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The Social Network (D. Fincher)

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Message par Largo Mer 13 Oct 2010 - 9:20

Hello,

Bon comme ça a l'air d'intéresser d'ores et déjà Borges, autant ouvrir le topic maintenant que le film est sorti. Et quoi de mieux pour commencer qu'un article sur le blog de Richard Brody, sur le site du New-Yorker. Il critique la critique de Mandelbaum dans Le Monde :


October 12, 2010
Le Réseau Social
Posted by Richard Brody

As promised, word from elsewhere about “The Social Network”; after Canada and Germany, here’s France, where the movie opens tomorrow. In Le Monde’s review, the critic Jacques Mandelbaum maintains a mandarin skepticism regarding the film’s subjects. He criticizes as “shameful” the fictionalized Mark Zuckerberg’s “monomaniacal pursuit of success which knows no scruple,” and adds,

The direction itself seems conceived as a critical formalization of the Facebook “community”: speed and virtuality of exchanges, aggregation of solitudes, solipsism of points of view, indistinguishability of lies and truth. Thus the film offers a disturbing vision of the Facebook phenomenon, defined less as a technological and societal liberation than as a demonstration of a new capitalist sucker punch that monopolizes invention for its own profit and alienates even its creators.

What we know of Facebook—notably the surveillance of its users for mercantile ends and the system’s intrusive power—supports this point of view. Yet “The Social Network”—and this may be its limitation—isn’t at all interested in the functioning of the network, in the reasons for its success, nor in the vast changes that it depicts.

Actually, the movie does suggest a couple of reasons for the success of Facebook, one aesthetic—that it’s “cool”—and the other, practical—that it actually succeeds in facilitating communications between people (remember the English-regatta scene). More important, Mandelbaum writes with a quasi-Luddite fear of the effect of Facebook on personal relationships. Look at our children: Facebook doesn’t replace face time. It replaces homework, or television, or phone calls, or maybe even reading, but it doesn’t take the place of teens getting together. It does, for instance, keep our daughters in close touch with their European friends and relatives (yes, metaphorical “touch,” but visiting them often isn’t an option); keep our older daughter, who is away at college, in close touch with her high-school friends; and get me back in touch with friends long-unseen—whom I then do sometimes see, in person. It’s not a panacea, it’s a tool, and the rotary telephone was also often a teen fetish bordering on addiction (as in Douglas Sirk’s “There’s Always Tomorrow”).

As for the “indistinguishability of lies and truth,” the Internet is also a formidable tool for tracking down information, precisely in the interest of distinguishing lies from truth. Of course, it’s also a powerful device of potential dissimulation, but the simple spoken word has, since the dawn of time, also been a sufficiently potent means for spreading lies, as is writing and printing. The point is that Jacques Mandelbaum, in reviewing “The Social Network,” wants David Fincher to have put cinematic horns and a pointy tail on Zuckerberg; the self-satisfying ideological comforts he expects are the antithesis of interesting art.

http://www.newyorker.com/online/blogs/movies/2.html

Et il fait la même chose un peu plus loin avec deux critiques allemandes. Saluons la curiosité du critique, qui va voir ailleurs ce qui peut se dire du film. On peut pas en dire autant des nôtres...

Dans les deux cas, il pointe la méfiance de ces vieux intellectuels dépassés à l'égard de Facebook ; méfiance qui détermine en grande partie leur jugement sur le film.

D'après ce qu'on peut lire ici ou là, on a l'impression que tout le monde est un peu dérouté. La question c'est : "quel est le sujet du film ?" Zuckerberg ? Facebook ? Les errances de la jeunesse sur internet ? La soif de pouvoir ?

Il y aura sûrement des liens à tisser avec les biopics récents, mais aussi peut-être des films comme Citizen Kane ou There will be blood. Enfin, bon, pas encore vu le film.
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Message par Largo Lun 18 Oct 2010 - 10:06

En fait, c'est plus Tarantino que There will be blood :



C'est donc un film sur une tête bien faite, celle de Mark Zuckerberg, l'homme derrière Facebook, attaqué par d'anciens proches qui revendiquent la paternité de l'idée. Et c'est aussi un film à deux têtes, l'une venue du cinéma, l'autre de la télévision, qui ont réussi à s'entendre. Car The Social Network paraît au moins autant l'oeuvre de son réalisateur David Fincher (Seven, 1995 ; Zodiac, 2007) que la création de son scénariste, Aaron Sorkin. Depuis qu'il a montré un talent exceptionnel dans les quatre premières saisons de la série politique A la Maison Blanche, ce dernier suscite l'adulation de l'industrie américaine de la série comme celle des fans. Entretien croisé avec les deux pères d'un film captivant.

Entretien > Dans The Social Network, Mark Zuckerberg est un héros qui ne sourit jamais. Comment peut-on vendre cela à Hollywood de nos jours ?

David Fincher- Hollywood est conçu pour vous délester de vos dollars âprement gagnés. D'où cette convention : un héros doit toujours déborder d'amour. Mark Zuckerberg n'a rien à foutre de ces convenances. Dès l'ouverture, il balance qu'il ne veut pas d'amis. Je disais tout le temps à Jesse Eisenberg, qui l'interprète, de ne jamais avoir l'air de s'excuser. Les autres lui font perdre son temps, il est là pour faire son truc. Je ne le connais pas dans la vraie vie, mais il a l'air de ressembler à pas mal de gens que je respecte. Ceux qui nous caressent à rebrousse-poil et malgré tout accomplissent quelque chose de grand.

Aaron Sorkin - Le personnage Mark Zuckerberg - j'insiste sur le terme "personnage" - passe une heure et cinquante-cinq minutes à être un antihéros puis, les cinq dernières minutes, il devient un "héros de film". Mais un héros tragique. Accéder au rang de héros tragique suppose deux choses : premièrement, avoir payé le prix fort, deuxièmement, éprouver du remords.

Quand on suit votre travail de scénariste, ce genre de personnage nous est familier.

Aaron Sorkin - Pourtant j'aime les personnages qui sourient. Moi-même, j'adore sourire ! Mais je vois ce qui vous semble familier : j'ai tendance à n'écrire que sur des gens qui parlent dans des pièces. Je ne suis pas un scénariste visuel, mes histoires avancent par le langage. D'habitude, mes personnages se laissent guider par une forme d'idéalisme. C'est le cas dans la série A la Maison Blanche, dans le film Des hommes d'honneur (de Rob Reiner, 1992 - ndlr)... Tous se comportent avec un panache qui satisfait nos fantasmes de spectateurs. Ici, je m'attaque à un héros plus sombre. Mark Zuckerberg regarde de loin la vie sociale universitaire. Le monde lui renvoie qu'il est un outsider. Jeune homme en colère au QI invraisemblable, il invente donc quelque chose dont il est le premier à avoir besoin, une nouvelle forme de vie sociale qui lui permet de ne pas quitter le seul endroit où il se sent bien : à quinze centimètres de son écran d'ordinateur. Je m'identifie à lui : je suis timide et gauche en société. J'aimerais que les gens pensent que je suis aussi brillant et spirituel que mes personnages, et j'essaie de donner le change. Mais au fond cela me conviendrait très bien d'écrire mes scénarios enfermé dans ma chambre, de les glisser sous la porte et qu'en échange on me fasse passer mes repas.

