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It's a man... It's an elephant …It's elephant man...

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Message par Borges Sam 13 Nov 2010 - 11:49

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l’image spéculaire est une erreur,. Elle n'est pas simplement une illusion, un leurre, elle est foncièrement une erreur en tant que le sujet s'y me-connais. Et pour autant que le sujet se trompe, il croit qu'il a en face de lui son image. S'il savait se voir, s'il savait, ce qui est la simple vérité, qu'il n'y a que les rapports les plus déformés, d'aucune façon identifiables, entre son côté droit et son côté gauche, il ne songerait pas à s'identifier à l'image du miroir. Quand, grâce aux effets de la bombe atomique, nous aurons des sujets avec une oreille droite grande comme une oreille d'éléphant et, à la place de l'oreille gauche, une oreille d'âne, peut-être les rapports à l'image spéculaire seront-ils mieux authentifiés!
(lacan)
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Message par Borges Sam 13 Nov 2010 - 11:55

Borges a écrit:


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« le “voir par soi-même”, inspecter de ses propres yeux. C’est ce que veut dire à l’origine autopsia : l’expérience qui consiste à voir de ses propres yeux, et donc à pouvoir témoigner (...) Le savoir théorique, c’est, du moins dans sa figure dominante, un voir, un theôrein théâtral, un regard jeté sur un ob-jet visible, une expérience d’abord optique visant à toucher des yeux ce qui vient sous la main, sous le scalpel»

(derrida)




il était pas très loin; sur le site des cahiers, par exemple


C’est le monstre qui a peur

- Etrange, le film l’est de bien des manières. Et d’abord par ce que David Lynch fait de la peur. Celle du spectateur la notre) et celle de ses personnages, dont John Merrick l’homme-éléphant). C’est ainsi que la première partie du film, jusqu’à l’installation à l’hôpital, fonctionne un peu comme un piège. Le spectateur se fait à l’idée qu’il devra tôt ou tard soutenir l’insoutenable et regarder le monstre en face. Un sac de toile grossier perce d’un seul œil trou est tout ce qui Ie sépare de l’horreur qu’il devine. Le spectateur est entré dans le film, à la suite de Treves, par le biais du voyeurisme. II a payé (tout comme Treves) pour voir un freak : cet homme-éléphant tour à tour exhibe et interdit, sauvé et battu, entrevu dans une cave, « présenté » à des savants, recueilli et caché au Royal Hospital de Londres. Et quand il le verra enfin, il sera d’autant plus déçu que Lynch fait alors semblant de jouer le jeu du film d’horreur classique : la nuit, les couloirs déserts de l’hopita1, l’heure du loup, la fuite rapide des nuages sous un ciel plombe et soudain ce plan de John Merrick dresse sur son lit, en proie à un cauchemar. Il le voit - vraiment - pour la première fois, mais ce qu’il voit aussi c’est que ce monstre censé lui faire peur a peur lui-même. C’est à ce moment là que Lynch libère son spectateur du piège qu’il lui a d’abord tendu (le piège du « plus-de-voir »), comme s’il lui disait : ce n’est pas toi qui compte, c’est lui, l’homme-éléphant ; ce n’est pas ta peur qui m’intéresse, c’est la sienne ; ce n’est pas ta peur d’avoir peur que je veux manipuler, c’est sa peur de faire peur, la peur qu’il a de se voir dans le regard de l’autre. Le vertige change de camp.

Le psaume est un miroir - Elephant Man est une suite de coups de théâtre, certains drôles (la visite de la princesse à l’hôpital, en « dea ex machina »), d’autres plus troublants. On ne sait jamais comment une scène peut finir. Lorsque Treves veut convaincre Carr Gomm, Ie directeur de l’hôpital (joué magnifiquement par John Gielgud), que John Merrick n’est pas un incurable, il demande à ce dernier d’apprendre par coeur et de réciter le début d’un psaume : mais a peine les deux médecins ont-ils quitté la pièce qu’ils entendent Merrick réciter la fin du psaume. Choc, coup de théâtre : cet homme que Treves lui-même tient pour un crétin connaît la Bible par cœur. Plus tard, lorsque Treves le présente à sa femme, Merrick ne cesse de les surprendre en leur montrant un portrait de sa propre mère (elle est très belle) et en étant le premier a tendre un mouchoir à la femme de Treves qui a soudain fondu en larmes. II y a beaucoup d’humour dans cette façon d’inscrire l’homme-éléphant comme celui qui toujours complète le tableau dont il fait partie, le signe. C’est aussi une façon très littérale, pas du tout psychologique, de faire avancer le récit : par bonds, par une logique signifiante. C’est ainsi que John Merrick trouve sa place dans le tableau de la (haute) société anglaise, victorienne et puritaine, pour qui il devient une sorte de must touristique. II est quelque chose dont cette société a besoin, sans laquelle elle n’est pas complète. Mais quoi au juste ? La fin du psaume, Ie portrait, le mouchoir, qu’est-ce que c’est, en définitive ? Plus le film avance, plus il est clair qu’e pour ceux qui l’entourent, I’homme-éléphant est un miroir : ils le voient de moins en moins, lui ; mais ils se voient de plus en plus dans son regard.

