Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
3 participants
Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Dans des cadres de discussions entre amis et aussi dans des cadres "académiques",
Je suis à fond en ce moment sur la question du hors/champ et du hors/cadre,
Je laisse ici ce que j'en ai dit dans des discussions avec des amis :
« Le hors-champ renvoie à ce qu’on n’entend ni ne voit, pourtant parfaitement présent. (…) Mais, si un ensemble partiel ne communique formellement avec son hors-champ que par des caractères positifs du cadre et du recadrage, il est vrai aussi qu’un système clos, même très refermé, ne supprime le hors-champ qu’en apparence, et lui donne à sa manière une importance aussi décisive, plus décisive encore. Tout cadrage détermine un hors-champ. Il n y a pas deux types de cadre dont l’un seulement renverrait au hors-champ, il y a plutôt deux aspects très différents du hors-champ dont chacun renvoie à un mode de cadrage. »
« C’est pourquoi nous disions qu’il y a toujours un hors-champ, même dans l’image la plus close. Et qu’il y a toujours à la fois les deux aspects du hors-champ, le rapport actualisable avec d’autres ensembles, le rapport virtuel avec le tout. Mais, dans un cas, le second rapport, le plus mystérieux, sera atteint indirectement, à l’infini, par l’intermédiaire et l’extension du premier, dans la succession des images ; dans l’autre cas, il serait atteint plus directement, dans l’image même, et par limitation et neutralisation du premier. »
Deleuze, Gilles, L’image-mouvement, page 28 et page 31, Les éditions de minuit
_________________________________________
J'ai commencé à réfléchir plus sérieusement à la question du champ et du hors champ, et j'avoue être assez étonné, je me rend compte du fait qu'elle n'est absolument pas évidente, qu'il n y a pas de praxis là dedans, ça donne d'ailleurs sur des textes qui me semblent très confus comme celui-ci : http://decadrages.revues.org/590
Si je comprend bien les termes, le cadre et le hors-cadre c'est bien des choses qui n'ont à faire qu'avec le réel, c'est à dire que c'est vraiment ce qui se trouve hors de l'œil de la caméra et non pas ce qui se trouve hors de l'image construite par la "fiction"?
Le hors champ pouvant selon le genre, la nature de l'image être soit quelque chose qui se passe hors-cadre soit un construit que la fiction situe hors de l'image?
Donc il n y aurait pas de hors cadre en animation 2D, par exemple, mais peut-être juste du hors-champ ou rien d'autre que l'image?
Ces questions me sont venues à partir d'un déclic que j'ai eu face à ce clip... ceci dit en terme esthétique il n y a peut-être absolument pas de hors champ dans ce clip, c’est une imagerie close (pauvre ?), le hors champ dont je parle à partir de lui est juste théorique, une espèce de pseudo-sémiologie en quelque sorte (ça aurait pu être face à H/Story de Nobuhiro Suwa ceci dit) : https://www.youtube.com/watch?v=UoK8DaJRDaM
Voici ce que j'ai tenté d'en dire :
"Je me suis rendu compte ce matin en le revoyant avec ma fille, que ce clip pouvait m'aider à réfléchir à certaines notions, notamment comme illustration de l'idée de continuité-discontinuité, entre le décor construit par le champ qui cadre la fiction, le monde figuré, représenté et le hors-champ qui serait (dans un continuum) entre l'ordre de la fiction et l'ordre du réel (il y a carrément « confusion », « synchronie » avec le réel lorsque le hors-champ et le hors-cadre ne font qu'un).
Dans ce clip y a un mouvement assez pervers qui fait que malgré que le décor en carton qui porte l’imagerie de la « fiction » apparaisse dans un studio apparent dans le champ (le studio supposé réel dans lequel a été filmé le clip), l'effet "de réel" est neutralisé. L'emploi du fond vert vers la fin du clip va dans le même sens, il n'apparait pas comme un "envers du décor" malgré le fait qu'il le soit en effet.. mais plus comme un élément de la "fiction" du clip.
Le hors champ, qu'on suppose réel, vu que le décor nous apparait comme le lieu réel où a lieu l'enregistrement du clip, lui, est donc en continuité de ce qui est figuré... tout en étant pas dans une continuité donnée par un effet de réel qu'on trouve traditionnellement dans le genre "documentaire"... vu que l'effet "figural", "esthétique" est fort.
C'est assez paradoxal en faite.
Les boules à facettes qui participent aux décors en carton (qui font la fiction et l'univers kawaiikitsch de kyary pamyu pamyu), ainsi qu'à l'espace du studio, figurent cette ambigüité je crois...
Ce qui est hors cadre ici, donc le réel, est très proche du hors-champ que laisse figurer les éléments et effets "fictionnels" qui se jouent dans le cadre. On a quelque chose de l'ordre du "making of", mais ce n'est pas un "making of"."
____________________________________
Hors/Champ ambiguë.
Pour aller trop vite en besogne j'aurai tendance à dire que :
Lorsque dans une "fiction" le personnage sort (totalement) du cadre il redevient l'acteur ou la personne qui a incarné le personnage.
Lorsque le personnage sort du champ il est toujours le personnage
Hors cadre, c'est la machinerie de fabrication du film
Hors champ, c'est le monde de la fiction
Distinction, définition trop facile?
En effet il y a schizophrénie, lorsqu'on regarde le personnage dans le champ, on sait , tout en acceptant sa fiction, qu’il s’agit de l’actrice Nicole Kidman, par exemple.
Cependant bien qu'il y ait schizophrénie, il y a quand même deux choses distinctes, et non pas l'une dans l'autre, sinon la fiction serait illisible et la théorie qui partirait de cet illisible, serait la théorie d'un phénomène très particulier, absolument pas dans la psyché d'un monde "commun".
Ce qui n'empêche pas de tenter le diable, en refusant le confort suspect de la définition que je viens de donner.
------------------------------------------------
enfin une réponse à un ami, auquel je me sentais opposé... et auquel j'ai fait une réponse peut-être trop générale...
cet ami disait en gros qu'il voyait le "doute" comme un moyen d'augmenter le territoire du réel, et traduisait ça en un hors-champ qui travaillerait pour augmenter ce champ du réel... " le réel comme espace du « Roi » , le Real espace de la loi du Roi."
ma réponse :
Vu que nos approches du hors-champ se disputent... Quelques généralités, donc :
Le hors-champ est, certes, quelque chose qui nourrit le champ (dans le sens où il agrandit sa portée) ou plutôt nourrit une certaine idée du champ, mais il nourrit à partir de ce qui se laisse deviner à partir du champ. En gros le hors champ est une trace lisible sur le champ, directement sur le champ.
Le hors-champ est hors du champ comme le terme l'indique, mais il est hors du champ à partir d'un paradigme commun... le hors champ n'apporte pas de paradigme extérieur au paradigme posé par le champ, ils sont dans une dialectique appartenant au même ordre symbolique, comme le yin et le yang, le bien et le mal. Le mal est hors du bien, mais il ne se détermine que par le biais du "bien" ; en quelque sorte sans le "bien" pas de possibilité de penser le "mal" comme une valeur extérieure au bien. Vu que le bien s'attribu le bon rôle, le mal est une invention du bien, comme l'athéisme est une invention du théisme. C'est dans ce sens que l'article que je cite dans un des messages que je t'ai envoyé il y a quelques semaines, traite le hors-champ de valeur "petite bourgeoise" et va même jusqu'à travers d'autres exemples, l'annuler. Car si le champ détermine le hors-champ et n'est pas menacé dans son unité, par lui... le hors-champ est dans le champ, il est juste une codification à lire directement sur la surface du champ. La terminologie piège un peu la question en quelque sorte... vu que la terminologie en elle-même lie les deux notions.
Ce qui se passe "réellement" hors-champ dans le sens que tu sembles prendre (augmentation du réel), malgré la terminologie et son histoire, ne doit pas se définir à partir du champ.
Ce qui est impossible à partir du moment où l'on attribu le sens du champ à la psychologie du regardeur. Si le champ est bien l'objet du regardeur qui détermine le "hors-champ" c'est bien à partir du champ que le regardeur déduit un hors-champ, sinon l'objet en soi n'a aucune utilité, même en tant que prétexte à un discours ou une pensée.
Le doute "méthodique" tel que tu sembles vouloir l'employer, me fait penser à la philosophie cartésienne, du moins à sa doxa... C'est à dire qu'à partir d'une critique des connaissances connues on trouve des définitions "nouvelles", plus juste. Lorsque le "réel" est radicalement dépassé par ce que révèle ce qui se passe en dehors de lui (ce que tu appelles hors-champ), il y a changement de paradigme. Ce qui se révèle n'est donc pas un hors-champ, vu qu'il s'oppose au champ en révèlant que ce qui se lisait en lui était incomplet ou faux.
Ce qui est faux n'est pas juste extérieur au juste, c'est aussi ce qui restreint la vision ou plutôt ce que la vision restreint.
Un exemple littéral à la con : on dit qu'en se contentant de ce qu'elles voyaient les civilisations passées pensaient le soleil comme un objet qui tourne autour de la terre, alors qu'en sortant du champ de la vision purement occulaire avec des moyens technologiques on a constaté le contraire.
