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Interstellar de Christopher Nolan (2014)

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gertrud04
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Borges
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Interstellar de Christopher Nolan (2014) Empty Interstellar de Christopher Nolan (2014)

Message par Invité Dim 9 Nov 2014 - 13:14

Le dernier film de Nolan s'inscrit dans la perspective épuisée, molle, du mythe américain de la frontière; c'est l'anti-gravity mais il n'en est pas moins pesant. Au personnage féminin qui retourne sur la terre mère se substitue le héros wasp qui cherche à la quitter afin de coloniser des mondes lointains; car la terre se meure, comme les vieilles souches. Ces mondes lointains sont bien sûr inhabités, il n'y a plus guère que chez Carpenter que les fantômes hantent le territoire. Nolan se contente de les occulter à l'écriture, c'est plus confortable quand l'on est le chantre d'une Amérique qui doit retrouver le chemin de l'excellence, du dépassement de soi au dessus les autres.

Dans les années trente, King vidor, qui n'était pas le cinéaste le moins doué ni le plus progressiste, avait réalisé une petite farce politique chez les soviets, les paradoxes du communisme d'appareil, avec la pointe de mauvaise foi nécessaire à cette entreprise afin de montrer les dangers du collectivisme lol; le journaliste joué par Clark Gable s'amusait, en toute décontraction, à parler de baseball à la naïve et divine passionaria interprétée par Hedy Lamarr qui n'avait que Lénine à la bouche. Quand le couple échappe, par la bonne fin, aux mains hirsutes des cocos, il l'invite à un match de base ball dans un stade bondé de New York. Croquez la vie à pleines dents, s'il vous en reste. Finalement la politique en Amérique, modulo sa représentation manifeste, se résume à un coup de batte.
Comme les blockbusters récents ne se privent pas d'utiliser cette métaphore de l'excellence dans le sport, en particulier le base ball, jeu où la balle peut et doit, idéalement, dépasser les limites du terrain lol, je tenais quand même à dire que cette métaphore fait long feu et la forêt des idées risque bien de se racornir comme peau de chagrin à la fin; Et si la métaphore dit bien le but visé par un sport chiant où les athlètes sont aussi piqués que les bœufs de compétition, elle n'atteint hélas plus depuis belle lurette la perfection supposée de sa démonstration.
Mais Nolan ne redoute pas les clichés; sa puissance à Hollywood le porte sans résistance vers la monotonie des images et des idées. Les bonnes vieilles traditions ne déparent pas dans le milieu néocon hollywoodien.

Ce passage de la frontière, c'est aussi, c'est ce qui structure le film et le porte vers la résolution de son paradigme, le dés-agrippement, la coupure, la séparation avec ce à quoi on est part intégrante, avec ce qui est cher, la terre, la famille, la fille, un aller sans retour comme il se doit dans l'histoire, les fondements de l'Amérique. Les pionniers ont laissé derrière eux les vies européennes, le temps passé et qui passe comme un rouleau compresseur, là bas, cet ailleurs rejeté. C'est par ce biais que l'on peut comprendre les paradoxes temporels dans le film; une fois la fille vieillie et méconnaissable, agrippée au monde ancien, entourée de pales inconnus, le héros peut se retourner sans plus se retourner et se rendre à la frontière là où l'attend une femme nommée Brand lol. Un nouveau monde à naître où flotte fièrement une pièce de tissu.

