Les filles du feu (JS Chauvin)
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Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Donc vu : "Les Filles du Feu", un court-métrage de Jean-Sébastien Chauvin, produit par le GREC (qui encourage la création et les expérimentations du jeune cinéma français, sic)
Jetez-y un oeil si vous voulez, j'ai trouvé ça d'un ridicule achevé. Les actrices sont en roue libre, pas une scène à laquelle on croit un peu, une seule seconde. Le monologue d'une des deux filles devant le feu est digne du journal intime d'une adolescente de 13 ans.
Cette histoire d'amour lesbien, ça doit se prétendre onirique comme Mulholland Drive, mais d'un onirisme inédit : c'est-à-dire revu à la sauce naturaliste-glauque du cinéma franco-belge, parce que quand même ça se passe dans une cité (lol). Au final, on dirait un film de jeunot en Ecole de Cinéma privé.
Juste 2-3 plans à sauver, étrangement, c'est la cité, le paysage urbain qu'il filme le mieux : un lent zoom descendant rejoindre une des filles dans la cour, là, ça fait naître une tension, une certaine angoisse de voir cette pauvre nana dans ce grand espace vide et noir ; pis aussi un panoramique en contreplongée sur les immeubles... Finalement, c'est dans ces profondeurs de champs vertigineuses que Chauvin trouve un peu de souffle. Dès qu'il redescend au niveau de ses copines, c'est tout de suite n'importe quoi.
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Largo a écrit:produit par le GREC
Et moi qui croyais qu'ils n'avaient plus de fric!
Invité- Invité
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Largo a écrit:pourquoi ils en auraient plus ? C'est publique lol
comme l'eau, alors?
Borges- Messages : 6044
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Borges a écrit:Largo a écrit:pourquoi ils en auraient plus ? C'est publique lol
comme l'eau, alors?
Exactement
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Vu le film de Chauvet (prix de la Qualité CNC, paraît, c'est tout dire).
Très naïf, je suis d'accord avec Largo. Mais pas d'un naïf niaiseux ; plutôt d'un naïf primaire. Plans très cadrés (participent aux raccords syncopés), jeux des actrices ingénus, association sauvage d'espaces disparates (les HLM de banlieue et les forêts de la nature)... Au mieux on peut reprocher au film de ne pas tisser dans la sophistication.
C'est cette candeur essentielle, honnête au premier coup d'oeil, qui rend le truc séduisant.
Le film joue la carte du mystère (la référence à Mullholand Dr. m'a paru flagrante aussi) sans dissimuler les secrets de fabrication. Chez Lynch, y a le secret sur le bricolage de l'image, chez Chauvet, non. Rien n'est sujet au bluff, tout est visible dans la facture de l'image.
Pour le plan du zoom dans la cour de l'immeuble, Chauvet n'essaie pas de déguiser le mouvement. En même temps qu'il zoome sur la fille, il désigne le changement de focal.
C'est aussi cette sincérité de la mise en scène qui participe au charme des filles de feu.
Tout cela, en contre partie, peut aussi oeuvrer à la pauvreté du film. Mais personne n'a dit que la pauvreté était laide
Très naïf, je suis d'accord avec Largo. Mais pas d'un naïf niaiseux ; plutôt d'un naïf primaire. Plans très cadrés (participent aux raccords syncopés), jeux des actrices ingénus, association sauvage d'espaces disparates (les HLM de banlieue et les forêts de la nature)... Au mieux on peut reprocher au film de ne pas tisser dans la sophistication.
C'est cette candeur essentielle, honnête au premier coup d'oeil, qui rend le truc séduisant.
Le film joue la carte du mystère (la référence à Mullholand Dr. m'a paru flagrante aussi) sans dissimuler les secrets de fabrication. Chez Lynch, y a le secret sur le bricolage de l'image, chez Chauvet, non. Rien n'est sujet au bluff, tout est visible dans la facture de l'image.