Ici le champ serait la vision humaine normale, celle que nous permettent nos organes naturels, et ce champ par l'emploi d'un outil qui n'est pas juste le doute, mais la technologie permettant de donner à voir ce dont on ne se doutait pas en se basant juste sur nos organes naturels, révèle que "hors du champ" de la vision commune c'est la terre qui tourne autour du soleil. Il y a eu une remise en cause de lois dues à des expériences communes par "un doute" qui a mené à un changement de ces lois. Le réel en soi n'a pas changé, il a juste révélé que ce qui le précédait était une illusion. On continu dans le champ construit par nos organes naturels à voir que la terre est immobile, mais le savoir que nous a apporté la technologie et la science, sans que pour autant nous ayons changé de perception naturelle nous dit à partir du "hors-champ", que la terre tourne autour du soleil. Il n y a aucun trouble à ce que ces deux ordres se superposent, l'illusion, le faux n'est donc pas dans la manière dont nous percevons, mais dans la manière dont nous le connotons. Une loi devait en remplacer une autre pour que le monde, le "réel" ne reste pas dans une "pure fiction".
A chaque fois que le hors-champ par le biais de la pensée révèle un dehors du champ, il s'inclut dans le champ... Mais reste que ce qui est "réellement" hors champ, hors-pensée agit, malgré le paradoxe de mon énonciation, sur le mouvement de la pensée, il agit car nous ne pouvons que douter de nos acquis, ou alors en désirer d'autres. Les acquis qui s'ajoutent par le travail du doute n'augmentent pas seulement le réel, ils le requestionnent, parfois le redéfinissent. Mais ici, dans ce texte, repérer le "doute" comme outil, en faire un moyen méthodologique, lui enlève sa nature première, nature première qui serait liée à l'angoisse d'une tension entre le fini de notre nature et l'infini de ce qui l'entoure. Penser le doute comme clé, et en être persuadé c'est l'inclure au champ en quelque sorte... Un serpent qui se mord la queue. Toujours... Car lorsque le doute étend le fini, il ne restreint nullement l'infini.
Je suis à fond en ce moment sur la question du hors/champ et du hors/cadre,
Je laisse ici ce que j'en ai dit dans des discussions avec des amis :
« Le hors-champ renvoie à ce qu’on n’entend ni ne voit, pourtant parfaitement présent. (…) Mais, si un ensemble partiel ne communique formellement avec son hors-champ que par des caractères positifs du cadre et du recadrage, il est vrai aussi qu’un système clos, même très refermé, ne supprime le hors-champ qu’en apparence, et lui donne à sa manière une importance aussi décisive, plus décisive encore. Tout cadrage détermine un hors-champ. Il n y a pas deux types de cadre dont l’un seulement renverrait au hors-champ, il y a plutôt deux aspects très différents du hors-champ dont chacun renvoie à un mode de cadrage. »
« C’est pourquoi nous disions qu’il y a toujours un hors-champ, même dans l’image la plus close. Et qu’il y a toujours à la fois les deux aspects du hors-champ, le rapport actualisable avec d’autres ensembles, le rapport virtuel avec le tout. Mais, dans un cas, le second rapport, le plus mystérieux, sera atteint indirectement, à l’infini, par l’intermédiaire et l’extension du premier, dans la succession des images ; dans l’autre cas, il serait atteint plus directement, dans l’image même, et par limitation et neutralisation du premier. »
Deleuze, Gilles, L’image-mouvement, page 28 et page 31, Les éditions de minuit
_________________________________________
J'ai commencé à réfléchir plus sérieusement à la question du champ et du hors champ, et j'avoue être assez étonné, je me rend compte du fait qu'elle n'est absolument pas évidente, qu'il n y a pas de praxis là dedans, ça donne d'ailleurs sur des textes qui me semblent très confus comme celui-ci : http://decadrages.revues.org/590
Si je comprend bien les termes, le cadre et le hors-cadre c'est bien des choses qui n'ont à faire qu'avec le réel, c'est à dire que c'est vraiment ce qui se trouve hors de l'œil de la caméra et non pas ce qui se trouve hors de l'image construite par la "fiction"?
Le hors champ pouvant selon le genre, la nature de l'image être soit quelque chose qui se passe hors-cadre soit un construit que la fiction situe hors de l'image?
Donc il n y aurait pas de hors cadre en animation 2D, par exemple, mais peut-être juste du hors-champ ou rien d'autre que l'image?
Ces questions me sont venues à partir d'un déclic que j'ai eu face à ce clip... ceci dit en terme esthétique il n y a peut-être absolument pas de hors champ dans ce clip, c’est une imagerie close (pauvre ?), le hors champ dont je parle à partir de lui est juste théorique, une espèce de pseudo-sémiologie en quelque sorte (ça aurait pu être face à H/Story de Nobuhiro Suwa ceci dit) : https://www.youtube.com/watch?v=UoK8DaJRDaM
Voici ce que j'ai tenté d'en dire :
"Je me suis rendu compte ce matin en le revoyant avec ma fille, que ce clip pouvait m'aider à réfléchir à certaines notions, notamment comme illustration de l'idée de continuité-discontinuité, entre le décor construit par le champ qui cadre la fiction, le monde figuré, représenté et le hors-champ qui serait (dans un continuum) entre l'ordre de la fiction et l'ordre du réel (il y a carrément « confusion », « synchronie » avec le réel lorsque le hors-champ et le hors-cadre ne font qu'un).
Dans ce clip y a un mouvement assez pervers qui fait que malgré que le décor en carton qui porte l’imagerie de la « fiction » apparaisse dans un studio apparent dans le champ (le studio supposé réel dans lequel a été filmé le clip), l'effet "de réel" est neutralisé. L'emploi du fond vert vers la fin du clip va dans le même sens, il n'apparait pas comme un "envers du décor" malgré le fait qu'il le soit en effet.. mais plus comme un élément de la "fiction" du clip.
Le hors champ, qu'on suppose réel, vu que le décor nous apparait comme le lieu réel où a lieu l'enregistrement du clip, lui, est donc en continuité de ce qui est figuré... tout en étant pas dans une continuité donnée par un effet de réel qu'on trouve traditionnellement dans le genre "documentaire"... vu que l'effet "figural", "esthétique" est fort.
C'est assez paradoxal en faite.
Les boules à facettes qui participent aux décors en carton (qui font la fiction et l'univers kawaiikitsch de kyary pamyu pamyu), ainsi qu'à l'espace du studio, figurent cette ambigüité je crois...
Ce qui est hors cadre ici, donc le réel, est très proche du hors-champ que laisse figurer les éléments et effets "fictionnels" qui se jouent dans le cadre. On a quelque chose de l'ordre du "making of", mais ce n'est pas un "making of"."
____________________________________
Hors/Champ ambiguë.
Pour aller trop vite en besogne j'aurai tendance à dire que :
Lorsque dans une "fiction" le personnage sort (totalement) du cadre il redevient l'acteur ou la personne qui a incarné le personnage.
Lorsque le personnage sort du champ il est toujours le personnage
Hors cadre, c'est la machinerie de fabrication du film
Hors champ, c'est le monde de la fiction
Distinction, définition trop facile?
En effet il y a schizophrénie, lorsqu'on regarde le personnage dans le champ, on sait , tout en acceptant sa fiction, qu’il s’agit de l’actrice Nicole Kidman, par exemple.
Cependant bien qu'il y ait schizophrénie, il y a quand même deux choses distinctes, et non pas l'une dans l'autre, sinon la fiction serait illisible et la théorie qui partirait de cet illisible, serait la théorie d'un phénomène très particulier, absolument pas dans la psyché d'un monde "commun".
Ce qui n'empêche pas de tenter le diable, en refusant le confort suspect de la définition que je viens de donner.
------------------------------------------------
enfin une réponse à un ami, auquel je me sentais opposé... et auquel j'ai fait une réponse peut-être trop générale...
cet ami disait en gros qu'il voyait le "doute" comme un moyen d'augmenter le territoire du réel, et traduisait ça en un hors-champ qui travaillerait pour augmenter ce champ du réel... " le réel comme espace du « Roi » , le Real espace de la loi du Roi."
ma réponse :
Vu que nos approches du hors-champ se disputent... Quelques généralités, donc :
Le hors-champ est, certes, quelque chose qui nourrit le champ (dans le sens où il agrandit sa portée) ou plutôt nourrit une certaine idée du champ, mais il nourrit à partir de ce qui se laisse deviner à partir du champ. En gros le hors champ est une trace lisible sur le champ, directement sur le champ.
Le hors-champ est hors du champ comme le terme l'indique, mais il est hors du champ à partir d'un paradigme commun... le hors champ n'apporte pas de paradigme extérieur au paradigme posé par le champ, ils sont dans une dialectique appartenant au même ordre symbolique, comme le yin et le yang, le bien et le mal. Le mal est hors du bien, mais il ne se détermine que par le biais du "bien" ; en quelque sorte sans le "bien" pas de possibilité de penser le "mal" comme une valeur extérieure au bien. Vu que le bien s'attribu le bon rôle, le mal est une invention du bien, comme l'athéisme est une invention du théisme. C'est dans ce sens que l'article que je cite dans un des messages que je t'ai envoyé il y a quelques semaines, traite le hors-champ de valeur "petite bourgeoise" et va même jusqu'à travers d'autres exemples, l'annuler. Car si le champ détermine le hors-champ et n'est pas menacé dans son unité, par lui... le hors-champ est dans le champ, il est juste une codification à lire directement sur la surface du champ. La terminologie piège un peu la question en quelque sorte... vu que la terminologie en elle-même lie les deux notions.
Ce qui se passe "réellement" hors-champ dans le sens que tu sembles prendre (augmentation du réel), malgré la terminologie et son histoire, ne doit pas se définir à partir du champ.