C'est à partir de là que l'on peut discuter des relations entre le père et la fille. Ca semble passionner monsieur Nolan. La résolution du long parcours où la science tient la main finalement au mysticisme le plus commun, la transcendance la plus bête, où comment un père hante le devenir de sa fille afin qu'elle choisisse le meilleur mâle possible à épousailler, je trouve ça pour le moins douteux lol. La femme chez Nolan n'est intéressante qu'en ce qu'elle sert au projet de l'homme, je devrais dire, la femme est le projet de l'homme. Brand croit, alors qu'elle est une scientifique chevronnée, à un mystérieux pouvoir appelé amour, c'est son domaine de prédilection, sa base arrière, le déterminisme du corps ... ; sa sensiblerie coûte la vie à un membre de l'équipage à un autre moment; parce qu'une femme, c'est sensible vous savez.
Nolan est un cinéaste de la domination; ses films ne proposent aucune dialectique, aucune négativité. Les personnages qui ne sont pas dans le moule finissent falots, sans force de proposition. Les figurants minoritaires, les noirs, les femmes, sont de fait représentés avec condescendance (je pense au couple d'enseignants, au membre noir de l'équipage qui regrette la gravité, la terre, le temps humain qui vieillit les corps et rebute les rêves de grandeur).

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Message par Borges Mar 11 Nov 2014 - 11:29

Hi erwan; comment va? Ça faisait un temps Wink

Film assez impressionnant, visuellement et en termes de spectacle. Un début assez nul, qui fait douter des capacités de Nolan; et puis après les vagues, une véritable entreprise de démolition des sens. Le mec cherche à nous affoler, par le son, les images et des dialogues bidons, plein de grands mots, "trou noir", "trou de ver", "gravité"... Bien entendu, cinématographiquement, c'est pas grand-chose ; du spectacle, du sentimentalisme familiale et la bonne vieille idéologie américaine : l'apocalypse, c'est pas pour demain.

Tu parles du mythe de la frontière, qui est en fait un mythe du refus de la frontière (on vit ça tous les jours pratiquement avec Israël, un pays qui déborde sans cesses ses limites, dans tous les sens du mot; c'est aussi ce que font les Américains, dans le cinéma et ailleurs; devenir incommensurables, ou comme dit aussi Badiou, illimités.)

S'ils sont les seuls  à mettre l'espace, l'univers en scène, c'est pas seulement parce qu'ils sont les seuls à disposer des moyens, financiers et technologiques, c'est que le mythe de la frontière rejoint nécessairement celui de l'univers, de l'illimité, ou de l'infini : les USA comme l'univers n'ont pas de frontière. C'est ça la reprise NASA de la thématique du 19e, du pionnier, du colon, à qui s'identifie le héros du film. Au go west s'est substitué un go stars. Entre les USA et les étoiles le lien est d'essence ; suffit de voir leur drapeau ou de penser à l'imagerie hollywoodienne, d'ailleurs. Les USA, ce sont les étoiles. L'univers comme les USA sont en expansion, rien ne peut les arrêter; ils n'ont pas de véritable dehors; rien de moins blanchotien. Les USA sont le tout ou le rien, l'être, à qui rien ne peut faire frontière.

Les USA, c'est pas seulement le monde, ce qu'ils ne cessent de nous dire dans leurs films de fins du monde, où une partie de l'humanité est toujours égalée au tout, ou comme le chantaient M. Jackson et ses potes (We're the world), ils sont aussi l'univers. C'est du moins leur déclaration politique, morale, idéologique, cinématographique : car, comme dit Badiou "rien ne mérite le nom d’univers que ce qui n’a pas de frontière. « Les frontières de l’univers » est une expression incohérente."


Il faudrait discuter le film avec Gravity, dont tu dis bien qu'il est d'une certaine manière la négation, mais aussi avec Prometheus, Noah et bien entendu 2001, que le film récite, déplace sans cesse, sans atteindre jamais à sa force "esthétique", de pensée...

Le rapport entre les deux films est le même que celui qui peut exister entre un morceau de Deathcore et 4'33" de Cage.

Le cinéma de Nolan, c'est du bavardage (par le son, la musique, l'image, les dialogues...), une incapacité à se taire, à faire silence, pour que ce qui ne peut pas être dit, expliqué, puisse faire signer, se montrer. Le comble pour un cinéaste, si on pense que le cinéma a le lieu de son déploiement dans l'image, dans la monstration ; ce que je ne crois pas.



