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Le prochain Ferrara (sur DSK) en direct sur le net

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Message par adeline Dim 20 Avr 2014 - 19:20

http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2014/04/17/pourquoi-nos-sortons-welcome-to-new-york-sur-internet_4403565_766360.html

« Pourquoi nous sortons “Welcome to New York” sur Internet »

Il figurait en tête des pronostics cannois. Auréolé d'un parfum de scandale, Welcome to New York, le film d'Abel Ferrara inspiré de l'affaire DSK, avec Gérard Depardieu dans le rôle principal, n'a pourtant pas été annoncé, jeudi 17 avril, comme faisant partie de la sélection officielle. A moins qu'il ne figure dans une section parallèle, dont les contours seront dévoilés en début de semaine prochaine, ou parmi les films que Thierry Frémaux se réserve le droit d'ajouter à sa programmation dans les jours à venir, ses co-producteurs français, Vincent Maraval et Brahim Chioua, le présenteront au Marché du film, lors d'une « projection-événement », hors compétition.

Les deux hommes ont surtout décidé de sortir Welcome to New York simultanément sur Internet, sans passer par les salles de cinéma. Facturé 7 euros pour les internautes français, et à des prix similaires pour les internautes du monde entier, il sera mis en ligne pendant le Festival de Cannes, sur plusieurs plateformes de vidéo à la demande. Ce geste s'inscrit dans le débat qui fait rage autour de la « chronologie des médias », cette réglementation qui oblige notamment les distributeurs des films qui sortent sur grand écran à respecter un délai de quatre mois avant de les rendre disponibles en vidéo.

Vous n'allez pas sortir « Welcome to New York » en salles en France. Pourquoi ?

Vincent Maraval : Cela fait longtemps qu'on voulait tenter une expérience de distribution en ligne. On n'aime pas le terme VoD. Pour nous, c'est du cinéma à la maison, comme cela se fait aux Etats-Unis et dans de nombreux pays, où les films sortent en même temps en salles et sur Internet. Cela part du principe selon lequel la consommation d'un film à domicile et celle d'un film au cinéma ne sont pas concurrentielles. En France, comme la loi interdit la simultanéité de la salle et de la VoD, on a fait le choix d'Internet. Dans d'autres pays, aux Etats-Unis notamment, le film sortira en même temps en salles et sur le web.

Pourquoi faire l'expérience avec ce film-ci ?

V.M. : D'une part, parce que c'est possible : le film a été totalement financé aux Etats-Unis. Si Canal + ou France 2 avaient investi dans le film, il aurait fallu le sortir en salles pour qu'il soit qualifié d'oeuvre de cinéma. D'autre part, parce qu'il y a une attente énorme sur ce film. Tout le monde va vouloir le voir tout de suite, c'est de la très bonne chair à piratage. Une sortie classique en salles, quelques semaines après Cannes, ne serait vraiment pas adaptée.

Brahim Chioua : Cela nous obligerait à dépenser pas mal d'argent pour le faire exister, tout en sachant que son exploitation future, en vidéo, serait totalement bousillée. Quant aux chaînes de télé, je ne pense pas qu'elles manifestent un jour l'envie de le diffuser, puisqu'aucune n'a voulu participer au financement. En sortant le film ainsi, on touche le plus grand nombre, le plus vite possible.

Et qu'en pense Abel Ferrara ?

V.M. : Il est très ouvert. Au moment de son précédent film, 4h44 dernier jour sur terre, il nous a demandé : « Pourquoi ne mettrions-nous pas le film sur Internet le jour de la fin du monde ? Ce serait plus rigolo… » Il avait déjà mis deux de ses documentaires sur son site, il était mûr. Quand on voit que 4h44... a fait 20 000 entrées en salles en France et 3 millions de vues sur YouTube, ça fait réfléchir.

Pensez-vous que « Welcome to New York » a un plus gros potentiel en VoD qu'en salles ?

V.M. : Oui. En salles, on l'aurait sorti sur 200 ou 250 copies. On aurait pu espérer 300 000 entrées, dans le meilleur des cas.

En sortant le film en ligne, faites-vous des économies ?