Ce qui est impossible à partir du moment où l'on attribu le sens du champ à la psychologie du regardeur. Si le champ est bien l'objet du regardeur qui détermine le "hors-champ" c'est bien à partir du champ que le regardeur déduit un hors-champ, sinon l'objet en soi n'a aucune utilité, même en tant que prétexte à un discours ou une pensée.
Le doute "méthodique" tel que tu sembles vouloir l'employer, me fait penser à la philosophie cartésienne, du moins à sa doxa... C'est à dire qu'à partir d'une critique des connaissances connues on trouve des définitions "nouvelles", plus juste. Lorsque le "réel" est radicalement dépassé par ce que révèle ce qui se passe en dehors de lui (ce que tu appelles hors-champ), il y a changement de paradigme. Ce qui se révèle n'est donc pas un hors-champ, vu qu'il s'oppose au champ en révèlant que ce qui se lisait en lui était incomplet ou faux.
Ce qui est faux n'est pas juste extérieur au juste, c'est aussi ce qui restreint la vision ou plutôt ce que la vision restreint.
Un exemple littéral à la con : on dit qu'en se contentant de ce qu'elles voyaient les civilisations passées pensaient le soleil comme un objet qui tourne autour de la terre, alors qu'en sortant du champ de la vision purement occulaire avec des moyens technologiques on a constaté le contraire.
Ici le champ serait la vision humaine normale, celle que nous permettent nos organes naturels, et ce champ par l'emploi d'un outil qui n'est pas juste le doute, mais la technologie permettant de donner à voir ce dont on ne se doutait pas en se basant juste sur nos organes naturels, révèle que "hors du champ" de la vision commune c'est la terre qui tourne autour du soleil. Il y a eu une remise en cause de lois dues à des expériences communes par "un doute" qui a mené à un changement de ces lois. Le réel en soi n'a pas changé, il a juste révélé que ce qui le précédait était une illusion. On continu dans le champ construit par nos organes naturels à voir que la terre est immobile, mais le savoir que nous a apporté la technologie et la science, sans que pour autant nous ayons changé de perception naturelle nous dit à partir du "hors-champ", que la terre tourne autour du soleil. Il n y a aucun trouble à ce que ces deux ordres se superposent, l'illusion, le faux n'est donc pas dans la manière dont nous percevons, mais dans la manière dont nous le connotons. Une loi devait en remplacer une autre pour que le monde, le "réel" ne reste pas dans une "pure fiction".
A chaque fois que le hors-champ par le biais de la pensée révèle un dehors du champ, il s'inclut dans le champ... Mais reste que ce qui est "réellement" hors champ, hors-pensée agit, malgré le paradoxe de mon énonciation, sur le mouvement de la pensée, il agit car nous ne pouvons que douter de nos acquis, ou alors en désirer d'autres. Les acquis qui s'ajoutent par le travail du doute n'augmentent pas seulement le réel, ils le requestionnent, parfois le redéfinissent. Mais ici, dans ce texte, repérer le "doute" comme outil, en faire un moyen méthodologique, lui enlève sa nature première, nature première qui serait liée à l'angoisse d'une tension entre le fini de notre nature et l'infini de ce qui l'entoure. Penser le doute comme clé, et en être persuadé c'est l'inclure au champ en quelque sorte... Un serpent qui se mord la queue. Toujours... Car lorsque le doute étend le fini, il ne restreint nullement l'infini.
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Quel sujet... il en avait été question, je me souviens, sur le forum des Cahiers, avec GM, notamment; hasardons quelques remarques, de quoi cadrer le sujet
Pour le cadre, faudrait partir de la peinture, je crois, puisque c'est à elle que le mot renvoie d'abord. Le cadre, dans ce cas, pour le dire simplement, c'est ce qui sépare la toile du monde réel, de notre monde, du monde du spectateur (à chaque fois différent). On dira que les choses sont plus complexes; sans doute, elles le sont, elles le sont toujours : y a pas le monde du tableau ou le monde-tableau (deux choses très différentes) et le monde du spectateur, hors du tableau (tout tableau, qui compte, inscrit le regard dans son champ, dans son univers peint, il ordonne le regard. Hitch disait mettre en scène le spectateur, tout les créateurs le font. Ils nous inscrivent dans l'espace de leur fiction, si bien que devient difficile de séparer le regard réel, dirigé du réel vers la fiction et le regard irréel à quoi, à qui nous sommes identifiés par le peintre et le tableau).
Mais avant d'aller aussi loin, aussi vite, faut simplifier les choses, les voir dans leur évidence. Soyons aussi pragmatiques que les voleurs, qui quand ils volent une toile, la séparent de son cadre (là on peut joueur sur les mots, et sur le terme cadre; le cadre, c'est aussi l'espace-temps où l'on voit le tableau, le musée par exemple; les cadres peuvent s'engendrer à l'infini, comme dans un Nolan).
Bazin cherchant à distinguer la peinture de la photo avait écrit : "L'univers esthétique du peintre est hétérogène à l'univers qui l'entoure. Le cadre enclave un microcosme substantiellement et essentiellement différent. L'existence de l'objet photographié participe au contraire de l'existence du modèle comme une emprunte digitale. Par là, elle s'ajoute réellement à la création naturelle au lieu de lui en substituer une autre." (Bazin)
Le cadre sépare la toile du monde (Dans "la vérité en peinture", Derrida complique les choses).
C'est dans les limites de la toile que l'on peut dégager un champ : le champ est interne à l'espace de la toile (qui n'est pas l'espace empirique, matériel, la couleur, les traits...) comme son hors champ d'ailleurs. Entre les deux n'existe pas de tracé, de frontière, de ligne réelle, qui séparerait le visible et l'invisible, ce que nous ne voyons pas, mais imaginons, pensons (totalement ou en partie). Si l'univers-de-la-toile est hétérogène à celui où elle se trouve, on peut aussi cependant imaginer un hors-cadre : le peintre peignant, son atelier, son époque, ou voir dans le personnage biblique peint par Rembrandt, par exemple, sa femme, ou je ne sais quel autre modèle...
Il ne s'agit pas de "schizophrénie", mais du problème de la focalisation de l'attention, de l'interprétation, du "voir comme" ou "voir en tant que " (wittgenstein et Husserl). J'avais parlé de ça, sur le forum, y a pas mal de temps. On peut voir une chose de plusieurs manières, sans que la chose change : Canard-Lapin. Je peux voir une femme comme "Nicole", comme "l'amie de ma voisine", "une vraie conne", "une secrétaire"...
C'est une affaire d'interprétation, pas de perception (cf Wittgenstein). En fait, dans un film, sur l'écran, il n' y a pas seulement Nicole Kidman et le personnage qu'elle joue, il faut distinguer trois êtres au moins, NK, être empirique (à la fois réel et construit), NK, la star construite par ses rôles, et le personnage qu'elle joue (cf Cavell, ses analyses de la différence entre l'acteur de théâtre et la star de cinéma). Un spectateur qui n'a pas participé au tournage ne peut pas voir NK en tant qu'actrice, le cadre et le hors cadre lui sont interdits; il peut imaginer le tournage, l'espace du tournage, les décors, ou le lieu réel, mais pas se rapporter à lui en tant que réalité passée; le cadre et le hors cadre pour lui ne sont jamais que des êtres d'imagination. Pendant le tournage, au contraire, on n'a jamais affaire qu'à du "réel"; il n'y a pas encore de champ et de hors champ, mais seulement du cadre et du hors cadre... Le champ-cinéma est un produit du montage, il ne commence à exister qu'une fois le film monté, achevé.
Le hors-champ est antérieur au champ : si on ne pense pas, imagine pas le hors-champ, il est impossible de voir ce qui est dans le champ. Le hors-champs, comme dirait Kant, c'est ce qui ne peut être que pensé et imaginé, mais en un sens fort; il ne s'agit pas seulement de penser, imaginer, ce que l'on ne voit pas temporairement, ou ce qu'on ne voit plus, mais bien plus des conditions mêmes de la visibilité et du visible; le hors champs, comme condition du regard, comme condition de la perception. L'invisible qui rend visible le visible (une idée)... ? Mais où est cet invisible, dans nos têtes, notre savoir, est-il subjectif ? Sans doute, pas Le hors champ d'un film n'est pas celui d'un autre.
Pourquoi certains films n'ont-ils pas de hors-champs ? Si tu ne filmes que le visible tu fais un téléfilm disait Godard, c'est un peu ça. Si tu ne filmes pas de hors-champ, ce qui ne peut pas être vu, mais qui est la condition de vision et de visibilité du film, tu ne fais pas de cinéma. Le hors-champs, serait-ce le cinéma même ? Je crois pas, surtout que je sais pas du tout ce qu'est le cinéma, tout en le sachant absolument, sans quoi jamais je ne pourrais regarder, voir un film en tant que film.
Le hors-champ serait-ce le sujet du film ?
Hors sujet ?
Pour le cadre, faudrait partir de la peinture, je crois, puisque c'est à elle que le mot renvoie d'abord. Le cadre, dans ce cas, pour le dire simplement, c'est ce qui sépare la toile du monde réel, de notre monde, du monde du spectateur (à chaque fois différent). On dira que les choses sont plus complexes; sans doute, elles le sont, elles le sont toujours : y a pas le monde du tableau ou le monde-tableau (deux choses très différentes) et le monde du spectateur, hors du tableau (tout tableau, qui compte, inscrit le regard dans son champ, dans son univers peint, il ordonne le regard. Hitch disait mettre en scène le spectateur, tout les créateurs le font. Ils nous inscrivent dans l'espace de leur fiction, si bien que devient difficile de séparer le regard réel, dirigé du réel vers la fiction et le regard irréel à quoi, à qui nous sommes identifiés par le peintre et le tableau).