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Message par GM Mar 11 Nov 2014 - 12:36

Bon retour, beau retour Smile

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Message par Invité Mar 11 Nov 2014 - 13:26

hello Borges, Wink
Tu parles du mythe de la frontière, qui est en fait un mythe du refus de la frontière
avec le doc, on avait parlé de cela, brièvement, au sujet de l'historien Turner qui aurait établit ce concept de frontière. Il pourrait mieux en parler que moi puisqu'il l'a lu lol.
Le go stars de Nolan, cet horizon arc en ciel, n'est ce qui nourrit le go war de la seconde moitié du 20 è siècle américain, et encore aujourd'hui?
Le nom de Kubrick revient souvent parmi les personnes qui évoquent le film; celui de Ford aussi, chez les inrocks je crois; ils pensent sans doute au tragique du temps humain qui donne et reprend dans young mister lincoln, en un collage ... et le passage entre les deux premiers actes chez Nolan ... Mais chez Nolan, le temps n'est jamais subi, ni senti. Comme on disait avec des potes en sortant, c'est bidon, on est un peu plus pauvre en sortant des gaumont, mais au moins on s'ennuie pas lol

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Message par Borges Mar 11 Nov 2014 - 15:48

Hi; Ford, bien entendu, comme Malick, comme des tas d'autres. De nos jours, plus un film est faible, plus il "cite", de manière pataude, grossière, clichée, pour épater les pseudo cinéphiles. Plaisir simple de la recognition et de l'association, sans que ces associations permettent d'aller très loin. Faut se dire une fois pour toutes que les gars qui écrivent dans les Inrocks ne savent strictement rien de Ford; des classiques, en général. Pour eux, ce ne sont que des noms, ou pire des mots, des adjectifs, des lieux communs. Il ne faut les lire que quand on est très fatigués, et pour rire.




"Ford et Kubrick. Dans un raccord sublime, Nolan passe brutalement de l’un à l’autre : le cow-boy laisse sa famille qui le pleure sous un porche (La Prisonnière du désert) et se retrouve instantanément aux manettes d’un vaisseau spatial en route vers l’inconnu (2001 : l’odyssée de l’espace)"
(Inrock)

"Un raccord sublime", on se marre; grossier cliché. On peut rapprocher, mais pour créer de la distance et penser : les searchers, c'est la malédiction du nomade, du gars sans lieu, sans habitation, sans famille, sans chez-soi; la vérité morale du film, c'est la fidélité à la terre; ethos du fermier, de l'agriculteur, tellement méprisés par le film de Nolan.



La critique française est sans doute l'une des plus bêtes du monde (la belge exclue, n'existant pas) Wink


S'il y a un film de Ford à quoi on doit pouvoir comparer Interstellar, c'est "Les Raisins de la colère", et ses "dust bowl refugees"; on verrait alors les différences entre Ford (le peuple contre les élites) et Nolan (l'élitisme, de l'intelligence, dans ce film).

Interstellar est un film sans présent (au sens de Badiou, c'est-à-dire  "coextension de la répétition et de la projection, sur le fond d’un emmêlement, d’une perplexité" ), esthétique ou politique.

Kubrick ne cite rien, ni personne dans "2001", mais il répète le cinéma (muet) et projette un avenir, derrière lequel tous les faiseurs s'épuisent depuis des dizaines d'années.






Dernière édition par Borges le Mar 11 Nov 2014 - 16:44, édité 1 fois
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Message par Borges Mar 11 Nov 2014 - 16:40

GM a écrit:Bon retour, beau retour Smile


Hi, GM; comment va? Joli accueil, merci.

Wink


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Message par GM Mar 11 Nov 2014 - 16:41

Tu nous as manqué, Borges, ça va mieux Very Happy

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Message par gertrud04 Mar 11 Nov 2014 - 17:01

Cool, bon retour Borges.