Pour le plan du zoom dans la cour de l'immeuble, Chauvet n'essaie pas de déguiser le mouvement. En même temps qu'il zoome sur la fille, il désigne le changement de focal.
C'est aussi cette sincérité de la mise en scène qui participe au charme des filles de feu.
Tout cela, en contre partie, peut aussi oeuvrer à la pauvreté du film. Mais personne n'a dit que la pauvreté était laide
Flavien- Messages : 70
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Heu, c'est Chauvin, pas Chauvet hein
Pour moi, on a beau sentir la volonté de produire quelque chose de "primaire", ce primaire là est très adolescent.
Franchement, la scène de masturbation, et celle de la fin où les filles font mine de jouir jusqu'à crier de rage, au mieux ça choquera le bourgeois sur le mode sous-brisseau (à ne pas confondre avec le soubresaut révélant la somnolence du spectateur), au pire ça passera pour de la performance "Living Theatre" en forme de kermesse de fin d'année...
Pour moi, on a beau sentir la volonté de produire quelque chose de "primaire", ce primaire là est très adolescent.
Franchement, la scène de masturbation, et celle de la fin où les filles font mine de jouir jusqu'à crier de rage, au mieux ça choquera le bourgeois sur le mode sous-brisseau (à ne pas confondre avec le soubresaut révélant la somnolence du spectateur), au pire ça passera pour de la performance "Living Theatre" en forme de kermesse de fin d'année...
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
On peut aussi jeter un oeil à son blog photo. Je trouve que ça détonne pas mal avec l'esthétique du court.
L'ensemble sent bon la hype un peu creuse et l'improvisation faussement sophistiquée...
L'ensemble sent bon la hype un peu creuse et l'improvisation faussement sophistiquée...
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Je te trouve bien sévère Largo.
Vous parlez de Lynch, d'accord. Mais je penserais aussi à Shyamalan (d'où, peut-être, la naïveté). D'ailleurs la forêt qui borde les HLM évoque les espaces hétérogènes de La jeune fille de l'eau.
Quant à la banlieue, je n'affirmerai rien, mais je me demande si ce n'est pas là qu'habite Chauvin.
Vous parlez de Lynch, d'accord. Mais je penserais aussi à Shyamalan (d'où, peut-être, la naïveté). D'ailleurs la forêt qui borde les HLM évoque les espaces hétérogènes de La jeune fille de l'eau.
Quant à la banlieue, je n'affirmerai rien, mais je me demande si ce n'est pas là qu'habite Chauvin.
Invité- Invité
Re: Les filles du feu (JS Chauvin)
Largo a écrit:Heu, c'est Chauvin, pas Chauvet hein
Pour moi, on a beau sentir la volonté de produire quelque chose de "primaire", ce primaire là est très adolescent.
Franchement, la scène de masturbation, et celle de la fin où les filles font mine de jouir jusqu'à crier de rage, au mieux ça choquera le bourgeois sur le mode sous-brisseau (à ne pas confondre avec le soubresaut révélant la somnolence du spectateur), au pire ça passera pour de la performance "Living Theatre" en forme de kermesse de fin d'année...
Ça m'embêtait de parler de chauvin, hein, alors je préférais parler de chauvet ?
Au sous-Brisseau monotone, à la hype, au choc anti-conformiste finalement très bobo, peut-être que Chauvin y cède un peu.
Mais le primaire adolescent, le naïf manifeste, ce truc foncièrement premier degré, fantastique et réaliste en même temps, c'est visible comme le nez au milieu de Rembrandt.
Le ridicule des filles, des actions, il n'a lieu que si on surplombe a priori le film, si d'emblée on prend le partie de demander au film de prouver ce qu'il a dans le ventre, de savoir si ses émotions sont rentables, si elles valent le prix du temps qu'on consacre à voir le film. Si on sonde ce que les filles de feu ont dans le bide, c'est vrai que ça risque très vite de se dégonfler comme un ballon de baudruche, un vrai pfuit ; mais qui sait, Chauvin a peut-être eu un projet profond dans son film qui m'échappe, pour l'instant, je n'y ai rien vu en profondeur.