Mais avant d'aller aussi loin, aussi vite, faut simplifier les choses, les voir dans leur évidence. Soyons aussi pragmatiques que les voleurs, qui quand ils volent une toile, la séparent de son cadre (là on peut joueur sur les mots, et sur le terme cadre; le cadre, c'est aussi l'espace-temps où l'on voit le tableau, le musée par exemple; les cadres peuvent s'engendrer à l'infini, comme dans un Nolan).
Bazin cherchant à distinguer la peinture de la photo avait écrit : "L'univers esthétique du peintre est hétérogène à l'univers qui l'entoure. Le cadre enclave un microcosme substantiellement et essentiellement différent. L'existence de l'objet photographié participe au contraire de l'existence du modèle comme une emprunte digitale. Par là, elle s'ajoute réellement à la création naturelle au lieu de lui en substituer une autre." (Bazin)
Le cadre sépare la toile du monde (Dans "la vérité en peinture", Derrida complique les choses).
C'est dans les limites de la toile que l'on peut dégager un champ : le champ est interne à l'espace de la toile (qui n'est pas l'espace empirique, matériel, la couleur, les traits...) comme son hors champ d'ailleurs. Entre les deux n'existe pas de tracé, de frontière, de ligne réelle, qui séparerait le visible et l'invisible, ce que nous ne voyons pas, mais imaginons, pensons (totalement ou en partie). Si l'univers-de-la-toile est hétérogène à celui où elle se trouve, on peut aussi cependant imaginer un hors-cadre : le peintre peignant, son atelier, son époque, ou voir dans le personnage biblique peint par Rembrandt, par exemple, sa femme, ou je ne sais quel autre modèle...
Woot a écrit:Distinction, définition trop facile?
En effet il y a schizophrénie, lorsqu'on regarde le personnage dans le champ, on sait , tout en acceptant sa fiction, qu’il s’agit de l’actrice Nicole Kidman, par exemple.
Cependant bien qu'il y ait schizophrénie, il y a quand même deux choses distinctes, et non pas l'une dans l'autre, sinon la fiction serait illisible et la théorie qui partirait de cet illisible, serait la théorie d'un phénomène très particulier, absolument pas dans la psyché d'un monde "commun".
Ce qui n'empêche pas de tenter le diable, en refusant le confort suspect de la définition que je viens de donner.
Il ne s'agit pas de "schizophrénie", mais du problème de la focalisation de l'attention, de l'interprétation, du "voir comme" ou "voir en tant que " (wittgenstein et Husserl). J'avais parlé de ça, sur le forum, y a pas mal de temps. On peut voir une chose de plusieurs manières, sans que la chose change : Canard-Lapin. Je peux voir une femme comme "Nicole", comme "l'amie de ma voisine", "une vraie conne", "une secrétaire"...
C'est une affaire d'interprétation, pas de perception (cf Wittgenstein). En fait, dans un film, sur l'écran, il n' y a pas seulement Nicole Kidman et le personnage qu'elle joue, il faut distinguer trois êtres au moins, NK, être empirique (à la fois réel et construit), NK, la star construite par ses rôles, et le personnage qu'elle joue (cf Cavell, ses analyses de la différence entre l'acteur de théâtre et la star de cinéma). Un spectateur qui n'a pas participé au tournage ne peut pas voir NK en tant qu'actrice, le cadre et le hors cadre lui sont interdits; il peut imaginer le tournage, l'espace du tournage, les décors, ou le lieu réel, mais pas se rapporter à lui en tant que réalité passée; le cadre et le hors cadre pour lui ne sont jamais que des êtres d'imagination. Pendant le tournage, au contraire, on n'a jamais affaire qu'à du "réel"; il n'y a pas encore de champ et de hors champ, mais seulement du cadre et du hors cadre... Le champ-cinéma est un produit du montage, il ne commence à exister qu'une fois le film monté, achevé.
Le hors-champ est antérieur au champ : si on ne pense pas, imagine pas le hors-champ, il est impossible de voir ce qui est dans le champ. Le hors-champs, comme dirait Kant, c'est ce qui ne peut être que pensé et imaginé, mais en un sens fort; il ne s'agit pas seulement de penser, imaginer, ce que l'on ne voit pas temporairement, ou ce qu'on ne voit plus, mais bien plus des conditions mêmes de la visibilité et du visible; le hors champs, comme condition du regard, comme condition de la perception. L'invisible qui rend visible le visible (une idée)... ? Mais où est cet invisible, dans nos têtes, notre savoir, est-il subjectif ? Sans doute, pas Le hors champ d'un film n'est pas celui d'un autre.
Pourquoi certains films n'ont-ils pas de hors-champs ? Si tu ne filmes que le visible tu fais un téléfilm disait Godard, c'est un peu ça. Si tu ne filmes pas de hors-champ, ce qui ne peut pas être vu, mais qui est la condition de vision et de visibilité du film, tu ne fais pas de cinéma. Le hors-champs, serait-ce le cinéma même ? Je crois pas, surtout que je sais pas du tout ce qu'est le cinéma, tout en le sachant absolument, sans quoi jamais je ne pourrais regarder, voir un film en tant que film.
Le hors-champ serait-ce le sujet du film ?
Hors sujet ?
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Merci pour ton éclairage borges,
Si le monde est le sujet du film et non pas ce qui cadré, c'est que le hors-champ l'est, non?
Si le monde est le sujet du film et non pas ce qui cadré, c'est que le hors-champ l'est, non?
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Hi Woot; c'était juste quelques remarques jetées, de quoi me lancer; il est tôt, mais je suis tombé par hasard sur une interview de Derrida parlant de son bouquin, "la vérité en peinture" (variations autour de l'idée de cadre, dedans-dehors... c'est surtout évidemment une réflexion sur la peinture, mais ça donne à penser le cinéma...)
http://www.ina.fr/audio/P12033279
http://www.ina.fr/audio/P12033279
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
wootsuibrick a écrit:
Si le monde est le sujet du film et non pas ce qui cadré, c'est que le hors-champ l'est, non?
Tu peux préciser, ta question?
Là, évidemment faut s'entendre sur ce qu'on entend par "monde", c'est pas simple.
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Si ce qui fait sens à travers les personnages concerne surtout ce qui se joue autour/à travers eux (le tout, l'ouvert),
le hors-champ est le sujet.
le hors-champ est le sujet.
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
wootsuibrick a écrit:Si ce qui fait sens à travers les personnages concerne surtout ce qui se joue autour/à travers eux (le tout, l'ouvert),
le hors-champ est le sujet.
Je reviendrai sur ta remarque : le tout, l'ouvert chez Deleuze-Bergson, c'est le temps intérieur, le devenir. Dans l'un de ses cours, il exprime cette idée (du tout, de l'ouvert) par une lecture de la fin de la Recherche du temps perdu. Fin, sublime.
Sinon, j'ai parcouru le texte que tu as donné en lien : c'est tout de même curieux. On peut critiquer Bazin, et son onto-théologie de l'image-photographico-cinématographique, mais lui opposer des naïvetés phénoménologiques...:
"Pour Seguin, l’espace du cinéma est clos, circonscrit. Il se termine sur les bords de l’écran. L’espace, au fur et à mesure qu’il se rapproche du cadre, se distend. Il subit une distorsion et devient flou. Il se replie
sur lui-même dans une « physique implosive » pour ne s’intéresser qu’à son milieu. Le cinéma n’est pas un jeu de « cache-cache ». L’écran détermine le cadre dans lequel tout doit s’inscrire et au-delà duquel plus rien n’a le droit d’exister, plus rien ne doit être déporté. Le cinéma n’est pas un « spectacle du monde » (Seguin, op. cit., p. 60), c’est le spectacle d’un univers propre et cohérent qui s’inscrit entièrement dans le rectangle
délimité par le cadre."
C'est un peu comme si on confondait la taille d'une pyramide avec celle d'une image de pyramide. Quand je suis au cinéma, devant un écran quel qu'il soit, pour voir un film, je ne suis jamais rapporté aux limites des écrans, qui n'existent pas pour moi. Rien n'est inscrit dans l'écran. Le tigre est dans la cage, mais pas dans l'écran; pas plus que la chose que j'imagine n'est dans ma tête. Les joueurs de foot sont sur le rectangle de la pelouse, mais pas dans le rectangle de ma télé. Ils sont là où je les vise; là où ils jouent. L'espace du film n'est pas l'espace de l'écran, pas plus que l'espace de Renoir n'est celui de Hitch, ou l'espace réel de San Francisco n'est celui de Vertigo. Ce sont des choses différentes, liées, mais différentes. Qui oserait prétendre que le Procès est dans le livre qui porte ce titre?
Idiotes aussi les remarques de PB sur l'idéologie petite bourgeoise qui veut nous cacher la matérialité de la production des films...(si je veux viser la fiction, voir un film en tant que film, un tableau en tant que tableau, il faut nécessairement que j'ignore tout ça; c'est aussi malin de que dire que la page que je lis de Kafka me cache les conditions de vie des imprimeurs, ou je sais pas... l'état du lit où Proust écrivait... Kant le disait déjà, si je veux voir ce palais en tant qu'oeuvre d'art, il ne faut pas que je me lance dans des considérations politiques sur l'exploitation du peuple... cela ne veut pas dire que la théorie de Kant est au-delà de toute critique (Bourdieu) mais bon, il faut aller plus loin que ça...