J'ai vu le Nolan cet aprem. Le film m'a pas mal captivé jusqu'à l'arrivée de Matt Damon. Son méchant n'est pas très réussi, je trouve. Après, l'histoire de la fille et du père, ça m'a fait penser au film de Zemeckis avec Jodie Foster, dont je ne gardais pas un grand souvenir.
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Message par Eyquem Mar 11 Nov 2014 - 23:41

Cool salut Borges!
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Message par Eyquem Mer 12 Nov 2014 - 11:15

D’un côté, il y a chez Nolan un goût de l’épopée : de plus en plus loin, de plus en plus grand, de plus en plus en long. Des histoires de frontières, de conquêtes à la Lewis et Clark, comme vous dites, des fresques à la Steinbeck sur des milliers de pages, des explorations de mondes inconnus façon Jules Verne.

Et de l’autre, les fictions qu’il invente (ici comme dans Inception) sont très proches du conte à la Edgar Poe ou à la Bioy Casares/ Jorge Luis Borges (cf La Bibliothèque de Babel, auquel on pense à la fin : d’ailleurs Nolan cite Borges et ses "paradoxes" dans une interview. Pour Inception, c’était Edgar Poe et son "Dream within a dream"). Des récits brefs qui reposent sur un art de la concision, et qui constituent des petits mondes en soi, repliés sur eux-mêmes, pour que la fiction s'enchante de ses propres pouvoirs.

L'association des deux produit de drôles de monstres : des contes amplifiés aux dimensions d’une épopée ; des nouvelles transformées en pavés; des récits de conquêtes qui n'ont à conquérir qu'un palais des glaces étendu aux dimensions de l'univers. Comme si Jules Verne réécrivait une nouvelle de Borges et l’allongeait sur 500 pages, en sapant continuellement l’action par l’insertion de descriptions aussi savantes que barbantes sur les wormholes, les paradoxes du temps, les caractéristiques de la gravité, et les intrications quantiques de l'Amour, grâce à quoi on saura enfin l'âge du capitaine.

(pour moi, c’est plus que pénible, une épreuve, d’écouter pendant des heures ces personnages expliquer et décrire absolument tout ce qu’ils voient et font. C’est comme Inception : des jeux si compliqués qu’on ne fait que lire la règle et la partie ne commence jamais : le genre de jeu qui fout en l’air votre dimanche après-midi)

Borges a écrit:Le cinéma de Nolan, c'est du bavardage (par le son, la musique, l'image, les dialogues...), une incapacité à se taire, à faire silence, pour que ce qui ne peut pas être dit, expliqué, puisse faire signe, se montrer
Oui; j'en suis sorti en repensant au poème de Whitman, cité dans Breaking Bad:

"J’ai entendu le savant astronome
J’ai vu les formules, les calculs, en colonnes devant moi,
J’ai vu les graphiques et les schémas,
Pour additionner, diviser, tout mesurer,
J’ai entendu, de mon siège, le savant astronome
Finir sa conférence sous les applaudissements
Et soudain j’ai ressenti un étrange vertige, une lassitude infinie ;
Alors je me suis éclipsé sans bruit ; je suis sorti
Seul dans la nuit fraîche et mystérieuse,
Et de temps à autre,
Dans un silence total, j’ai levé les yeux en direction des étoiles"
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Message par GM Mer 12 Nov 2014 - 20:50

Borges, petite question : pendant ta vacance, as-tu eu l'occasion de voir une série B sortie en coup de vent cet été, Young Ones ? J'ai eu l'impression en la voyant qu'il s'y jouait un peu autre chose que d'habitude et je cherche depuis quelques temps à lire un texte intelligent à ce sujet, en vain... Je suis moi-même incapable de produire trois lignes qui se tiennent, je ne sais plus écrire.

