le cinéma de G. Gilles
le cinéma de G. Gilles
Hello,
J'ouvre ici un sujet à propos de G. Gilles. Je rappelle tout d'abord l'article passionné de Largo dans le numéro un des Spectres à propos du cinéaste. (moi-même, je n'ai pas encore relu l'article, j'attends d'en avoir découvert plus)
J'ai regardé "L'amour à la mer" (1963), un film qui me semble intéressant à regarder en cette période où on nous ressort le refrain du "cinéma c'est comme la vie, la vie c'est comme le cinéma" (ainsi que le constate la jeune amoureuse du film). J'en veux pour preuve le nouvel édito de Frodon aux Cahiers, moins pire que certaines fois mais qui cherche toujours le sensationnel dans le pas très nouveau, de même pour la grande redécouverte du partage impossible entre le doc et la fiction de l'année dernière datant déjà d'une autre époque. Il faudra se demander à l'occasion si, au tournant du XXe siècle, le cinéma ne patine pas quand même un peu, ressortant toujours les même questions ? Il est évident que Frodon ne rate jamais une occasion de nous répondre "non", mais je me méfie, comme dirait l'autre..
Pour en revenir au film, je l'ai trouvé très attachant. Tout est dit dans la phrase du film citée ci-dessus, je crois. Comment filmer, romancer, le destin ordinaire de jeune français moyens, peut-être un peu plus bohêmes que la moyenne..bien sûr ça respire le cinéma petit-bourgeois (qui semble se ficher pas mal de l'Algérie par exemple) avec ses petites questions existentielles mais GG monte ses images comme d'autres écrivent, ce cinéma-là est beaucoup plus respirable, libre, que les Honoré, Hansen-Love ou Mouret ramollos d'aujourd'hui, sans (imp)posture. Il y a un côté brouillon bouillonnant.
L'écart entre lui et le premier Godard (d'"a bout de souffle"), c'est, je crois qu'il ne cherche pas à faire de ses personnages des personnages de cinéma à proprement parler au contraire de Godard (mythe, tragédie). Il y a des citations, mais elles font partie du décors (d'époque, ça date le film, le souvenir). Le Mépris est cité par exemple, on passe devant un ciné qui le projette, mais je crois que ça s'arrête là même si l'une des filles essaye un chapeau pour ressembler à Dietrich à un moment donné (on pense à Piccoli qui imite Dean Martin dans le film de Godard). Avec les images qu'il bricole, deux ou trois personnes qui se racontent, cela devrait suffire pour faire du cinéma, toujours suivant le même axiome. Ca fonctionne très bien je crois parce qu'il y a quelque chose en toile de fond, un motif qui pousse GG dans le dos : la mélancolie.
On pourrait évoquer sa manière de filmer en "caméra à l'épaule", en mouvement ininterrompu, qui suit les gestes. Mais ici clairement il y a une quintessence recherchée au montage qui garde juste quelque chose de particulier, d'essentiel enregistré, au contraire d'un film comme "La graine et le mulet" qui accumule les prises directes, ne choisi pas grand chose au montage, ce qui provoque une sorte d'accumulation, de boulimie de mouvement à outrance.
Debord aussi, on peut se poser cette question un peu conne : après tout, pourquoi Debord n'a pas fait ce cinéma-là ?
à suivre..
J'ouvre ici un sujet à propos de G. Gilles. Je rappelle tout d'abord l'article passionné de Largo dans le numéro un des Spectres à propos du cinéaste. (moi-même, je n'ai pas encore relu l'article, j'attends d'en avoir découvert plus)
J'ai regardé "L'amour à la mer" (1963), un film qui me semble intéressant à regarder en cette période où on nous ressort le refrain du "cinéma c'est comme la vie, la vie c'est comme le cinéma" (ainsi que le constate la jeune amoureuse du film). J'en veux pour preuve le nouvel édito de Frodon aux Cahiers, moins pire que certaines fois mais qui cherche toujours le sensationnel dans le pas très nouveau, de même pour la grande redécouverte du partage impossible entre le doc et la fiction de l'année dernière datant déjà d'une autre époque. Il faudra se demander à l'occasion si, au tournant du XXe siècle, le cinéma ne patine pas quand même un peu, ressortant toujours les même questions ? Il est évident que Frodon ne rate jamais une occasion de nous répondre "non", mais je me méfie, comme dirait l'autre..
Pour en revenir au film, je l'ai trouvé très attachant. Tout est dit dans la phrase du film citée ci-dessus, je crois. Comment filmer, romancer, le destin ordinaire de jeune français moyens, peut-être un peu plus bohêmes que la moyenne..bien sûr ça respire le cinéma petit-bourgeois (qui semble se ficher pas mal de l'Algérie par exemple) avec ses petites questions existentielles mais GG monte ses images comme d'autres écrivent, ce cinéma-là est beaucoup plus respirable, libre, que les Honoré, Hansen-Love ou Mouret ramollos d'aujourd'hui, sans (imp)posture. Il y a un côté brouillon bouillonnant.
