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La peur, petit chasseur

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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 18:36

Vous connaissez ce cour-métrage de Laurent Achard ?


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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 19:30

Oui.

Et le long-métrage qui suivit: le dernier des fous. Qui en est l'extension.

Perso, j'avais bien aimé. Même s'il ne recueillit pas bcp de suffrages critiques. Enfin si, quand-même: prix Jean Vigo et prix du festival de Locarno. Mais sur la blogosphère, il est de bon ton de détester.

J'ai trouvé que c'était une sorte de "fantastique sensoriel" réussi, j'ai pas pu décoller de mon siège. Un des rares films français m'ayant enthousiasmé ces 6 dernières années.
Le long se termine un peu dans un bain de sang un poil téléphoné et facile. Il aurait évité ça, c'eût été un grand film.

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Message par Eyquem Mar 24 Sep 2013 - 19:55

Je me souviens plus si j'ai vu le court métrage, mais "Le dernier des fous", j'avais trouvé ça hyper lourd. Un drôle de film: on sentait qu'il voulait faire autre chose, de plus ambitieux, que les habituelles petites chroniques familiales filmées caméra à l'épaule. Mais du coup, il tombait dans l'excès inverse: un excès de "composition" qui écrasait et pétrifiait tout, une volonté trop affichée de transformer la ferme en royaume tragique. Si je me souviens bien, aussi, tout le film était censé être vu par l'enfant - et il était un peu trop souvent au bon endroit, au bon moment, ce qui donnait le sentiment désagréable d'un "hasard" constamment forcé.
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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 20:01

Y a de ça, mais ça ne fut pas pour moi un problème. En ce qui me concerne, j'ai été envoûté par le climat de ce film, une sorte d'immobilité paniquante qui l'innerve. Un travail sur le cadre et les sons assez bonnard aussi.
Non, j'ai pas trouvé ça lourd, s'tu veux. Maitrisé (un peu trop peut-être, mais est-ce ici vraiment un défaut?), mais pas lourd. Wink
Et pour moi le film ne se situait pas "du point de vue de l'enfant". Mais dans une sorte de schize mentale (comme l'indique le titre), "objective" (au sens de "sans sujet) qui plane dans l'espace, un peu comme dans un roman de Faulkner...

Je l'ai vu, non comme une chronique familiale et campagnarde (si ça avait été ça, j'aurais pris mes jambes à mon cou), mais comme une composition fantastique, donc...
Une affaire de météorologie et de paysage. Et oui, en effet, y a peu de place pour le "hasard" dans ce film. C'est pas du Pialat, clairement. Concernant l'enfant, si comme tu dis il se trouve un peu trop facilement toujours au bon endroit au bon moment, c'est surtout parce qu'il est habité par une forme de prescience "extra-sensorielle", si on veut..


Dernière édition par Bidibule le Mar 24 Sep 2013 - 20:22, édité 1 fois

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Message par Eyquem Mar 24 Sep 2013 - 20:21

'soir Jerzy,
Je n'ai jamais pu entrer dans le film à cause de ces partis pris formels et ce qui aurait pu me toucher ne faisait que me hérisser. Je l'ai vu à sa sortie, pas revu depuis, mais il m'en reste des images, donc il s'est quand même passé quelque chose. Mais ce soir-là, j'étais pas d'humeur apparemment et je suis sorti en détestant la mise en scène au cinéma, lol.
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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 20:25

ça m'arrive plus souvent qu'à mon tour!

Et j'ai bien aimé, dans une veine différente, un film "de campagne" (si on veut), qui fleurtait lui aussi avec le genre fantastique de façon latérale: Peau d'homme coeur de bête (Hélène Angel).
Plus classique dans sa forme, si on veut, plus stéréotypé à mon sens. Mais qui m'avait fichu le trouillomètre à zéro.

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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 20:27

je n'ai vu que le début du film sur lequel plane d'emblée, dès l'ouverture une menace, comme si le sac s'envoyait tout seul à l'eau lol. je suis d'accord en cela avec Bidibule. La suite à venir ... mais le court métrage est fabuleux, non ?