Les trois regards - Au cours du film, John Merrick est l’objet de trois regards. Trois regards, trois âges du cinéma : burlesque, moderne, classique. Ou encore : la foire, l’hôpital, le théâtre. Il y a d’abord le regard d’en-bas, celui du bas peuple et le regard (dur, précis, sans aménité) de Lynch sur ce regard. Il y a des bouts de carnaval, dans la scène ou Merrick est saoulé et kidnappé. Dans le carnaval, il n’y a pas d’essence humaine a incarner (même sous les traits d’un monstre), il y a du corps pour en rire. Il y a ensuite le regard moderne, celui du médecin fasciné, Treves (Anthony Hopkins, remarquable) : respect de l’autre et mauvaise conscience, érotisme morbide et épistémophilie. En s’occupant de l’homme-éléphant, Treves se sauve lui-même : c’est le combat même de l’humaniste (à la Kurosawa). II y a enfin un troisième regard. Plus l’homme-éléphant est connu et fêté, plus ceux qui lui rendent visite ont le temps de se faire un masque, un masque de politesse qui dissimule ce qu’ils ressentent à sa vue. Ils vont voir John Merrick pour tester ce masque : s’ils trahissaient leur peur, ils en verraient le reflet dans le regard de Merrick. C’est en cela que l’homme-éléphant est leur miroir, pas un miroir où ils pourraient se voir, se reconnaître, mais un miroir pour apprendre a jouer, à dissimuler, à mentir encore plus. Au début du film, il y avait l’abjecte promiscuité entre le freak et son montreur (Bytes), puis- il y avait l’horreur muette, extatique de Treves dans la cave. A la fin, c’est Mrs Kendal, star du théâtre londonien, qui décide, à la lecture du journal, de devenir l’amie de l’homme-éléphant. Dans une scène assez malaisante. Anne Bancroft, en guest-star, gagne son pari : pas un muscle de son visage ne tressaille quand elle est présentée a Merrick à qui elle parle comme à un vieil ami, allant jusqu’à l’embrasser. La boucle est bouclée, Merrick peut mourir et le film se terminer. D’un côté, le masque social s’est entièrement recompose, de l’autre, Merrick a enfin vu dans le regard de l’autre tout autre chose que le reflet du dégoût qu’il inspire. Quoi ? II ne saurait dire. Il prend le comble de l’artifice pour du vrai et, bien sur, il n’a pas tort. Puisque nous sommes au théâtre.

Car l’homme-éléphant nourrit deux rêves : dormir sur le dos et aller au théâtre. Il les réalisera tous deux le même soir, juste avant de mourir. La fin du film est très émouvante. Au théâtre, quand Merrick se lève dans sa loge pour que ceux qui l’applaudissent puis sent mieux le voir, on ne sait vraiment plus ce qu’il y’a dans leur regard, on ne sait plus ce qu’ils voient. Lynch a alors réussi à racheter l’un par l’autre, dialectiquement, le monstre et la société. Mais seulement au théâtre, seulement pour un soir. Il n’y aura pas d’autre représentation.








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"Cet éléphant mort, mis à mort ou tenu en respect parce que mort par le roi, c’est aussi un peu dans cette nécropsie, la représentation déniée, conjurée, vaguement totémique, du roi mort, du roi mortel, du roi mort d’une mort du roi que tout le monde redoute et espère à la fois, et que tout sujet projette dans l’autopsie où la nécropsie de la souveraineté. Oraison funèbre dont le refrain ne cesse jamais : Vive le roi, le roi est mort vive le roi le roi est mort vive le roi le roi est mort."
(derrida)


on en avait parlé dans le topic consacré au film de RR; dans ce séminaire cité de derrida, des pages sur Louis XIV assistant à une leçon d’anatomie sur un éléphant; deux rois; l'un vivant, l'autre mort.


Plus curieux, quelques passages sur les hommes politiques français et le rite de la visite au salon de l'agriculture; Derrida se "scandalise" que chirac (je crois) "touche", "caresse" le derrière des vaches, sans rien leur demander, comme si elles étaient naturellement consentantes...comme si elles ne demandaient que ça, ou que leur avis au fond n'importait pas...



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Eyquem a écrit:
D&D a écrit:en particulier avec les défilés de « tronches » des spectateurs
Si les figurants sont expressifs, c'est surtout parce qu'ils en font tout le temps des tonnes (dans la surprise, la peur, le dégoût, la curiosité...) C'est eux les "vrais" acteurs, qui ne cessent de donner leurs réactions en spectacle aux autres.
(Parmi le public, il n'y a que les savants qui ne montrent rien. Mais c'est aussi une composition en un sens : quand le gynéco ausculte Saartjie, il lâche un "Seigneur !" en découvrant son sexe, et il se ressaisit tout de suite.)

Dans le texte de Daney sur Elephant man, il y a un peu de cette idée : les gens comme il faut apprennent à bien jouer devant le miroir de l'homme éléphant ; ils apprennent à se masquer, à cacher leurs réactions, à faire comme si de rien n'était.
Ici aussi, il y a du jeu dans le public, mais dans le sens d'une exubérance, d'un surlignage, d'un surjeu : le public s'entraîne lui-même à surjouer la peur, le ravissement, etc, sous le regard des autres. C'est un jeu de regards à trois bandes : le public regarde, la Vénus joue, mais le public se regarde aussi réagir, et joue à se regarder.