La question est posée à Borges, mais tout le monde peut répondre Smile

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Message par Eyquem Sam 15 Nov 2014 - 8:48

salut Jerzy,
Jerzy, sur Frence Culture, a écrit:Nolan, il a jamais su raconter quoi que ce soit. Ni filmé une action, quelle qu'elle soit. Y a aucun hasard là-dedans, les deux sont parfaitement liés.
Dès Memento, Nolan nous expliquait les fondements, qui n'ont jamais varié, de son approche du cinéma: substituer à l'enchaînement des images un enchainement de mots, et déstructurer un récit pour faire oublier que ce dernier n'a aucun intérêt, donner l'illusion de sa profondeur ou de sa densité.

Prenons n'importe quelle scène de Nolan, dans un Batman.
Tout ce qui a trait à un événement, une histoire, une intrigue, Nolan s'emmerde pas avec ça. Il la situe dans un passé, lointain ou récent. De toute façon hors-champ, et il délègue à un dial imbitable entre deux personnages la fonction de nous "raconter". Entre ces longs moments ennuyeux, qu'est-ce qui se passe?
Faut revenir à Descartes, d'une certaine façon, pour le comprendre. Descartes se demandait comment pouvait exister le mouvement, la durée (dans un sens qui sera celui d'un Bergson), avec des instants déconnectés, des moments de présent non-liés. Nolan a ce problème. Il est assez malin pour nous faire oublier qu'il est incapable de le résoudre, incapable de transmettre le sentiment d'une durée quelconque, par le langage cinématographique. Dès Memento, c'était toute l'affaire: de ce que je ne parviens pas à exprimer une durée continue, qui a un rapport consubstantiel avec le phénomène de la mémoire, je vais inventer un perso qu'a pas de mémoire, qui est, comme moi, incapable de lier des moments de présent non liés.
Dans les Batman, donc, ainsi comme dans Inception: en dehors d'une imagerie kitsch assez téléphonée sur laquelle se paluchent des esthéticiens au rabais, qui confondent pictural et chromo de Léda et le cygne accrochés au dessus du lit, près du guéridon, si on s'amuse, montre en main, a compter la part qui est réservée à "l'action" proprement dire (cad le mouvement, pas forcément une action physique. Une image-temps, donc, pour faire simple) et la part consacrée aux "dialogues", qu'observe-t-on?
On observe que 80 % minimum de ce qui se "passe" sur l'écran est dévolu à d'interminables bavardages, qui ne sont pas même des "dialogues" (car Nolan est tout aussi incapable d'écrire du dialogue, cad de l'interaction continue, fluide, circulant entre deux persos), mais des notices pseudo-scientifiques, des mode d'emploi de bidule à bits, qui comptent sur un saut de foi patient, et confiant, du spectateur, qu'on endort, et qui ne voit pas qu'on lui fait prendre la lanterne des frères lumière pour une vessie verbeuse...
De ci, de là, parcimonieusement, pour honorer le cahier des charges, on a, donc: quelques rachitiques scènes de "fight" et d'explosions, qu'on nommera par mansuétude "action". Et là, on observe le même phénomène, exactement: cette incapacité à faire de la durée, du mouvement, avec des moments déconnectés. C'est pour cela que le principe de construction des scènes d'action, chez un Nolan, c'est le montage, et cuter tout partout. Bien sûr, y a des génies du montage, comme Peckinpah, Penn, etc, qui traduisent des vitesses, des chocs, des secousses, corporelles autant que géologiques, par le simple découpage des plans. Nolan, lui, sait pas faire ça non plus.
Se prenant pour un Houdini post-moderne, il nous offre des vignettes, des photogrammes de fragments de chorégraphies plongés dans le formol. Mais pas besoin de croire à la magie: y a aucun mouvement là-dedans, aucun enchainement sensori-moteur d'aucune sorte. Y a, concrètement, rien à voir.
Que sauver chez Nolan, le nouveau petit génie prétendu qui sauve le "blockbuster", ce genre indigent, en y injectant on ne sait quelles profondeurs de vertige métaphysique et pascalien?
Ce qu'on peut sauver, c'est la réhabilitation des "conversations" au coin du feu, à l'anglaise, entre l'aiguille à tricoter et le verre de bourbon. On s'emmerde comme des rats morts, mais c'est tout un art de l'ennui distingué. Le monde de Nolan semble tout entier sorti de souvenirs de conservations désincarnées, entre gentlemen british, sur toute une série de "sujets" parfaitement inintéressants, mais dont l'inintérêt même assure le statut aristocratique de gens qui ont du temps à dilapider dans l'art de la conversation vide.
J'ajoute un dernier truc. Pour donner l'illusion que dans tout ça y a de l'affect, de l'humain, Nolan s'emmerde pas non plus des masses: il refourgue systématiquement, à chaque film, le même argument: une affaire de deuil impossible, d'épouse décédée, qui organise le trauma du héros principal. A force d'enfoncer ce même clou, il finit là aussi par donner l'illusion qu'il a une thématique "personnelle", "intime".
J'ajoute simplement que le problème de ses films, c'est qu'il veut jouer sur les deux tableaux: d'un côté, ses récits nous disent que l'espace et le temps, le passé et le présent, la réalité et le rêve, ce ne sont que des mots, des éléments interchangeables, parfaitement réversibles. De l'autre, le point d'ancrage de ces univers déréalisés, c'est une histoire de perte, de deuil: une femme morte, une fille abandonnée à des milliers d'années-lumière. Je ne vois pas comment Inception ou Interstellar pourraient émouvoir sur le sort de ces personnages endeuillés, dans le temps même où ils nous disent que le passé et le présent, c'est pareil; que le bout de la galaxie, c'est la porte à côté. Pour qu'on puisse un peu s'émouvoir face à ces expériences de deuil, de séparation, d'abandon, il faudrait déjà que les notions de passé, d'éloignement signifient quelque chose - or ses deux derniers films s'ingénient justement à montrer qu'elles ne signifient rien.
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Message par Borges Lun 17 Nov 2014 - 15:18