V.M. : On va dépenser environ un million d'euros. C'est plus que pour Her de Spike Jonze par exemple, alors qu'il n'y a pas de frais techniques liés à la fabrication des copies. On va faire de l'affichage, des bandes annonces, mais aussi de la pub télé – ce qui est interdit lors d'une sortie en salles. Pendant dix jours, le film sera exposé sur les pages d'accueil de toutes les plateformes Internet, iTunes, Free, Orange… : on touchera 20 millions de visiteurs par jour.

Voulez-vous faire bouger la loi sur la chronologie des médias ?

B.C. : Nous ne demandons pas que tous les films sortent en salles et en VoD en même temps. Aux Etats-Unis, où tout se fait dans la négociation, la chronologie est quasiment la même qu'en France : quatre mois après la salle, les films sortent en vidéo, huit ou dix mois après, ils sont diffusés sur des chaînes de télévision payantes… Sauf qu'il y a des cas particuliers, où les ayants droit et les diffuseurs se mettent d'accord pour modifier les choses.

7 euros en VàD, les mecs c'est pas des voleurs, c'est des truands ! Tu envoies en ftp un fichier vidéo aux plateformes de téléchargement et tu vends ça 7 €. Ok, y'a des frais de pub. Un million d'euros, les fous. Le "cinéma à la maison", nickel. Moi, je suis pour le téléchargement, illégal ou non, à fond, pour que les films soient mis le plus vite possible le plus gratuitement possible à disposition des gens. Mais après la sortie en salle de cinéma. Allez voir un peu les pays où il n'y a pas de salles, à part les USA qui inondent le monde de leurs films, comment se porte leur cinéma, comment en vivent les gens… La salle, c'est ce qui garantit tout le reste. Quand tu penses que les mecs ils sont aussi distributeurs de Godard, ce qui d'ailleurs ne veut rien dire et ne garantit rien… Croyez-moi, les distributeurs, les gros, même ceux qui sont soi-disant distributeurs indépendants, c'est des marchands de tapis. Ils veulent faire du fric, c'est tout. Si la salle coûte trop cher, si la salle, c'est compliqué, ils vont la tuer le plus vite possible pour se rembourser de leurs frais de pub le plus vite possible.
La distribution simultanée salle/VàD (le day to date), le seul intérêt, c'est l'économie d'une campagne marketing : tu fais une seule campagne, tu mises tout au moment où la presse parle du film (la presse qui n'a pas besoin de se faire payer d'ailleurs pour leur faire de la pub gratos). Pas besoin de refaire une campagne pour le dvd. Hop, tout bénéf. Et après, les salles de centre ville, les salles art et essais vont crever et tout le monde sera désolé.

Il faudrait savoir quelle tva ils payent sur la VOD, quelles taxes diverses et variées, quel pourcentage la plateforme de diffusion leur prend… 7 €. Aussi cher qu'un billet de cinéma, mais c'est le spectateur qui fournit la salle, les fauteuils, l'écran, le son…

adeline

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Message par adeline Lun 21 Avr 2014 - 8:53

Ce qui est incompréhensible, à plus long terme, c'est qu'ils se tirent une balle dans le pied. Le travail du distributeur, c'est la connaissance d'un territoire : langue (pour la version à sous-titrer ou doubler), parc des salles (persuader une salle de prendre un film, ça ne se fait que si tu parles la même langue que l'exploitant, si tu connais sa programmation, si tu le connais personnellement même), pratiques (telle affiche réalisée aux USA ne pourra pas donner envie de voir le film dans tel autre pays ; tel film d'un pays ne pourra pas marcher dans un autre pays), systèmes d'aides publiques ou non, fonctionnement de la presse, législations, etc.
Mais tout ça n'est nécessaire que pour la sortie en salle. Avec la VàD, il faut juste être capable de ne pas se faire trop arnaquer par iTunes et les autres plateforme et à la rigueur faire une version dans la langue du pays. Tout le reste disparaîtra peu à peu. Ou plutôt tout le reste peut tout à fait être fait par les plateformes ou les plus gros vendeurs internationaux. Tel vendeur canadien hyper puissant (eOne par exemple) n'a pas besoin de faire appel à un distributeur français pour faire une bonne version française s'il faut après uniquement la vendre aux plateforme VàD.

