At Berkeley (Frederick Wiseman)
At Berkeley (Frederick Wiseman)
Le film de Wiseman dure 4 heures, et pour l'instant j'ai réussi à en voir un quart d'heure du dvd qui vient de sortir...
D'emblée, un discours d'enseignant invite à penser que Berkeley se distingue des autres universités, loin du groupe de Puritains qui a fondé Harvard l'institution modèle en matière d'université, parce que Berkeley a "un rêve, un sens de l'avenir et de la diversité... un idéal défini par le fait qu'on doit pouvoir avoir accès aux études même si l'on n'est pas issu de l'élite".
Mais les enseignants paraissent aussi débiles que dans toute la série de films que Wiseman consacre à l'éducation dans son oeuvre documentaire.
Après cette intro, Wiseman filme les murs et le parc qui montrent plutôt un espace d'hôpital, hyper ordonné, une pelouse sûrement interdite à marcher, des arbustes disposés comme pour une villa luxueuse, et aussi des bâtiments de nabab dont Wiseman glisse des inserts après un discours de séminaire sur la faillite budgétaire de l'université publique!
On assiste ensuite en effet à un séminaire où l'on apprend le désengagement de l'État pour l'université publique, et sans bien comprendre de quoi il s'agit, le discours témoigne de l'importance de maintenir une université d'excellence, et on retrouve tout autant ce type de discours dans Basic training.
La comparaison avec la diversité et les expérimentations de l'université de Vincennes est bien peu envisageable en l'occurrence, même si la contestation est bien présente à Berkeley mais sans jamais désaccorder le business plan de l'Excellence opérationnelle, les positions hiérarchiques entre professeurs et étudiants ; la parole circule dans la salle de cours comme à une réunion d'alcooliques anonymes, personne ne monte sur sa chaise pour lire Whitman, que des cerveaux plats...
Le dossier de la revue Positif : http://ti1ca.com/0rovwpxh-WISEMAN-AT-BERKELEY.pdf.html
D'emblée, un discours d'enseignant invite à penser que Berkeley se distingue des autres universités, loin du groupe de Puritains qui a fondé Harvard l'institution modèle en matière d'université, parce que Berkeley a "un rêve, un sens de l'avenir et de la diversité... un idéal défini par le fait qu'on doit pouvoir avoir accès aux études même si l'on n'est pas issu de l'élite".
Mais les enseignants paraissent aussi débiles que dans toute la série de films que Wiseman consacre à l'éducation dans son oeuvre documentaire.
Après cette intro, Wiseman filme les murs et le parc qui montrent plutôt un espace d'hôpital, hyper ordonné, une pelouse sûrement interdite à marcher, des arbustes disposés comme pour une villa luxueuse, et aussi des bâtiments de nabab dont Wiseman glisse des inserts après un discours de séminaire sur la faillite budgétaire de l'université publique!
On assiste ensuite en effet à un séminaire où l'on apprend le désengagement de l'État pour l'université publique, et sans bien comprendre de quoi il s'agit, le discours témoigne de l'importance de maintenir une université d'excellence, et on retrouve tout autant ce type de discours dans Basic training.
La comparaison avec la diversité et les expérimentations de l'université de Vincennes est bien peu envisageable en l'occurrence, même si la contestation est bien présente à Berkeley mais sans jamais désaccorder le business plan de l'Excellence opérationnelle, les positions hiérarchiques entre professeurs et étudiants ; la parole circule dans la salle de cours comme à une réunion d'alcooliques anonymes, personne ne monte sur sa chaise pour lire Whitman, que des cerveaux plats...
Le dossier de la revue Positif : http://ti1ca.com/0rovwpxh-WISEMAN-AT-BERKELEY.pdf.html
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
je garde cette impression que Wiseman se fout clairement de la gueule de l'université, j'ai déjà cité l'exemple de cette séquence du séminaire des admnistrateurs de Berkeley sur la faillite budgétaire qui frappe l'institution publique, que Wiseman associe dans son montage avec ce bâtiment de nabab et ces parcs hyper tenus.