L'écart entre lui et le premier Godard (d'"a bout de souffle"), c'est, je crois qu'il ne cherche pas à faire de ses personnages des personnages de cinéma à proprement parler au contraire de Godard (mythe, tragédie). Il y a des citations, mais elles font partie du décors (d'époque, ça date le film, le souvenir). Le Mépris est cité par exemple, on passe devant un ciné qui le projette, mais je crois que ça s'arrête là même si l'une des filles essaye un chapeau pour ressembler à Dietrich à un moment donné (on pense à Piccoli qui imite Dean Martin dans le film de Godard). Avec les images qu'il bricole, deux ou trois personnes qui se racontent, cela devrait suffire pour faire du cinéma, toujours suivant le même axiome. Ca fonctionne très bien je crois parce qu'il y a quelque chose en toile de fond, un motif qui pousse GG dans le dos : la mélancolie.
On pourrait évoquer sa manière de filmer en "caméra à l'épaule", en mouvement ininterrompu, qui suit les gestes. Mais ici clairement il y a une quintessence recherchée au montage qui garde juste quelque chose de particulier, d'essentiel enregistré, au contraire d'un film comme "La graine et le mulet" qui accumule les prises directes, ne choisi pas grand chose au montage, ce qui provoque une sorte d'accumulation, de boulimie de mouvement à outrance.
Debord aussi, on peut se poser cette question un peu conne : après tout, pourquoi Debord n'a pas fait ce cinéma-là ?
à suivre..
Invité- Invité
Re: le cinéma de G. Gilles
Sans doute que "Au Pan Coupé" se prête mieux à la comparaison avec "A bout de souffle" d'une certaine manière, cette histoire d'amour entre un petit voyou et une jeune fille. Là-encore, il y a vraiment divergence à l'écriture. Là où Belmondo est tout en postures et en roublardises, joue déjà les cadors, Patrick Jouané est tout en blessure intérieure, écorché vif, il meurt discrètement à Lyon sur un terrain vague, mais aussi dans le film au détour d'un plan, quand la mort du personnage de Godard se transforme en grande tragédie. "A bout de souffle" fait dans la désinvolture, le bras d'honneur, même, là où le film de GG est beaucoup plus intimiste, timide mais sans trace de préciosité.
Michel dans "A bout de souffle" : "Si vous n'aimez pas la mer... si vous n'aimez pas la montagne... si vous n'aimez pas la ville... Allez-vous faire foutre !".
Malgré Jeanne, Jean n'aime pas la vie.
On retrouve bien ce dont on avait parlé à l'époque de ton article Largo (cette conversation m'est revenue lorsque je regardais le film), le passage de la couleur pour le passé joyeux et le noir et blanc pour le présent morne. Exactement comme dans "Bonjour Tristesse" de Preminger, mais là-encore, d'une manière plus fine, moins systématique, l'image est vraiment travaillée comme matière, de même que dans "L'amour à la mer".
Michel dans "A bout de souffle" : "Si vous n'aimez pas la mer... si vous n'aimez pas la montagne... si vous n'aimez pas la ville... Allez-vous faire foutre !".
Malgré Jeanne, Jean n'aime pas la vie.
On retrouve bien ce dont on avait parlé à l'époque de ton article Largo (cette conversation m'est revenue lorsque je regardais le film), le passage de la couleur pour le passé joyeux et le noir et blanc pour le présent morne. Exactement comme dans "Bonjour Tristesse" de Preminger, mais là-encore, d'une manière plus fine, moins systématique, l'image est vraiment travaillée comme matière, de même que dans "L'amour à la mer".
Invité- Invité
Re: le cinéma de G. Gilles
Salut JM,
Content de voir que les films de G. Gilles te plaisent. La mélancolie, l'intimisme, le travail délicat et poétique des images... Je souscris à toutes remarques qui raniment le souvenir que j'ai des films.
La comparaison avec A bout de Souffle est particulièrement éclairante.
Content de voir que les films de G. Gilles te plaisent. La mélancolie, l'intimisme, le travail délicat et poétique des images... Je souscris à toutes remarques qui raniment le souvenir que j'ai des films.
La comparaison avec A bout de Souffle est particulièrement éclairante.
Re: le cinéma de G. Gilles
Largo a écrit:Salut JM,
Content de voir que les films de G. Gilles te plaisent. La mélancolie, l'intimisme, le travail délicat et poétique des images...
Ce sont autant de territoires pour lesquels je suis quelque peu conquis d'avance ! Un grand merci pour cette découverte, en tout cas.
Non, rien de prévu pour le blog ou la revue. Il faut vivre !
Invité- Invité
Re: le cinéma de G. Gilles
Toujours à propos de "L'amour à la mer" (1963). Il y a une séquence dans le film, lorsque Guy évoque ses vagabondages seul dans Paris, qui m'évoque particulièrement le "Taxi Driver" de Scorsese (1976). Les deux cinéastes rendent compte avec la même vérité saisissante de ce qu'est la solitude dans une grande ville (NY-Paris). Ils en rendent compte, avec leurs sentiments, leurs états respectifs (mélancolie pour GG, frustration pour MS), avec d'autant plus de vérité que, s'il on en juge par leurs divers apparitions dans les films (c'est GG lui-même qui joue le personnage dans son film) ainsi que par différents témoignages, ceux-ci sont largement autobiographiques. Il y a aussi les travellings nocturnes sur les façades des clubs de Pigalle, une même fascination pour le monde nocturne de la part de cinéastes qui l'ont habité.
Invité- Invité
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