Il suffit d'un rien pour que l'illusion, la frénésie collective retombent : dans le salon des libertins, dès que la Vénus se met à pleurer, ceux qui l'instant d'avant s'excitaient comme des fous, se ressaisissent, crient au scandale, sifflent le "dompteur" pour le mauvais spectacle.
Borges a écrit:je crois que c'est chez sartre que je chercherai des possibilités de penser ces histoires de regards
Dans cette scène, c'est quand la Vénus ne regarde plus le public, ferme les yeux pour pleurer, que le public prend d'un coup conscience de ce qu'il fait.
(je ne sais pas ce qu'en dirait Sartre)
Eyquem a écrit:Être ET ne pas être : telle est la question.

Un des moments que j'ai préférés hier dans Elephant man, c'est la scène avec l'actrice (Anne Bancroft), scène dont parle Daney.

Elle est venue voir chez lui l'homme dont parlent tous les journaux, par curiosité, peut-être aussi un peu par jalousie de se voir voler la vedette. Renversement des rôles : c'est l'actrice qui se déplace, comme si elle allait voir un acteur dans sa loge. Elle lui offre un portrait d'elle, et un volume des oeuvres de Shakespeare.
Pris par la lecture, ils se mettent à jouer une scène de baiser de "Roméo". A la fin de quoi, ils disent :

L'ACTRICE : Oh, Mr Merrick, vous n'êtes pas un homme-éléphant !
MERRICK : Non ?
L'ACTRICE : Vous êtes Roméo.


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Ce contrechamp sur Merrick au moment où elle dit "Vous n'êtes pas un homme-éléphant" pose bien des questions - parce qu'on ne peut pas ne pas voir à ce moment-là le visage qu'a cet homme, en dépit de ce qu'elle dit.

En disant qu'il n'est pas l'homme-éléphant mais Roméo, elle a l'air de refaire ce que Juliette faisait dans la pièce de Shakespeare, quand Juliette changeait le nom de Roméo, pour pouvoir l'aimer en dépit des rivalités entre les Capulet et les Montaigue :
What's in a name? That which we call a rose
By any other name would smell as sweet.
So Romeo would, were he not Romeo call'd,
Retain that dear perfection which he owes
Without that title. Romeo, doff thy name;
And for that name, which is no part of thee,
Take all myself.

Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s'appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu'il possède ... Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.
C'est un passage que Borges a cité en d'autres occasions.

Romeo aussi voulait s'arracher son nom, comme s'il était une partie de lui-même :

...O tell me, friar, tell me,
In what vile part of this anatomy
Doth my name lodge ? Tell me, that I may sack
The hateful mansion

Oh ! dis-moi, prêtre, dis-moi dans quelle vile partie de cette anatomie loge mon nom ; dis-le-moi, pour que je puisse saccager sa hideuse demeure !

Mais dans Elephant man, il suffit pas de changer de nom.
Quand Juliette imagine que Romeo ne s'appelle pas Romeo, elle évoque une fleur ; et c'est vrai qu'une fleur ne serait pas moins agréable sous un autre nom.

Mais l'homme-éléphant serait-il moins difforme de se nommer autrement ?

L'actrice dit : "Vous n'êtes pas l'homme-éléphant ; vous êtes Roméo".
Elle s'en sort bien - sauf qu'on a pas la moindre idée de ce qu'elle met sous le nom de Romeo.

Et comme dirait Clinton (cité par Borges) : "encore faut-il s'entendre sur ce que "être" est" !









Eyquem a écrit:Pour en revenir à cette histoire d'humanité, on pourrait dire qu'à ce titre, le film de Lynch en reste à un partage très simple entre l'être et l'apparence. Extérieurement, c'est l'homme-éléphant ; intérieurement, c'est Roméo.
C'est un partage de conte bleu (la belle et la bête) ou de philosophie (Socrate comparé à un Silène : laid à l'extérieur, mais semblable à un dieu quand on l'ouvre en deux).

Le film de Lynch est aussi, typiquement, un de ceux dont on dirait que c'est un film humaniste. Il part avec une idée toute faite de l'homme ; et le problème du film, c'est d'opérer une traversée des apparences, fausses et monstrueuses, pour remonter jusqu'à cet être humain, Merrick tel qu'en lui-même, quand il n'apparaît plus comme un homme-éléphant, mais est le meilleur des hommes, aux yeux de ceux qui savent voir.

Ce qui fait qu'Elephant Man est un film regardable (pathétique, émouvant, et tout : c'est dur de pas pleurer à certaines scènes), c'est que Merrick est, au fond, tout comme nous : il connaît la Bible par coeur ; il aime sa mère ; il s'émeut à Shakespeare. Rien ne le sépare des autres, de nous, si ce n'est sa forme, et son extrême bonté.

Le film aurait posé des questions très différentes si Lynch avait eu l'idée de faire de Merrick un sale type, ou du moins un type plus ordinaire, pas toujours bon, pas toujours poli, pas toujours d'une patience d'ange.


Ce qui fait que "Vénus noire" est difficilement regardable (ce qui en fait un film beaucoup plus fort que celui de Lynch à mon avis), c'est qu'on ne puisse pas se raccrocher au personnage de Saartjie, qui reste toujours distante, fermée ; jamais elle n'est sympathique, jamais on n'a le sentiment d'une complicité avec elle, qui fait qu'on pourrait faire alliance avec elle contre les autres (ce qui nous permettrait, à nous, de supporter le film plus facilement, de nous émouvoir, de nous apitoyer sur son sort; d'être du bon côté). On se sent rejeté, tout seul, on se sent très con aussi, à se demander ce qu'on fout là. Mais bon, je crois que c'est ça la grande idée du film : de nous mettre dans cette position-là, qui est bien moins confort que celle qu'on a devant le Lynch.