Hi;

GM, je ne connaissais pas ce film avant que t'en parles ici; je l'ai téléchargé et vu; curieux. Au début, on se dit que c'est rien, un exercice de style un peu vide, au visuel très travaillé; Leone + mad max, avec l'eau à la place du pétrole, dans une tonalité assez série b années 1970. Je me suis demandé ce que tu avais pu lui trouver, sans parler de la musique hyper agaçante. Puis ça change de manière,  on se dit que le mec ne sait pas ce qu'il fait, manque de sujet, et tout ça; troisième mouvement, en tous les cas, dans ma réception : là, on est complètement dépassé, désorienté,  on ne sait plus très bien où ranger ces images, d'où elles viennent, où elles vont; grosse perplexité; on dirait parfois le FFC de "Rusty James". Le plus étrange, comme dirait Freud, c'est l'étrange familiarité des images, des situations, des personnages; c'est étrange et familier. En regardant le film, qui prend une ampleur énigmatique vraiment étonnante en avançant, j'avais le sentiment de l'avoir déjà vu. Et c'est pas dû nécessairement à "l'interfilmique". Faut le revoir, pour en dire quelque chose d'un peu malin, qui tienne et rende compte de l'étrange puissance affective de ce truc, avec d'incroyables inventions (la machine-âne, la mère-pantin...)

(Rien lu à son sujet)

Comme disait GM, tout le monde peut participer  Wink
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Message par Borges Lun 17 Nov 2014 - 16:21

Eyquem, gertrud04 Wink
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Message par Borges Lun 17 Nov 2014 - 18:41

J'avais oublié, dans  "Young Ones" on peut entendre l'une des plus belles chansons de KK, l'une de mes chansons favorites : "To Beat the Devil." Fut une époque où je pouvais pas l'écouter sans pleurnicher.




"
And you still can hear me singin' to the people who don't listen,
To the things that I am sayin', prayin' someone's gonna hear.
And I guess I'll die explaining how the things that they complain about,
Are things they could be changin', hopin' someone's gonna care.

