L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
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Eyquem
Rotor
adeline
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Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
Adelnie a écrit :
Comment serait-il possible de mieux rendre l'idée qu'une foule est
composée d'hommes mais est plus que l'addition d'hommes, un tout plus
fort que ses parties ?
Le concept a été initié avec succès, en matière de propagande ( que l'on pense à la mise en scène des défilés nazis qui tenaient compte aussi des impératifs d' une diffusion de masse régie par une Leni Riefenstahl ) et dans la vie des affaires ensuite, avec la belle réussite sémantique et libérale du concept de synergie.
En ce domaine je trouve ( avec mon cher Rhomer ) Riefenstahl efficace.
Tarr : beaucoup moins et le plan est comme vidé de sa substance. Cette esthétique n'a pas mes faveurs et je m'autorise en 2011 à trancher pour la cinéasre allemande, fût elle officielle !
Bien evidemment c'est un autre cinéaste allemand qui emporte sur ce sujet de la foule mes suffrages, le Fritz Lang de Fury.
( et au reste beaucoup d'autres - je considère que le cinéma a peur du vide : ici des hommes sans visage - comme le peintre dont j'oublie le nom - dans un non lieu sous une caméra de comptage et de surveillance. cela me fait froid dans le dos. on peut comme toi argumenter, ergoter et trouver à tout des justifications. quant à moi il arrive un moment, rapidement du reste, où je dis oui, j'aime, ou non je n'aime pas. peu me chaut que cela soit ou non, le canon dominant. je ne me laisse tout simplement plus imposer ce qui me déplaît. pas le temps).
Invité- Invité
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
adeline a écrit:...Mais jamais je n'ai senti aussi fort au cinéma ce qu'est une foule et ce qu'est un homme, un visage, dans une foule. Comment serait-il possible de mieux rendre l'idée qu'une foule est composée d'hommes mais est plus que l'addition d'hommes, un tout plus fort que ses parties ?
C'est le hasard. Voilà ce que je lis dans un cours sur le "schématisme" kantien :
Là où Kant a été déterminant, à la suite de Husserl, il y a eu toutes sortes d'expériences et je pense à une drôle d'école qui, à un moment, a eu du succès. C'était des psychologues de l'école de Wutzbur, ils étaient très liés à une descendance kantienne. Ils faisaient des expériences psychologiques. Ils disaient qu'il y a trois sortes de choses : il y a la pensée qui opère par concepts, et puis il y a la perception qui saisit des choses, et au besoin il y a l'imagination qui reproduit des choses : mais ils disaient qu'il y a aussi une autre dimension à laquelle ils donnaient un nom très curieux. Ils parlaient de direction de conscience, ou même d'intention de conscience, ou même d'intention vide. (...)
Alors ils faisaient des expériences là-dessus, c'était de le psychologie de laboratoire. Ils donnaient la règle du jeu, on va bien rigoler : vous vous empêcher d'avoir une image, on vous donne un mot et vous opérez une visée qui exclut à la fois toute image, et qui pourtant n'est pas purement conceptuelle; ça donnait quoi ? Des espèces d'orientations de conscience, i.e des directions spatio-temporelles. Plus c'était abstrait et mieux c'était. C'était pour nous persuader qu'il y avait trois attitudes de conscience possibles : la conscience abstraite pensante, par exemple prolétariat, où il fallait travailler pour le prolétariat. Première réaction : prolétariat = la classe définie par ... etc ... je dirais que c'est la définition conceptuelle du prolétariat; c'est une certaine attitude de conscience vis à vis d'un mot : à travers le mot je vise le concept. Deuxième attitude de conscience : à travers le mot prolétariat j'évoque une, un prolétaire : "ah, oui j'en ai vu un!". Ça c'est vraiment l'attitude empirique, une image. Sartre, dans son livre "L'imaginaire" expose la troisième attitude, celle de l'expérience des types de Wutzbur, et il donne des descriptions des réponses des gens; je vois une espèce de flot noir qui avance; il définissait une espèce de rythme. Arriver à saisir une attitude de conscience, une espèce des manière d'occuper l'espace et le temps : le prolétariat ça ne remplit pas l'espace et le temps comme la bourgeoisie. A ce moment-là vous avez le schème.