En le regardant, je me disais parfois : "Mais c'est pas possible, qu'est-ce tu fiches là ! C'était bien la peine de refuser d'aller voir Dancer in the dark, de trouver The Changelling imbuvable, si c'est pour se retrouver devant un de ces autres calvaires féminins insupportables..." Mais ce qui rend The Changelling imbuvable, c'est d'avoir à supporter les yeux pleins de larmes d'Angelina Jolie, tellement belle et touchante (sans parler du discours débile du film). Et Bjork, elle est pas trop mignonne, avec ses grosses lunettes, son amour maternel chevillé au corps ? J'avais aucune envie de la voir se faire pendre (je crois que ça se finit comme ça).

Kechiche est moins hypocrite. Il veut pas nous faire croire que la Vénus était un ange, ou une femme admirable - parce que du coup, ce que le spectateur se serait dit, c'est : "C'est trop injuste ! Lui faire subir ça, à elle !"
Là, on est bien plus emmerdé ; on peut pas se réfugier derrière ce genre d'excuses. Saartjie est ni admirable, ni abominable : c'est juste une femme, on sait rien de plus ; humaine, mais d'une humanité quelconque.
Ce qu'elle subit n'est pas injuste, inhumain, parce que c'est elle, en tant qu'elle-même, qui le subit (et qui, à ce titre, et à nos yeux de spectateurs, le "mériterait", un peu, beaucoup, pas du tout, en fonction de ses qualités et de ses défauts individuels, de ses choix, de ses erreurs). C'est inhumain en tant que tel, en tant que les spectacles forains ou médicaux nient l'humanité d'une femme quelconque.

Le spectateur, devant le film, est un peu comme le journaliste qui s'exclame : "Dommage qu'elle soit pas une princesse !" Ben oui, c'est pas une princesse. Mais qu'est-ce que ça change ? Qu'est-ce que ça aurait changé ?
C'est comme cette histoire avec Sakineh, "la belle Iranienne", qu'il faudrait sauver d'autant plus qu'elle est belle. Comme si, si elle était moche, ça serait dommage, et on y réfléchirait à deux fois avant de passer du temps à défendre la liberté et les droits de l'homme.


Présence Humaine a écrit:
Eyquem a écrit:Pour en revenir à cette histoire d'humanité, on pourrait dire qu'à ce titre, le film de Lynch en reste à un partage très simple entre l'être et l'apparence. Extérieurement, c'est l'homme-éléphant ; intérieurement, c'est Roméo.
C'est un partage de conte bleu (la belle et la bête) ou de philosophie (Socrate comparé à un Silène : laid à l'extérieur, mais semblable à un dieu quand on l'ouvre en deux).

Le film de Lynch est aussi, typiquement, un de ceux dont on dirait que c'est un film humaniste. Il part avec une idée toute faite de l'homme ; et le problème du film, c'est d'opérer une traversée des apparences, fausses et monstrueuses, pour remonter jusqu'à cet être humain, Merrick tel qu'en lui-même, quand il n'apparaît plus comme un homme-éléphant, mais est le meilleur des hommes, aux yeux de ceux qui savent voir.

Ce qui fait qu'Elephant Man est un film regardable (pathétique, émouvant, et tout : c'est dur de pas pleurer à certaines scènes), c'est que Merrick est, au fond, tout comme nous : il connaît la Bible par coeur ; il aime sa mère ; il s'émeut à Shakespeare. Rien ne le sépare des autres, de nous, si ce n'est sa forme, et son extrême bonté.

Le film aurait posé des questions très différentes si Lynch avait eu l'idée de faire de Merrick un sale type, ou du moins un type plus ordinaire, pas toujours bon, pas toujours poli, pas toujours d'une patience d'ange.




Devant Elephant Man il y a eu pour moi une sorte de renversement: autant je n'aurais pas supporté le sale type, autant un certain type de faiblesse, de vulnérabilité ou de fragilité (appelons ça comme nous voulons) me dégoûte tout autant et empêche l'empathie ou la rend également difficile. Il y a un excès de bonté tout aussi répugnant qu'un excès de vice. Ca me rappelle l'insupportable rôle de Juanita Moore dans Imitation of life de Sirk

It's a man... It's an elephant …It's elephant man... Imitation_of_Life-Juanita_Moore
Eyquem a écrit:Sur ce que je dis d'Elephant Man, Jerzy a répondu ceci :

Jerzy a écrit:Lu à côté sous la plume d'Eyquem, qui se livre à une comparaison avec "elephant man":


Pour en revenir à cette histoire d'humanité, on pourrait dire qu'à ce titre, le film de Lynch en reste à un partage très simple entre l'être et l'apparence. Extérieurement, c'est l'homme-éléphant ; intérieurement, c'est Roméo.
C'est un partage de conte bleu (la belle et la bête) ou de philosophie (Socrate comparé à un Silène : laid à l'extérieur, mais semblable à un dieu quand on l'ouvre en deux).