Et même dans la création : il y a toujours un moment où la salle l'emporte sur le reste, même si ça n'est pas forcément vrai pour tout le monde (certains n'aiment pas la salle) et si le mode de vision ne décide jamais in fine de la qualité d'une œuvre, de son pouvoir d'émotion, de réflexion, de ce qui se jouera entre elle et le spectateur. Je ne veux à aucun moment déprécier les visions hors des salle. Mais la salle c'est quand même différent et c'est la possibilité, pour le réalisateur, l'équipe, tout ceux qui font des films, de rencontrer les spectateurs, de sentir ce que vivent les spectateurs à la vision du film, d'être ensemble à un moment ou l'autre, et c'est important. Un bon distributeur, c'est aussi ce qu'il offre aux réalisateurs. Le jour où les films ne sortiront plus qu'en VàD, je parie qu'il existera des salles pirates, des salles interdites où les réalisateurs iront quand même projeter leurs films devant des gens, parce qu'être ensemble dans l'expérience du film c'est une chose en soi.

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Message par DB Lun 21 Avr 2014 - 9:18

Je crois que c'est Godard qui disait qu'il ne fallait pas confondre distributeur et exploitant parce que ces derniers portaient bien leur nom...
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Message par adeline Lun 21 Avr 2014 - 9:28

Oui, parce que Godard est un cinéaste et que les cinéastes ne comprennent pas souvent les enjeux de l'exploitation, qui est aussi une forme de commerce. Il faut que les films remplissent les salles, sinon les salles ferment. On peut tout à fait critiquer cela, il n'y a pas de problème, et un bon nombre de salles (commerciales surtout) s'en foutent des films. C'est vrai. De toute manière, dès qu'on parle de distribution ou d'exploitation, on parle d'autre chose que simplement de cinéma, et pourtant, c'est vraiment lié, malheureusement…

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Message par DB Lun 21 Avr 2014 - 9:30

Je suis d'accord avec toi et je défends ardemment la salle comme espace de découverte et de partage d'un film.

Dans cette histoire je pense que Maraval voudrait devenir un Weinstein français ; c'est un businessman, un cynique.
Il convoite le trône de fer.
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Message par adeline Lun 21 Avr 2014 - 9:51

Autre interview, du mec qui distribue pour Capricci, la "pointe" du cinéma d'auteur européen :

http://www.timeout.fr/paris/cinema/VOD-avenir-du-cinema-d-auteur

VOD : l'avenir du cinéma d'auteur ?

Etat des lieux avant Netflix

Depuis la confirmation de l'arrivée de Netflix en France à l'automne 2014, l'effervescence est devenue palpable dans le milieu audiovisuel - et à tous les niveaux : distribution, production, diffusion, politique... Il faut dire que les marchés de la VOD (Video On Demand) et de la SVOD (Subscription Video On Demand, ou VOD par abonnement) se trouvent actuellement en pleine expansion.

Or, quel avenir pour le cinéma d'auteur dans ce grand barouf numérique ? Risque-t-il de se voir noyé au milieu d'une offre en ligne pléthorique, ou la VOD serait-elle, au contraire, susceptible de constituer une opportunité pour des films plus pointus d'atteindre un nouveau public, en se distinguant de la masse des superproductions ? Eléments de réponse autour de l'exemple concret du premier long métrage de Basil da Cunha, 'Après la nuit', en compagnie de Julien Rejl, en charge de la distribution et des ventes chez Capricci, qui vient de faire le pari audacieux de proposer le film en VOD dès le 9 avril, soit deux semaines avant sa sortie nationale.

Time Out Paris : Pourquoi avoir choisi ce mode de distribution assez inédit, alternant VOD et sortie en salles ?

Julien Rejl (Capricci) : Parce qu'on rencontre actuellement une grave crise de la cinéphilie et de la distribution des longs métrages : le turn-over des films est tel que nombre d'entre eux sont virés de l'affiche au bout d'une semaine d'exploitation et se trouvent programmés dans très peu d'endroits. D'où cette expérimentation de la VOD comme nouveau point d'accès au film, lui permettant davantage d'exister et d'être vu.

Avez-vous rencontré des difficultés pour cette mise en place couplée ?

Beaucoup, en effet. Majoritairement, le secteur de l'exploitation est contre l'expérimentation VOD : la crainte des exploitants est d'ouvrir une boîte de Pandore qui, à terme, pousserait les spectateurs à déserter les cinémas. La plupart refusent donc ce type de démarche. Le film est ainsi privé de visibilité en salles dans des villes aussi importantes que Lille, Nancy, Rennes...

Et côté VOD, comment cela se passe-t-il ?

Pour 'Après la nuit', nous avons travaillé avec quatre plateformes : iTunes, Orange, FilmoTV et Google. Elles proposent le film en "ultra-VOD", c'est-à-dire qu'il sera disponible en visionnage deux semaines avant sa sortie en salles, mais que l'exploitation VOD devra s'arrêter le 23 avril, jour de la sortie nationale.

Pourtant, hormis FilmoTV, le cœur d'activité de ces plateformes n'est pas vraiment le cinéma d'auteur...

C'est justement ce qui est regrettable : la position des exploitants et la chronologie des médias en France (qui impose un délai de 4 mois pour une exploitation en VOD, et de 36 mois pour la SVOD, ndlr) interdit de nouvelles synergies favorables à ce cinéma d'auteur, qui peine à exister sur grand écran. Alors qu'une salle de cinéma ou un circuit comme UGC pourrait être en mesure d'offrir une offre alternative en ligne, complémentaire à sa programmation en salles : cela lui permettrait de développer des passerelles entre les modes de visionnage. Par exemple, de tester la popularité d'un film en ligne avant de lui permettre, éventuellement, de passer sur grand écran. Mais surtout, à cause de ce retard massif autour de la VOD en France, ce sont des opérateurs comme Google, Orange ou Apple qui tirent leur épingle du jeu et développent des compétences de distributeur sur Internet.

C'est étonnant : depuis Netflix et sa série 'House of Cards', il est tout de même devenu clair que la VOD pouvait constituer un véritable raz-de-marée.

Tout à fait. D'ailleurs, le cinéma doit aussi faire face au succès des séries, que la plupart des spectateurs suivent sur Internet, y compris lorsque c'est une chaîne comme HBO ('True Detective', 'Game of Thrones') qui les produit. A travers l'exemple de Netflix, on constate que ces nouveaux réseaux de distribution en ligne engendrent de nouvelles offres, dont la qualité scénaristique peut égaler ou dépasser celle du cinéma américain habituel... Cette réussite vient du fait qu'à un moment, les producteurs, les chaînes, les scénaristes se sont réellement posé la question de la diffusion et de la consommation des œuvres contemporaines. Surtout, ils se sont interrogés sur leurs supports, ce qui les a poussés à très vite prendre Internet en compte, et à élaborer pour leurs séries un format de narration et une esthétique idoines... Or, en ce qui concerne le cinéma en salles, il me semble que la production de films s'est complètement dissociée de l'exploitation, à la fois en termes artistiques et économiques.

Comment pourrait-on alors remédier à cette situation, qui semble dans l'impasse d'un point de vue institutionnel ?

Il y aurait de nombreux points à définir et à discuter entre distributeurs, exploitants de salles et plateformes VOD, pour trouver un meilleur système de distribution des films, où la majeure partie ne se verrait pas sacrifiée. Il faudrait surtout commencer par remettre les films au centre de la discussion, plutôt que de vouloir préserver le statu quo corporatiste qui existe en France. La logique de la chronologie des médias, pour laquelle la salle représente le lieu privilégié, voire unique, de la découverte du cinéma, et la France le pays de la cinéphilie, date d'une autre époque. Les règles ont besoin d'être rediscutées entre les différentes professions pour sauver toute une frange du cinéma d'auteur.

D'ailleurs, celui-ci paraît désormais se tourner vers des plateformes spécialisées comme Mubi. Ou, dans le même ordre d'idées, Godard proposait dès 2010 'Film Socialisme' sur FilmoTV, avant même sa présentation au Festival de Cannes et sa sortie nationale... Cela ressemble assez à un changement de paradigme.

Oui, mais la chronologie des médias nous impose, hélas, de cesser la diffusion en VOD dès que le film est projeté en salles. Dans d'autres pays, on constate davantage d'ouverture entre exploitants de salles de cinéma et VOD : par exemple, en Grande-Bretagne, le réseau d'art et d'essai Curzon a su développer une offre en ligne qui se fait l'écho de sa programmation en salles. D'ailleurs, si l'on veut être tout à fait honnête, la logique de la SVOD est déjà présente dans le principe des cartes illimitées, qui témoigne déjà d'une profonde mutation dans l'accès aux films.