Est-ce sa noirceur qui vous a attiré ?

David Fincher - Il y a une solitude chez ce type à qui on a dit toute sa vie qu'il était plus intelligent que les autres. Mais au fond, tout le monde est seul. C'est une connerie de croire que des gens vont vraiment bien. J'ai connu des footballeurs stars du lycée qui se sentaient incompris, des pom-pom girls à la vie familiale pourrie dont la seule chance de se sentir normales était de prétendre être quelqu'un d'autre de désirable.

Aaron Sorkin - Notre personnage représente un nerd de la nouvelle génération : il n'admet pas que la jolie fille veuille encore sortir avec le sportif populaire, qu'elle ne reconnaisse pas que c'est lui qui dirige le monde. Il est différent des gentils nerds des teen-movies des années 1980. Il doit même les regarder comme une insulte. Ceux d'aujourd'hui ne se contentent plus d'un statut de mascotte : ils ont réinventé l'univers, ce siècle leur appartient et ils comptent bien vous enfoncer ça dans le crâne.

Que pensez-vous de Facebook ?

David Fincher - Le film parle de Facebook à peu près autant que Raging Bull (de Martin Scorsese, 1980 - ndlr) traitait de la boxe. C'est un point d'entrée. Pour moi, les technologies restent agnostiques, on peut les utiliser pour le bien ou le mal. Le fait que Facebook reflète le narcissisme d'une société éclaire cette société, rien d'autre. J'ai vu des gens qui y écrivent des trucs bouleversants et d'autres qui s'en servent pour dire : "Je viens de boire trois vodka-pomme, je vais aller à la gym demain." Là, tu te dis : "Fuck !"

Mark Zuckerberg apparaît un peu comme Spider-Man, un ado complexé, avec un superpouvoir caché. Mais son superpouvoir à lui, c'est son cerveau.

Aaron Sorkin - Exactement. C'est très difficile de créer un personnage plus intelligent que soi. Pourtant je le fais depuis un bon moment maintenant ! J'apprends les choses phonétiquement : je suis nul en informatique, je savais à peine ce qu'était Facebook au moment où je me suis attelé à ce projet. J'en avais entendu parler au même titre qu'un carburateur : je sais qu'il y en a un dans ma voiture mais je serais incapable de dire à quoi il sert. Des spécialistes m'aident à assimiler les termes techniques, je les mets dans la bouche des personnages. Mes héros ont l'air de savoir de quoi ils parlent, moi pas. On en riait souvent pendant le tournage avec les acteurs Jesse Eisenberg et Andrew Garfield : il y a des scènes dans The Social Network que pas un de nous ne comprend !

Pour vous, les dialogues sont comme de la musique ?

Aaron Sorkin - Merci de l'avoir remarqué. Enfant, mes parents m'emmenaient au théâtre à New York. Très souvent, j'étais bien trop jeune pour l'histoire. D'autres se seraient ennuyés, mais pas moi. Les répliques sonnaient comme de la mélodie à mes oreilles, de grandes cascades de mots qui se percutaient. J'ai voulu imiter ce son, écrire cette musique. Je considère l'intrigue comme une intrusion nécessaire, mais tout ce qui m'intéresse, c'est écrire des dialogues.

David Fincher, comment avez-vous appréhendé un récit qui est pour l'essentiel une suite de conversations ?

David Fincher - La méthode d'Aaron Sorkin ressemble au chargement d'un camion : on balance des briques de dialogues sur les spectateurs. Jesse Eisenberg a eu le rôle parce qu'il était le seul qui lisait ses dialogues mieux qu'Aaron lui-même ! Certains ont comparé superficiellement ce scénario à une pièce radiophonique. Prenons par exemple la conversation entre Mark et Sean Parker, créateur de Napster, dans une boîte de nuit. On peut la voir comme cinq pages durant lesquelles Parker fait son numéro de séduction à Zuckerberg. Pour moi, cette scène ne devient une histoire que quand vous regardez celui qui ne parle pas. Pendant le premier tiers de la conversation, Zuckerberg ne comprend pas où Parker veut en venir, il est happé par les lumières, la musique, la faune super hype de cet univers. Tout ça devient du cinéma quand la réaction se révèle aussi importante que l'action. On a tourné autant de prises de gens qui écoutent que de gens qui parlent.

Avez-vous essayé de faire un film d'action avec des mots ?

David Fincher - Je ne sais pas trop. J'ai demandé à Aaron de lire le scénario devant nous, je voulais que les acteurs fassent d'abord comme lui et trouvent ensuite leur voie. Il n'y a rien d'évident à mettre un morceau d'éloquence dans la bouche de personnages de 23 ans. Il fallait faire comme si les mots tombaient directement de leur conscience et garder en tête que Mark Zuckerberg est aussi un garçon perdu, un enfant qui n'a pas encore mûri et s'accroche à sa colère.

Aaron, parlez-nous de votre méthode d'écriture. Comment vous y prenez-vous ?

Aaron Sorkin - Je n'ai aucune méthode mais je prends des douches. Jusqu'à six ou huit par jour. Je n'ai pas la phobie des microbes, ce n'est pas un TOC : je prends une douche chaque fois que j'ai besoin de me relancer. Lorsque j'ai passé deux heures à fixer le curseur qui clignote sur la page blanche, je deviens grincheux : je prends une douche très chaude, je mets des vêtements propres, voilà une nouvelle journée qui commence. Un reboot. Je vis à Los Angeles et comme tout le monde là-bas j'ai une piscine. Parfois je fais un plongeon puis je prends une douche. Je répète ce rituel plusieurs fois dans la journée. A l'opposé, quand l'écriture marche, c'est très physique. Je me lève devant l'ordinateur, je saute partout, je joue tous les personnages (il mime la scène), je me sens très excité. Je me tiens très mal en écrivant : au bout d'un moment je ne peux plus continuer, j'ai mal partout. Quatre heures devant l'ordi équivalent à quatre heures de muscu. Donc je prends une douche. Je vis ainsi quatre ou cinq journées dans la même journée. J'utilise beaucoup plus d'eau que je ne devrais et je sais, c'est mal.

Mark Zuckerberg apparaît comme un symbole du capitalisme contemporain. Portez-vous sur lui un regard critique ?

David Fincher - Il devient le plus jeune milliardaire au monde. Je ne le critique pas pour cela. C'est un fait, je le filme. Je n'ai aucun problème avec Facebook ni avec Mark Zuckerberg, il a le droit de détester The Social Network. Le film n'est pas un biopic mais un regard sur les conflits autour de la création de ce site, les conditions dans lesquelles s'exerce la création.

La création est le sujet intime de tout cinéaste. Vous sentez-vous comme un auteur aujourd'hui à Hollywood ou comme un artisan ?