Eyquem- Messages : 3126
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
hello eyquem
le problème, ici, est que BT n'est pas du tout concerné par le prolétariat, mais par les manipulations de foule, une espèce d'ensorcellement idéologique, qui prive les êtres de leur conscience; nous sommes très loin de la représentation positive d'une conscience collective révolutionnaire en marche; il suffit de regarder les marcheurs; ça pourrait aussi bien être des nazis; c'est une foule menaçante, dangereuse, ensorcelée; on est plutôt dans les démons de dosto, que dans marx; la suite de cette marche, et ses résultats n'ont rien de très glorieux...les types retrouvent leur esprit devant la vulnérabilité, la nudité...
Borges- Messages : 6044
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
salut Borges,
effectivement, c'est un problème. Je n'ai pas vu le film, faut dire. Donc, c'était un peu en l'air. Le passage cité me semblait entrer en résonance avec ce que disait Adeline.
effectivement, c'est un problème. Je n'ai pas vu le film, faut dire. Donc, c'était un peu en l'air. Le passage cité me semblait entrer en résonance avec ce que disait Adeline.
Eyquem- Messages : 3126
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
La rétrospective Bela Tarr à Pompidou, ce sera du 03/12 au 02/01. Et ce sera accompagné d'un bouquin de Rancière édité chez Capricci sur le cinéaste.
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
L'homme de Londres est tellement fort, que même les doublage des dialogues affreux à faire dresser les cheveux sur la tête du chauve que je suis, n'arrivent pas à gâcher ce film.
De film en film, je regrette le peu de cas que BT semble faire du son et des effets sonores.
De film en film, je regrette le peu de cas que BT semble faire du son et des effets sonores.
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
Mais py, tu as regardé L'Homme de Londres en VF ?
Qu'entends-tu par le peu de cas qu'il ferait du son ? Je ne me souviens plus très bien. Evidemment c'est la "musique", si on peut appeler ainsi les nappes sonores qui sont comme la colonne vertébrale des films, qui marque le plus, mais je n'ai pas le souvenir qu'en regard de ça manquait du son, ou un travail sur le son.
Qu'entends-tu par le peu de cas qu'il ferait du son ? Je ne me souviens plus très bien. Evidemment c'est la "musique", si on peut appeler ainsi les nappes sonores qui sont comme la colonne vertébrale des films, qui marque le plus, mais je n'ai pas le souvenir qu'en regard de ça manquait du son, ou un travail sur le son.
adeline- Messages : 3000
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
py a écrit:
De film en film, je regrette le peu de cas que BT semble faire du son et des effets sonores.
careful- Messages : 690
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
Oui, je n'ai vu que "Damnation", mais superbe travail sur la musique, les voix, à la fois singulier et inscrit dans l'histoire de l'Europe (je dis pas cela dans le sens heidggerien, plutôt celui de Werth) et du cinéma (proche de Bresson, Delvaux, Tarkovski, et en même temps ailleurs)... Pensais écrire un article dessus mais coup de barre
Dernière édition par Tony le Mort le Lun 15 Oct 2012 - 18:53, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
Pour la musique (le film est quand-même une sorte de grand bal, concert ou carnaval triste mais frénétique et radicalement externe par rapport à l'état) et la place des femme, le noir et blanc ,l'espèce d'idée que la mélancolie est une couleur dans l'histoire (et la posture d'auto-justification morale du personnage masculin central qui dilue un peu tout cela), Damnation pas si loin de Garrel tiens d'ailleurs...