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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 20:28

Il l'est, slimfast. Enfin, je trouve.

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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 20:32

Bidibule a écrit:ça m'arrive plus souvent qu'à mon tour!

Et j'ai bien aimé, dans une veine différente, un film "de campagne" (si on veut), qui fleurtait lui aussi avec le genre fantastique de façon latérale: Peau d'homme coeur de bête (Hélène Angel).
Plus classique dans sa forme, si on veut, plus stéréotypé à mon sens. Mais qui m'avait fichu le trouillomètre à zéro.
moi aussi j"ai aimé ce film avec une belle fin : c'est pas si fréquent !

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Message par Eyquem Mar 24 Sep 2013 - 20:46

D'accord aussi sur "Peau d'homme, coeur de bête".

Bidibule a écrit:Je l'ai vu, non comme une chronique familiale et campagnarde (si ça avait été ça, j'aurais pris mes jambes à mon cou), mais comme une composition fantastique, donc...
Une affaire de météorologie et de paysage. Et oui, en effet, y a peu de place pour le "hasard" dans ce film. C'est pas du Pialat, clairement. Concernant l'enfant, si comme tu dis il se trouve un peu trop facilement toujours au bon endroit au bon moment, c'est surtout parce qu'il est habité par une forme de prescience "extra-sensorielle", si on veut..
Oui, du coup je trouve qu'il aurait été suffisant de suggérer que tout ça était "vu" par l'enfant, sans forcément le faire apparaître réellement dans la scène.
Je reproche au film des "invraisemblances" alors que j'aime bien dire que je m'en fous (Gertrud va m'aligner). C'est pas un reproche très important: c'est surtout l'atmosphère violemment plombée du film qui m'avait rebuté.




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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 21:04

Oui, du coup je trouve qu'il aurait été suffisant de suggérer que tout ça était "vu" par l'enfant, sans forcément le faire apparaître réellement dans la scène.
Mais justement, pourquoi aurait-il fallu suggérer cela? Si tu me concèdes que tout ça n'est pas "vu" par l'enfant (au sens ici "du point de vue de l'enfant", au sens de "voici un film qui se place du point de vue de l'enfant, à hauteur d'enfant", etc: ce que je conteste), le propos du film n'est pas de "suggérer" des choses sans le faire apparaître dans la ou les scènes. Tout ce qui est suggéré, la manière dont la suggestion opère dans les 3/4 du film, c'est justement tout ce que l'enfant ne voit pas, qui n'est pas dans son champ de vision, et qui est "dans l'air". L'enfant est le centre. Il apparaît dans toutes les scènes. Il est le centre du film, mais le film n'est pas construit sur son "point de vue" à lui. Parce qu'il n'a pas de "point de vue". Ce qu'on voit dans toutes ces scènes où il est le centre, c'est ce qu'il voit physiquement, cad rien du tout. Rien ne s'y passe, c'est disons tranquille. Tout ce qu'on "voit" mentalement (devine, ressent, pressent) se situe dans un cadre sensoriel élargi, qui n'est pas à proprement parler "hors champ", mais qui, là encore, habite le champ. Comme une vibration électrique.

Pour le dire encore autrement, le film a pour point de vue l'enfant, qui lui n'a pas de point de vue. Ce n'est pas la même chose que se placer "du point de vue de l'enfant". De ou depuis son "point de vue" (optique), il ne se passe rien, il n'y a rien à voir. Jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose, précisément. Jusqu'à ce qu'il voit quelque chose. En attendant, il est juste "là", dans le cadre. Et on ne sait rien du "point de vue" (subjectif, mental) qu'il aurait sur le fait qu'il ne se passe rien. Tout ce qui se passe (pendant les 3/4 du film) est donc extérieur à son point de vue, et pour cela innerve, sature l'espace où il se trouve d'un champ de vision ou sensoriel plus large pour le spectateur.