Le film de Lynch est aussi, typiquement, un de ceux dont on dirait que c'est un film humaniste. Il part avec une idée toute faite de l'homme ; et le problème du film, c'est d'opérer une traversée des apparences, fausses et monstrueuses, pour remonter jusqu'à cet être humain, Merrick tel qu'en lui-même, quand il n'apparaît plus comme un homme-éléphant, mais est le meilleur des hommes, aux yeux de ceux qui savent voir.

[...]

Le film aurait posé des questions très différentes si Lynch avait eu l'idée de faire de Merrick un sale type, ou du moins un type plus ordinaire, pas toujours bon, pas toujours poli, pas toujours d'une patience d'ange.



Je n'ai pas vu 'la vénus noire", mais je ne partage pas du tout cette perception du film de Lynch.

Selon moi, John Merrick ne nous est pas présenté comme Roméo, le meilleur et le plus délicat des hommes "à l'intérieur, pour qui sait voir au delà des apparences, etc".

Ce sont là les constructions opérées sur John Merrick, et qu'il se réapproprie, on pourrait dire les "introjecte", en raison et à la mesure de sa soif inextinguible d'être apprécié, et plus encore reconnu "en tant qu'humain".

"Roméo", c'est la nomination effectuée par l'actrice de théâtre (Anne Bancroft), lorsqu'elle lui fait son numéro parfait d'actrice de théâtre: pas un cil ne bouge, maîtrise parfaite des muscles du visage, comme cela a été souligné, sublimation apparemment spontanée de cette "rencontre" qui est une opération de communication mondaine ou de prestige.
Il s'agit dans cette présentation, sollicitée par l'actrice, à l'homme-éléphant, d'inverser la perception spontanée par le "vulgaire", l'individu "non cultivé", "non éduqué", qui marque son dégoût sans contrôle de soi. Cette posture esthétique que Bourdieu analyserait en termes de stratégie de "distinction sociale".

Dans cette perspective de sublimation hypocrite, si on veut (surtout un défi de "performance" très gratifiant pour son narcissisme de comédienne en cote), il s'agit bien sûr d'aller directement à l'autre extrême, en occultant le corps: la valeur du pur esprit, l'Ange dans la bête, le simulacre grotesque de la rencontre miraculeuse entre la Belle et la Bête, Roméo le séducteur irrésistible dans le corps de Quasimodo, etc.

Le traditionnel et platonicien dualisme âme/corps n'est en rien dépassé, les termes en sont seulement permutés. Et on sait avec Deleuze que renverser le platonisme, ça ne consiste pas simplement à le répéter en mettant le "bas" à la place du "haut" et le "haut" à la place du "bas", ou par un mouvement de transgression consistant à loger "le très haut" dans" le très bas" et inversement, ce qui ne change pas grand chose, bien au contraire, entretient et réitère plus encore la puissance d'imprégnation de cette pure distinction duale, du modèle binaire.

L'énormité de la "triche" est tellement patente dans la scène de "Roméo" que Merrick lui-même en rit avec Bancroft. Les deux semblent presque plaisanter de cette mise en scène "hénaurme". On sent selon moi que Merrick, là, est prêt à payer le prix de la comédie, de l'hypocrisie mondaine. Un travestissement ou simulacre de sentiments, d'affects, car c'est la seule possibilité pour lui d'être accepté dans le "beau monde", de ne pas retourner dans les "bas-fonds" de la société. Il n'en est non seulement pas dupe, mais c'est le "deal" implicite: poursuivre sa carrière de "freak exhibé", dans la bonne société londonienne; c'est plus luxueux, plus confortable que d'être exhibé dans les foires.

Et, limite, on est autorisé à en rire avec lui. Autre exemple: quand Treeves lui présente sa nouvelle "garde-robe", de si élégants costumes. "Mes amis, oh, mes amis, mes amis", s'exclame Merrick et il ne peut réprimer un rire devant le burlesque de la situation, lié à l'écart entre le "type" et la "norme".
Seul devant son miroir, il "se la joue" en parodiant jusqu'à la moquerie les manières de la bonne société: "oh ma chère, oh mais c'est exquis", etc. Il s'en enchante tout en se foutant de lui-même, de toute cette comédie. Le gardien de nuit ne manquera pas de lui rappeler de quel côté de la barrière il est, dans le partage du sensible et des classes. Et là, la confrontation au miroir sera tout autre: un retour massif, brutal, sans métaphore et pour cela expérience de terreur, du refoulé.

Dans d'autres occasions, Merrick semble méditer sur le terme même d'ami, lorsqu'il le répète avec insistance devant Treeves: "my friend...". Avec quelque chose de noir, de cynique, dans le regard.


Dans ce régime de signes gouverné par une aliénation fondamentale, Merrick est pris. Il n'a pas une "intériorité" qui lui serait propre: il se mimétise dans le personnage raffiné, affecté, dont il comprend très vite que c'est la seule stratégie viable. D'un bout à l'autre du film, Merrick n'est jamais Merrick, cet homme raffiné et sublime "à l'intérieur", il reste l'homme-éléphant, bien sûr, j'entends par là celui dont l'intériorité n'existe et ne s'élabore qu'en fonction du regard et de la nomination de l'autre.
Comme tout le monde, dira-t-on. Ici, c'est maximalisé parce que, simplement, il ne peut pas se réapproprier, intégrer l'image de soi dans le miroir, même au prix d'un auto-aveuglement massif. Le "self" de Merrick, pour le dire autrement, est constamment et de pied en cap menacé d'effondrement, il ne dispose pas d'un pôle équilibrant dans le système de la reconnaissance de l'affection partagées; l'obstacle à cette possibilité est beaucoup trop violent.