Invité- Invité
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
J'ai vu le film en "VO", ce qui ne veut pas dire grand-chose justement parce que les personnages français sont joués par des acteurs non francophones, doublés par des voix exécrables à peine dignes d'une pièce radiophonique de l'après-midi sur France Culture (et il y aussi michael lonsdale qui fait du michael lonsdale). Je trouve ça assez paradoxal, ce choix (?) d'une déclamation un peu robotique et monocorde alors que Bela Tarr est paraît-il si exigeant sur le plateau avec ses acteurs, dans la recherche du naturel, pour effacer tous les petits artifices de comédien et que chacun tende vers soi-même. Dans le bonus, il raconte d'ailleurs qu'il fait essentiellement le casting en fonction de la personnalité des acteurs.
Et donc ça m'a frappé dans l'Homme de Londres parce que c'est le seul film que j'ai vu où ça parle Français.
C'est bien malheureux parce qu'à l'écran les acteurs ont l'air formidable, Tilda Swinton est bouleversante visuellement, mais pas son doublage. Pour la fille, c'est carrément affreux, on la souhaiterait muette.
Comme par hasard, ma scène dialoguée préférée c'est celle des tailleurs qui vendent une fourrure à la fille, la seule scène en prise de son directe il me semble.
Non je ne commentais pas la musique, qui est très bien, un peu toujours pareil de film en film, mais très bien quand même, je parlais des voix et aussi des effets sonores du type bruit de vent, des pas, etc.
Dès qu'un type marche dans ses films, impossible de ne pas voir le gars en studio avec ses noix de coco essayer de suivre les pas à l'écran. Au mieux ça m'évoque Lisbon Story, au pire les Monty Python... Dans tous les cas ça me fait un peu sortir du film et c'es bien dommage.
A tel point que je pense que je ne reverrai jamais le Cheval de turin, un film magnifique par ailleurs, subjuguant et tout ce que vous voudrez. Mais rien qu'à l'idée de me taper la boucle de 20 secondes, répétée pendant 2 heures, du vent qui s'infiltre dans la ferme, ça me file des frissons d'horreur. C'était une telle torture qu'un an après, je pourrais encore vous la chanter, la musiquette du courant d'air dans la maison du Cheval de turin, et c'est pas de l'accordéon!
Et donc ça m'a frappé dans l'Homme de Londres parce que c'est le seul film que j'ai vu où ça parle Français.
C'est bien malheureux parce qu'à l'écran les acteurs ont l'air formidable, Tilda Swinton est bouleversante visuellement, mais pas son doublage. Pour la fille, c'est carrément affreux, on la souhaiterait muette.
Comme par hasard, ma scène dialoguée préférée c'est celle des tailleurs qui vendent une fourrure à la fille, la seule scène en prise de son directe il me semble.
Non je ne commentais pas la musique, qui est très bien, un peu toujours pareil de film en film, mais très bien quand même, je parlais des voix et aussi des effets sonores du type bruit de vent, des pas, etc.
Dès qu'un type marche dans ses films, impossible de ne pas voir le gars en studio avec ses noix de coco essayer de suivre les pas à l'écran. Au mieux ça m'évoque Lisbon Story, au pire les Monty Python... Dans tous les cas ça me fait un peu sortir du film et c'es bien dommage.
A tel point que je pense que je ne reverrai jamais le Cheval de turin, un film magnifique par ailleurs, subjuguant et tout ce que vous voudrez. Mais rien qu'à l'idée de me taper la boucle de 20 secondes, répétée pendant 2 heures, du vent qui s'infiltre dans la ferme, ça me file des frissons d'horreur. C'était une telle torture qu'un an après, je pourrais encore vous la chanter, la musiquette du courant d'air dans la maison du Cheval de turin, et c'est pas de l'accordéon!