I was born a lonely singer, and I'm bound to die the same,
But I've got to feed the hunger in my soul.
And if I never have a nickel, I won't ever die ashamed.
'Cos I don't believe that no-one wants to know. "


Borges
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Message par GM Lun 17 Nov 2014 - 22:07

Ah je savais que je n'avais pas tout à fait rêvé.
Bon, je vais essayer de le revoir, de réécrire ; les trois états que tu décris, c'est exactement ça : on est d'abord dans la routine, puis surpris, enfin déplacés ; bien la preuve que ce n'est pas Nolan Smile

J'aime entre autres la fascination du film pour cet engin nul, pas spectaculaire, qu'est la machine-âne que tu dis. Je trouve cette fascination contagieuse ; elle m'a rappelé quelque chose d'autre, mais je ne sais pas encore quoi, je cherche toujours, quelque chose d'enfantin ou adolescent peut-être, quelque chose de la fascination qu'on pouvait avoir pour le robot bipède de Robocop par exemple, une fascination pour quelque chose qui n'est pas là, pour une chose truquée, pour des SFX, comme si c'était la première fois que des effets spéciaux numériques me fascinaient, comme si on pouvait peut-être tout de même refaire des effets spéciaux émouvants après Rob Bottin (à renvoyer peut-être aux images mnémoniques troubles, aux reconstitutions synthétiques de ce que voit cet âne aveugle, qui ne s'appelle pas Martin ?).

GM

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Interstellar de Christopher Nolan (2014) Empty Re: Interstellar de Christopher Nolan (2014)

Message par GM Lun 17 Nov 2014 - 22:14

(ceci étant, c'est peut-être la seule chose qui ait un peu retenu mon attention dans Interstellar : l'étonnante allure de ces robots cubiques, qui peuvent devenir des roues carrées en cas de besoin ; évidemment Nolan est obligé de les faire parler et tout est fichu dès lors, mais c'était une idée, ces blocs idiots high-tech)

GM

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Message par Borges Jeu 20 Nov 2014 - 13:21

Timothée Gérardin, un mec d'independencia sur sa page facebook a écrit:
"Christopher Nolan's "Interstellar" spends hundreds of millions to take the audience on a journey to the farthest parts of the cosmos ... so they can be told sentiments as close, and as cheap, as any of the offerings at your local Hallmark card retailer. "

Ce monsieur n'a pas compris que l'intérêt de Nolan était précisément d'employer l'histoire la plus tordue, le budget le plus démesuré, la musique la plus pompeuse, les plans les plus chargés, pour découvrir le sens de choses simples. C'est comme Bruce Wayne qui escalade une montagne pour y cueillir une fleur rare. Si la fleur est rare, c'est parce qu'il a fallu escalader une montagne pour y accéder.

Les commentaires aussi sont superbes, avec  une mention spéciale à notre ami Camille B : " c'est surtout que c'est l'ascension qui compte, pas la gogole de fleur"

C'est joli comme du "petit prince". Mais faut du courage pour être aussi con.
Borges
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Message par lucasgrvois Lun 14 Sep 2015 - 20:17

Bonsoir,

Il n’y a pas photo, cette réalisation de Nolan est un chef-d’œuvre qui a marqué le monde cinématographique ! Le pitch est très original et, même si certains passages semblent complexes, les explications sont assez claires pour que l’on ne perde pas le fil. J’ai passé un excellent moment en visionnant ce long-métrage.

Au revoir !

lucasgrvois

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Message par wootsuibrick Jeu 29 Mar 2018 - 18:16

Very Happy
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Message par Ludovic232323 Mer 11 Avr 2018 - 3:41

Bonjour. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le succès a été au rendez-vous pour Interstellar. Pour preuve, il a reçu plusieurs nominations dans de nombreux festivals de cinéma. Qui plus est, le film de science-fiction a primé durant les BAFTA Film Awards. Perso, je l’ai trouvé exceptionnel !

Ludovic232323

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