Le retournement de la "bête" en "ange" est non seulement ce leurre décrit plus haut, qui opère déjà dans la récitation des versets de la bible au début, juste après l'entrevue avec le directeur de l'hôpital (pour le séduire, le retenir), mais on comprend aussi qu'il opère bien en amont, dans le rapport au visage de la mère, céleste, sublimé dans le médaillon, ainsi que le récit qu'il en propose.
Montrer le médaillon à ses hôtes deviendra un rite obligé des visites de courtoisie dans son petit intérieur bichonné, en écho symétrique aux récits de légende de son précédent "protecteur". Le spectacle continue: voyez d'où je viens... voyez ce que je suis... Ma mère, d'une beauté d'ange, sauvagement piétinée par des éléphants...).

Si Merrick connaît des versets de la bible par cœur, s'il se vit déjà bien à titre d'âme pure dans le pire des corps, ce n'est pas parce qu'il serait - par ailleurs - un homme cultivé etc, une pépite de noblesse dans un monde de "brutes vulgaires", c'est parce que la violence de son handicap le condamne de tous temps à cette sublimation forcenée.
Il s'exhorte lui-même, bien avant la rencontre avec Treeves puis Bancroft, à se vivre à travers le dualisme âme/corps. Il rêve de beauté, de pureté, de raffinement, de fanfreluches et de bonnes manières.

Là encore, non par un éthos de classe auquel il participerait par héritage (ce médaillon, d'ailleurs, n'est ce pas le cœur du leurre? Ce portrait de femme raffinée, est-ce bien sa mère, n'est-ce pas un objet trouvé et approprié dans une légende personnelle dorée? Un "truc" à la Kaspar Hauser?), mais justement parce que ce n'est PAS son éthos, ni son monde. C'est le lieu par excellence inaccessible, aux antipodes, un paradis perdu de toute origine.

D'où cette aptitude à cultiver, par compensation, consolation, jusqu'à l'hypertrophie, l'imitation des attributs de la classe aisée, sa généalogie fantasmée, ses "semblables" identifiés à la "mère" du médaillon.

Il ne peut PAS se vivre et se comporter comme un "sale type": sauf à déchoir et s'effondrer psychiquement; c'est une condition basique de survie pour lui que de s'identifier à un pur esprit, calqué sur le modèle de l'aristocratie londonienne.

Vers la fin du film, on l'a souligné également, la représentation théâtrale (un déluge de fanfreluches et de mauvais goût "bourgeois-kitsch", une féérie en toc, d'un certain point de vue désopilant) émeut, se dit-on de prime abord, Merrick au plus profond. Il en sort son mouchoir de manière affectée, mais ses larmes ne sont pas feintes.

Pleure-t-il de l'émotion suscitée par ce spectacle enchanteur? Oui et non. C'est ambigu et là est l'intelligence de Lynch. Le pathos est à double tranchant. Il le sera plus encore dans la scène où Merrick se lève au balcon, présenté par Bancroft sous les applaudissement nourris du tout Londres.
On est autorisé à penser que ce sur quoi Merrick pleure en regardant le spectacle, c'est sur sa mort prochaine, sur l'illusion persistante qu'a été sa vie: le rêve transi d'un état de sublimité, suspensive, limbique ("in heaven, everything is fine", chantait la dame dans le radiateur), qui lui a toujours été refusé et qu'il n'atteindra jamais. Il pleure peut-être de ressentir à quel point ce spectacle étincelant ne saurait se substituer, dans l'artifice de l'art (fût-il pompier), à sa vie passée, présente et future.

Eyquem a écrit:
Kechiche est moins hypocrite. Il veut pas nous faire croire que la Vénus était un ange, ou une femme admirable


En fonction de la perception différente que je propose du film, je ne crois pas, donc, que le film de Lynch joue la carte d'un humanisme aussi édifiant, compassé et frelaté, qu'il viserait à nous rendre captif d'une image de John Merrick l'homme d'exception, homme admirable emprisonné dans une enveloppe monstrueuse, digne enfant du Royaume adopté par "sa majesté" britannique, prouvant ainsi sa générosité et sa compassion envers ses sujets les plus humbles, les plus malheureux et les moins gâtés par la vie.

Ce dont Lynch parvient à nous rendre captif, ce serait bien plutôt, selon moi, des stratégies de survie, au total pathétiques, vaines, illusoires, d'un homme quelconque, tout à fait quelconque. Sa laideur effrayante ne fait pas de lui, par antithèse ou culture de l'antinomie, un homme exceptionnellement bon ou vertueux selon la carte postale stéréotypée opposant le "haut" et le "bas". Elle le contraint à épouser ce cliché. C'est différent.
En cela, tout homme quelconque est invité à se reconnaître: à reconnaître en John Merrick non pas l'être d'exception défiant un destin déterminé dont il s'arrache avant de mourir, reconnu et aimé de tous à proportion de cette "admirable" hauteur d'âme, mais l'homme quelconque qui va vers sa mort, solitaire et sans recours.