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
C'est vrai qu'après 3 semaines j'entends encore la boucle du bruit du téléphérique minier de "Damnation" (lui aussi vraisemblablement doublé)
Invité- Invité
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
Ah oui, je me souviens maintenant de cette étrangeté de L'Homme de Londres ! J'avais complètement oublié cette histoire de doublage français des acteurs non francophones, alors même que j'avais bien noté cela au générique. C'est bizarre que ça t'ait tellement agacé, car je trouve que ça ne dépare pas le film, au contraire. Il y a quand même toujours dans Bela Tarr un sentiment d'étrangeté, à soi et au monde, chez les personnages et provoqué par les personnages. Cette histoire d'accent étranger, ou plutôt étrange, elle s'inscrit parfaitement dans le film. Comment faire de Bastia un port rappelant Dieppe et Simenon, si ce n'est en accentuant ce qui le rend étranger, c'est-à-dire en le déréalisant?
J'avais lu le roman peu après avoir vu le film, et c'est incroyable à quel point l'essence du livre est rendue dans le film. Comme si le style de Simenon avait été parfaitement transcrit par le style de Bela Tarr. Par exemple, la démarche de Malouin dans le film, entêtante, qui rentre dans le crâne son rythme lourd et noire. Et bien, j'ai eu l'impression qu'elle arrivait à traduire à elle seule tout le dilemme moral que vit Malouin et qui est explicité dans le livre.
J'avais lu le roman peu après avoir vu le film, et c'est incroyable à quel point l'essence du livre est rendue dans le film. Comme si le style de Simenon avait été parfaitement transcrit par le style de Bela Tarr. Par exemple, la démarche de Malouin dans le film, entêtante, qui rentre dans le crâne son rythme lourd et noire. Et bien, j'ai eu l'impression qu'elle arrivait à traduire à elle seule tout le dilemme moral que vit Malouin et qui est explicité dans le livre.
adeline- Messages : 3000
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
je n'ai pas encore lu le livre, mais on me l'a raconté un peu. Oui c'est impressionnant ce que réussi à faire passer Bela Tarr hors de toute narration directe. Par exemple la scène de la cabane. Dans un premier temps Malouin se dirigeant de son pas lourd vers la cabane avec un filet de provisions (moitié de la scène). Deuxième temps Malouin qui rentre dans la cabane puis en ressort après d'interminables secondes tout essoufflé.
Et voilà, on a tout compris et surtout tout ressenti. C'est magistral.
Tout ça pour dire que mon agacement est tout relatif et bien sûr que ça renforce une certaine étrangeté qui plane sur le film. Je me demande s'il aurait accepté de ses acteurs ce ton sur le plateau.
Et voilà, on a tout compris et surtout tout ressenti. C'est magistral.
Tout ça pour dire que mon agacement est tout relatif et bien sûr que ça renforce une certaine étrangeté qui plane sur le film. Je me demande s'il aurait accepté de ses acteurs ce ton sur le plateau.
Re: L'Homme de Londres (Béla Tarr - 2007)
Damnation c'est déjà une histoire poisseuse à la Simenon aussi finalement: un mec sous influence, sur lesquels les autres ont facilement l'ascendant, courtise une femme, fait chanter son mari (dont il est jaloux de la relative aisance matérielle, ou du fait que le couple a un statut d'artiste dont sa misanthropie l'en rapproche pour finir par l'en séparer) en le contraignant à un trafic (drogue ou importation cladestine de quelque chose qui vient de l'ouest), et le balance à la police politique pour se venger de la femme et ne pas le payer. Il revient deux fois en même endroit, la même friche industrielle, la première fois pour entendre un récit d'apocalypse, la seconde pour ramper et se battre avec un chien (cet homme est immature, vélléitaire, compulsif, mesquin etc...mais ce récit d'apocalypse est paradoxalrment la seule chose qu'il surmonte entièrement: il se protège ainsi aussi bien de la perte individuelle de toute sensibilité que de la destruction du monde qui l'entoure).
Invité- Invité
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