David Fincher - Je me considère comme un interprète. J'interprète un texte écrit et je le transforme en film. Je prends des décisions sur les lunettes des personnages, les stylos qu'ils préfèrent, s'ils portent une bague ou non... Cela fait-il de moi un homme qui ne fait que de la science appliquée ? Je ne crois pas. J'essaie de trouver un moyen d'écarter tout ce qui pourrait distraire le spectateur et le film lui-même du but que je me suis fixé et de ce que j'essaie de dire. Il y a des scénaristes-réalisateurs, tant mieux. Mais à mon sens, on se limite en ne réalisant que les scénarios que l'on écrit soi-même. Quentin Tarantino dirait que mettre en scène les mots de quelqu'un d'autre bloque l'imagination. Je répondrais que cela me donne accès à beaucoup plus de voix. L'auteur n'existe pas quand il faut 40 millions de dollars et 900 personnes pour faire exister un film. Cette notion, la politique des auteurs, vient de quelques critiques de cinéma qui voulaient devenir cinéastes (la Nouvelle Vague - ndlr). Je comprends pourquoi ils en avaient besoin. Mais elle me paraît moins valide aujourd'hui qu'il y a cinquante ans.

Aaron, par le style et le rythme de votre écriture, vous incarnez le lien entre une extrême conscience de la société contemporaine et la mémoire des comédies étincelantes de l'âge d'or d'Hollywood des années 1930 et 1940. Est-ce votre horizon créatif ?

Aaron Sorkin - Je m'intéresse énormément au cinéma contemporain. Mais les films qui coulent dans mes veines sont ceux de Preston Sturges, ceux d'Howard Hawks comme La Dame du vendredi, tous les scénarios de Ben Hecht. Pour leur rythmique, leur art du dialogue, bien sûr. Leurs mots parlent directement à mon oreille.

Conception très américaine du réalisateur pour Fincher. Première fois je crois que j'en entends un se définir comme "interprète".
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Message par Borges Lun 18 Oct 2010 - 12:05

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Facebook in Privacy Breach Top-Ranked Applications Transmit Personal IDs, a Journal Investigation Finds
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Message par Leurtillois Lun 18 Oct 2010 - 17:40

Conception très américaine du réalisateur pour Fincher. Première fois je crois que j'en entends un se définir comme "interprète".

À la tv l'autre jour je suis tombé sur un interview de Garrel-fils (son film a l'air d'avoir d'assez bonnes critiques dans libé, le monde, des critiques comme ça ; étonnant pour un moyen-métrage au passage, je veux dire, qu'on en parle autant)
donc louis garrel disait à peu près "je suis un interprète, d'ailleurs on est tous des interprètes, les acteurs, le chef opérateur..."
Bizarrement je m'étais dit, ça doit être une idée prise à son père (comme beaucoup de choses dans son film dont j'avais vu un bout quand il était passé à la télé l'année dernière), il a dû l'entendre le matin au petit déjeuner en famille... En fait non, peut-être qu'il avait lu l'interview de Fincher. Drôle de rapprochement, Fincher/Garrel.

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Message par balthazar claes Dim 24 Oct 2010 - 10:57

Brain Club

Avec TSN on est d'emblée menacé de ne pas être assez intelligent. Le scénariste dit lui-même qu'il n'a pas le cerveau de Zuckerberg. Dès la première scène ce qui est montré de Zuckerberg c'est son arrogance geek, une arrogance pathologique : pour impressionner sa copine, l'ado complexé fait parade de sa souplesse d'esprit en la baladant entre deux sujets simultanés, comme sur les chaînes télé d'information un homme-tronc récite son prompteur pendant qu'une bande en incrustation raconte autre chose. Ado malheureux, cérébral par choix, prouvant sa virilité par le tranchant de sa pensée mais incapable d'empathie. Le sujet de l'une de leurs conversations ce sont les « final clubs », les clubs d'étudiants les plus select d'Harvard, et son grand désir d'y entrer : auto-référence à Fight club, Fincher est sur son terrain. Tout ce petit univers viriloïde : et si passer son week-end à prendre des beignes torse nu, entre hommes, pouvait nous redonner le sens de la réalité ? Un authentique programme fasciste s'il en est. Il y a des groupuscules par chez nous qui sont tombés amoureux de l'imagerie du film et qui la mettent sur leurs tracts et leurs autocollants, d'ailleurs.

Mais les final clubs, qui réunissent les héritiers, ne sont pas réellement là où ça se passe, le lieu du real stuff : privilèges un peu vulgaires ; sexe, argent et pouvoir mais sans lutte, donc sans joie guerrière. Mieux vaut les brain clubs de la compétition économique autour d'internet : là où il ne s'agit pas d'inventer, mais seulement de gagner. Partie d'échecs géante dans laquelle la caractéristique n°1 de Zuckerberg est de ne jamais faire d'erreur. On le voit souvent à son écran, dernier parti du bureau, où il est dit qu'il « bouffe du code », qu'il est en train de programmer. Mais le dernier plan du film révèle ce qu'il en est : beaucoup plus de méditation que de travail concret, semble-t-il. L'ordinateur n'est-il pas inventé pour travailler à votre place ? Pendant ce temps de solitude le geek concentre son sang-froid et réfléchit à l'étape suivante de la propagation de son virus. Son virus n'est pas le plus virulent, il ne grille pas votre ordinateur en un instant ; mais il est extrêmement contagieux.

A chaque étape, il lui faut trahir quelqu'un.

Farewell teen movies

Le geek ne veut pas lutter contre le joke : il veut le court-circuiter, cette fois. Et il veut bien, pour ça, renoncer à la gentille fille qui balance entre les deux. Il est prêt à sacrifier n'importe quoi pour sa partie, c'est sa force. Comme dans Fight club (comme dans matrix), c'est le topos de la sortie de la morale, de la vie comme jeu video, du surhomme hideux. Le geek ultime a perdu toutes ses illusions sur l'humanité, sur la parole, sur la vérité. Nombreuses scènes judiciaires, ou plutôt de médiation para-judiciaire, où Zuckerberg jubile à étaler son arrogance, son impassibilité, à trancher le moindre sous-entendu de son adversaire. Pas de justice, pas de règles du jeu. « Il n'y a pas de règle du jeu », c'était la règle de Fight Club, mais assortie du corollaire « il ne faut pas en parler ». Justement Zuckerberg parle de moins en moins, recrute d'autres pour parler à sa place, ou se contente de claquer la langue devant un client. Zuckerberg ne veut pas convaincre, pas séduire, mais écraser ; s'imposer mathématiquement, nécessairement et sans un un mot.

Chez Tarantino on a la conversation comme échanges de banalités plaisamment débitées comme contrepoint ironique à l'explosion de violence imminente. Ici la violence est dans la conversation, et vise à l'interrompre. Zuckerberg se retourne vers la fenêtre et dit « il pleut » pour signifier à l'avocat de la partie adverse que la lutte est déjà jouée, et que parler ne sert plus à rien. Deuil de la rhétorique. A la place qu'est-ce qu'on aura : du trafic de photos d'identité ; une image accolée à un nom propre ; du fichage.

Un truc sur lequel le film insiste lourdement, c'est que Zuck ne baise pas (le Zuck... on appelait Dylan comme ça). La seule scène où on s'en rapproche c'est lorsque lui et son premier associé rencontrent les premières groupies de facebook : sexe rapide dans les toilettes, à une cabine l'un de l'autre, mais on reste du côté de l'associé. Zuck est une espèce d'ange qui reste au bureau pendant les soirées organisées par facebook.