Eyquem a écrit:'soir Jerzy,

Sur l'hypocrisie (2e citation), je pensais aux films de Von Trier et d'Eastwood (Dancer in the dark, The changelling) et plus à celui de Lynch.

Je suis d'accord avec l'idée que Merrick est parfois ironique : quand il répète "mon ami" au docteur jusqu'à le mettre mal à l'aise ; ou quand il demande l'air de rien à la dame qui tremble de peur devant lui si elle a froid et si elle reveut un peu de thé.

Ce qui m'avait intéressé dans la scène avec Bancroft, c'était justement le contrechamp sur le visage de Merrick, au moment où Bancroft lui dit qu'il n'est pas un homme-éléphant mais Roméo, contrechamp qui à ce moment-là a quelque chose de féroce et de drôle, à force d'aveuglement.

Ensuite j'ai grossièrement simplifié, en disant que Merrick était "vraiment" un Roméo - alors que tout le film montre effectivement que Merrick est contraint de jouer le rôle qu'on lui demande, pour s'en sortir, pour survivre (en quoi, c'est une manière de tourner en dérision l'humanisme du beau monde qu'il fréquente à la fin, et qui croit que les bonnes manières, la culture, le raffinement, la moralité, sont des choses qui lui appartiennent naturellement, des preuves naturelles de son appartenance à l'humanité).

Bon, effectivement, il fallait rectifier.

la violence de son handicap le condamne de tous temps à cette sublimation forcenée.
Ce qui est intéressant dans Vénus noire, c'est qu'elle ne joue pas le jeu. Elle "préfère ne pas" jouer le jeu. Elle pourrait, car elle n'a rien de monstrueux, à la différence de Merrick, qui y est forcé comme tu le dis.
Face au public forain, elle voudrait jouer du violon, chanter une de ses chansons - et aussitôt son patron l'engueule, parce que ça brise le charme du spectacle de la femme sauvage, qui ne sait que grogner.
Face aux autres, elle se tait, ne cherche pas à les imiter, pour les rassurer, être acceptée comme ils voudraient qu'elles soient.


Il sort quand en Belgique, le DVD du Kechiche, que tu puisses en parler ?
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Message par Eyquem Dim 14 Nov 2010 - 10:28

Pardon, ça n'a qu'à rapport lointain avec le sujet, mais je trouve cette histoire tellement invraisemblable qu'il fallait que je la mette ici.


Je connaissais ce petit film d'Edison, "Electrocuting an elephant" (1903)



Mais c'est en lisant "Des éclairs" de Jean Echenoz que j'ai appris son histoire.
Voilà comment Wikipedia la résume :

En 1882 la « Edison Electric Light Company » de Thomas Edison fonde la première centrale électrique du monde à base de 6 dynamos « Jumbo » le 4 septembre pour produire du courant continu dans le quartier de Wall Street de Manhattan, d'une capacité de 1 200 lampes pour éclairer 85 maisons, bureaux ou boutiques.

En 1884, Edison (fervent partisan du courant continu) se sépare de son employé Nikola Tesla, un des pionniers du courant alternatif, plus dangereux mais capable d'être acheminé sur de plus longues distances que le choix obstiné d'Edison. Les deux hommes ne peuvent s'entendre. Edison use de ses relations afin de discréditer Tesla aux yeux de l'opinion publique. Malgré cela l'industrie opte rapidement pour le développement du courant alternatif. Toutefois, Edison tenta une campagne de lobbying en faisant des démonstrations publiques d'électrocution de différents animaux, pour prouver la dangerosité du courant alternatif. Ces démonstrations finiront par conduire à l'invention de la chaise électrique et l'adoption progressive de l'électrocution comme moyen d'exécuter les condamnés à mort.

(article Thomas Edison)

L'éléphante s'appelait Topsy : une éléphante de 6 tonnes, d'une trentaine d'années. Edison proposa de l'électrocuter et de filmer l'événement dans le cadre de sa campagne publicitaire ; ses dompteurs avaient décidé de l'abattre après que Topsy avait tué trois hommes :
En 1900 elle tue deux hommes au Texas et, en 1903, l'un des ses dresseurs qui aurait tenté de lui faire manger une cigarette allumée.

(article Topsy)

Echenoz raconte également l'exécution du premier condamné à la chaise électrique, un certain William Kemmler (je vous passe les détails, c'est horrible).
Et de conclure :
Après ce premier condamné calciné, les fâcheux effets du courant alternatif sur l'homme sont désormais indiscutables, Thomas Edison n'est pas mécontent. Que tous les spectateurs de la fin de Kemmler aient été horrifiés par cette scène et puissent en témoigner fait parfaitement son affaire, un tel système étant désormais associé au nom de Westinghouse. Comprenons son bonheur et n'oublions jamais que les plus belles inventions ont souvent de bien belles histoires. C'est par exemple ainsi que vient de naître la chaise électrique : d'un contre-argument publicitaire.

