Le regard du myope (Chabrol)
4 participants
Le regard du myope (Chabrol)
Le cinéaste Claude Chabrol est mort, dimanche matin 12 septembre, à l'âge de 80 ans
Ca, c'est drôlement triste.
J'ai adoré plein de ses films : Les bonnes femmes, La Cérémonie, La femme infidèle, Le Boucher, Rien ne va plus, Betty...
Eyquem- Messages : 3126
Re: Le regard du myope (Chabrol)
Beaucoup aimé, Betty, La Cérémonie, et La Rupture (je crois que ça s'appelait).
Beaucoup moins aimé d'autres choses...
Beaucoup moins aimé d'autres choses...
Re: Le regard du myope (Chabrol)
Oui, "drôlement triste" ça sonne comme les mots justes pour CC...
Pas tout vu de Chabrol évidemment, mais il y en a aussi un bon paquet que j'ai beaucoup aimé...
Souvenir mémorable de cette séquence d'Avida, dans laquelle Chabrol interprète un "zoophile débonnaire" :
Pas tout vu de Chabrol évidemment, mais il y en a aussi un bon paquet que j'ai beaucoup aimé...
Souvenir mémorable de cette séquence d'Avida, dans laquelle Chabrol interprète un "zoophile débonnaire" :
Re: Le regard du myope (Chabrol)
Dans ces films, il n'y a rien que de très banal, et pourtant tout est élevé, par le croisement de deux recherches : celle du cinéaste et celle des personnages, à cette autre dimension où chaque moment compte pour lui-même, nous perd en se trouvant. Ce sont des mondes que le plus infime accident (L'Ivresse du pouvoir n'est constitué que de micro-événements) bouleverse en profondeur, c'est-à-dire secrètement.
http://notremusique.blogspot.com/
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Le regard du myope (Chabrol)
On mentionne plus d'une vingtaine de téléfilms réalisés au cours de sa carrière. Il y en a qui en ont vus ? Est-ce qu'il aborde les même types de sujets que dans ses films ? etc
Re: Le regard du myope (Chabrol)
EDITORIAL, N°660
par Stéphane Delorme
La mort de Claude Chabrol, huit mois après la disparition d’Éric Rohmer, nous plonge dans un grand désarroi. C’est tout un pan de la Nouvelle Vague qui s’en va, le cinéma français tout entier pleure ses glorieux aînés. Si la mort de Rohmer a rassemblé le cercle des rohmériens dans un culte fervent, la mort de Chabrol touche largement, tant des films comme Le Boucher, Que la bête meure ou La Cérémonie, furent immensément populaires. Pour autant, son statut de grand cinéaste n’est pas autant assuré auprès des cinéphiles que celui de Godard, Rohmer, Rivette ou Truffaut. Les raisons sont multiples : trop de films réalisés, trop de films importants invisibles, trop de films populaires que l’on croit connaître, à tort. Les éloges de toutes parts ont même un peu vite transformé Chabrol en bon oncle sympathique mijotant plus ou moins toujours la même recette. Quelle recette ? Le portrait de la bourgeoisie, servie au choix en gelée, en fricassée ou en pâté. Or, à revoir ses films, il est évident que Chabrol est beaucoup plus complexe. Il y a trois périodes fastes. La Nouvelle Vague, bouclée en cinq films, ni plus ni moins, entre 1957 et 1961, dont les maudites Bonnes Femmes, redécouvertes depuis peu (Matthew Weiner nous confiait que c’était l’influence majeure de Mad Men, cf. Cahiers n° 658). Puis, à la fin des années 60, la rencontre avec le producteur André Génovès ouvre le chemin des grands films sombres, Le Boucher, Que la bête meure, La Femme infidèle, Juste avant la nuit, Les Noces rouges. Chabrol enchaîne les films, avec sa compagne Stéphane Audran, son comparse Paul Gégauff et une équipe technique amie : Jean Rabier créé des images irradiantes (La Femme infidèle), comme il l’a fait pour Le Bonheur d’Agnès Varda ; Jacques Gaillard monte sec ; Pierre Jansen compose des musiques abstraites proches d’Alain Resnais. On a voulu isoler Chabrol dans la posture du bon réalisateur commercial, or, il invente un cycle
vertigineux qui n’a rien à envier aux grands films français « modernes ». Le jeu flottant de Stéphane Audran, les figures violentes (Michel Bouquet, Jean Yanne), les inventions formelles (les plans-séquences), la crudité scandaleuse vieillissent terriblement bien avec le temps. On est loin du cinéaste bonhomme. Certes, dans les années 80, le réalisateur impose sa silhouette et pose, avec pipe ou cigare, en Hitchcock français, de manière grinçante (Les Fantômes du chapelier) ou ronronnante (Masques, Le Cri du hibou). Mais avec Betty, L’Enfer, La Cérémonie, Merci pour le chocolat, il invente un cinéma faussement simple, traversé par la perversité et la folie. En grand architecte, il quadrille ses mises en scène et plante souvent un décor unique (ces maisons bourgeoises dont il exploite chaque recoin), tout en étant fasciné par sa dissolution. L’espace n’est composé que pour mieux vaciller sur lui-même. Le jeu dissonant et détaché d’Isabelle Huppert incarne ce moment. À chaque période a correspondu une partenaire de jeu extrêmement libre, Bernadette Lafont, Stéphane Audran et Isabelle Huppert, qui ont toutes su créer une forme de poésie par leur insoumission. Nous devions les rencontrer. Il y a un paradoxe chabrolien : plus les films sont inconfortables, plus ils sont jubilatoires. Le cinéaste se délecte de ces personnages suspendus et en état d’incertitude quant à leurs intentions (Juste avant la nuit : voulais-je la tuer ?), se contentant du sous-entendu (La Femme infidèle : je sais que tu sais que je l’ai tuée) ou d’un procès-verbal (La Cérémonie : ils n’ont rien pu prouver !). Il s’agit moins de chercher derrière les apparences que de rester délicieusement dans le flou. La mise en scène est au service de vacillements humains. Ce qu’on a souvent réduit à une mécanique policière implacable était donc plutôt de la dentelle d’une grande élégance, dessinant ses motifs avec angoisse, et malice, au-dessus du vide.
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