Un autre truc sur lequel le film insiste, c'est sur le fait que Zuck n'aime vraiment pas les chaussures fermées : toujours en tongs, même pour les rendez-vous importants, voire pieds-nus dans la neige. Alors quoi, c'est pour la même raison, le saint et l'ange n'ont rien à cacher ? Ou concrètement, par dégoût pour les odeurs de pieds qui s'accumulent dans les chaussures fermées – ou plutôt à l'inverse pour imposer aux autres ses odeurs ?

Zuck n'est pas un ange mais un cerveau sans corps, s'il ne baise pas c'est parce qu'il ne sait pas faire, il préfère le fantasme à la pratique. Il n'a pas de pudeur pour son corps, puisqu'il ne le sent pas.

Facebook is facebook is facebook is


Le film dit encore autre chose... Zuck serait ce type un peu inhumain, mais ses motivations seraient les mêmes que celles des héros de Fight club. Une espèce de résistance nihiliste au système. Un vrai héros.

L'algorithme volé qui détermine l'ascension de Zuckerberg va servir à appliquer les règles de l'audimat aux êtres humains. Chacun devient alors son propre media. C'est une dérégulation de l'espace privé. Cette déréglementation des rapports sociaux sabote quelque chose de l'ancienne donne, bouscule les vieux pouvoirs. Mais pour aller vers quoi ? Horizontalisation, décentralisation des structures sociales. Ce qui fait la loi désormais c'est la rumeur : voir la crainte terrible de Zuckerberg et son petit plaisir pervers : ceux de la rumeur infamante. La réputation, c'est d'être le plus connu possible en ayant évité que personne ne connaisse vos hontes, vos gamelles, vos sales petits secrets même parfaitement inintéressants : c'est de présenter au monde une face lisse comme un mur. Faudrait voir ici avec le mur du signifiant, celui qu'il faut limer lentement et ne pas prendre de plein fouet.

Il faut à tout prix, d'une part que facebook ne s'arrête jamais, et qu'on n'ait à son sujet rien à dire, qu'il soit neutre comme le paysage, sans particularités.


Le surhomme est hideux mais fascinant, car le pouvoir coule entre ses mains... Avec Fight club on pouvait faire une critique facile et logique : l'esthétique du film reproduisait simplement cette fascination : obscurité, crasse, divers états de la moisissure ; sanguinolences, déchirures, tuméfactions, estropiages ; vitesse, impacts, explosions ; tout cela déréalisé, spectacularisé, esthétisé, beurk ! Sin city, 300, Tarantino et tellement d'autres trucs rentreraient là-dedans. Cinéma de l'abjection fun. Et puis on finit par se dire, ça n'en vaut pas la peine, on a dû rater une marche dans le raisonnement, on n'est pas réellement en plein fascisme avec le moindre blockbuster, Transformers n'est pas le diable, juste un moyen de tuer le temps, de digérer et de rêver fonctionnellement, un outil d'intégration en somme.

Alors ici, Fincher a donc le même sujet mais pas tout à fait le même genre d'images. Encore que : boîtes de nuit, techno à fond les basses, biatches lubrifiées agitant leurs chairs, cocktails corsés et lignes blanches : voilà nos scènes d'action. Entre deux scènes d'action, une scène para-judiciaire, c'est à peu près le schéma. C'est quoi l'économie de tout ça, qu'y a-t-il à en dire. Ascension de Zuck : on l'interroge, il ne lâche rien, il dit qu'il n'a pas peur. Il refuse d'avouer quoi que ce soit, on ne peut donc pas l'arrêter, il passe au level suivant, cent mille, puis un million, puis un milliard. A chaque fois il gagne un zéro. Less than zero, c'est un bouquin de Bret Easton Ellis ; Ellis, Fincher, même combat, American Psycho c'est l'histoire du golden boy psychopathe, encore un abject surhomme.

Qu'est-ce que Zuck ne doit surtout pas avouer ? Ce que le moindre facebook friend ne doit pas avouer non plus : les larmes, le sang, la colère. Tant que son mur reste lisse, on ne peut rien contre lui.

Que va produire le film de Fincher sur le mur du vrai Zuckerberg ? On dit que le film n'est pas « autorisé », pourtant le réseau social du film s'appelle « facebook », si Zuckerberg avait voulu empêcher qu'un film utilise son nom propre et celui de sa marque ne l'aurait-il pas pu ? C'est drôlement protégé les noms de marque, normalement. Est-ce que j'ai le droit de faire comme ça un film qui s'appellerait « Renault » ou « Sony », ça paraît curieux, ou je suis peut-être naïf. Alors il paraît que le vrai Zuck n'est pas content du genre qu'on lui donne ; pas content mais pas vraiment furieux non plus, il a payé une séance à ses employés. En somme on a là un film qui laisse son mur intact, ou qui le rend peut-être encore plus lisse et inentamable ? Un film qui rend ce dont il parle encore plus redoutable, plus incontournable ? Ça paraît sûr. On fait mine de critiquer un peu les travers de Zuck, les génies ne sont-ils pas des gens excessifs ; mais ce qui n'est surtout pas critiqué dans le film, et à vrai dire à peine montré, c'est bien « facebook ». Facebook est ; facebook croît ; c'est ainsi.

i would prefer not to


"Vous accordez à Facebook le droit irrévocable, perpétuel, non-exclusif, transférable et mondial (avec l’autorisation d’accorder une sous-licence) d’utiliser, copier, publier, diffuser, stocker, exécuter, transmettre, scanner, modifier, éditer, traduire, adapter, redistribuer n’importe quel contenu déposé sur le site."

On dirait vraiment la formule de la damnation, du pacte avec le diable. Le diable est dans les détails...

Et qu'est-ce qu'on gagne, à renoncer pour l'éternité à la propriété exclusive de ses photos de vacances, et à l'aveu bouleversant de ses préférences, j'aime les sushis et le boléro, ok, what's the problem ? On a vendu ses photos de vacances, on a vendu son image, comment on en est venu là ? En somme on ne les a pas vendues à « Zuckerberg », « Zuckerberg » étant less than zero, étant personne, étant celui qui s'absente pour assurer la fondation de son empire du neutre. On les a vendues au neutre, alors ?

Facebook, la Suisse virtuelle ? Parfaitement. Une liste de gens venant offrir leur photo d'identité, pour renoncer à toute autre forme d'identité. Se disant que c'est un excellent moyen d'assurer leur sécurité. Une armée de Bartlebys, qui préfèrent ne pas se prononcer, mais qui ne sont pas particuliers par ailleurs. Amis de tout pays, ne nous prononçons pas ! Ni sur la guerre, ni sur la paix, ni sur la vie, ni sur la mort.

Et à ce sujet, bien sûr, le film ne se prononce pas.

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Message par Invité Dim 24 Oct 2010 - 11:28

Salut,

Je pense également que l'imagerie, les fascinations de Fincher n'ont jamais vraiment bougé depuis ses premiers films, contrairement à ce qu'une partie de la critique (celle qui ne l'aimait pas au début, donc la "nébuleuse" Cahiers) tente vainement d'inverser, on ne sait trop pourquoi.