La question du cadre/hors-cadre n'est pas celle du champ/hors-champ.
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Merci beaucoup Borges,
ça m'aide énormément, je vais affiner certaines choses à partir de ce que tu me dis,
Pour en revenir à la manière dont j'avais emmené la question du hors/cadre et du hors/champ,
il me semble que dans certains films, le cadre et le hors/cadre rentrent dans la question du champ,
mais évidemment comme ils ne sont qu'une "idée" du réel et deviennent une esthétique, un théme et non pas le fait qui s'est passé hors/cadre ou dans le cadre en soi... ils ne sont qu'une question qui se pose à partir du champ. Le cadre et hors cadre deviennent sujets, ils ne sont plus réalité.
Exemple, les films qui jouent sur le flou entre réel/fiction notamment en faisant rentrer dans le travail interne de l'oeuvre des éléments de la machinerie de réalisation de l'oeuvre, je pense au film H Story de Nobuhiro Suwa dont le sujet et le tournage d'un remake de Hiroshima mon amour. Ce qu'on voit dans le film c'est la réalisation des scènes du remake. On ne les voit pas comme fiction, mais comme "réellement entrain de se réaliser", sans que jamais le film ne tombe juste dans l'illustration documentaire d'un making of... En faite on ne sait plus, pour des raisons esthétique, si le tournage est reconstitué pour la réalisation du film H Story ou si il s'agit du tournage de H Story. Evidemment lorsqu'on sort du tournage et qu'on suit les personnages déambulant dans la ville, la question est réglée... sauf que ces personnages, en tant qu'acteur ne jouant plus (mais du coup, jouant réellement, vu qu'ils n'apparaissent plus dans leur travail d'acteur), déambulent dans un espace dont il est question dans le film qu'ils sont entrain de tourner.
Une sensation d'incofort persiste, qui fait que même lorsqu'on les suit dehors ces personnages ne semblent pas s'être libérés de l'espace du tournage.
Je me suis donc demandé : "quelle est donc la caméra qui les suit dehors? la même que celle qui réalisait le remake de Hiroshima mon amour ou une caméra qui englobe celle du tournage?" Normalement cette caméra englobe celle du tournage, mais personnellement, dans ma subjectivité de spectateur la question ne s'est pas réglée si facilement.
ça m'aide énormément, je vais affiner certaines choses à partir de ce que tu me dis,
Pour en revenir à la manière dont j'avais emmené la question du hors/cadre et du hors/champ,
il me semble que dans certains films, le cadre et le hors/cadre rentrent dans la question du champ,
mais évidemment comme ils ne sont qu'une "idée" du réel et deviennent une esthétique, un théme et non pas le fait qui s'est passé hors/cadre ou dans le cadre en soi... ils ne sont qu'une question qui se pose à partir du champ. Le cadre et hors cadre deviennent sujets, ils ne sont plus réalité.
Exemple, les films qui jouent sur le flou entre réel/fiction notamment en faisant rentrer dans le travail interne de l'oeuvre des éléments de la machinerie de réalisation de l'oeuvre, je pense au film H Story de Nobuhiro Suwa dont le sujet et le tournage d'un remake de Hiroshima mon amour. Ce qu'on voit dans le film c'est la réalisation des scènes du remake. On ne les voit pas comme fiction, mais comme "réellement entrain de se réaliser", sans que jamais le film ne tombe juste dans l'illustration documentaire d'un making of... En faite on ne sait plus, pour des raisons esthétique, si le tournage est reconstitué pour la réalisation du film H Story ou si il s'agit du tournage de H Story. Evidemment lorsqu'on sort du tournage et qu'on suit les personnages déambulant dans la ville, la question est réglée... sauf que ces personnages, en tant qu'acteur ne jouant plus (mais du coup, jouant réellement, vu qu'ils n'apparaissent plus dans leur travail d'acteur), déambulent dans un espace dont il est question dans le film qu'ils sont entrain de tourner.
Une sensation d'incofort persiste, qui fait que même lorsqu'on les suit dehors ces personnages ne semblent pas s'être libérés de l'espace du tournage.
Je me suis donc demandé : "quelle est donc la caméra qui les suit dehors? la même que celle qui réalisait le remake de Hiroshima mon amour ou une caméra qui englobe celle du tournage?" Normalement cette caméra englobe celle du tournage, mais personnellement, dans ma subjectivité de spectateur la question ne s'est pas réglée si facilement.
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Hi; avant de reprendre la discussion...
Cénacle; rien que ça. On se marre.
-Une lettre à la poste, mais bien entendu. Ne suis-je pas le facteur de la vérité, en peinture, en cinéma, et en vérité (je te le dis)...
-Très vaine et idiote, cette volonté de me recadrer. Je ne peux pas toujours redire ce que j'ai déjà dit mille fois, et qui a été dit cent mille fois, et bien mieux, par les auteurs que je lis et ne cesse de citer. Avant cette remarque sur Pascal Bonitzer, il avait été question de "la vérité en peinture" (j'avais même donné un lien vers une interview de Derrida pour qui n'aime pas lire), un bouquin qui lit la troisième critique depuis la question, le problème du cadre. Derrida joue énormément avec ce mot, ses différents sens, ses valeurs et pose évidemment la question du cadre idéologique, historique, philosophique dans lequel Kant déploie, installe ses analyses : de quel droit se demande-t-il, Kant, nous interdit-il de faire intervenir un certains nombre de considérations quand nous sommes devant un palais qu'il s'agit de juger esthétiquement? De quel droit l'approche politico-morale de Rousseau, qui se fout de la beauté ou de la laideur de la construction, et qui ne voit dans le palais que "la vanité des grands qui exploitent le peuple pour produire des choses frivoles…" est-elle mise hors jeu, jugée hors cadre? Kant, avec la tradition philosophique, depuis Platon, cadre le jugement esthétique : il laisse de côté, parce que jugés extrinsèques au sujet, à la chose elle-même, la psychologie empirique, les rapports de production, la politique, la technique…tout cela est hors-cadre. Cette approche esthétique " présuppose un discours sur la limite entre le dedans et le dehors de l'objet d'art, un discours sur le cadre. "
Et donc sur le hors-cadre.
(A l'époque du forum des Cahiers, je me souviens, j'embêtais parfois GM, avec le mot "parergon"; ergon/parergon)
491860 a écrit sur enculture a écrit:
(11:40:44) (491860): "Idiotes aussi les remarques de PB sur l'idéologie petite bourgeoise qui veut nous cacher la matérialité de la production des films...(si je veux viser la fiction, voir un film en tant que film, un tableau en tant que tableau, il faut nécessairement que j'ignore tout ça; c'est aussi malin de que dire que la page que je lis de Kafka me cache les conditions de vie des imprimeurs, ou je sais pas... l'état du lit où Proust écrivait... Kant le disait déjà, si je veux voir ce palais en tant qu'oeuvre d'art, il ne faut pas que je me lance dans des considérations politiques sur l'exploitation du peuple... cela ne veut pas dire que la théorie de Kant est au-delà de toute critique (Bourdieu) mais bon, il faut aller plus loin que ça..."
(11:41:59) (491860): idiote aussi la remarque de Borges sur PB, qui comme d'hab passe comme une lettre à la poste dans son cénacle
(11:42:16) (491860): par exemple
(11:45:27) (491860): constater pour PB que Manet montre de manière ironique les conditions dans lesquelles vit le Monet de la dernière période en faisant apparaître discrètement dans le cadre les villas bourgeoises qui entourent son jardin et que Monet s'évertue à laisser hors-cadre dans sa propre toile, ne l'empêche nullement de regarder avant tout un tableau de Manet
(11:46:33) (491860): faisons avec JD ou LW un jeu de mot et constatons que Borges a parfois besoin d'être recadré
(11:48:54) (491860): oh bien sûr ce n'ets pas son "gentil" interlocuteur qui va remettre ne doute ses paroles
(11:58:28) (491860): enfin EK était sûrement beaucoup moins idiot que PB qui lui même l'était moins qu'EM mais qui l'était probablement un peu plus que LW
(11:59:07) (491860): cette échelle de l'idiotie est très kantienne en effet
Cénacle; rien que ça. On se marre.
-Une lettre à la poste, mais bien entendu. Ne suis-je pas le facteur de la vérité, en peinture, en cinéma, et en vérité (je te le dis)...
-Très vaine et idiote, cette volonté de me recadrer. Je ne peux pas toujours redire ce que j'ai déjà dit mille fois, et qui a été dit cent mille fois, et bien mieux, par les auteurs que je lis et ne cesse de citer. Avant cette remarque sur Pascal Bonitzer, il avait été question de "la vérité en peinture" (j'avais même donné un lien vers une interview de Derrida pour qui n'aime pas lire), un bouquin qui lit la troisième critique depuis la question, le problème du cadre. Derrida joue énormément avec ce mot, ses différents sens, ses valeurs et pose évidemment la question du cadre idéologique, historique, philosophique dans lequel Kant déploie, installe ses analyses : de quel droit se demande-t-il, Kant, nous interdit-il de faire intervenir un certains nombre de considérations quand nous sommes devant un palais qu'il s'agit de juger esthétiquement? De quel droit l'approche politico-morale de Rousseau, qui se fout de la beauté ou de la laideur de la construction, et qui ne voit dans le palais que "la vanité des grands qui exploitent le peuple pour produire des choses frivoles…" est-elle mise hors jeu, jugée hors cadre? Kant, avec la tradition philosophique, depuis Platon, cadre le jugement esthétique : il laisse de côté, parce que jugés extrinsèques au sujet, à la chose elle-même, la psychologie empirique, les rapports de production, la politique, la technique…tout cela est hors-cadre. Cette approche esthétique " présuppose un discours sur la limite entre le dedans et le dehors de l'objet d'art, un discours sur le cadre. "
Et donc sur le hors-cadre.