En surface par contre, y a quelque chose d'érotique, de charnelle -au sens de l'épiderme des corps-, comme chez les ados de Gus Van Sant, un charme dans les actions insensées des deux amantes comme par leur corps perdus dans différents paysages (dans la cour d'un HLM comme entre les bosquets de Fontainebleau).
Mais, encore une fois, ce charme là n'est pas sans risquer le ridicule du précieux
Flavien- Messages : 70
Les filles du feu (JS Chauvin)
Intéressant comme le texte de Chauvin dans les Cahiers de juin ("Postures d'autorité", pp. 16-17, sorte de manifeste qui dénonce une certaine tendance du film d'auteur à Cannes) renseigne beaucoup de choses sur sa mise en scène.
Pêle-mêle, le mec note une tendance partagée par de nombreux films à Cannes pour les longs plans ("A travers cet usage terroriste de la durée, il s'agit en fait souvent d'asseoir une position d'autorité, de surplomb complaisant"), associe franchement cette temporalité à du terrorisme ("La durée extrême des plans participe de ce terrorisme un peu forcé, loin de la dimension immersive des longues séquences d'Oncle Boonmee") et remarque, une fois son argumentaire achevé, que "la durée, associée à un pessimisme outrancier, se veut une marque de radicalité alors qu'elle est devenue un nouvel académisme", ce en quoi il n'a pas tort.
On peut lire, par le contre-point de cet article, la façon dont Chauvin pense le cinéma : une matière à fragmenter (cousue par les raccords les plus classiques, ceux de Griffith et de Lang, pas autrement). Le découpage des Filles de feu s'en fait l'exemple.
D'autre part, Chauvin se tire dans les pattes en même temps. Il reproche dans son article le pessimisme ambiant des films cannois (Puiu en tête, Loznitsa à la suite). Il les nomme des "films d'apocalypse". A ce pessimisme, il préfère des oeuvres qui ménagent en elles-mêmes un espoir et "ne préfèrent pas une fin mais un devenir, pas un état figé mais un monde transformable."
Franchement, Les filles de feu n'est pas non plus le court-métrage bienheureux auquel Chauvin appelle. Comment peut-il, dans le même article, corroborer et contredire ce à quoi il oeuvre en tant que cinéaste ?
Pêle-mêle, le mec note une tendance partagée par de nombreux films à Cannes pour les longs plans ("A travers cet usage terroriste de la durée, il s'agit en fait souvent d'asseoir une position d'autorité, de surplomb complaisant"), associe franchement cette temporalité à du terrorisme ("La durée extrême des plans participe de ce terrorisme un peu forcé, loin de la dimension immersive des longues séquences d'Oncle Boonmee") et remarque, une fois son argumentaire achevé, que "la durée, associée à un pessimisme outrancier, se veut une marque de radicalité alors qu'elle est devenue un nouvel académisme", ce en quoi il n'a pas tort.
On peut lire, par le contre-point de cet article, la façon dont Chauvin pense le cinéma : une matière à fragmenter (cousue par les raccords les plus classiques, ceux de Griffith et de Lang, pas autrement). Le découpage des Filles de feu s'en fait l'exemple.
D'autre part, Chauvin se tire dans les pattes en même temps. Il reproche dans son article le pessimisme ambiant des films cannois (Puiu en tête, Loznitsa à la suite). Il les nomme des "films d'apocalypse". A ce pessimisme, il préfère des oeuvres qui ménagent en elles-mêmes un espoir et "ne préfèrent pas une fin mais un devenir, pas un état figé mais un monde transformable."
Franchement, Les filles de feu n'est pas non plus le court-métrage bienheureux auquel Chauvin appelle. Comment peut-il, dans le même article, corroborer et contredire ce à quoi il oeuvre en tant que cinéaste ?
Flavien- Messages : 70
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