Quand tu évoques de façon quelque peu ironique, me semble-t-il, l'impact du film sur Zuckerberg, j'ai pensé à Welles lorsqu'il a fait Citizen Kane, aux conflits avec Hearst.. il y a déjà eu des choses écrites mettant en relation les deux films ?

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Message par Borges Dim 24 Oct 2010 - 11:51



Hollywood and the Power of Myth: Zuckerberg, Jobs and Hearst


rappelons que H a été un peu responsable de l'échec de CK, ce qui ne sera évidemment pas le cas de z, et de son facebook, tout ça, c'est juste de la pub (comme tout ce qui se dit, s'écrit, se pense sur le film...)




jamais trouvé la moindre banalité dans les dialogues de tarantino,






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Message par balthazar claes Dim 24 Oct 2010 - 11:59

Moi j'ai pensé à l'émission de radio de Welles pour le truc de libé que j'ai mis à côté...

En général dans le film de base il y a des placements de produit : si je cite une marque c'est une pub et la marque me donne de l'argent. Ici ce serait plutôt apparemment une publicité gratuite. C'est l'un des enjeux du film, maintenant que j'y pense : débat houleux entre Zuckerberg et son premier associé pour savoir s'il faut mettre de la pub sur facebook ; Zuckerberg ne veut pas, il pense que ça ferait perdre à facebook son côté "cool". L'associé ne comprend pas ça, il ne voit pas comment facebook pourrait faire de l'argent d'une autre manière. Ce pourquoi Zuck doit éliminer sans pitié celui qui se dit son seul ami, pour le remplacer par l'inventeur de Napster, Sean Parker.

Toujours le même principe : plutôt que de mettre de la pub sur facebook, obtenir que les autres, partout ailleurs, fassent de la pub gratuite pour facebook. Faire grossir immensément une bulle de popularité jusqu'à un certain seuil ; bulle qui qui finit par se connecter directement sur les flux financiers, sur la bulle financière. Mécanisme ésotérique pour lequel on n'est jamais assez "intelligent". Intelligence consistant à digérer sans frayeur l'idée de la création de valeur ex nihilo, par simple effet d'annonce. Facebook ne vaut rien : facebook vaut 25 milliards.

Ça me fait penser à JC Decaux, tiens. Ce type a dans les années 60 l'idée de proposer aux villes (la première : Lyon) des abribus gratuits, pose et entretien. En échange, il récupère 100% des bénéfices de l'affichage publicitaire. "Abribus" c'est son mot, son invention, devenu nom commun. Sans doute "facebook sera aussi un nom commun un jour. Maintenant il est numéro un mondial du "mobilier urbain".

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Message par Borges Dim 24 Oct 2010 - 12:19

l'entrée intéressante dans le film, c'est l'amitié (un des thème d'ailleurs de CKane, et de fincher, ); c'est avec ce slogan que se vend le film; on se souvient de la série "friends"; que devient l'amitié après elle, mais aussi après le mot fameux prêté à aristote, "ô mes amis, il y a pas d'ami(s)", mot que Nietzsche reprend et renverse :

« Peut-être alors l'heure de joie viendra-t-elle un jour elle aussi où
chacun dira :
" Amis, il n'y a point d'amis ! " s'écriait le sage mourant ;
" Ennemis, il n'y a point d'ennemi ! " s'écrie le fou vivant que
je suis ¹. »


pour ce qui est de deleuze :

"Que veut dire ami, quand il devient personnage conceptuel,
ou condition pour l'exercice de la pensée?"
(évidemment D/G, qu'est-ce que la philosophie?)


ami, ennemi ; politique, communauté;

pensons aussi à blanchot, et à




face
book

vous traduisez comment?


que dirait jésus de facebook?

Vous avez appris qu'il a été dit : Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n'en font-ils pas autant ? »



le film le plus éloigné, le plus proche en même temps, de fincher, celui de XB : quelle idée, de la politique, de l'amitié, de l'ennemi, du monde donc, dans les deux films?






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Message par Invité Dim 24 Oct 2010 - 14:25

http://www.page2007.com/news/proust/0420-ce-n-etait-pas-seulement-une-matinee-mondaine

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Message par Eyquem Lun 25 Oct 2010 - 22:59

Dans les Cahiers, article de Joachim Lepastier :
Ces motifs dessinent aussi la véritable ambition de ces entrepreneurs d'un nouvel âge qui, à la gloire et à l'argent, préfèrent une "think different" attitude : rester cool.
Elle est bien bonne. Mais bon, d'avoir une "think different attitude", on voit pas ce que ça change, vu que la définition de ce qui est cool, c'est "un milliard de dollars" (pas un million : un milliard!) [texto, dans le film].

C'est le film le moins cool de toute l'histoire du cinéma.


Toujours dans le même article :
...un capitalisme travaillé par une volonté de partage socialiste
Celle-ci n'est pas mal non plus. "The Social network" : film socialisme ?Zuckerberg serait notre héros, juste parce qu'il met en échec les traditions féodales des Van Winklevoos de la côte Est, avec leurs clubs de gentlemen, leurs arbres généalogiques et leurs régates avec le prince Albert ? Genre ! Comme si c'était une nouveauté que le capitalisme marquait la fin de l'Ancien Régime...
Comme révolution, ça fait moins penser au socialisme qu'à la Tea Party (les mecs qui se réclament de la Tea Party en ce moment, c'est pas vraiment des amis du socialisme).




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Message par Eyquem Mar 26 Oct 2010 - 10:55

Balthazar Claes a écrit:Avec TSN on est d'emblée menacé de ne pas être assez intelligent
Oui, et c'est aussi le problème de l'autre "film de l'année" : Inception. Des films qui s'étourdissent de leur propre intelligence - d'autant plus écrasante qu'elle construit des cathédrales dans les airs (un réseau social virtuel, une machine d'exploration des rêves), totalement fermées aux profanes (écouter Zuckerberg parler de codes, ou DiCaprio de ses machines, c'est comme écouter des messes en latin).


Je me souviens plus exactement du dernier carton qui clôt le film : est-ce que c'est celui qui dit que Zuckerberg est le plus jeune milliardaire du monde, ou celui qui affirme que Facebook vaut 25 milliards ?
En tout cas, ça tourne autour du fric : c'est ça le mystère du film, apparemment. Comment un mec a pu gagner autant d'argent en si peu de temps ? C'est ça le Rosebud du film.

Dans Citizen Kane, il y a une réplique que j'ai toujours trouvée formidable. Elle est de Bernstein (un des vieux amis de Kane) : "C'est pas sorcier de faire beaucoup d'argent, quand tout ce qu'on veut, c'est faire beaucoup d'argent".
Dans le film de Fincher, il semble pourtant que ce soit la seule chose qui doive faire l'admiration du spectateur : le fait que Zuckerberg soit assis sur un tas d'or à 25 ans.


Il faudrait croiser ce topic avec celui de Borges sur la parabole des talents. Pourquoi les films qui marchent cette année, ceux dont on cause, ce sont des films où l'intelligence est présentée comme un moyen de se faire un maximum de fric, d'acquérir un maximum de pouvoir ?