(A l'époque du forum des Cahiers, je me souviens, j'embêtais parfois GM, avec le mot "parergon"; ergon/parergon)
Un autre texte de Derrida sur un problème analogue à celui du hors-cadre, "Economimesis", où il est question du dégoût, du vomi...
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Woot, as-tu lu le texte de Sa Majesté Eisenstein, traduit sous le titre "hors cadre" dans un numéro des Cahiers (251); il y est question de la culture japonaise; un extrait, amusant :
SME a écrit:L’une des méthodes d’enseignement du dessin à l’école japonaise est à ce point cinématographique.
Notre méthode d'apprendre le dessin : on prend une feuille de papier russe ordinaire, à quatre angles. Et l'on y fourre, le plus souvent sans même escompter les marges (les bords se graissent à force du labeur applique !) une ennuyeuse cariatide, un vaniteux chapiteau corinthien ou un Dante en plâtre...Les Japonais agissent de façon inverse. Voici une branche de cerisier, ou un paysage avec voiliers. Dans cet ensemble l’élève découpe en carré, ou en rond, ou en rectangle son unité compositionnelle.
Choisit son cadrage !...
Et combien ces deux écoles (la leur et la notre) caractérisent les deux tendances fondamentales qui luttent dans le cinéma d’aujourd'hui lNotre école, c'est la méthode expirante de l’organisation spatiale du phénomène devant l'objectif : depuis la " mise en scène" de l’épisode jusqu'à l’édification devant l'objectif de véritables chaos de tour de Babel.Et les Japonais, c’est l’autre méthode, - l’appréhension - par la caméra, l'organisation par elle. On taille un morceau de réalité par les moyens de l'objectif."
(la documentariste-philosophe Raymonde Carasco a écrit un bouquin sur le Hors-Cadre chez Eisenstein; mais GM et NB pourraient t'en parler mieux que moi)
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
969505 a écrit sur enculture a écrit:
(14:03:59) (969505): tu n'es pas le seul à avoir lu JD
(14:04:30) (969505): son texte est très drôle, le tien lourd et gratuitement insultant
(14:05:13) (969505): et je vois aucune ironie vis à vis de Kant dedans contrairement à celui de JD
Pas le seul, bien sûr, mais l'un des rares à le lire justement, brillamment, avec génie...
Faut savoir de quoi on parle.
Drôle, Derrida l'était à l'oral, mais par écrit, il n'y parvenait presque jamais; il en souffrait, disait-il, de ne pas réussir à faire sentir son humour dans ses textes. "La vérité en peinture" est l'un de ses livres les moins agréables à lire, c'est très lourd...Un "texte" qui ne plaît pas, ne fait pas plaisir, pas même sublime...
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
J'imagine que je suis le "gentil" garçon,
Je prend ça comme un compliment,
merci,
étant taoïste j'assume ma fadeur, qui est d'après moi bien plus radicale que l'agressivité individualiste actuellement dominante. mais je me trompe sans doute, et le mépris des gens d'enculture est sans doute mérité.
merci encore, donc...
Je prend ça comme un compliment,
merci,
étant taoïste j'assume ma fadeur, qui est d'après moi bien plus radicale que l'agressivité individualiste actuellement dominante. mais je me trompe sans doute, et le mépris des gens d'enculture est sans doute mérité.
merci encore, donc...
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Non je ne l'ai pas lu...Borges a écrit:Woot, as-tu lu le texte de Sa Majesté Eisenstein, traduit sous le titre "hors cadre" dans un numéro des Cahiers (251); il y est question de la culture japonaise;
J'avoue ne pas très bien comprendre l'extrait.
J'avais lu deux trois choses à propos de sa fascination pour le Kabuki. Je sais plus si c'était chez Tadao Sato ou Donald Richie.
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Borges a écrit:
Idiotes aussi les remarques de PB sur l'idéologie petite bourgeoise qui veut nous cacher la matérialité de la production des films...(si je veux viser la fiction, voir un film en tant que film, un tableau en tant que tableau, il faut nécessairement que j'ignore tout ça; c'est aussi malin de que dire que la page que je lis de Kafka me cache les conditions de vie des imprimeurs, ou je sais pas... l'état du lit où Proust écrivait... Kant le disait déjà, si je veux voir ce palais en tant qu'oeuvre d'art, il ne faut pas que je me lance dans des considérations politiques sur l'exploitation du peuple... cela ne veut pas dire que la théorie de Kant est au-delà de toute critique (Bourdieu) mais bon, il faut aller plus loin que ça...
Bonjour Borges,
J'espère que tout va bien, depuis le temps.
Je crois me rappeler un sujet, il y a quelques années, où tu avais dis qu'un grand film racontait, en quelque sorte, son tournage.
Dr. Apfelgluck- Messages : 469
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Oui, c'est presque un slogan, l'idée que tout film, moi je dis grand film, est le documentaire de sa fabrication, raconte d'une manière ou d'une autre sa propre genèse, mais je ne pense pas que cela soit la même chose que la question du hors-cadre, ou du cadre qui nous cacherait l'espace du tournage, la caméra, les rapports de production...
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Je relis quelques passages en ce moment de "L'Oeil de l'histoire 4" de GDH, consacré au peuple, absent, présent, figurant, figuré, en bloc, en fragments... Peut-on considérer le peuple comme un hors-cadre, un hors-champ du cinéma, et en quel sens alors prendre ces termes?
Ce qui est évident, c'est qu'il y a une manière spéciale d'être dans le champ sans y être, la présence du peuple-foule, la présence de la foule, des passants, lyncheurs des westerns, insurgés, spectateurs... Les figurants simple "décor" aux aventures des héros, qu' on voit sans voir, sans nom, sans récit, sans histoire, présents et absents. Un autre forme du hors-champs, ou son contraire, si le hors-champ est absence-présence, le figurant, dans ses différentes formes, est un présent-absent; il est là, mais sans être, vu, entendu, sans exister réellement, dans l'image. Présence dans l'image, sans présence dans la perception.
(La plus belle scène réflexive, pensant ce sujet sans sujet, ce sujet sans présence, se trouve, ce qui tombe bien, puisqu'on cause guitare ailleurs, dans "Johnny Guitare". J'en avais causé, plusieurs fois. Un vieux type est tué par accident, et avant de mourir, entouré, dit : "c'est donc maintenant seulement, juste avant de mourir, que je deviens enfin visible". Je paraphrase, of course. )
Je recopie un passage du bouquin de GDHuberman, il vient de causer du sens double du "partage" chez Nancy, et Rancière : "Abolir la place de l'autre : voilà exactement ce qu'implique le partage compris en mauvaise part, celle qui veut garder l'exclusion, la partition, la hiérarchie, et renonce dès lors à toute mise en commun. Voilà ce qui, dès lors, fait des peuples le hors-cadre, le hors-champ de toute représentation classique."
(P.107)
Ce qui est évident, c'est qu'il y a une manière spéciale d'être dans le champ sans y être, la présence du peuple-foule, la présence de la foule, des passants, lyncheurs des westerns, insurgés, spectateurs... Les figurants simple "décor" aux aventures des héros, qu' on voit sans voir, sans nom, sans récit, sans histoire, présents et absents. Un autre forme du hors-champs, ou son contraire, si le hors-champ est absence-présence, le figurant, dans ses différentes formes, est un présent-absent; il est là, mais sans être, vu, entendu, sans exister réellement, dans l'image. Présence dans l'image, sans présence dans la perception.
(La plus belle scène réflexive, pensant ce sujet sans sujet, ce sujet sans présence, se trouve, ce qui tombe bien, puisqu'on cause guitare ailleurs, dans "Johnny Guitare". J'en avais causé, plusieurs fois. Un vieux type est tué par accident, et avant de mourir, entouré, dit : "c'est donc maintenant seulement, juste avant de mourir, que je deviens enfin visible". Je paraphrase, of course. )
Je recopie un passage du bouquin de GDHuberman, il vient de causer du sens double du "partage" chez Nancy, et Rancière : "Abolir la place de l'autre : voilà exactement ce qu'implique le partage compris en mauvaise part, celle qui veut garder l'exclusion, la partition, la hiérarchie, et renonce dès lors à toute mise en commun. Voilà ce qui, dès lors, fait des peuples le hors-cadre, le hors-champ de toute représentation classique."
(P.107)
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Je me pose une question un peu dans le sens d'un trouble des notions du hors-cadre, hors-champ...
en abordant H Story de Suwa :
Un remake a priori ne s'affirme pas comme singulier, vu qu'il répète un autre film. Le film de Suwa pose le remake comme question, mais n’en est clairement pas un, ce, bien que dans le dialogue du film entre Nobuhiro Suwa et l’écrivain Kô Machida la question soit posée « pourquoi faire un remake de Hiroshima mon amour ? ».
La question trouble la relation au film de cette manière : le Nobuhiro Suwa qui est à l’image est-il celui qui tourne le remake de Hiroshima mon amour (qui s'intitule H Story) ou celui qui tourne H Story le film que nous regardons ?