L'enfant apparaît ensuite nécessairement dans chaque scène climax de la dernière partie, comme leur témoin ou voyeur privilégié: dans la mesure où c'est lui, l'enfant, le centre, le vecteur ou le catalyseur, du drame en préparation. C'est une sorte "d'enfant lumière" à la façon d'un Shining inversé, car à proprement parler il ne voit rien. Sauf quand ça a réellement lieu, justement! Il apparaît nécessairement dans ces scènes (comme dans toutes les autres), puisque, par cette forme de prescience "non voyante" qui est disons un "inconscient" objectif planant sur le lieu et qui semble logée dans son corps, il attire à lui les événement, ou est attiré par eux comme s'il était aimanté par eux - surtout en les fuyant (dans une sorte de repli autiste); comme un mini-orage corporel faisant écho au macro-orage climatique en gestation. Événements qui en retour tous semblent converger ou se diriger vers lui, aimantés par lui parce qu'il est cet "oeil catalyseur" final, et physique, d'un drame-orage qui concernait tous les autres, dans un avenir encore indéterminé, en préparation, gestation, mais qu'il ne voyait pas.

Tout dépend, là encore, de "comment on voit le film", en fonction de telle attente, engrammation préalable de ce qu'il doit ou devrait être.


Atmosphère pesante, oppressante, mais je dirais pas "violemment plombée". La fin est violemment plombée, oui, et m'a déçu, refroidi même. Parce que de mon point de vue, trop d’événements, du coup, une fois qu'ils arrivent. J'aurais préféré des événements, certes, mais plus rares, discrets. Moins abondants et moins sanguinolents. J'en garde néanmoins un bon souvenir global. J'ai trouvé, mais c'est moi, ladite atmosphère subtilement envoûtante. Et le parti-pris formaliste du film m'avait plu, contrairement à toi, ajoutant selon moi à cette atmosphère et non la neutralisant.

Combien de films dits fantastiques, réussis, ont une atmopshère violemment plombée Wink

Bon, t'as pas aimé. On n'est pas obligé, sûr.
Tu disais que finalement, les films d'horreur c'était pas pour toi. Pourtant, dans le topic dédié, t'en citais des bons, et des violemment plombés si je puis me permettre. Very Happy


Dernière édition par Bidibule le Mar 24 Sep 2013 - 23:01, édité 18 fois

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Message par Eyquem Mar 24 Sep 2013 - 21:37

Attends là, j'y suis plus, je m'y perds, je m'égare, entre les "vu" avec ou sans guillemets.
Est-ce que l'enfant est présent dans toutes les scènes ? Dans mon souvenir, c'était le cas.
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Message par Invité Mar 24 Sep 2013 - 21:41

Oui, c'est que ce que je dis. Je rééditais juste avant que tu postes, et je le précise.

Voilà, fini de rééditer. lol.

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Message par Eyquem Mar 24 Sep 2013 - 23:26

Tu dis que l'enfant ne voit rien dans les scènes auxquelles il assiste, ou que c’est tranquille la plupart du temps, mais dans mon souvenir, c'était le contraire: on en voyait beaucoup (la mère effrayante, le frère qui boit et part en vrille, la grand-mère acariâtre, etc: il y avait pas mal de plans "chocs", censés représenter un traumatisme pour l'enfant: par exemple, le regard médusant de la mère qui pétrifie l'enfant et le spectateur par la même occasion car elle fixe la caméra ; la petite voisine qui a ses règles lors d'une baignade, etc. Le film faisait aussi plus que suggérer un éveil à la sexualité, en l'associant systématiquement à quelque chose de délétère et d'angoissant). On n’a pas les clés du malheur de cette famille mais on a droit à une panoplie complète de dysfonctionnements familiaux, vus comme "en passant" mais à la fin la barque est suffisamment chargée pour qu'on ne soit plus dans l'ordre de la suggestion. Ce que tu dis à propos de la fin :
La fin est violemment plombée, oui, et m'a déçu, refroidi même. Parce que de mon point de vue, trop d’événements, du coup, une fois qu'ils arrivent. J'aurais préféré des événements, certes, mais plus rares, discrets. Moins abondants et moins sanguinolents.
 
pour moi, cela s'appliquait à tout le film: il manque des vides, des trous, dans le récit; le puzzle, aussi fragmenté soit-il, n'a pas de pièces manquantes, et le récit, à mes yeux, fonctionnait trop comme une "machine fatale".