Pareil avec ce laïus d'enseignant sur la puissance du savoir de Berkeley:
Je ne peux pas imaginer que Wiseman, après être passé par tant d'institutions implacables et en commençant son oeuvre documentaire par Titicut Follies, puisse accepter sérieusement qu'un enseignant affirme qu'on peut changer le monde en étant un super avocat, qu'il est stimulant qu'un individu puisse s'élever contre un système avec son super savoir grâce aux formes d'expertises qu'on enseigne à Berkeley... Et l'insert ou la transition qui vient clore cette séquence est un clebs à qui on jette un frisbee.
Pareil avec ce laïus d'enseignant sur la puissance du savoir de Berkeley:
Je ne peux pas imaginer que Wiseman, après être passé par tant d'institutions implacables et en commençant son oeuvre documentaire par Titicut Follies, puisse accepter sérieusement qu'un enseignant affirme qu'on peut changer le monde en étant un super avocat, qu'il est stimulant qu'un individu puisse s'élever contre un système avec son super savoir grâce aux formes d'expertises qu'on enseigne à Berkeley... Et l'insert ou la transition qui vient clore cette séquence est un clebs à qui on jette un frisbee.
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
«Frederick Wiseman rend le meilleur des hommages à un vivier toujours bouillonnant de la démocratie américaine.»
http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/at-berkeley.html
Critikat
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
DPSR a écrit:Tous ceux qui ont déjà vu son travail connaissent son style immersif mais détaché, avec un montage moins spectaculaire que chez Depardon par exemple, qui peut aussi avoir comme limite l'aspect bric-à-brac de moments inégaux.
http://forum.plan-sequence.com/berkeley-frederick-wiseman-2013-t16870.html?hilit=berkeley
3/6
je capte pas, "style immersif mais détaché"? En fait, le montage est et a toujours été très spectaculaire chez Wiseman, faut juste ouvrir un peu les yeux...
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
une séquence absolument hallucinante de At Berkeley ici:
et qui donne un exemple de plus du montage spectaculaire vers lequel tend Wiseman depuis ses débuts avec Titicut Follies(la matrice de son cinéma s'y trouve, dans ce montage parallèle qu'il fait entre un prisonnier qu'on nourrit de force par sonde nasale "pour son bien" et la toilette mortuaire du même prisonnier). Dans ces deux scènes qui se suivent, on a d'abord une déclaration de l'esprit militant de Berkeley, de son indignation aux inégalités sociales, et ensuite Wiseman enchaîne avec le comité d'administration de Berkeley qui questionne la réactivité et l'efficacité qu'ils ont à réprimer les protestations et les manifestations contre les politiques ultralibérales à l'intérieur de l'université. Ce petit comité directeur de cette incroyable usine à gaz qu'est l'université de Berkeley appelle ça : "philosophie de notre traitement de la désobéissance civile", je n'avais jamais entendu un tel nom pour "fascisme",
c'est à mourir de rire, et à la fois on se demande comment Wiseman arrive à enregistrer des trucs pareils qui engageraient tous les étudiants pas trop débiles à littéralement déserter l'université...
Il y a vraiment quelque chose qui cloche dans la réception des films de Wiseman quand on lit que Wiseman rend hommage à l'université de Berkerley, cette merde bouillonnante...
At Berkeley est un très grand film de Wiseman, parmi ses plus assassins sur l'institution.
et qui donne un exemple de plus du montage spectaculaire vers lequel tend Wiseman depuis ses débuts avec Titicut Follies(la matrice de son cinéma s'y trouve, dans ce montage parallèle qu'il fait entre un prisonnier qu'on nourrit de force par sonde nasale "pour son bien" et la toilette mortuaire du même prisonnier). Dans ces deux scènes qui se suivent, on a d'abord une déclaration de l'esprit militant de Berkeley, de son indignation aux inégalités sociales, et ensuite Wiseman enchaîne avec le comité d'administration de Berkeley qui questionne la réactivité et l'efficacité qu'ils ont à réprimer les protestations et les manifestations contre les politiques ultralibérales à l'intérieur de l'université. Ce petit comité directeur de cette incroyable usine à gaz qu'est l'université de Berkeley appelle ça : "philosophie de notre traitement de la désobéissance civile", je n'avais jamais entendu un tel nom pour "fascisme",
c'est à mourir de rire, et à la fois on se demande comment Wiseman arrive à enregistrer des trucs pareils qui engageraient tous les étudiants pas trop débiles à littéralement déserter l'université...
