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Mardi, après Noël (Radu Muntean)

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Message par Le_comte Mar 30 Nov 2010 - 19:06

On le dira jamais assez, mais les films roumains sortis ces dernières années sont vraiment extraordinaires (excepté l'un ou l'autre film). Eyquem et Largo parlent déjà en bien du très bon Policier, adjectif ici.

Mardi, après Noël entérine, tout en innovant, les principes "minimalistes" déjà mis en place par ces prédécesseurs. La très petite histoire parle toujours des métamorphoses de la Grande Histoire. Comme dans Boogie, qui se passait le 1 mai, le film se déroule, comme l'indique son titre, après Noël, c'est-à-dire au même moment que le révolution roumaine de 89.

Il est question d'adultère, et de révolution donc. Un homme voit une autre femme. Que va-t-il faire ? Le film parle de la révolution non pas comme une date historique, mais comme un expérience à faire quotidiennement et indéfiniment. Elle n'est jamais acquise, on n'en a jamais fini avec les formes de soumission. Tel est, je crois, le sens des films de Muntean.

Et de tous les films roumains des années 2000 non ? La durée, le plan séquence, le cadre questionnent toujours les bouleversements plus intimes d'une société, ils révèlent ce qui est vécu vraiment, ce qui est réellement ressenti, etc.

Et puis, il y a cette fin, furtive, fine, incroyable. Je ne vous raconte rien, mais elle instaure une ambiguïté déjà présente dans Boogie.

J'aimerais vraiment parler de ce film bouleversant (a postériori, car comme pour Policier adjectif, il faut laisser le film faire son effet) qui ne m'a toujours pas quitté depuis que je l'ai vu fin septembre (pas le temps de le faire, juste le temps de vous lire). En tout, grand film, grand cinéaste et grand cinéma roumain.

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Message par Largo Mer 1 Déc 2010 - 7:41

Hello,

En fait, j'avais pas été très emballé par Boogie dans lequel j'avais du mal à retrouver la douce ironie de ses collègues. Je garde le souvenir d'une chronique assez sordide au final. Ca m'avait déprimé. Et ce qui m'avait déprimé, c'était même pas ce qu'on pointe souvent dans les films roumains (architecture stalinienne, ciel gris, misère sociale à la 4 mois, 3 semaines...). Non, les personnages de Boogie ressemblent beaucoup à la classe moyenne qu'on peut trouver en Europe de l'Ouest : un père qui travaille beaucoup pour nourrir sa famille et qui l'emmène en week-end prolongé dans la cité balnéaire où il a grandi. Dans ce schéma de vie un peu rigide, la seule parenthèse qu'il arrive à s'offrir tient en une nuit où il se bourre la gueule et se tape une pute avec ses deux potes dans une chambre d'hôtel. Si c'est ça l'émancipation libérale à la mode de l'Union Européenne...

Là, son nouveau film, ça a l'air d'être un peu la même chose : un couple petit bourgeois, une histoire de tromperie... J'ai du mal à imaginer où se trouve le révolutionnaire là-dedans, mais bon.
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Message par Le_comte Mer 1 Déc 2010 - 21:16

Ce qui est intéressant, c'est quand le couple, la vie de famille, les habitudes ou le respect des traditions (la mère, toujours présente) sont vus comme une prison de laquelle il faut se libérer. On critique beaucoup le côté conservateur que ces différentes caractéristiques prennent aujourd'hui dans le cinéma (surtout américain) : avec les films de Radu Muntean, on tient l'exemple inverse, la critique radicale du modèle conservateur, l'invitation à se détacher.

Donc, Largo, toi qui critique souvent la candeur de ce "modèle", je ne te suis pas sur ce coup.

D'accord aussi pour dire que Boogie est très en dessous de Mardi, après Noël, qui évite la vulgarité des putes, etc. C'est une histoire d'amour avant tout.

Boogie, pour moi, c'est un type qui vit dans le monde moderne, le nouveau monde, sans pouvoir en profiter. Le vieux monde est trop ancré autour de lui et l'empêche de vivre comme il le souhaite. Il veut faire sa révolution, imposer son rythme, ses idées et son désir. C'est le sens de la "lenteur" du film. C'est souvent maladroit (comme tu le soulignes...), mais fort.

Mardi, après Noël, c'est la version corrigée de Boogie : le passage d'un rythme à un autre, d'un mode d'existence à un autre (pas totalement pour autant), d'une temporalité à une autre... Bref, le brouillon a donné naissance au chef d'œuvre.




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Message par Largo Mer 1 Déc 2010 - 21:44

Bon, j'irai ptet voir alors.

Non, parce que sinon, la solution du père dans Boogie est vieille comme le monde, c'est la soupape classique permettant de maintenir le modèle du couple bourgeois en place.
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Message par Invité Sam 11 Déc 2010 - 14:46

c'est quoi le couple bourgeois, par rapport au couple non bourgeois ? c'est sur bourgeois où sur couple qu'il faut s'arrêter ?

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Message par Présence Humaine Jeu 23 Déc 2010 - 2:38

j'ai trouvé le film étonnamment ennuyeux mais d'un ennui qui sert totalement le film, qui en est son propos même. Les échanges entre les personnages sont médiocres, on ne parle que de détails pratiques, de rendez vous à fixer, de cadeaux à faire, c'est la vie qui ne s'arrête jamais et qui n'a pas de centre, de noyau, ni de pause, l'homme ne questionne jamais ses désirs, il pourrait largement décider de rester avec sa femme et ne rien lui dire, il a besoin de changement mais il ne sait pas s'y prendre et enlève la pièce qui fait s'effondrer le tout, les décisions sont prises sur le vif (quand il décide de lui annoncer qu'il la trompe, quand il se rend chez la mère de sa maîtresse), il semble abruti par la vie et par le fait de toujours devoir agir, on ne le trouve même pas sympathique. La dernière scène est magnifique.
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Message par Largo Jeu 23 Déc 2010 - 12:41

j'ai trouvé le film étonnamment ennuyeux mais d'un ennui qui sert totalement le film, qui en est son propos même.