(Dans "Will Hunting", c'était un des sujets ; le surdoué passait son temps à se demander ce qu'il allait faire de son talent pour les maths. L'intelligence y était aussi assimilée à une manne financière, un gain providentiel ; c'est ce que lui disait son pote Affleck : "Avoir un tel don pour les maths et bosser sur des chantiers, c'est comme si tu avais gagné au loto et que tu n'allais pas chercher ton argent" (je cite de mémoire). Ca faisait réfléchir Will, surtout quand son ami lui disait qu'il devait faire quelque chose de son don, par amitié, par respect pour ses amis qui n'avaient pas cette chance d'être géniaux en maths. En tout cas, pendant une bonne partie du film, Will le surdoué apparaissait comme le troisième serviteur de la parabole : celui qui enterre son talent, qui ne veut pas le faire fructifier.)

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Message par Van Stratten Mar 26 Oct 2010 - 11:46

Celui-là je n'irai pas le voir. Film de publicitaire dégénéré, capable de tous les retournements que vous voudrez. Entrer dans son discours, c'est déjà se faire baiser (c'est le dernier travers de notre civilisation déclinante, que l'on retrouve immanquablement chez les professionnels de la politique... suivez mon regard). David Fincher est un scélérat, mais vous ne le prendrez jamais en flagrant délit : de toute façon il ne fera jamais que se gargariser davantage de sa propre maîtrise de l'image. Cette image est donc sans fond. Le discours est sans fond. Le "discours de l'image" est une illusion, mais une illusion destructrice. Si tout ça n'était que de l'entertainment, ce serait plus simple. Mais rien n'est simple.

Je vous en prie : revoyez Film Socialisme : "Quand la loi est injuste, la justice passe avant la loi. No Comment." Ce n'est pas du discours. Ce sont des énoncés.

Que vois-tu au fond de l'image ? devrait-être notre adage.

Chez David Fincher, il n'y rien à voir. Pas la peine d'aller y regarder.

Revoyez Copie conforme.

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Message par Invité Mar 26 Oct 2010 - 12:01

Eyquem a écrit:Dans le film de Fincher, il semble pourtant que ce soit la seule chose qui doive faire l'admiration du spectateur : le fait que Zuckerberg soit assis sur un tas d'or à 25 ans.

Hello Eyquem,

Que proposerais-tu pour renverser se rapport d'intelligence ? J'ai quand même l'impression que Zuckerberg s'est fait des couilles en or grâce à une large majorité de spectateurs qui lui doivent d'utiliser facebook quotidiennement (et qui vont même voir "son" film pour se distraire!). Le retour de bâton, un peu cynique il est vrai, pourrait bien être d'avoir à admirer aujourd'hui les fameuses couilles en or du type. Je cherche pas à défendre Lepastier (dont j'ai pas le le texte) mais il semble qu'il prenne conscience qu'il fait partie de ces utilisateurs (que ça soit facebook, ou un site, ou un blog, ou un forum) qui, comme la majorité d'entre nous, alimentent le système au-dessus de nous qui permet nos critiques, nos échanges, notre inventivité, etc.. Ca nous ramène un peu à la critique de Rancière de cette photographe qui avait fait des photos avec des manifestants altermondialistes avec, en premier plan, des poubelles pleines de produits McDo et autre consommés par ceux-ci..

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Message par Eyquem Mar 26 Oct 2010 - 13:05

'jour JM,
il semble qu'il prenne conscience qu'il fait partie de ces utilisateurs (que ça soit facebook, ou un site, ou un blog, ou un forum) qui, comme la majorité d'entre nous, alimentent le système au-dessus de nous qui permet nos critiques, nos échanges, notre inventivité
Le film s'intéresse absolument pas à ce que permet Facebook. Comme dit Balthazar, Facebook ici, c'est juste des chiffres : tant de connexions par jour, tant d'inscrits, tant de dollars, etc.


Ce qui intéresse Fincher, c'est le succès, et rien d'autre. Et son film, c'est juste la promotion du succès ; une pub pour ce qui marche déjà tout seul ; une manière aussi de se ranger du côté des winners, tout en faisant semblant de jouer la mouche du coche.
Dans l'entretien cité par Largo, il raconte :
Il devient le plus jeune milliardaire au monde. Je ne le critique pas pour cela. C'est un fait, je le filme. Je n'ai aucun problème avec Facebook ni avec Mark Zuckerberg
...
Pour moi, les technologies restent agnostiques, on peut les utiliser pour le bien ou le mal. Le fait que Facebook reflète le narcissisme d'une société éclaire cette société, rien d'autre. J'ai vu des gens qui y écrivent des trucs bouleversants et d'autres qui s'en servent pour dire : "Je viens de boire trois vodka-pomme, je vais aller à la gym demain."
Mais en même temps, il dit aussi que Zuckerberg, c'est un créateur :
Je ne le connais pas dans la vraie vie, mais il a l'air de ressembler à pas mal de gens que je respecte. Ceux qui nous caressent à rebrousse-poil et malgré tout accomplissent quelque chose de grand.
...
Le film n'est pas un biopic mais un regard sur les conflits autour de la création de ce site, les conditions dans lesquelles s'exerce la création.
Et pour Fincher, c'est simple : le succès, la création, ça se chiffre, ça a un nombre, ça se compte en dollars, en connexions. Pour lui, ça fait pas de doute que Zuckerberg soit un génie créatif vu qu'il a mis en ligne un site qui compte 500 millions d'inscrits dans le monde.


Sa compassion, aussi, elle va à un certain type de personnages :
Il y a une solitude chez ce type à qui on a dit toute sa vie qu'il était plus intelligent que les autres. Mais au fond, tout le monde est seul. C'est une connerie de croire que des gens vont vraiment bien. J'ai connu des footballeurs stars du lycée qui se sentaient incompris, des pom-pom girls à la vie familiale pourrie dont la seule chance de se sentir normales était de prétendre être quelqu'un d'autre de désirable
Lui, ce qui touche son coeur, c'est les peines des stars du lycée. Pauvre Zuckerberg : l'homme le plus à plaindre du monde, tout seul, tout seul, devant son ordinateur, dans son bureau de verre, à pas oser "ajouter comme ami" la petite amie de son coeur... On dirait un discours de prêtre à l'adresse des losers : "Consolez-vous ici bas d'être des losers, car la vie des winners est tellement difficile et cruelle... Comme vous avez de la chance de pas être comme eux, aussi riches, aussi intelligents, aussi seuls..."
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Message par balthazar claes Mar 26 Oct 2010 - 13:24

Eyquem a écrit:
Le film s'intéresse absolument pas à ce que permet Facebook. Comme dit Balthazar, Facebook ici, c'est juste des chiffres : tant de connexions par jour, tant d'inscrits, tant de dollars, etc.



Le film dit quand même quelque chose sur facebook : il dit que seul ce type impitoyable, cynique, sans aucun ami (qu'il n'ait pas trahi), voué au ressentiment, dont le point de départ est la pure et simple vengeance envers le monde, pouvait faire facebook. Qu'il fallait le regard d'un nihiliste, du dernier des hommes, pour apercevoir dans sa plénitude la possibilité de facebook. Seul celui qui a perdu son dernier ami, et qui n'a "pas de parole", pouvait trouver ce truc qui déclenche la production en chaîne de 500 millions d'"amis". Borges a raison, c'est la question de l'amitié qui ouvre la porte du film, et du rapport qu'il entretient avec son modèle... un rapport non pas critique, mais plutôt "mythique", il mythologise son sujet (comme tous les biopics).