Il y a vraiment quelque chose qui cloche dans la réception des films de Wiseman quand on lit que Wiseman rend hommage à l'université de Berkerley, cette merde bouillonnante...
At Berkeley est un très grand film de Wiseman, parmi ses plus assassins sur l'institution.
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
Salut Breaker,
j'ai commencé à regarder At Berkeley. J'ai le même sentiment que toi; à se demander comment des "structures" telles que La national gallery et l'université de Berkeley peuvent ignorer la démarche radicale de Wiseman qui cherche dans l'un et l'autre des films à faire s'entrechoquer les discours et les images qui émaillent le lieu circonscrit.
Dans at Berkeley, l'espace tient un rôle fondamental; la question serait qui tient l'espace politique, ce lieu de la parole, qui ferme les possibilités de la circulation des corps, de leur mouvement. Qui est le relais entre mots et mouvements? qui se tient entre les deux?
Chaque parole du corps éducatif semble apporter autre chose finalement que le simple accès à la connaissance ou à la réflexion ou à ce qu'ils nomment l'excellence:
Premièrement est le rapport économique. Tout comme dans the national Gallery, la baisse des financements publics et l'orientation vers une stratégie alliée du secteur privé. La hausse du coût d'accès à l'enseignement.
Les élèves ou les visiteurs du musée deviennent des clients.
Dans ce contexte, à travers cette démarche, ce que montre Wiseman, ce sont des coupes qui font sens malgré la diversité des contextes des scènes, des situations; comme si une structure sous-jacente s'imposait aux décisionnaires, aux prescripteurs d'une parole d'autorité, et finalement aux élèves souhaitant décrocher le diplôme en fin de parcours. Mais cette structure est elle réelle? globale? ou locale?
Dans la scène que tu partages:
avant ou après ce moment, je ne sais plus, une étudiante noire s'insurge contre ce qu'elle appelle une mode de la majorité des étudiants blancs de s'inquiéter de la pauvreté et de la politique fiscale en faveur de l'éducation; elle leur dit que maintenant que la pauvreté ne frappe plus exclusivement les communautés noires ou latines ou asiatiques, mais aussi la classe moyenne, ces questions commencent à les intéresser, à les angoisser, mais pour elle c'est de l'hypocrisie.
Dans cette salle, dans ce cercle, la parole n'est pas partagée de manière égalitaire. La prof l'oriente, la synthétise, l'amène à la formation d'une idée, la création d'une nouvelle communauté, qu'elle doit faire admettre aux personnes qui l'entourent. L'acceptation d'un statut social, de la croyance en une élite qui se saisit, et en un même mouvement l'efface, révoque sa puissance de contestation, sa puissance de changement, de la parole de ceux qui n'en n'ont pas, des pauvres, des pas éduqués, des populations mises au ban.
En opposition avec cette scène, un peu plus loin dans le film, un type invité parle à des étudiants et leur dit qu'il ne leur faudra pas qu'ils regardent un évènement à travers les figures les plus connues, fameuses, mais au contraire retrouver la foule anonyme de ceux qui ont fait l'évènement, les militants, les activistes ... et n'en ont pas tiré profit personnel ou d'image, la contre-histoire.
j'ai commencé à regarder At Berkeley. J'ai le même sentiment que toi; à se demander comment des "structures" telles que La national gallery et l'université de Berkeley peuvent ignorer la démarche radicale de Wiseman qui cherche dans l'un et l'autre des films à faire s'entrechoquer les discours et les images qui émaillent le lieu circonscrit.
Dans at Berkeley, l'espace tient un rôle fondamental; la question serait qui tient l'espace politique, ce lieu de la parole, qui ferme les possibilités de la circulation des corps, de leur mouvement. Qui est le relais entre mots et mouvements? qui se tient entre les deux?