C'est ce qu'on disait à propos de Policier, Adjectif déjà, et c'est vrai qu'on retrouve un usage très maitrisé, très fort du plan-séquence et de la durée des plans. Du coup, les acteurs sont assez impressionnants, sans qu'on ait jamais l'impression d'un tour de force, d'une démonstration de virtuosité.

Par comparaison, j'ai pensé aux Climats de Nuri Bilge Ceylan, que j'avais vraiment pas aimé à l'époque. Pour le coup, lui, la durée des plans, on avait plutôt l'impression que ça lui servait à se regarder filmer, l'ennui et la fixité des personnages était bien pratique pour prendre le temps de capter dans tous ses scintillements la petite goutte de sueur qui perle au front.

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Dans Mardi, après Noël, la durée, la fixité des plans n'est jamais là pour mettre à l'épreuve le spectateur (comme dans pas mal de films contemporains) ou pour servir une quête assez vaine de perfection plastique (terrible chez Ceylan, comme rien ne dépasse, tout est au cordeau...). Non, c'est une durée qui permet de capter les rapports de force, les sentiments cachés, derrière la banalité des dialogues et des situations.

La scène où le mari annonce à sa femme qu'il la trompe est très forte évidemment. Elle doit durer peut-être 10 minutes, la femme a le temps de passer par tous les états : de la stupéfaction à la colère, de la colère au désespoir, du désespoir à la tristesse, de la tristesse à la résignation... Et Muntean a bien compris que c'est en filmant toute la scène sans coupe qu'on peut ressentir les imperceptibles sautes d'un état à l'autre. Le meilleur moyen pour qu'on ne voit pas les coutures de la robe, c'est encore de la confectionner dans une unique pièce de tissu.

La vérité des sentiments, ça veut pas dire grand chose, j'aime pas trop ces formules toutes faites, mais disons qu'on sent en tout cas une grande justesse, un regard très aiguisé derrière la caméra. Elle est très efficace finalement, cette manière un peu froide et appliquée d'organiser le déraillement de la mécanique fragile de l'adultère

On échappe pas à cette fameuse impression que la caméra est toujours à la bonne place, ni trop loin, ni trop près, ni trop haut, ni trop bas, toujours très frontale, comme si dans cette histoire, elle était la seule à voir les choses en face, telles qu'elles sont, à ne pas tricher.

C'est un film fait de blocs épais, un peu à l'image de son personnage principal.
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Message par Largo Jeu 23 Déc 2010 - 12:49

Mardi, après Noël entérine, tout en innovant, les principes "minimalistes" déjà mis en place par ces prédécesseurs. La très petite histoire parle toujours des métamorphoses de la Grande Histoire. Comme dans Boogie, qui se passait le 1 mai, le film se déroule, comme l'indique son titre, après Noël, c'est-à-dire au même moment que le révolution roumaine de 89.

Il est question d'adultère, et de révolution donc. Un homme voit une autre femme. Que va-t-il faire ? Le film parle de la révolution non pas comme une date historique, mais comme un expérience à faire quotidiennement et indéfiniment. Elle n'est jamais acquise, on n'en a jamais fini avec les formes de soumission. Tel est, je crois, le sens des films de Muntean.

Par contre, Lecomte, je vois pas du tout quel rapport le film peut entretenir avec la révolution, les formes de soumission, etc. C'est pas parce qu'il est roumain qu'il faut forcément chercher des interprétations politiques partout. Je sais pas, j'avais l'impression que le film aurait pu se passer à peu près n'importe où.

D'ailleurs a propos du titre et de la période de Noël Muntean explique :

Pourquoi avoir choisi la période de Noël , moment familial par excellence, pour situer l’action de ce film ? Pensez vous que Noël paradoxalement est un moment plus sujet aux séparations ?

Je pense que c’est le moment ou la famille se fait plus présente. Il aime les deux femmes , il voit sa fille prise dans une situation difficile et il connait les deux familles. Pour moi , Noël est un moment symbolique qui rend son choix d’autant plus difficile. C’est un nouvelle vie qu’il choisit , d’où mon titre « mardi après Noël ». Mais est-ce une meilleure vie pour lui ? Le film est avant tout basé sur cette culpabilité qui le ronge en permanence et qui fait que quelque soit le choix qu’il fait , il ne sera jamais heureux. Il aime ces deux femmes de façon très différentes mais il a besoin des deux. Et je pense que situer l’action à Noël m’a permis d’offrir à mon film plus d’intensité et de sentir le froid et la culpabilité qui le ronge.

http://toutelaculture.com/2010/11/interview-de-radu-muntean-cineaste-de-mardi-apres-noel/
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Message par Le_comte Jeu 23 Déc 2010 - 20:30

Boogie se déroule le 1 mai

Mardi, après Noël
à la fin décembre, période durant laquelle la dictature Ceausescu tomba (cf : son exécution,...)

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Message par Largo Ven 24 Déc 2010 - 0:09

Le_comte a écrit:Boogie se déroule le 1 mai

Mardi, après Noël
à la fin décembre, période durant laquelle la dictature Ceausescu tomba (cf : son exécution,...)

Oui, mais est-ce que ça suffit pour lui prêter des intentions politiques ?
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