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"sans titre", un peu d'art contemporain (conceptuel, dématérialisé, le nom que bon nous semblera)

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Message par wootsuibrick Ven 21 Nov 2014 - 18:08

 
1. Utopie

 
C’est un work-in-progress.

Il change de forme lorqu’on le renomme.
Le nom de l’œuvre c’est son prix, sa valeur en argent.
Par exemple, « dix euros ».

 Sa forme, sa matière c’est ce qu’annonce son nom, c’est à dire dix euros en argent liquide présentés à la vue d’un public « d’art » lorsque l’œuvre est exposée.
On peut renommer cette œuvre à partir de cette base.
La renommer c’est soit augmenter son prix, soit l’abaisser.
Renommer « dix euros » en « vingt euros », par exemple, change la forme de l’œuvre, on ajoute dix euros en liquide à la base des dix premiers euros.
L’opération est rejouable tant qu’elle est possible.

 
La question est dés lors comment la forme de l’œuvre signale-t-elle le fait qu’elle est  un work-in-progress ?

 
Si il y a en dehors de l’œuvre une consigne, son unité est annulée.
Si l’œuvre se présente seule, son aspect tautologique ne sous-entend ni work-in-progress, ni marché.
Faut-il alors nommer l’œuvre d’une manière non tautologique en lui donnant pour nom un prix différent de ce qu’elle est ?
Par exemple, on présente dix euros et on donne comme titre « vingt euros ».
Une fois ces dix euros achetés à vingt euros, on y ajoute les dix euros et l’œuvre passe à la personne qui l’a achetée.
Dix euros supplémentaires en liquide ayant été ajoutés, et l’œuvre ayant gagné en volume, on la renomme à un nouveau prix, différent de sa forme composée d’argent liquide à vingt euros.

Que se passerait-il dés lors dans le cadre d’enchères ?

L’œuvre n’a-t-elle plus de titre ? Vingt euros seraient-ils renommés « sans-titre » ?
L’œuvre est-elle, par exemple, juste une liquidité à dix euros qui ne prendra de nom qu’à la fin de l’enchère ?  


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Message par wootsuibrick Ven 21 Nov 2014 - 18:39

2. Rêverie
 
Si cette œuvre devait se concrétiser, je me permets de croire qu'elle serait la première œuvre du marché de l'art à être potentiellement totalement gratuite, dans le sens où elle n'aurait rien coûté pour sa fabrication.
Mais pour se faire, il faudrait que ce soit son premier acheteur qui la vende pour la première et dernière fois.
Si elle se vend plus d'une fois, c'est une autre histoire...


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Message par wootsuibrick Sam 22 Nov 2014 - 4:16

 
3. Critique

 

Il ne faut voir aucune radicalité dans l’œuvre que nous décrivons ici, elle est traditionnelle, purement traditionnelle. Ce, malgré la chimère qui peuple cette tradition : la croyance en sa radicalité, en sa capacité à rompre avec ce qui s’est fait avant l’œuvre en mettant en avant une pure originalité qui ferait gage de qualité.

Dans la tradition construite de Duchamp à Fluxus en passant par le dollar d'Andy Warhol l’œuvre rêvée dans ce texte s’inscrit donc. Le contexte discursif, critique ou institutionnel participant fortement à la forme de l'œuvre même, il fonctionne comme signe dominant identifiant cette tradition. Tradition qu’on peut historiciser en nommant sa tendance la mieux caractérisée « art conceptuel ». 

 Actuellement la mode est à la création d'institutions, de formes administratives qui sont l'œuvre en elle-même. 

Ici d'une manière qui rejoint le dollar d'Andy Warhol, il s'agit de donner forme « artistique » au marché. Sauf que le dollar d'Andy Warhol donne forme au marché en restant dans l'idée, le dollar est en effet symbolique comme on dit, sa forme n'épouse pas les formes du marché. Il s'agit donc surtout de pousser la démarche à son paroxysme au point d'annuler le marché tout en l'employant ; ainsi l'argent qui serait investit dans l'œuvre perdrait sa fonction d'argent. Rendre à l'argent, qui a donné à l'œuvre sa forme, sa fonction en l'utilisant hors de la forme de l'œuvre, serait interrompre le work-in-progress ou annuler l'œuvre. 

A moins qu'il soit permis de mutiler momentanément l'œuvre, ce qui de toute façon nuit à son unité en en faisant juste de l'argent liquide stocké dans un lieu : une banque comme une autre dans le système capitaliste.

 Il me semble que certains artistes créent des banques. Il ne s'agit pas  ici de créer une banque, mais plutôt de tenter de trahir le principe de la banque du système capitaliste tout en étant dans sa logique. L'œuvre en retirant la banque du flux social, trahit sa fonction tout en gardant sa logique.

 Il faut donc revoir la troisième ligne du troisième paragraphe de la première  partie de ce texte et ne pas permettre qu'il soit possible d'abaisser la renommer de l'œuvre.

Mais cette manière de procéder ne trahit-elle pas la forme du marché que l'œuvre était censée épouser ?
Et ne nuit-elle pas ainsi à la cohérence interne de l'œuvre, en apportant une consigne qui est extérieure à ce qu'induit sa forme?

Peut-être que le plus intéressant en gardant cette ligne serait que l'abaissement  de la renommer de l'œuvre soit le seul moyen d'en tirer profit. L'augmentation de sa renommer ne faisant que geler des avoirs sous forme d'argent liquide.

 Il y a de toute manière une incohérence à la base de l'œuvre qui la rend peu lisible comme œuvre d'art au sens traditionnel.

En effet, qu'est-ce qui dans l'œuvre induit qu'il faille à la base, en jouant dans les lois du marché, lui injecter de la liquidité afin de faire évoluer sa forme?

Au fond c'est uniquement cette possibilité formelle qui est appelée par une fonction extérieure à la forme de l'œuvre qui fait sa différence avec le billet d'un dollar d'Andy Warhol…
Comme nous l'avons dit plus haut, un code extérieur à la forme de l'œuvre qui fonctionnerait comme consigne annule son unité en la faisant passer du statut d'œuvre tel qu'on l'entend de manière traditionnelle, au statut de "jeu". Il ne s'agirait alors pas d'un work-in-progress mais d'un jeu. Un jeu dont le principal intérêt serait l’effet de sa règle.
Une œuvre nulle ou pauvre, en quelque sorte. Bien loin de ce que Marcel Duchamp concevait d’artistique dans le jeu d’échec. 
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