larry-Sultan/dp/3908247799
Si je me souviens bien, il me semble avoir lu qu'Ursula Meier avait donné des consignes à la directrice photo Agnès Godard (35 rhums, Trouble Every Day, Golden Door , L'intrus, Jacquot de Nantes, Beau travail...) portant sur le travail de Larry S.
J'ai souvent été plus sensible au(x) début(s) de Sultan
qu'aux pavillons des classes moyennes (US) disons plutôt bourgeoises, occupés par des acteurs pornos, à partir des années 90; couleurs vives et lignes rigides.
Au Lieu Unique, à Nantes, j'ai eu la chance un jour, lors d'une expo collective, de pouvoir feuilleter le fameux Pictures From Home, portant sur la famille de Sultan.
Tu peux le demander à Noel si tu le souhaites Largo.
Il est en vente pr la modique somme de:
http://www.amazon.co.uk/Pictures-Home-Larry-Sultan/dp/0810937212/ref=sr_1_2?ie=UTF8&s=books&qid=1261510099&sr=8-2
Sinon, tu peux retrouver partout le Valley.
Par contre celui ci est assez (re)connu.
http://www.amazon.fr/Valley-Larry-Sultan/dp/3908247799
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