Chaque parole du corps éducatif semble apporter autre chose finalement que le simple accès à la connaissance ou à la réflexion ou à ce qu'ils nomment l'excellence:
Premièrement est le rapport économique. Tout comme dans the national Gallery, la baisse des financements publics et l'orientation vers une stratégie alliée du secteur privé. La hausse du coût d'accès à l'enseignement.
Les élèves ou les visiteurs du musée deviennent des clients.
Dans ce contexte, à travers cette démarche, ce que montre Wiseman, ce sont des coupes qui font sens malgré la diversité des contextes des scènes, des situations; comme si une structure sous-jacente s'imposait aux décisionnaires, aux prescripteurs d'une parole d'autorité, et finalement aux élèves souhaitant décrocher le diplôme en fin de parcours. Mais cette structure est elle réelle? globale? ou locale?
Dans la scène que tu partages:
avant ou après ce moment, je ne sais plus, une étudiante noire s'insurge contre ce qu'elle appelle une mode de la majorité des étudiants blancs de s'inquiéter de la pauvreté et de la politique fiscale en faveur de l'éducation; elle leur dit que maintenant que la pauvreté ne frappe plus exclusivement les communautés noires ou latines ou asiatiques, mais aussi la classe moyenne, ces questions commencent à les intéresser, à les angoisser, mais pour elle c'est de l'hypocrisie.
Dans cette salle, dans ce cercle, la parole n'est pas partagée de manière égalitaire. La prof l'oriente, la synthétise, l'amène à la formation d'une idée, la création d'une nouvelle communauté, qu'elle doit faire admettre aux personnes qui l'entourent. L'acceptation d'un statut social, de la croyance en une élite qui se saisit, et en un même mouvement l'efface, révoque sa puissance de contestation, sa puissance de changement, de la parole de ceux qui n'en n'ont pas, des pauvres, des pas éduqués, des populations mises au ban.
En opposition avec cette scène, un peu plus loin dans le film, un type invité parle à des étudiants et leur dit qu'il ne leur faudra pas qu'ils regardent un évènement à travers les figures les plus connues, fameuses, mais au contraire retrouver la foule anonyme de ceux qui ont fait l'évènement, les militants, les activistes ... et n'en ont pas tiré profit personnel ou d'image, la contre-histoire.
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
salut Erwanerwan a écrit:Chaque parole du corps éducatif semble apporter autre chose finalement que le simple accès à la connaissance ou à la réflexion ou à ce qu'ils nomment l'excellence
https://www.youtube.com/watch?v=A7YR1s86ick
cette séquence me fait penser à cette photo de Robert Doisneau, commentée par Blaise Cendrars dans La banlieue de Paris:
«À voir la photo de la classe de Saint-Denis, on se met à souhaiter que ces enfants deviennent des voyous et des traînées plutôt que des enfants sages! ... C'est une honte et une telle photo justifie la Révolution.»
c'est désespérant cette adhésion des étudiants à leur université, la croyance en l'excellence de celle-ci qui leur donne un super savoir et qui fait d'eux des êtres à part capables de changer le monde. A chaque fois qu'ils protestent, qu'ils défilent dans les allées de l'université, ils sont suivis et encadrés par des flics qui leur sont envoyés pas le corps enseignant, et ça ne provoque pas de désidentification des étudiants à l'institution, cette occupation policière est apparemment une chose normale pour eux, en tout cas c'est comme ça que Wiseman nous le raconte.
Invité- Invité
Re: At Berkeley (Frederick Wiseman)
salut Breaker,
pour filer l'image du cercle, on peut aussi la raccorder au mythe arthurien, la table ronde
pour filer l'image du cercle, on peut aussi la raccorder au mythe arthurien, la table ronde
le nouage du sacré et du pouvoir politique?wiki a écrit:Elle rappelait qu'ils héritaient de leur place uniquement sur leurs mérites et qu'ils étaient à ce titre tous égaux. Comme la distance par rapport au roi peut réintroduire une hiérarchie, ce siège est choisi au hasard parmi les derniers.
Invité- Invité
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum