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Une dangereuse méthode : surtout pas la peste

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Message par Borges Dim 8 Jan 2012 - 15:30

y a pas de hasard : c colomb a apporté des tas de maladies en amérique Wink
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Message par Eyquem Dim 8 Jan 2012 - 16:30

Borges a écrit:la présence de la statue de la liberté est essentielle ; la peste, c’est l’inverse de la statue de la liberté éclairée, l’inverse donc de la liberté, des lumières , d’une démocratie fondée sur l’idée humaniste de l’homme maître de sa vie, de son destin...
Ce sont les deux statues opposées du film :
- la sphynge, qui pose l'énigme de l'homme, et ouvre ainsi un abîme d'obscurité sous ses pieds, le jette dans l'errance, l'exil
- la statue de la liberté, qui éclaire, qui accueille les exilés, les protège.

Sur le socle de la statue américaine, il y a le fameux poème d'Emma Lazarus, qui justement marque la distance avec la tradition grecque ("Not like the brazen giant of Greek fame" : c'est une allusion au Colosse de Rhodes) et promet d'accueillir tous les exilés du monde :


Not like the brazen giant of Greek fame
With conquering limbs astride from land to land;
Here at our sea-washed, sunset gates shall stand
A mighty woman with a torch, whose flame
Is the imprisoned lightning, and her name
Mother of Exiles. From her beacon-hand
Glows world-wide welcome; her mild eyes command
The air-bridged harbor that twin cities frame,
"Keep, ancient lands, your storied pomp!" cries she
With silent lips. "Give me your tired, your poor,
Your huddled masses yearning to breathe free,
The wretched refuse of your teeming shore,
Send these, the homeless, tempest-tost to me,
I lift my lamp beside the golden door!"

Non pas comme ce géant de cuivre célébré par les Anciens,
Dont le talon conquérant enjambait les rivages,
Ici, devant nos portes battues par les flots
Et illuminées par le couchant
Se dressera une femme puissante,
La flamme de sa torche
Est faite de la capture d'un éclair
Et son nom est Mère des Exilés.
De son flambeau
S'échappent des messages de bienvenue au monde entier ;
Son regard bienveillant couvre
Le port, les deux villes qui l'entourent et le ciel qui les domine,
"Garde, Vieux Monde, tes fastes d'un autre âge" proclame-t-elle
De ses lèvres closes. "Donne-moi tes pauvres, tes exténués
Qui en rangs pressés aspirent à vivre libres,
Le rebus de tes rivages surpeuplés,
Envois les moi, les déshérités,
Que la tempête me les rapporte
De ma lumière, j'éclaire la Porte d'Or!"
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Message par Eyquem Dim 8 Jan 2012 - 16:34

Un autre petit montage :


"Derrière le miroir" :


Une dangereuse méthode : surtout pas la peste - Page 2 Danger10

Une dangereuse méthode : surtout pas la peste - Page 2 A-dang10
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Message par Borges Lun 9 Jan 2012 - 9:46

très amusant ce différend entre les disciples et le Maître sur le cinéma :


(..) 1883, Albert Londe construit un appareil à douze objectifs, directement dérivé du modèle de Muybridge qui, déclenché électriquement par un métronome, enregistre les phases successives de l'hystérique. Ça se passe à la Salpétrière chez Charcot.

Puis, 1885, Freud assiste à de telles scènes.

Sur la naissance du cinématographe, Freud se tait, silence d'autant plus pesant que le cinématographe naissait avec lui. Donc, aucune référence, même pas pour décrire d'une manière didactique tel ou tel mécanisme. Réticence? Silence? Méfiance des arts modernes?

Les nombreuses tentatives qui lui sont proposées de réaliser un film sur la psychanalyse, avortent. Freud les refuse toutes. Samuel Goldwyn — l'épisode est connu — propose une somme fabuleuse. Le refus est catégorique et rend Freud célèbre sur le nouveau continent.

Puis, 1925. Abraham et Sachs sont à leur tour sollicités. Une ombre au tableau, comment seront-ils autorisés? Cette perspective, ils l'annoncent à Freud avec d'infinies précautions et des arguments curieux. Ils avouent être très réticents à la réalisation de ce projet, mais objectent : a) si ce n'est pas eux qui acceptent, ce sera une bande de psychanalystes « sauvages »; b) il est possible de « rendre figurable » (darstellbar) le matériel des rêves. « J'ai à peine, écrit Abraham, besoin de dire que ce genre de choses n'est pas particulièrement de mon goût; je n'ai pas davantage besoin de vous dire que ce projet est conforme à l'esprit de notre époque et qu'il sera certainement exécuté : si ce n'est pas avec nous, ce sera avec des gens incompétents. (...) Le plan proprement dit du film est le suivant : la première partie sert d'introduction en présentant des exemples suggestifs qui illustrent le refoulement, l'inconscient, les rêves, les actes manques, l'angoisse, etc. Le directeur de la compagnie, qui connaît en partie vos écrits, est enthousiasmé, par exemple, par la comparaison que vous faites avec l'intrus, dans les Cinq Leçons, pour illustrer le refoulement et la résistance. La deuxième partie doit présenter une destinée humaine à la lumière de la psychanalyse et montrer comment on guérit les symptômes nerveux. » (Lettre d'Abraham du 7 juin 1925).

Le réponse ne se fait pas attendre. Dès le 9 juin, Abraham reçoit un refus sans appel : « Le fameux projet ne me plaît pas. J'avais d'abord trouvé inattaquable votre argument. (...) Ce que les gens paient, manifestement, c'est l'autorisation. Or, ils ne peuvent l'obtenir que de nous. S'ils veulent faire quelque chose de sauvage parce que nous refusons, nous ne pouvons pas les empêcher... Ma principale objection reste qu'il ne me paraît pas possible de faire de nos abstractions une présentation plastique qui se respecte tant soit peu... Le petit exemple que vous mentionnez, la présentation du refoulement par le biais de ma comparaison de Worcester, apparaîtrait plutôt ridicule qu'instructive ». Pulvérisation des arguments : « Je ne peux pas à l'heure actuelle donner mon autorisation ».

Abraham, l'élève fidèle, escamote le débat, absolument résolu, convaincu (« Je suis sûr qu'un jour, vous vous rangerez à l'avis de Sachs et de moi-même », Lettre du 14 août), et le film va devenir un objet de discorde.

Abraham, amer, reprochera à Freud sa violente intransigeance : « Vous savez, cher Professeur, que je n'aime vraiment pas rediscuter de cette affaire de film. Mais le reproche de brusquerie (dans votre circulaire) me replace dans une situation où je me suis trouvé souvent. Pendant près de vingt ans, il n'y a eu entre vous et moi aucune divergence d'opinions, sauf quand il s'agissait de personnes que — à mon grand regret — je devais critiquer » (Lettre du 27 octobre). « Je veux seulement vous dire aujourd'hui que nous croyons, Sachs et moi avoir toutes les garanties que l'affaire sera menée avec le plus grand sérieux; mais je voulais vous dire surtout que nous avons réussi en principe à « rendre figurables » même les choses les plus abstraites... » (Lettre d'Abraham du 18 juillet)

Car tout le problème réside là : est-ce possible ? Ne dit-on pas souvent que le film est comme un rêve, le rêve comme un film? Que Freud ne choisisse pas pour les « rendre figurables » le stock d'images drainées par la psychanalyse, cela n'est pas surprenant. Le cinématographe évoque, invoque un autre procès, une toute autre économie, un dispositif théorique et pratique sans rapport. L'économie est le concept fondamental (Cf. Au-delà du principe du plaisir).

Si l'on dit, mettant au-devant la nature imagée, que « l'objet-film entretient de plein droit avec les mécanismes de l'inconscient (et en particulier avec les processus primaires) une parenté plus intime et plus radicale que d'autres formes d'expressions» . (C. Metz, Essais sur la signification au cinéma, tome 2, p. 216), cela ne veut pas signifier pour autant qu'il y a coïncidence exacte, incidence réelle, inférence absolue.

Quoi qu'il en soit, « le Secret de l’âme » est une erreur en ce que « la démonstration est fantaisiste et peu probante ».

Mais la question demeure tout de même posée. Sur la littérature les références abondent, sur l'art également. Sur le cinéma, point de saisie. Freud s'est-il tu? L'absence de dire trébuche, achoppe, court-circuite. l'Unheimliche du cinéma, cela ne l'a-t-il pas frappé? L'angoisse, l'effroi, la peur qui surgissaient là avec une rare violence et une puissance nulle part ailleurs égale, le laissèrent-ils indifférent? La psychanalyse, il est vrai, « étudie d'autres couches de la vie psychique et s'intéresse peu à ces mouvements émotifs qui — inhibés quant au but, assourdis, affaiblis, dépendant de la constellation des faits qui les accompagnent — forment pour la plupart la trame de l'esthétique » (Freud, « L'inquiétante étrangeté »).

Un silence? Un oubli? Un désintérêt? Une impossibilité : il y avait tant à faire?

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1975_num_23_1_1351

j'avais dit que la mise en scène de place du côté de freud, c'est comme si cronenberg avait respecté l'esprit freudien, en refusant la monstration du rêve, du cauchemar...de l'angoisse...


( on imagine ce que kubrick aurait fait du rêve de jung, dont parle eyquem )



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Message par NC Mar 10 Jan 2012 - 17:52

Juste une question à Borges.
Connais tu Girard, et son analyse du mythe d'Oedipe. Il y a la peste d'abord, et Oedipe n'en est que le bouc émissaire, le mythe n'étant que l'histoire falsifié par les persécuteurs, justifiant à postériori leur crime.
Oedipe, Freud, Sphinx, Moïse l'égyptien etc...

Je leur apporte la peste, l'arrivée en bateau aux états unis (tout comme Nosferatu venant à Londres en bateau depuis sa chère Europe Centrale. Dont il apporte la terre bien sûr car où qu'il soit il est dans son pays), qui serait une sorte de remarque ironique sur ce dont on l'accusera plus tard.

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Message par Borges Mar 10 Jan 2012 - 18:50

NC a écrit:Juste une question à Borges.
Connais tu Girard, et son analyse du mythe d'Oedipe. Il y a la peste d'abord, et Oedipe n'en est que le bouc émissaire, le mythe n'étant que l'histoire falsifié par les persécuteurs, justifiant à postériori leur crime.
Oedipe, Freud, Sphinx, Moïse l'égyptien etc...

Je leur apporte la peste, l'arrivée en bateau aux états unis (tout comme Nosferatu venant à Londres en bateau depuis sa chère Europe Centrale. Dont il apporte la terre bien sûr car où qu'il soit il est dans son pays), qui serait une sorte de remarque ironique sur ce dont on l'accusera plus tard.

Hello NC, oui, je connais bien girard, j'avais fait allusion à sa lecture :

Borges a écrit:
le vrai sacrifice, c'est l'exil du roi, devenu une souillure...bouc-émissaire (pour girard, oedipe n'a rien fait de ce qu'on lui reproche; et en terme de responsabilité il n'a rien fait)...



il a un raisonnement assez curieux, il prend dans un sens réaliste-historique presque toutes les histoires de sacrifices "mythologiques"; il dit en gros, si les lynchages dont nous savons qu'ils ne reposent sur rien sont faux, par exemple le lynchages des Noirs dans le sud des USA, alors...

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Message par NC Mar 10 Jan 2012 - 20:43

Je n'avais pas vu merci.

Pour Girard les mythes sont des falsifications de l'histoire ; il y a eu la peste, il ne le conteste pas, ce qu'il conteste, c'est que l'inceste provoque la peste. Ce dont tout le monde conviendra aujourd'hui. Je ne comprends pas ce que tu dis par rapport aux lynchages aux Etats Unis.


Pour en revenir à Cronenberg, je trouve le film très violent : Freud qui dit "n'oublie jamais que nous sommes juifs", qui prédit l'échec de toute fusion avec l'Aryen (échec que vivra Spielrein dont elle élaborera sa théorie sur la sexualité=pulsion de mort), l'histoire qui lui donne raison, tandis que Jung continue tranquillement à écouter son Wagner dans la maison de sa femme. Fin de l'histoire entre les juifs et l'Europe. On dirait du Milner.
Et tout ceci pourrait s'expliquer par la discorde Freud Jung : le monde tel qu'il est Vs on peut changer le monde
Il y a la sexualité seul Vs Il y a d'autres leviers
Il y a le médecin et son patient, le père et le fils Vs ces frontières doivent être abolies
la science vs l'intuition

La seule vision positive pourrait se résumer à : certes, mais il faut bien vivre. Jung reste la grande histoire d'amour de Spielrein, quand bien même ceci l'ait conduit à la mort.

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Message par Invité Ven 13 Jan 2012 - 11:49

quelques citations de Borges auxquelles je souscris et que je trouve intéressante à mettre en rapport. La première sort du topic « Territoires de Cronenberg », les suivantes sont plus haut.

dans "les promesses" que nous dit-il des tchétchènes?
[…]
"nous serons toujours des juifs", dira freud, après la rupture…
...
La lettre, l’écrit, après l’image, comme un triomphe de la lettre biblique, de freud, du juif, sur l’aryen… la lettre, l’interdit de la représentation, l’emporte sur le cinéma.
...
si freud c'est la méthode, jung le danger... le film lui dans sa mise en scène se situe du côté du vieux sage juif, rationnel, prudent, matérialiste...


à mon sens, il faut remarquer aussi les paranos très différentes de Freud et de Jung dans le film : le premier essentialisant la différence ethnique du Juif et de l'Aryen, le second persuadé que l'univers lui parle dans les craquements du bois. de fait, La métamorphose de l'âme et ses symboles fait beaucoup penser au délire de Schreber – quant à la parano freudienne...


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Message par Borges Ven 13 Jan 2012 - 16:09

parano : j'avais dit plus haut, bien plus haut, que l'on n'échappe pas aux mythes, à la puissance de la lettre; d'une certaine manière, freud et jung revivent le débat oedipe-créon

jpVernant :

"Oedipe est d'autant plus obstiné à poursuivre l'enquête que ses soupçons se sont, dès le départ, portés sur son beau-frère, ce Créon qu'il considère comme un rival, jaloux de son pouvoir et de sa popularité... Projetant sur Créon son propre désir de puissance; il se persuade d'un même mouvement qu'animé par l'envie à l'égard des grands, son beau-frère cherche à prendre sa place sur le trône de Thèbes et qu'il a pu, dans le passé, guidé la main des meurtriers de l'ancien roi"

Une dangereuse méthode : surtout pas la peste - Page 2 Images?q=tbn:ANd9GcR7-4GNMzyhPLqEBdlFvjnRA-s969A99Yx08ZgcwIZKUeHWYxhY

mais il faut remonter encore plus loin, la lutte des deux hommes remonte à l'égypte; comme le dit freud lors de la scène où il s'écroule, il s'agit de savoir qui va occuper ce trône :
Une dangereuse méthode : surtout pas la peste - Page 2 Images?q=tbn:ANd9GcRWy7mqTPZXx0-7anu7vS3EgfHElvsgmSgdZkiL5bSjHhaGy2k5
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Message par Borges Ven 13 Jan 2012 - 16:10

Jung reste la grande histoire d'amour de Spielrein

on pense à heidegger-arendt; toute proportion gardée
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Message par Invité Ven 13 Jan 2012 - 20:33

Borges a écrit :

toute proportion gardée


tout à fait, cela va sans dire.

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Message par NC Sam 14 Jan 2012 - 14:45

Pichelin
Je ne vois pas où Freud essentialise une différence entre juifs et aryens, d'autant que classiquement c'est plutôt Jung qui a été accusé de le faire "L'inconscient "aryen" a un potentiel supérieur à l'inconscient juif "dixit Jung
Quand à sa paranoïa, à la limite du pessimisme, un pessimisme dont la pertinence fut validé par l'histoire de l'Europe

Borges
Bien vu, les proportions à garder restant à l'appréciation de chacun

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Message par Borges Sam 14 Jan 2012 - 15:34

NC a écrit:
Borges
Bien vu, les proportions à garder restant à l'appréciation de chacun


NC : ne voient bien que les aveugles; une des raisons, de l'ironie de mon pseudo.

ce que je vois c'est que nous ne voyons pas encore assez, que nous sommes tous aveugles.
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Message par NC Sam 14 Jan 2012 - 15:46

Deux penseurs un peu Völkish, l'un dans sa cabane, l'autre dans sa tour, montagne / lac, et deux étudiantes juives. L'être pour la mort vs la pulsion de mort. Spielrein n'a pas l'oeuvre de Harendt, l'une est partie à l'est, l'autre l'ouest - The west is the best chantait l'autre. Survivre c'est mieux pour écrire.
En tout cas j'y vois le film le plus ambitieux, le plus riche sur le plan thématique, de Cronenberg.

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Message par Eyquem Dim 22 Jan 2012 - 19:48

Je commençais "Malaise dans la culture" et je me suis arrêté page 12, sur une phrase :

"Il n'y a manifestement aucun sens à continuer de dérouler le fil de cette fantaisie, elle conduit à de l'irreprésentable, voire à de l'absurde. [...] Notre tentative semble être un jeu futile ; elle n'a qu'une justification : elle nous montre à quel point nous sommes loin de maîtriser par une présentation visuelle les particularités de la vie animique."

(Pour situer l'extrait :
Au début de "Malaise...", Freud se demande si le moi ancien se conserve dans le nouveau, si le moi originel se conserve dans le moi adulte qu’il est devenu :
Avons-nous le droit de faire l’hypothèse d’une survivance de l’originel à côté de l’ultérieur qui est né de lui ?
Immédiatement, il répond : oui, on doit faire cette hypothèse d’une survivance de l’origine. S’ensuit une série de comparaisons, de métaphores, pour la justifier :
- dans le règne animal, on voit bien coexister les espèces les plus simples à côté des plus évoluées, qui sont nées d’elles.
- dans la ville de Rome, l’amateur d’histoire retrouvera les vestiges de la Rome antique, des superpositions de ruines d’époques diverses, que la ville moderne n’a pas effacées.

Mais tandis qu’il développe cette métaphore, il note qu’elle n’aide pas vraiment à se représenter ce qu’est la réalité du moi psychique, qu’elle conduit à des aberrations spatiales : on ne peut pas voir au même endroit le Panthéon actuel et le monument d’origine ; un même espace ne peut pas être rempli de deux façons différentes ; (ce qui est vrai, sauf dans un film de Cronenberg, Le Festin Nu par exemple, où l’Interzone se superpose à Tanger et permet à William Lee d’être, au même endroit, en deux lieux différents).
Et Freud de conclure :

"Notre tentative semble être un jeu futile ; elle n'a qu'une justification : elle nous montre à quel point nous sommes loin de maîtriser par une présentation visuelle les particularités de la vie animique."

C’est marrant, parce que « présenter visuellement les particularités de la vie animique », on peut dire que c’est l’enjeu des films de Cronenberg, cinéaste de la métaphore. Ce qui se passe dans le corps, dans la tête, doit s’exprimer sous la forme imagée d’un homme-mouche ou d’un Mungwump.
C’est lui qui le dit :

L’imagerie ne me semble importante que dans la mesure où elle sert de vecteur à la métaphore. D’une certaine façon, l’imagerie n’est même pas une imagerie. Elle a pour moi un poids métaphorique. Il est donc important de trouver des images. D’une certaine façon, si je ne disposais pas de l’imagination que me donne la science-fiction, j’aurais la sensation d’être privé de mon arsenal. Si je devais filmer dans un contexte prosaïque, je me demanderais : mais où sont les images qui vont illuminer les choses, qui deviendront des métaphores ? Dans Faux Semblants, à l’exception d’une séquence onirique, des instruments et de ma vision de la chirurgie, le style serait plutôt naturaliste. Il a donc fallu que j’utilise les moyens les plus traditionnels du cinéma pour créer des métaphores de la gémellité, de l’identité… on est donc obligé de faire passer cela par l’éclairage, le cadrage, le choix des objectifs, bref la façon dont on filme les choses. Mais je ne peux pas m’empêcher d’imaginer des choses qui n’existent pas afin qu’elles deviennent des métaphores. (p72)

Quand je pense à la manière dont la littérature a influencé mon travail cinématographique, je crois que ça n’a pas été direct, mais un peu plus subtil. Je suis vraiment obsédé par la métaphore. On ne peut pas faire de métaphore littérale au cinéma… Eisenstein a tenté l’expérience de filmer l’équivalent d’une métaphore littéraire. On voyait quelqu’un se lever pour rugir comme un lion, et il enchaînait sur un lion rugissant. C’était bête. Ridicule. Ca expulsait le spectateur du film. Ca ne marchait pas. La métaphore est pourtant le cœur même de la prose, de toute littérature. Comment faire une métaphore au cinéma ? J’ai compris que c’est la création d’une imagerie, d’une imagerie monstrueuse ; c’est ainsi que ce que vous appeliez les idées pures est invisible au cinéma. Il n’y a rien à filmer. C’est une chose qu’on peut faire en littérature, mais à l’écran, il faut emprunter un autre chemin. Il faut que je transforme le mot en chair, et qu’ensuite je filme la chair car je ne peux filmer le mot. C’est ainsi que je le ressens. Je ne cesse donc de chercher, d’inventer des métaphores, et ce sont le plus souvent les intrigues de mes films qui leur donnent naissance. […] Je suppose que l’alternative consisterait à le dire avec des mots, avec les mots que les personnages échangent, ce que je fais également. Mais c’est la métaphore que je recherche. Ce qui me mène à une certaine monstruosité, sans doute. (p.97)

(entretiens avec Serge Grünberg)


On a donc d’un côté le psychanalyste pour qui les métaphores ne peuvent exprimer la vie de l’âme, et de l’autre, le cinéaste qui ne jure que par elles.

Apparemment, le match se solde par une défaite écrasante : Freud 1 / Cinéma 0. Face aux particularités de la vie de l’âme, A Dangerous method sort battu à plate couture : c’est un film sans métaphores, qui ne trouve pas de « présentation visuelle » adéquate. Un film sans images, sans les métaphores qui nous distrairaient de procédés littéraires décidément trop voyants. Parmi ces procédés, le plus «voyant», c’est sans doute celui de la voix off. Non seulement Cronenberg ne fait plus rien de ce qu’il faisait, il filme la réalité prosaïque des lacs suisses qui ne sont que des lacs suisses, au lieu d’inventer des métaphores ; mais ce qui est pire : il fait ce qu’autrefois il considérait comme du non-cinéma, il utilise des voix off :
C’est une arnaque. Ca marche parfois dans certains films, ça marche dans Badlands, par exemple, et il y a d’autres films où on ne le remarque pratiquement pas […] La plupart des voix off sont là pour compenser ce que le cinéma ne sait pas faire, à savoir la voix intérieure, être dans la tête de quelqu’un.
Il ajoutait quand même :
Et pourtant j’adore l’idée de la voix intérieure et c’est peut-être parce que j’aime ce qu’on peut en faire dans un film que je n’essaierai pas d’en faire une pâle imitation. Je ne dis pas qu’il est interdit d’utiliser ce procédé. Si j’avais l’impression qu’il se justifiait naturellement, je le ferais.
(dans Stereo et Crimes of the future, précise-t-il, la voix off se justifie par des raisons budgétaires : ils sont tournés avec des caméras sans son synchrone)


Bref, c’est comme si dans ce film Cronenberg prenait son scénario au pied de la lettre, et mettait du même coup les images au pied du mur : il n’y a pas de métaphores qui conviennent pour « maîtriser, dit Freud, les particularités de la vie animique » ("maîtriser", c'est aussi un mot important, quand on a vu le film).
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Message par Borges Lun 23 Jan 2012 - 11:29

hello eyquem;

c’est un film sans métaphores, qui ne trouve pas de « présentation visuelle » adéquate. Un film sans images, sans les métaphores qui nous distrairaient de procédés littéraires décidément trop voyants. Parmi ces procédés, le plus «voyant», c’est sans doute celui de la voix off. Non seulement Cronenberg ne fait plus rien de ce qu’il faisait, il filme la réalité prosaïque des lacs suisses qui ne sont que des lacs suisses, au lieu d’inventer des métaphores ; mais ce qui est pire : il fait ce qu’autrefois il considérait comme du non-cinéma, il utilise des voix off :

Mais dès qu'un lac est dit "suisse" est-ce encore un lac? N'est-ce pas déjà de la valeur, de la signification, du jugement, une idée, la métaphore de la maîtrise, de la civilisation, de la prétention à la civilisation, à la propreté (pensons à l'autre film sur la suisse et ses sans-papiers); une métaphore de ce que suisse, mais aussi Vienne, veut dire, ou prétend être. Si on lit les entretiens de cronenberg, tout le film peut-être vu comme une métaphore de l'idée que se faisait la haute bourgeoisie éduquée, parlante, civilisée d'elle-même, à cette époque, une métaphore, donc, de la projection imaginaire du moi... la métaphore du moi idéal, du moi idéalisateur; la façade, le visible, la mise en scène que les "paroles" devront révéler comme refoulement...

peut-être...

Je ne cesse donc de chercher, d’inventer des métaphores, et ce sont le plus souvent les intrigues de mes films qui leur donnent naissance. […] Je suppose que l’alternative consisterait à le dire avec des mots, avec les mots que les personnages échangent, ce que je fais également. Mais c’est la métaphore que je recherche. Ce qui me mène à une certaine monstruosité, sans doute

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Message par Eyquem Lun 23 Jan 2012 - 19:35

Hello Borges,
tout le film peut-être vu comme une métaphore de l'idée que se faisait la haute bourgeoisie éduquée, parlante, civilisée d'elle-même, à cette époque, une métaphore, donc, de la projection imaginaire du moi... la métaphore du moi idéal, du moi idéalisateur; la façade, le visible, la mise en scène que les "paroles" devront révéler comme refoulement
Quand je suis parti sur cette idée de métaphore, hier, je ne savais pas trop où ça me mènerait. Puis, aujourd'hui, j'ai pensé à une comparaison qui m'a paru intéressante.


Je disais, hier : apparemment, A dangerous method est un film sans images, sans métaphores – métaphore étant entendue au sens que lui donne Cronenberg : le mot fait chair ; l’idée devenue visible, filmable, en ayant pris la forme d’une monstruosité, quelle qu’elle soit, homme-mouche, homme-magnétoscope, etc.

Aujourd’hui, il faudrait corriger, sortir des apparences où le film étalerait, académiquement, son absence de mystère. Il y a bien des métaphores «monstrueuses» dans A dangerous method, mais où sont-elles ?

"Il faut que je transforme le mot en chair, et qu’ensuite je filme la chair car je ne peux filmer le mot… Ce qui me mène à une certaine monstruosité sans doute."
C’est comme si Cronenberg s’était aperçu * que le mot, finalement, il pouvait le filmer : le mot écrit, c’est quelque chose de visible. Les mots sont les monstres de A dangerous méthod. (Tu notais justement au début du topic que le film s’ouvrait sur ce motif, sur des lettres tracées à l’encre, mystérieuses, indéchiffrables : mots-insectes, dont les pleins et les déliés figureraient les pattes et les antennes. Les génériques des films de Cronenberg sont toujours des créations à part entière, il y apporte toujours un soin particulier.)

[* "s'était aperçu" : c'est vite dit ; en fait, il s'est déjà intéressé aux écritures, dans Spider, dans Le festin nu]

C’est en repensant à la scène d’association libre que cette idée m’a semblé éclairer quelque chose du film.
On se souvient de cette scène – même ceux qui n’aiment pas le film trouvent que c’est celle qui le sauve de l’inintérêt. Elle a quelque chose de vraiment frappant, parce qu’elle fait voir une transformation aussi inquiétante qu’invisible : la transformation de mots en d’autres mots, en mots-autres ; et elle la filme comme une naissance monstrueuse, l’accouchement de mots-monstres, de mots-chair. (On connaît la passion de Cronenberg pour les scènes d’accouchement.)

Dans cette scène, Jung demande à sa femme de se prêter au jeu des libres associations. Sur une feuille divisée en deux colonnes, il a écrit dans la colonne de gauche une série de mots suggestifs, et dans la colonne de droite, il note au fur et à mesure ceux que sa femme leur associe automatiquement. La scène est d’autant plus forte qu’elle s’accompagne de tout un appareillage complexe, un peu effrayant, grâce à quoi Jung enregistre en même temps les différentes réactions physiques de sa femme au cours de l’opération : les mouvements de ses mains, la direction de son regard, la durée entre la suggestion et la réponse, etc – tout ceci s’imprimant sur des bandes, des rouleaux, sous forme de courbes, d’oscillations graphiques, de signes hiéroglyphiques. Le truc le plus simple, le plus banal (dire un mot, tirer des mots de soi) génère une sorte d'affolement dont il s'agirait de maîtriser la dispersion en multipliant les modes d'enregistrement.
(Si on en croit l’article des Cahiers, « Questions de méthode », c’est cette expérience d’association libre qui fut jugée « une méthode dangereuse », à cause du risque d’erreurs qui y était attaché si les mots suggestifs n’étaient pas correctement choisis. La scène a donc quelque chose de central, si elle donne bien son titre au film.)

Par elle-même, la scène est impressionnante, mais elle devient encore plus riche, à mon avis, quand on la comprend sur le modèle de la téléportation dans La Mouche.

Une dangereuse méthode : surtout pas la peste - Page 2 Danger11
[je m'aperçois, après coup, qu'avec ses mains posées comme ça, sur la table, elle ressemble tout à fait à la statue de la Sphynge, montrée plus haut...]

Une dangereuse méthode : surtout pas la peste - Page 2 Fly_1910

[Dans La Mouche aussi, comme on voit, il y a une caméra pour enregistrer le processus. A mon sens, cela dit quelque chose d'essentiel du film : est-ce qu'il ne faut pas penser la téléportation du corps d'un lieu en un autre comme un procédé équivalent à celui qui transforme, dans la caméra, un corps réel en un corps filmé, c'est-à-dire en une trace "écrite", interprétée, transformée, du corps d'origine ?]


Qu’est-ce qui se passait dans La Mouche ? Il y avait d’un côté un télépode 1, de l’autre un télépode 2, et le but de l’opération, c’était de copier à l’identique un corps d’un télépode à l’autre.
Ce qui faisait que cette opération n’était pas une simple copie, c’était qu’elle comportait toujours une part d’interprétation : le corps copié dans le module terminal n’était jamais le même que celui d’origine ; il s’y ajoutait (ou s’en soustrayait) toujours quelque chose. Avant même que Brundle ne soit transformé en homme-mouche, la machine prenait des libertés : elle copiait un steak, mais dans le processus de copie, elle interprétait ce steak, si bien qu’il en sortait un steak immangeable, un steak synthétique, au goût de plastique. Ca ressemblait à un steak, c’était, visiblement, un steak, mais, au goût, ça n’en était pas un : c'était une image de steak. De même : quand la machine butait sur deux corps différents, celui d’un homme et celui d’une mouche, elle prenait le parti de les fusionner en un seul : si bien que le corps qui en sortait avait d’abord toutes les apparences d’un homme, avant d’être entraîné dans un double devenir monstrueux (celui d’un homme qui devient mouche, et celui d’une mouche qui se souvient qu’elle a été un homme et tente de le rester.)

La scène d’association libre d’A dangerous method peut se lire sur ce modèle. Le mot de la colonne 1 passe par la bouche de Jung avant de ressortir par la bouche de sa femme et d’être noté dans la colonne 2, sous une forme toute différente, une forme interprétée.
Par quel bizarre processus est-il passé pour se présenter sous cette forme nouvelle ? Quelle transformation a-t-il subie dans ce transfert, qui paraît, visiblement, associer très simplement un mot à un autre mot ? Si on s’en tient à ce qu’on voit, on voit deux mots l’un en face de l’autre : le deuxième mot n’est pas le même mot que le premier, mais ça reste un mot. Ce que le film cherche à faire voir (bien que cela, à proprement parler, soit invisible), c’est que ce deuxième mot n’est plus un simple mot mais un mot-autre, un mot qui est passé par la chair de la femme de Jung et qui a conservé quelque chose de ce passage, de l’interprétation qu’elle lui a fait subir, pour devenir un monstre un peu inquiétant, incompréhensible, sans origine connue, sans rapport évident, traçable, avec le mot-modèle.


Il faut que je transforme le mot en chair, et qu’ensuite je filme la chair car je ne peux filmer le mot…
On serait d’abord tenté de renverser la formule : « il faut que je transforme la chair en mots et qu’ensuite je filme le mot » - mais ce serait trop facile, ce serait... un jeu de mots (on ne peut pas intervertir la formule sans redéfinir chacun des termes).
La difficulté, c’est de définir ce que sont devenus les mots dans leur processus de téléportation à eux – le devenir monstrueux, invisible, qu’ils dévoilent sous les apparences du même (un mot pour un autre), mais aussi le désordre, la peste, qu’ils sèment.




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Message par Borges Mar 24 Jan 2012 - 10:35

en ce qui me concerne, je crois que le danger de la méthode a été nommé par James (c'est ça l'intéressant) : le symbolisme, la théorie des rêves, la dépendance du malade à l'égard du médecin, manipulation, séduction, refus de la religion.

Côté cinéma, y a un livre qui raconte l'emprise des psychanalystes (charlatans) sur hollywood, les stars, les scénarios.

Le truc marrant en terme d'histoire des idées à penser : comparer la volonté des gros producteurs hollywoodiens des débuts d'effacer leurs origines juives et celle de freud, à ce qui se passe maintenant, avec le succès de la kabbale dans les milieux artistiques usiens... )

-SS c'est vraiment une métamorphose de la sphinge, c'est ça que je trouve intéressant, de ce côté là, voir sous cette histoire, l'autre histoire, une préhistoire de la conscience...


Il faut que je transforme le mot en chair, et qu’ensuite je filme la chair car je ne peux filmer le mot…

là on voit vraiment qu'il est trop simple dans ses oppositions, presque enfantin; surtout qu'il dit aussi avoir toujours filmé des gens qui causent, et que c'est un de ses grands plaisirs... Avec ce film, il découvre la puissance de la lettre (dans les deux sens du terme, si on pense à lacan) : il ne s'agit pas d'incarner le mot, de le faire chair pour le filmer, mais de faire de la chair (malade, en proie à la métamorphose) une lettre, de la porter à la parole, donc, d'amener à la parole, le sujet, l'inconscient (structuré comme un langage, tout de même)...là il a une conception un peu plus intelligente de l'inconscient, il n'en reste pas au mythe de stevenson-nietzsche (l'homme-bête), l'inconscient comme la bête censurée par la civilisation, même si cette conception libertaire n'a pas totalement disparu...



-la métaphore comme incarnation dans la chair, c'est ce que nous voyons au début, quand SS se transforme presque sous nos yeux, elle semble sur le chemin d'une régression à un stade animal, ne pouvant parler, elle incarne dans le corps, dans la chair, ce qui ne peut pas venir dans les mots; quand viennent les mots, la métaphore comme incarnation dans la chair est relevée, dépassée. Pour éviter que le corps n'incarne, ne se métamorphose, faut parler, transformer l'image-corps en mot...


-on n'a pas assez parlé de la mère, de la jouissance-mort


la lettre, le corps, l'image :





« Quel est l’être… ? », demande la sphinge :



À ne pas répondre, à rester dans le mutisme du corps et de l’imaginaire maternel, le candidat à la résolution de l’énigme se fait dévorer par le monstre. À répondre en faisant preuve de la force de son esprit, le candidat ne peut que s’engager dans la voie de l’horreur : s’il répond incorrectement, il est également dévoré, s’il répond correctement, il rejoint l’horreur de l’inceste. « Parce qu’il surestimait son intelligence, écrit Jung, il s’est précipité très virilement dans le piège, commettant, sans le savoir, l’inceste sacrilège » (Métamorphoses, p. 309).

À ne saisir l’énigme qu’en tenant compte de ces deux dimensions du corps (physique) et de l’esprit (intelligence), ou, pour le dire autrement, de la libido maternelle et de la libido paternelle, la question « Quel est l’être… ? » aspire le sujet dans un tournage en rond névrotique, où la souffrance de l’esprit obsédé a son pendant dans le symptôme physique de l’hystérique.

Si l’énigme n’a pas de solution, il reste que seule la prise en compte d’une troisième dimension — celle de l’inconscient (...) La question, dès lors, ne se donne plus tant à entendre de la manière classique « Quel est l’être… ? », mais bien cette fois : « Quelle est lettre… ? C’est-à-dire : quelle est la jouissance, se déchiffrant désormais comme pure lettre (trait ou pur hiéroglyphe, si l’on veut), qui se donne à entendre dans cette énigme posée par ce monstre inconscient qui n’est autre que la mère ?



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Message par Invité Sam 28 Jan 2012 - 21:31

J’ai été bien déçu. Le plus mauvais Cronenberg parmi ceux que j’ai vus, je me suis rarement ennuyé à ce point au cinéma.
Complètement académique et Sainte beuvien : le psychanalyste est un « savant » dont les intérêts sont définis par sa biographique, dont la seule interaction sociale se borne à informer ses collègues de sa Weltanschauung.
Le seul aspect de la psychanalyse qui semble avoir intéressé Cronenberg n’est pas ce qui enf ait démarche de rupture par rapport à une psychiatrie déterminisme qui évinçait complètement la subjectivité du malade, mais ce par quoi elle se rattache encore au positivisme : sa volonté d’être légitimée comme science avant même de donner lieu à un achèvement théorique.
La première phrase du film est « je ne suis pas folle » et la seconde est pratiquement « je veux devenir docteur », entre les deux rien, Jung dira juste « la période d’abréaction est passée très vite ».
La psychanalyse en tant que lieu de parole sans diagnostic pour un sujet en souffrance intéresse peu Cronenberg (pourtant c’est des notions qui se retrouvent dès les premiers textes de Freud, dès le cas Dora, alors qu’il ne sait pas encore ou il en est méthodiquement, et qui perdurent par la suite, et qui entrent tôt en contradiction avec la dimension positiviste de la psychanalyse).
La vraie opposition du film n’est pas celle qui se place entre Freud et Jung entre lesquels Cronenberg ne choisit pas, mais entre Sabine Spielrein qui articule la critique de l’aliénation et le thème de la sexualité comme liberté avec un discours scientiste (où la liberté est dérivée d'un principe) et qui n’existe que pour énoncer cette articulation; et le personnage d’Otto Gross, pour qui cette liberté est une exigence qui contient à elle seule sa propre légitimité, et que Cronenberg sacrifie (c’est le premier personnage dont la mort est mentionnée dans les cartons finaux, « mort de faim à Berlin en 1919 », présentée comme directement déterminé par l’histoire ayant eu lieu dans absence d’œuvre).

Il n’y a qu’un seul moment de mise en scène, lors du premier test de l’association d’idée sur la femme de Jung à laquelle participe Sabine Spielrein, par la suite ce sont juste des discussions entre savants dans des décors Mitteleuropéen, avec des performances d’acteurs transformistes (Vigo et son cigare, Michael avec son gomina, Keira Knightley et sa mâchoire en avant, Vincent Cassel qui renifle ) avec un peu de CGI pour le bateau. Et pourtant c’est le même réalisateur que Spider.


Ce qui est peut-être plus intéressant, c’est que cette réhabilitation du positivisme est finalement peut-être présente également dans les plus vieux films de Cronenberg, comme Scanner, Faux-Semblants ou Vidéodrome, dans lesquels les personnages deviennent des scientifiques, rachètent leur « monstruosité » par son absorption dans un savoir sur le monstrueux ou une disponibilité immédiate pour la technologie, mais ce processus est finalement peut-être considérée pour Cronenberg lui-même comme quelque chose de purement fictif, en deçà de la réalité et relevant du genre minoritaire (une hybridation purement interne au récit fantastique), d’emblée réfutée par l’histoire réelle où se tiennent les grands hommes.

Scène un peu nauséeuse ou Freud recommande à Spielrein de ne pas frayer avec les « aryens », où la critique de l’antisémitisme impliquerait Freud directement dansune hygiène sexuelle. Sur quoi s’appuient Cronenberg et son scénaristed?
Le film replace en 1910 une obsession actuelle, où l’ordre sexuel est censé définir un communautarisme de l’intérieur cependant qu’il est aussi de l’extérieur un objet idéologique et politique .


Dernière édition par Tony le Mort le Dim 29 Jan 2012 - 19:00, édité 1 fois

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Message par Invité Dim 29 Jan 2012 - 13:17

Eyquem a écrit :

On serait d’abord tenté de renverser la formule : « il faut que je transforme la chair en mots et qu’ensuite je filme le mot » - mais ce serait trop facile, ce serait... un jeu de mots (on ne peut pas intervertir la formule sans redéfinir chacun des termes).

bien pensé !!

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