Pour la distribution d''Après la nuit', vous avez ainsi dû travailler davantage au niveau européen ?

En effet, le film est distribué par Capricci sous l'égide de The TIDE Experiment, un regroupement de professionnels coordonné par l'ARP (société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), dans le cadre d'un programme financé par MEDIA, un projet européen pour l'audiovisuel ayant pour but d'expérimenter des sorties day-and-date, c'est-à-dire à la fois en ligne et en salles. La distribution d''Après la nuit' se trouve donc au confluent de deux stratégies. D'une part, celle de Capricci en tant que distributeur international, qui considère qu'il faut réfléchir autrement à la sortie des films, notamment en incluant la VOD - et qui distribuera aussi le film en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni en avril. Et de l'autre côté, celle de groupes encouragés par MEDIA, qui développent quant à eux la mutualisation de contenus en Europe. Il existe donc bien des pistes, mais plutôt hors du circuit français. Rien n'est encore joué, donc, mais il y a urgence.

Lire aussi : notre critique d''Après la nuit' de Basil da Cunha.
En VOD du 9 au 22 avril, et en salles à partir du 23.

Ici, le plus intéressant, c'est de voir les distributeurs qui foncent tête baisser dans les filets de la commission européenne. Le but de celle-ci, on le sait, c'est de faire de l'Europe un marché et uniquement un marché. Libre circulation des biens, etc. Pour ça, le mieux c'est que les territoires disparaissent. Leur grand rêve c'est d'arriver à ce qu'un film sorte partout en Europe en même temps, avec la même affiche, le moins de versions possibles, la même campagne presse/marketing. Vous imaginez les économies d'échelle. L'argent que la commission donne en ce moment pour faire des expérimentations day-and-date (ou day to date, on dit les deux) sert uniquement à prouver, sans réel contre exemple puisqu'on ne pourra jamais comparer la manière dont un film marche en day-and-date et en sortie traditionnelle puisque les deux sorties s'excluent mutuellement et que la sortie traditionnelle travaille le film à très long terme, que les territoires, les salles, les langues sont de piètres obstacles sur lesquels le marché doit s'asseoir.

J'ai déjà entendu des mecs dire en substance à de jeunes producteurs, ayant un ou deux longs métrages à leur actif, refusés par les distributeurs et les salles à cause de leur qualité (on oublie souvent de parler de la qualité des films, dans ce cas-là) : "les distributeurs et les exploitants sont des nuls qui ne veulent pas vos films et ce sans raison valable (comme si les distributeurs et les salles faisaient par essence mal leur travail), distribuer directement sur le net, c'est la solution à tous vos problèmes, il suffit d'une bonne campagne marketing". Je me demande comment les jeunes réalisateurs, après deux films distribués sur le net, sans retour des spectateurs ou très peu, sans expérience marquante des vision en salle, sans rentrer dans leur frais parce que va vendre un premier film d'auteur à netflix ou orange quand tu es un producteur qui débute, je me demande comment ces jeunes réalisateurs iront vers leur troisième film.

Oui, mais la chronologie des médias nous impose, hélas, de cesser la diffusion en VOD dès que le film est projeté en salles. Dans d'autres pays, on constate davantage d'ouverture entre exploitants de salles de cinéma et VOD : par exemple, en Grande-Bretagne, le réseau d'art et d'essai Curzon a su développer une offre en ligne qui se fait l'écho de sa programmation en salles. D'ailleurs, si l'on veut être tout à fait honnête, la logique de la SVOD est déjà présente dans le principe des cartes illimitées, qui témoigne déjà d'une profonde mutation dans l'accès aux films.

Ça c'est le grand exemple que prennent les distributeurs français : ce que font les Anglais. Les Anglais le font, donc c'est bien. On a fait mieux comme argument, depuis longtemps et sur beaucoup de sujets. Il faudrait préciser qu'il n'y a pas plus libéral que le système anglais et surtout, surtout, que la conséquence de ce système c'est l'absence des salles de cinéma en Angleterre. Il n'y en a pas plus de 800 (contre plus de 2.000 en France). Les distributeurs anglais ne travaillent pas dans la même optique, dans le même cadre que les Français. Il ne faut pas être très futé, ou alors un peu cynique, pour aller chercher cet exemple…

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