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Message par Invité Mar 26 Oct 2010 - 14:23

Eyquem a écrit:'
il semble qu'il prenne conscience qu'il fait partie de ces utilisateurs (que ça soit facebook, ou un site, ou un blog, ou un forum) qui, comme la majorité d'entre nous, alimentent le système au-dessus de nous qui permet nos critiques, nos échanges, notre inventivité
Le film s'intéresse absolument pas à ce que permet Facebook. Comme dit Balthazar, Facebook ici, c'est juste des chiffres : tant de connexions par jour, tant d'inscrits, tant de dollars, etc.

Apparemment, mais au critique surfeur de dépasser le film et de se rappeler que derrière la formidable machine à fric, il y a toujours nous. Donc pas vraiment de "looser" (si on met de côté le truc amis, pas amis, "amis", propre à facebook) dans cette affaire puisque tout le monde y trouve son compte, d'une manière ou d'une autre. C'est juste du business, de l'e-business, et ça marche du tonnerre, grâce à nous. Du coup, il en vient à nuancer ses propos, à se faire même un peu admirateur sur les bords avec quelques formules sympathiques...


La remarque de JL sur le socialisme m'intéresse. Est-il pensable que le capitalisme produise, avec ses moyens d'information et de communication qui seraient donc simplement des moyens provisoires, le socialisme ? Derrida commençait un de ses livres à propos de la démocratie à venir (Politiques de l'amitié) par la citation de Borges ci-dessus..


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Message par Largo Mar 26 Oct 2010 - 14:41

Facebook, la Suisse virtuelle ? Parfaitement. Une liste de gens venant offrir leur photo d'identité, pour renoncer à toute autre forme d'identité. Se disant que c'est un excellent moyen d'assurer leur sécurité. Une armée de Bartlebys, qui préfèrent ne pas se prononcer, mais qui ne sont pas particuliers par ailleurs. Amis de tout pays, ne nous prononçons pas ! Ni sur la guerre, ni sur la paix, ni sur la vie, ni sur la mort.

Et à ce sujet, bien sûr, le film ne se prononce pas.

Hello there,

BC, plein de choses justes, bien senties dans ton texte. En revanche cette conclusion, je crois qu'elle ne colle pas vraiment à ce qu'est Facebook, peut-être parce que tu ne l'utilises pas ?

Déjà, je comprends mal quelle "sécurité" on s'assure en s'affichant sur FB. Ce serait plutôt l'inverse, y'a eu des affaires de harcèlement je crois, et aussi de fêtes envahies par des squatteurs qui avaient obtenu l'information sur le réseau. Sans compter les divers cas "d'espionnage" qui peuvent conduire des employés à se faire licencier, par exemple, pour des propos tenus sur leur page. En rendant publique ce qui relevait de la sphère privée, l'utilisateur prend forcément le risque que ce qui est publié soit utilisé contre lui. Surtout qu'il ne peut rien effacer ("on écrit pas au crayon à papier sur internet" etc).

Pareil sur cette idée de neutralité. Ce que FB a surdéveloppé, c'est une forme superficielle d'engagement, qui tend à confondre des idées, un engagement et les goûts personnels. On "like" indifféremment la "fan page" d'une marque, les propos d'un "ami" ou une manifestation politique. On cherche à se définir aux yeux des autres de la manière la plus précise en manifestant son soutien ou son intérêt, comme son opposition, à tout et n'importe quoi. C'est comme en société, pour se démarquer, attirer l'attention, il vaut mieux avoir une position bien claire, bien tranchée dans le débat et parler plus fort que le voisin.

Cette tendance tend à s'équilibrer puisqu'on a vu récemment que FB comme les autres réseaux sociaux deviennent des moyens assez efficaces pour coordonner des actions, des manifs, etc. La viralité du réseau permet de toucher un grand nombre de personnes très vite.

Enfin, pour revenir sur cette entrée de l'amitié, on peut dire qu'encore une fois, on retrouve dans le script du film un phénomène inhérent aux usages qu'on peut faire de Facebook. Contrairement à ce qu'on croit, de plus en plus souvent, on devient "ami" avec des personnes morales (associations, magasines, etc) ou réelles non pas parce qu'on les connaît et qu'on veut rester en contact avec elle, mais pour suivre ce qu'elles ont à dire ou qu'on souhaite qu'elles aient accès à nos publications. En d'autres termes : parce qu'on a intérêt, rationnellement, voire professionnellement, à se lier avec elle. Dans le film, Zuckerberg ne fait rien d'autres : il se lie avec ceux qui ont quelque chose à apporter à son projet. Comme souvent, le monstre ressemble à son créateur.
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Message par Largo Mar 26 Oct 2010 - 15:09

Je me souviens plus exactement du dernier carton qui clôt le film : est-ce que c'est celui qui dit que Zuckerberg est le plus jeune milliardaire du monde, ou celui qui affirme que Facebook vaut 25 milliards ?
En tout cas, ça tourne autour du fric : c'est ça le mystère du film, apparemment. Comment un mec a pu gagner autant d'argent en si peu de temps ? C'est ça le Rosebud du film.

C'est peut-être ce qui vaut l'estime de Fincher pour Zuckerberg, en bon américain, il mesure la réussite d'un homme au chiffre d'affaire qu'il a été capable de dégager, mais dans le film on a plutôt l'impression que ce qui intéresse le génie, le Zuck comme dit BC (ça me fait penser au Duke des frères Cohen) c'est pas d'être riche, de peser beaucoup d'argent. Son kiffe, c'est pas de se baigner dans une piscine pleine d'argent comme le bon Oncle Picsou. Lui, quand les autres font la fête et dépensent leur argent, il préfère rester tout seul au bureau. Il témoigne d'un désintérêt total vis-à-vis de l'argent, voire même d'un certain mépris pour les signes ostentatoires de richesse des deux frères jumeaux.

Non, ce qui intéresse le Zuck, c'est la pure performance, c'est pas un chef d'entreprise, c'est un geek, pour qui le web est un grand jeu vidéo sans aucune règle bien établie, une belle jungle virtuelle à civiliser. On pourrait dire aussi que Facebook, pour lui, ce serait comme un Tétris, un des premiers jeux vidéo, il emboîte les utilisateurs les uns aux autres pour gagner le plus de points et remporter la partie par rapport aux autres réseaux étudiants. D'ailleurs, on voit bien dans le film que les jumeaux sont des cons, ou plutôt des has been, ils pensent encore que c'est en travaillant leur corps qu'il auront la gloire, le succès etc. Zuckerberg : cerveau sans corps / Jumeaux : double corps et demi-cerveau. Ils pensent qu'ils vont tout gagner avec leur course d'aviron, mais c'est encore une fois Zuckerberg qui emporte le morceau : il a retransmis la course sur FB.