Ce qui fait que le film me semblait jouer sur deux tableaux : d’un côté, il ne veut pas tout montrer, tout expliquer, il veut créer de l’inquiétude à partir de simples signes (d’où le choix, sans doute, de filmer du point de vue de l’enfant, parce que l’enfant voit sans voir, sans comprendre, et comme ça tous les éléments du drame à venir sont mis en place sans en avoir l’air). Mais de l’autre, ces signes d’un dysfonctionnement sont tellement abondants, la suggestion d’une menace, d’une explosion prochaine est tellement soulignée que ça devient tout sauf suggestif ou mystérieux. Je n’ai donc pas perçu le déchaînement de violence final comme une fin ratée mais comme l’aboutissement logique d’un film qui avait passé son temps à me faire sentir venir la catastrophe finale.
Ta lecture est plus stimulante. Moi, j’ai pas vu le film, juste sa fabrication. C’est un équilibre qui ne marchait pas, comme si Achard cherchait tellement à atténuer, à ne pas trop en montrer tout en nous montrant finalement l'essentiel, qu'à la fin, ça devenait voyant et appuyé. Forcément, ça gâchait l’art de la suggestion, lol.

(Disons que sur un sujet proche, celui d'un parricide, je préfère la manière de René Allio dans "Moi Pierre Rivière", où le drame arrive sans qu'on voie rien venir, parce que le film paraît moins préoccupé de mettre en place toutes les pièces d'une mécanique fatale que de filmer les à-côtés, le travail aux champs, la vie comme elle va, tout un ensemble de faits "insignifiants" pour le drame qui survient à la fin par un saut inexplicable. La comparaison n'est pas très parlante, tant les films sont différents. Tu as parfaitement raison de dire que la réception du film est conditionnée par nos attentes; en allant voir "Le dernier des fous", je ne m'attendais pas à un "film de genre" alors que c'est sans doute comme ça qu'il faut le voir pour se rendre sensible à l'atmosphère qu'il construit et accepter ce que moi j'ai perçu comme un scénario trop concerté, trop chargé d'intentions.)  
Tu disais que finalement, les films d'horreur c'était pas pour toi. Pourtant, dans le topic dédié, t'en citais des bons, et des violemment plombés si je puis me permettre. Very Happy 
Hmm, je vais mettre ça sur le compte de la transmutation alchimique des affects. Parfois, c'est plombé et ça me stimule, ça se transforme en joie. Parfois, le plomb reste du plomb, va savoir pourquoi. lol

[fini de rééditer aussi...]
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Message par Invité Mer 25 Sep 2013 - 14:02

L'enfant est plus le premier spectateur du film qu'autre chose : j'aime d'ailleurs la façon dont il entre comme par effraction dans le plan. Sa passivité de "spectateur" est d'ailleurs le sujet du film, tout ce hors champ qui lui échappe jusqu'à ce qu'il veuille en découdre avec le réel. Moi j'aime assez cette fin, cette façon qu'a l'enfant de tuer obstinément dans l'oeuf tout démarrage ou redémarrage de la fiction, familiale, filiale.
Beaucoup de qualités pour ce "petit" film.

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Message par Invité Mer 25 Sep 2013 - 16:39

il y a dans ce film une signalétique par le vêtement qui intéresserait un plus courageux que moi, depuis le jean très identifiable que porte l'instit lors du premier plan jusqu'aux vêtements immaculés de la mère en passant par sa nudité, la presque nudité de l'enfant et en point d'orgue ce plan réussi où l'on voit de dos le frère les bras écartés appuyés au haut manteau de la cheminée , la tête baissée qui ne laisse entrevoir que le col de sa chemise.

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