(Des éclairs, p50)



Je ne peux pas m'ôter de l'idée que Lynch a vu ce film d'Edison. Qu'y a-t-il vu ?
Très superficiellement, je note que les histoires d'Edison et de Merrick sont contemporaines. "Elephant man" se déroule sur fond de révolution industrielle : machines, fumée - mais on s'y éclaire encore au gaz.
Put simply, industry and electricity are good. Electrical hums and industrial roarings are signs of normality. It is only when they are interfered with that problems arise, for example the saw mill is closed in the pilot episode of Twin Peaks. Blowing light bulbs are used to create tension. The climatic scenes of Eraserhead, Twin Peaks (episode 29), and Fire Walk With me all feature electrical strobing. The emblem of Lynch/Frost productions is lit by electrical flashes. Lynch often speaks of his pet project, the as yet unfilmed Ronnie Rocket, which is about "a little three foot guy with sixty-cycle alternating current electricity and physical problems" (quoted by Chion). The industry links with the smoke and steam that colour his films, particularly Eraserhead and The Elephant Man. Lynch has twice produced what he calls "industrial symphonies", once as a series of paintings, second as a show with Badalamenti and Julee Cruise.
Que dit Michel Chion à propos d'Elephant Man ? Si quelqu'un a le livre sous la main. Je crois me rappeler qu'il évoque ce thème de l'électricité, des machines.
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Message par Borges Dim 14 Nov 2010 - 13:01



terrifiant;

j'ai le livre, hélas, pas sous la main, comme dirait heidegger; je le trouve pas extraordinaire.

je me posais une question, dit-elle : "you're Romeo", ou "you're a Romeo."?



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Message par Eyquem Dim 14 Nov 2010 - 13:12

Attends, je vérifie.

Il me semble bien que...


Oui, c'est ça. En vo :
- Oh, Mr Merrick, you're not an elephant man at all
- No ?
- No : you're Romeo


(sur imdb et Wiki, ils transcrivent : "you're a Romeo", mais ce n'est pas ce que j'entends, au casque.
La vf leur fait dire : "Vous n'êtes pas l'homme-éléphant. Vous êtes Roméo".

On peut vérifier la vo. ici :
http://www.tudou.com/programs/view/vW_-CS1Ip_M/
La réplique est à 03'30)


Le passage de Romeo qu'ils jouent, c'est la première rencontre :
"If I profane with my unworthiest hand..."
jusqu'à
"...Sin from my lips ? O trespass sweetly urged ! Give me my sin again."

A noter que Romeo, dans cette scène, porte un masque grotesque.

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Message par Borges Dim 14 Nov 2010 - 18:00

merci;

c'est curieux cette différence; dans le script (sur le net), c'est aussi "a romeo";

entre ce script et le film, y a bien d'autres différences...ainsi à la fin c'est pas au chat botté qu'assiste JohnM, mais à "Henry V".




"If I profane with my unworthiest hand..."

on peut penser à ce qu'on disait du "toucher"... à propos de la vénus noire,





«(…) the london hospital (…) had the actual plaster of the elephant man, taken right after he died. They also have his head and an arm and a foot cast in plaster. They used to have all his internal organs in jars, but during the second world war a bomb hit and those jars were broken. And so, for the first time since the elephant man died and they cast him, that head left the london hospital and went ton chris tucker’s studio. And chris could take john hurt’s head and john merrick’s head and work the two."

(lynch)

elephant man a aussi connu une vie après la mort; mais ce ne furent pas les éléphants qui demanderaient ses "restes", mais jackson, qui, dit-on, aurait acheté ses "os".

It's a man... It's an elephant …It's elephant man... Moonwalker-1988-01-g

(du clip leave me alone)

(après avoir vu le film, MJ : "it made me cry, because i saw myself in the story".)

« there’s the surface of this elephant man and beneath the surface is this beautiful soul. So much that everyone can identify with but so difficult to get because of this surface. »

(lynch)



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Message par Eyquem Lun 15 Nov 2010 - 17:15

'soir Borges,
If I profane with my unworthiest hand..."

on peut penser à ce qu'on disait du "toucher"... à propos de la vénus noire,
Oui, le désir de Merrick, à la différence de Saartjie, c'est d'être "touché" :
The doctor arranged for a friend of his named Mrs. Leila Maturin, "a young and pretty widow", to visit Merrick.[32] She agreed and with fair warning about his appearance, she went to his rooms for an introduction. The meeting was short, as Merrick quickly became overcome with emotion.[61] He later told Treves that Maturin had been the first woman ever to smile at him, the first to shake his hand.[32] She kept in contact with him and a letter written by Merrick to her, thanking her for the gift of a book and a brace of grouse, is the only surviving letter written by Merrick.[62]

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Message par Borges Mar 16 Nov 2010 - 22:55

l'aliénation (qui ne tient que dans le cadre d'une certaine lecture du film; bourdieu et lacan; on peut en essayer d'autres) produite par le "vous êtes roméo", qui me fait penser, en plus comique, à cette autre aliénation...(l'issue est ici heureuse; le performatif ironique transforme fernandel en vraie star... )



même si le film de lynch est plus proche de trucs comme "my fair lady"

(pédagogie de la classe prolo, langage, bonne manière... l'être social est-il de surface, ou de substance, être ou accident, c'est aussi la question du film de lynch; imiter les autres (les élites) est-ce nécessairement être aliéné; c'est le débat entre bourdieu et rancière, chez qui l'ouvrier s'émancipe à travers le langage de l'autre, ses oeuvres, alors que chez bourdieu, on ne peut pas vraiment, pas simplement... aller à l'opéra si on est prolo... ),

ou de "madame bovary (les effets dévastateurs de la romance sur les esprits "faibles"; là encore le partage bourdieu/rancière)

ou de roman de dickens...

on dira que le problème est plus complexe pour john (joseph) merrick;


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