Sur ce culte de la performance, du score, du jeu, c'est un beau symbole de la financiarisation de l'économie : syndrome Kerviel ? Ce qui intéresse ces types brillants, c'est pas forcément d'être plus riche que Bill Gates, ils ont juste la compétition dans la peau. Leur objectif, c'est avant tout d'être meilleurs que leurs collègues, puis meilleurs que leurs concurrents, puis meilleurs que l'Etat etc.


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Message par Largo Mar 26 Oct 2010 - 15:13

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Message par balthazar claes Mar 26 Oct 2010 - 16:39

Pour la "sécurité" : celle d'être inscrit dans un club de 500 000 000 de membres, ou la sécurité d'avoir voté majoritaire. Personne ne va pas aller s'attaquer aux 500 millions d'un coup, c'est sûr ; peut-être un ou deux, mais choisis comment ? au hasard ? comment choisir un ami, ou un ennemi parmi 500 millions d'amis ? Sinon si c'est juste le hasard, une chance sur 500 millions d'être attaqué, ça va, c'est cool.

Le majoritaire étant, dans ce cas, non plus le mâle + blanc + occidental + adulte, mais quoi ? c'est la question...

On se rappelle de Groucho Marx, qui ne voulait pas faire partie d'un club qui l'accepterait pour membre. Là c'est le contraire, c'est ceux qui veulent faire partie du club des amis, ou qui veulent faire partie du livre des visages...


Et les préférences superficielles, choix binaires neutres permettant de regrouper des sous-communautés "amateurs de sushis et de boléro", c'est précisément ce que j'entends par "neutralité suisse" - c'est pas celle de Blanchot, hein - c'est nul...

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Message par balthazar claes Mar 26 Oct 2010 - 16:56

Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Seuls les névrosés, ou, comme dit Lawrence les "renégats", les tricheurs tentent une régression. C’est que le mur blanc du signifiant, le trou noir de la subjectivité, la machine de visages sont bien des impasses, la mesure de nos soumissions, de nos assujettissements ; mais nous sommes nés là-dedans et c’est là-dessus qu’il nous faut débattre.
(Mille plateaux)

Là c'est la machine des visages, facebook, facemachine...

http://www.philophil.com/philosophie/representation/Analyse/deleuze-visage.htm

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Message par Eyquem Mar 26 Oct 2010 - 18:53

JM a écrit:Est-il pensable que le capitalisme produise, avec ses moyens d'information et de communication qui seraient donc simplement des moyens provisoires, le socialisme ?
Il y en a un qui n'y croit pas :

A. BADIOU : Marx déjà faisait, dans le Manifeste, un éloge ambigu du capitalisme, fondé sur une double lecture. D'un côté, le capitalisme détruit toutes les figures vermoulues du vieux monde, tous les vieux liens féodaux et sacrés. En quoi il est le créateur violent d'une nouvelle assise pour l'humanité générique. D'un autre côté, la bourgeoisie est déjà organisée pour conserver sa domination, elle est en ce sens l'adversaire politique désigné d'un nouveau cycle créateur, dont le prolétariat est l'agent. Negri et ses amis cherchent désespérément à rétablir cette vision inaugurale, où les « multitudes » sont à la fois le résultat de l'atomisation capitaliste, et le nouvel agent créateur d'une modernité « horizontale » (les réseaux, les transversalités, les inorganisations… ). Mais tout cela n'est qu'une rêverie hallucinée. Où est-elle, cette capacité « créatrice » des multitudes ? Nous n'avons vu que la très ordinaire répétition des formes les mieux répertoriées du mouvement de masse petit-bourgeois, réclamant à grands cris le droit de jouir sans rien faire, et soucieux surtout d'éviter toute discipline. Alors que nous savons que la discipline est, dans tous les domaines, la clef des vérités. Marx aurait sans hésiter vu dans Negri un attardé romantique. Je crois qu'au fond, ce qui fascine les « mouvementistes » de ce genre, c'est l'activité capitaliste elle-même, sa souplesse, et aussi sa violence.

http://www.ciepfc.fr/spip.php?article67


Ou cet article, de Dan Shiller (Diplo de décembre 09) :
Une mutation de grande échelle se déroule sous nos yeux. Que ce soit par ses contenus ou par sa force de frappe, une nouvelle industrie émergera de ce tumulte, dans des conditions qui n’auront guère à voir avec le vieux schéma du renouvellement culturel sous les audaces d’une avant-garde. Au cours des révolutions de 1789, 1917 et 1949, des forces sociales puissantes agissaient pour transformer les modalités de la culture. Désormais, c’est sous l’égide du capital, et de lui seul, que les pratiques culturelles se définissent, à une échelle mondiale. Les tentatives de contrecarrer cette hégémonie sont à ce jour restées politiquement insignifiantes.

Cependant que les technologies de la communication semblent concentrer sur elles toutes les attentes de changement, le travail salarial et la loi du marché pénètrent toujours plus en profondeur dans les mailles de la société et de la culture. Internet constitue le moyen le plus vigoureux dont dispose le capitalisme pour diffuser ses modes de relations sociales. C’est pourquoi le contrôle du Web est si ardemment disputé.

Les Etats-Unis occupent une place prépondérante dans ce tableau.
...

http://www.monde-diplomatique.fr/2009/12/SCHILLER/18572


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Message par Eyquem Mar 26 Oct 2010 - 19:44

'soir Largo,
Largo a écrit:Son kiffe, c'est pas de se baigner dans une piscine pleine d'argent comme le bon Oncle Picsou. Lui, quand les autres font la fête et dépensent leur argent, il préfère rester tout seul au bureau. Il témoigne d'un désintérêt total vis-à-vis de l'argent, voire même d'un certain mépris pour les signes ostentatoires de richesse des deux frères jumeaux.
C'est pas si évident : le film fait clairement comprendre qu'il méprise ce monde seulement parce qu'il ne peut pas l'intégrer. C'est pas la même chose. Il veut devenir suffisamment riche pour pouvoir se payer le luxe de les envoyer se faire foutre, en robe de chambre et en tongs. C'est pas ce que j'appelle du désintérêt.
Il est tout de suite question d'argent dans le film, faut arrêter avec cette histoire de mec désintéressé : dès le début, son souci, c'est de transformer le succès de son canular Facemash en tonnes de dollars.

Je ne vois pas pourquoi tu distingues goût de l'argent et goût de la compétition. Il crée quand même pas Facebook pour le fun, ou parce que c'est cool : il veut être le roi du monde. Il voit que le monde où les Winklevoss sont rois ne l'acceptera jamais : donc, c'est tout bête, il en crée un nouveau où il pourra l'être.
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Message par Largo Mar 26 Oct 2010 - 21:26

Je pense juste que c'est pas l'argent en soi qui constitue sa raison de vivre. Le pouvoir, la domination, la réussite, oui. Mais l'argent pour l'argent, je crois pas. Pour moi, c'est pas le capitaliste bling-bling, le modèle sarkozyste. C'est plutôt l'entrepreneur-bricoleur qui vit dans son laboratoire pour mettre le monde à ses pieds (nus, pour faire plaisir à BC)... Fantasme de toute puissance, d'ubiquité, évidemment, mais pas de "possession matérielle". D'ailleurs lui, son royaume, c'est l'immatériel, non ?
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