Cette question fait dés lors de Nobuhiro Suwa un personnage, en le dédoublant, mais ce dédoublement est aussi une « même » identité. Nobuhiro Suwa est donc le réalisateur d’un film que nous constatons ne pas être un remake mais plutôt un film sur le tournage d’un remake. Cependant la personne qui emmène cette question du remake dans la discussion n’est pas Suwa. C’est Machida, qui pose la question à partir de sa rencontre avec le projet, et non pas à partir de ce qui est entrain de se faire au moment où il parle.
On reste dans la perspective d’un « documentaire », de l’enregistrement de faits, un tournage a eu lieu tel quel, et au montage on a ajouté des commentaires sur la genèse du projet. Mais la question qui arrive alors est : est-il possible que H Story ait été un projet de remake avant d’être un film sur la réalisation d’un remake, où alors Machida a-t-il mal saisit le projet ? Machida est-il personnage ou est-il lui-même lorsqu’il emmène cette question ? Dans le sens où : pense-t-il ce qu’il dit en dehors de H Story ou à l’intérieur de H Story?
Question qui évidemment nous renvoie à son interlocuteur, Nobuhiro Suwa : un personnage peut-il être à la fois créateur et acteur de son monde ?
Bien plus que le contenu du dialogue entre Nobuhiro Suwa et Kô Machida, c’est cette question qui en quelque sorte dédouble Nobuhiro Suwa et le reste des personnes/personnages, motifs qui apparaissent dans l’image.
Si la présence à l’image de Suwa est du même ordre que la présence de Machida et de Béatrice Dalle, toutes ces personnes/personnages qui ont participé à la création de H Story, sont donc dédoublées. Le hors cadre réel se dédouble en hors champ, en se dédoublant en hors champ il ne devient que hors champ, comme l’ensemble des personnes participant au film, toute l’équipe technique, celle qu’on voit traversé le champ comme celle qui reste hors de l’image, deviennent personnages.
C’est à partir de ce type de relations, qui le dédouble, que le film H Story se pose comme fiction, et ce bien qu’il soit possible que Béatrice Dalle n’ait été qu’elle-même du début à la fin du film, qu’elle n’ait été que l’actrice entrain de jouer et non pas le produit du jeu de l’actrice. Il n y a pas de réel, en dehors du film, auquel se référerait l’image, à la manière dont on pense le genre que l’on nomme documentaire. Ce qui normalement devrait être réel fait partie de l’univers « esthétique », (art)ificiel, et n’est donc en rien réel.
La fiction, par nature, double le réel en le déréalisant. Mais cette question ne concerne pas juste H Story, le film de Suwa renvoie cette ambigüité sous forme de critique de tout procédé documentaire qui ne donnerait pas conscience à l’artificialité de ses procédés, donc à sa dimension fictionnelle.
Le hors cadre n’est pas dans le cadre qui construit le champ de la fiction, donc il est absolument (par nature) extérieur au champ. Ce qui rentre dans le champ fait partie du programme du champ, dans le sens où ce « ce » n’est pas là accidentellement, comme pourrait l’être une perche destinée à la prise de son qui traine dans le champ et révèle malgré son programme la nature de la fiction, la trahit, donc. Comme pourrait l’être un câble électrique qui traine dans un coin du champ, et révèle la mascarade qu’est une fiction qui se déroulerait au 17e siècle, par exemple. Il y a dans ces deux derniers exemples, par l'irruption du réel, rupture avec un pacte lié à l’attente du public. Un pacte ne peut-être rompu que dans un programme esthétique, ou accidentellement, mais toujours selon les attentes, la subjectivité du spectateur.
en abordant H Story de Suwa :
Un remake a priori ne s'affirme pas comme singulier, vu qu'il répète un autre film. Le film de Suwa pose le remake comme question, mais n’en est clairement pas un, ce, bien que dans le dialogue du film entre Nobuhiro Suwa et l’écrivain Kô Machida la question soit posée « pourquoi faire un remake de Hiroshima mon amour ? ».
La question trouble la relation au film de cette manière : le Nobuhiro Suwa qui est à l’image est-il celui qui tourne le remake de Hiroshima mon amour (qui s'intitule H Story) ou celui qui tourne H Story le film que nous regardons ?
Cette question fait dés lors de Nobuhiro Suwa un personnage, en le dédoublant, mais ce dédoublement est aussi une « même » identité. Nobuhiro Suwa est donc le réalisateur d’un film que nous constatons ne pas être un remake mais plutôt un film sur le tournage d’un remake. Cependant la personne qui emmène cette question du remake dans la discussion n’est pas Suwa. C’est Machida, qui pose la question à partir de sa rencontre avec le projet, et non pas à partir de ce qui est entrain de se faire au moment où il parle.
On reste dans la perspective d’un « documentaire », de l’enregistrement de faits, un tournage a eu lieu tel quel, et au montage on a ajouté des commentaires sur la genèse du projet. Mais la question qui arrive alors est : est-il possible que H Story ait été un projet de remake avant d’être un film sur la réalisation d’un remake, où alors Machida a-t-il mal saisit le projet ? Machida est-il personnage ou est-il lui-même lorsqu’il emmène cette question ? Dans le sens où : pense-t-il ce qu’il dit en dehors de H Story ou à l’intérieur de H Story?
Question qui évidemment nous renvoie à son interlocuteur, Nobuhiro Suwa : un personnage peut-il être à la fois créateur et acteur de son monde ?
Bien plus que le contenu du dialogue entre Nobuhiro Suwa et Kô Machida, c’est cette question qui en quelque sorte dédouble Nobuhiro Suwa et le reste des personnes/personnages, motifs qui apparaissent dans l’image.
Si la présence à l’image de Suwa est du même ordre que la présence de Machida et de Béatrice Dalle, toutes ces personnes/personnages qui ont participé à la création de H Story, sont donc dédoublées. Le hors cadre réel se dédouble en hors champ, en se dédoublant en hors champ il ne devient que hors champ, comme l’ensemble des personnes participant au film, toute l’équipe technique, celle qu’on voit traversé le champ comme celle qui reste hors de l’image, deviennent personnages.
C’est à partir de ce type de relations, qui le dédouble, que le film H Story se pose comme fiction, et ce bien qu’il soit possible que Béatrice Dalle n’ait été qu’elle-même du début à la fin du film, qu’elle n’ait été que l’actrice entrain de jouer et non pas le produit du jeu de l’actrice. Il n y a pas de réel, en dehors du film, auquel se référerait l’image, à la manière dont on pense le genre que l’on nomme documentaire. Ce qui normalement devrait être réel fait partie de l’univers « esthétique », (art)ificiel, et n’est donc en rien réel.
La fiction, par nature, double le réel en le déréalisant. Mais cette question ne concerne pas juste H Story, le film de Suwa renvoie cette ambigüité sous forme de critique de tout procédé documentaire qui ne donnerait pas conscience à l’artificialité de ses procédés, donc à sa dimension fictionnelle.
Le hors cadre n’est pas dans le cadre qui construit le champ de la fiction, donc il est absolument (par nature) extérieur au champ. Ce qui rentre dans le champ fait partie du programme du champ, dans le sens où ce « ce » n’est pas là accidentellement, comme pourrait l’être une perche destinée à la prise de son qui traine dans le champ et révèle malgré son programme la nature de la fiction, la trahit, donc. Comme pourrait l’être un câble électrique qui traine dans un coin du champ, et révèle la mascarade qu’est une fiction qui se déroulerait au 17e siècle, par exemple. Il y a dans ces deux derniers exemples, par l'irruption du réel, rupture avec un pacte lié à l’attente du public. Un pacte ne peut-être rompu que dans un programme esthétique, ou accidentellement, mais toujours selon les attentes, la subjectivité du spectateur.
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
L'image, postée par Jerzy, de "Orange mécanique" amène à se poser la question de la relation des tableaux, affiches, pochettes de disque…dans les film au hors-champ et au hors-cadre.
Est-ce du hors-champs ou du hors-cadre? Et quel type de hors-champ ou de hors-cadre ?
La pochette du Fahey (the legend of joe blind death), on pourrait trouver ça sans intérêt, anecdotique, expliquer sa présence dans le film par le hasard, cela aurait pu être une autre pochette.
Sa proximité à "2001", interdit cette lecture, comme le perfectionnisme de Kubrick, et la biographie, Kubrick aurait écrit une lettre d'admiration à Fahey ( Dance of Death: The Life of John Fahey, American Guitarist).
Dans ce cas, le disque renvoie à un hors-cadre, à la vie de Kubrick, on peut imaginer que le mec a mis là le disque en signe d'hommage, pour faire de la pub à un artiste qu'il admire et qui ne jouit pas de la reconnaissance et de la célébrité que son talent devrait lui valoir. Ce fait biographique devrait suspendre le vertige des interprétations, des analogies. Le hors-cadre en un sens, c'est un peu la promesse d'une sortie hors de l'univers de la fiction, de la représentation; le hors-cadre nous promet le réel; le réel de la fabrication du film, le réel cadré pendant la prise de vue, le tournage, ou le réel de la perception. Dans image-mouvement, si mes souvenirs ne me trompent pas, Deleuze décrit l'écran de cinéma comme un "cadre de cadres"; mais l'écran change, et aucun n'est plus légitime en droit que l'autre, l'écran de la salle de cinéma, l'écran de la télé, celui des ordis, des téléphones.
L'écran, "cadre de cadres", est lui-même toujours cadré, pris dans un cadre, un ensemble plus grand, la salle de cinéma, la rue, la ville, l'univers…
On pense au passage de Husserl, commenté par Derrida, à la fin de l'un de ses meilleurs livres : "la voix et le phénomène".
"Un nom prononcé devant nous nous fait penser à la galerie de Dresde et à la dernière visite que nous y avons faite : nous errons à travers les salles et nous arrêtons devant un tableau de Téniers qui représente une galerie de tableaux. Supposons en outre que les tableaux: de cette galerie représentent à leur tour des tableaux, qui de leur côté feraient voir des inscriptions qu'on peut déchiffrer, etc. "…
"Rien, commente Derrida, n'a sans doute précédé cette situation. Rien assurément ne la suspendra. Elle n'est pas comprise, comme le voudrait Husserl, entre des intuitions ou des présentations. Du plein jour de la présence, hors de la galerie, aucune perception ne nous est donnée ni assurément promise. La galerie est le labyrinthe qui comprend en lui ses issues : on n'y est jamais tombé comme dans un cas particulier de l'expérience (…) Et contrairement à ce que la phénoménologie - qui est toujours phénoménologie de la perception - a tenté de nous faire croire, contrairement à ce que notre désir ne peut pas ne pas être tenté de croire, la chose même se dérobe toujours. Contrairement à l'assurance que nous en donne Husserl un peu plus loin, « le regard » ne peut pas « demeurer ». (Derrida, la voix et le phénomène)
Le hors-cadre, c'est la promesse pour le regard de demeurer, d'avoir un chez-soi; la promesse d'échapper à l'errance du regard, à l'errance des tentatives de saisir le sens, de le comprendre, de le cadrer, hors de la fiction, hors de la représentation. Hors-cadre, il y aurait la rencontre du regard et de la chose-même. Mais on passe en réalité d'un cadre à l'autre. Le cadre de tous les cadres n'existe pas plus que l'ensemble de tous les ensembles.
C'est pareil, côté fiction, du côté du hors-champ absolu, celui que Deleuze identifie au temps, au temps interne, le temps d'une subjectivité sortie de ses gonds, de son cadre et du cadre de ses perceptions. Sujet sans cadre. Sujet hors-cadre, hors mesure; sujet démesuré.
"Lorsque vous vous saisissez à l'intérieur du temps, et pas dans un temps extérieur (toujours limité, fini; on vit un temps, on est en un lieu) vous vous saisissez vous-mêmes dans une perspective temporelle, dont la perspective spatiale ne peut nous donner aucune idée. Vous ne restez plus assis sur vos jours, et vous vous levez. Et à ce moment-là vos jours sont comme des échasses, échasses dont vous savez bien qu'à chaque instant, vous allez tomber. La chute intensive. Et c'est par rapport à ces échasses, lorsque vous vous dressez sur vos jours, que vous occupez dans le temps une place démesurée. Démesurée par rapport à quoi ? Démesurée par rapport à la place (...) que vous occupez subjectivement et objectivement dans l'espace et dans le temps. Ce que j'appelle l'intérieur du temps, n'est ni subjectif, ni objectif : pensez-le comme pure forme... Dans l'intérieur du temps, et si peu que vous ayez vécu et si jeune que vous soyez, vous êtes comme des géants, qui touchez d'un côté à un passé millénaire et d'un autre côté à un futur profond. Et vous avez une taille, à l'intérieur du temps, qui n'a rien à voir avec votre taille au sens de position que vous avez dans l'espace et dans le temps. Et, lorsque vous vous pensez ou lorsque vous vous vivez à l'intérieur du temps à de courts moments, à ce moment-là vous apercevez en effet que vous tenez à l'intérieur une place démesurée. Bref, une distance infinie vous traverse. L'intérieur du temps, c'est le tout du temps comme ouvert. Le temps, c'est l'ouvert. Dans l'ouvert, chacun de nous occupe une place démesurée qui fait de lui un géant sur des échasses dont à chaque instant, il peut tomber, d'où il risque de tomber. A l'intérieur du temps, la distance entre les instants se creuse de telle manière que les deux instants s'écartent, s'élèvent à une puissance sans commune mesure avec leur succession dans le temps; c'est ça l'immense ou le démesuré."
Ce temps ouvert, c'est celui qui rend impossible la fameuse scène de l'arbre de Vertigo : on ne peut plus indiquer le point de sa naissance et de sa mort (on ne peut plus cadre sa vie dans l'infini vertigineux du temps-espace)
Deleuze commente of course la fin de la Recherche :
"
J'éprouvais un sentiment de fatigue profonde à sentir que tout ce temps si long non seulement avait sans une interruption été vécu, pensé, sécrété par moi, qu'il était ma vie, qu'il était moi-même, mais encore que j'avais à toute minute à le maintenir attaché à moi, qu'il me supportait, que j'étais juché à son sommet vertigineux, que je ne pouvais me mouvoir, sans le déplacer avec moi.
La date à laquelle j'entendais le bruit de la sonnette du jardin de Combray si distant et pourtant intérieur, était un point de repère dans cette dimension énorme que je ne savais pas avoir. J'avais le vertige de voir au-dessous de moi et en moi pourtant comme si j'avais des lieues de hauteur, tant d'années.
"Je venais de comprendre pourquoi le duc de Guermantes, dont j'avais admiré, en le regardant assis sur une chaise, combien il avait peu vieilli bien qu'il eût tellement plus d'années que moi au-dessous de lui, dès qu'il s'était levé et avait voulu se tenir debout avait vacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques sur lesquels il n'y a de solide que leur croix métallique et vers lesquels s'empressent les jeunes séminaristes, et ne s'était avancé qu'en tremblant comme une feuille, sur le sommet peu praticable de quatre-vingt-trois années, comme si les hommes étaient juchés sur de vivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marche difficile et périlleuse, et d'où tout d'un coup ils tombent. Je m'effrayais que les miennes fussent déjà si hautes sous mes pas, il ne me semblait pas que j'aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé qui descendait déjà si loin, et que je portais si douloureusement en moi ! Si du moins il m'était laissé assez de temps pour accomplir mon Œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l'idée s'imposait à moi avec tant de force aujourd'hui, et j'y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l'espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu'ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes, — entre lesquelles tant de jours sont venus se placer — dans le Temps."
Cette image d'échasses fait penser à la scène de "Vertigo" où James Stewart tente d'apprivoiser son vertige : "Here, I look up, I look down."
Vertige du temps, et non pas de l'espace, comme disait Marker. Ce que feint de vivre la fausse Madeleine, une vie dans un temps décadré, c'est ce que vit réellement Scottie.
0 :44 dans le trailer
Curieux de trouver dans ce passage de Proust, un clocher.
(le bouquin de Boileau-narcejac est proustien.)
Quelle errance, depuis la pochette de John Fahey
Dernière édition par Borges le Sam 29 Nov 2014 - 17:21, édité 1 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Merci Borges, j'avais jamais réalisé que (j'ai plus revu "Clockwork Orange" depuis mon adolescence) :
Dans les pochettes, à droite de "After The Goldrush" de Young, il y a "Atom Heart Mother" du Floyd. Ces derniers, comme le dit la célèbre anecdote, ayant refusé de donner l'autorisation à Kubrick d'utiliser la chanson titre de l'album dans l'ouverture du film. Là encore, renvoi biographique comme tu le dis.
Dans les pochettes, à droite de "After The Goldrush" de Young, il y a "Atom Heart Mother" du Floyd. Ces derniers, comme le dit la célèbre anecdote, ayant refusé de donner l'autorisation à Kubrick d'utiliser la chanson titre de l'album dans l'ouverture du film. Là encore, renvoi biographique comme tu le dis.
Dr. Apfelgluck- Messages : 469
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
On deviendrait fou, si on prêtait attention à toutes ces pochettes, surtout si on se dit qu'elles sont là intentionnellement...
Borges- Messages : 6044
Re: Champ/cadre hors-champ/hors-cadre
Je revoyais cette scène de Millenium Mambo en me demandant dans quel état pouvait bien être ce pont actuellement.
Je parcours les commentaire en bas de l'écran et tombe sur cette information d'un dénommé Lisa Ya-Han Chang (que je suppose de Taipei) :
Lisa Ya-Han Chang : the bridge was broken
J'ai parcouru tant de fois ce pont, en voyant et revoyant cette scène, parfois en boucle... Désormais, je ne peux plus, même potentiellement, le parcourir réellement... et ce, bien que l'idée qu'un jour je devrais le faire, avant d'apprendre sa disparition, ne m'ait nullement traversé l'esprit.
Il a fallut que l'idée qu'il a été détruit m'apparaisse pour que l'idée que j'aurais pu le parcourir réellement me vienne.
Que se passe-t-il donc à partir du sentiment provoqué par cette information ?
Le pont se désolidarise de la silhouette de Shu Qi, prend son indépendance, aquiert sa propre histoire. Il n'est plus juste le décor du mood qui traverse le corps de Shu Qi, il devient sujet de ce mood, le mouvement de caméra et le clignotement des lumières qui le composent, lui appartiennent tout autant. Et le propos nostalgique d'une voix qui regarde dix ans après les images accompagné de la musique, semblent tout autant s'adresser à lui. Il n'est plus juste objet fétichiste relié à Shu Qi, l'émotion appartient aussi à son être.
Sujets similaires
» HORS SATAN : la balade de Bruno ...
» Straub - Emission Hors-champs
» Dérives, digressions et hors-jeux et topiques
» Festival Hors pistes 2013 - Centre Pompidou
» Straub - Emission Hors-champs
» Dérives, digressions et hors-jeux et topiques
» Festival Hors pistes 2013 - Centre Pompidou
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum