-28%
Le deal à ne pas rater :
-28% Machine à café avec broyeur à grain MELITTA Purista
229.99 € 318.99 €
Voir le deal

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997

Aller en bas

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Empty Le Miroir, Jafar Panahi, 1997

Message par Invité Dim 28 Juil 2013 - 11:48

Le film met en abyme sa réalisation dans son histoire.

Pendant le premier tiers, nous suivons Mina perdue dans Téhéran, une petite fille de six/sept ans au bras cassé, que sa mère n’a pas pu rechercher à l’école, pour une raison mystérieuse. La directrice de l’école la confie à un ami, un vieillard un peu excentrique (faux colonel, vendue de vêtement, avec qui la directrice se dispute pour une question d’habillement féminin dans un mariage), pour qu’il la raccompagne en scooter rouge. Puis le scooter s’arrête trop longtemps dans un magasin d’électronique, Mina s’échappe, décide de prendre le bus (le scooter semble avoir un grave accident juste après, contre un des bus qu’elle va prendre).

Mina monte dans la partie du bus réservée aux femmes, et discute (ou plutôt écoute) les deux autres âges de la vie : des femmes qui se plaignent de leur déboire conjugaux, une jeune mariée silencieuse mais qui essaye encore de séduire son mari à l’autre bout du bus, une vieillarde bavarde,  qui l’engueule parce qu’elle a refuse de laisser son siège à une mère de famille, dit qu’elle était noble avant la révolution, qui explique qu’elle est rejetée par ses enfants qui veulent la placer en maison, et qu’elle passe ses journées à passer d’un bus à l’autre et d’un banc public à l’autre pour ne les rencontrer qu’au soir. Des Roms jouent de la musique, les passagères lui demandent de leur tendre un billet. Le petit garçon qui jouent du tambourin le prend, c’est presque seul autre enfant du film (la première scène est la classe de fille du primaire joyeuse qui sort de l’école et se disperse très vite dans le trafic de Téhéran, une copine s’inquiète avec Mina de l’absence de sa mère et se propose d’avertir sa propre mère, avant que son père aille la chercher).

Mina croît reconnaître sa mère, sort du bus, traverse seule des énormes avenues congestionnées, prend le bon bus dans la mauvaise direction. Les chauffeurs et les employées sont un peu bourrus, mais pas méchants, ils lui disent un peu sévèrement que la fille ne doit pas monter dans la partie du bus pour les hommes, puis voyant qu’elle est perdue l’aident (mais toujours en la confiant à quelqu’un d’autre).

Dans cette partie le cadrage est étrange. Tout est filmé à auteur d’enfant (la tête des adultes est souvent coupée), mais surtout toute la perspective de la ville, des rues et du trafic est comme écrasée sur Mina. Il n’y a que dans le bus qu’il ya égalité dans la manière de la filmer elle et les adultes, et que la parole circule. Cela fait alors penser à Ten.
On se dit « c’est un film à la fois sur la société iranienne, sur la position des femmes dans l’ordre de la république islamiste, sur le fait que tout le monde semble avoir une demi-adhésion au système, même les plus machos, tout en le suivant, mais aussi sur l’amour de Téhéran, de ses rues, de son trafic: on voit un millier de Paykan, version iranienne de la vieille Hillman Hunter ». Mais voilà, à un moment Mina en marre d’être trimbalée et perdue dans la ville, explose quand le réalisateur lui dit de ne pas regarder la caméra, hurle qu’elle veut plus jouer, balance son faux plâtre et sa veste rouge qui sursignifiait la pauvreté de la famille dans le pare beise. On passe à une image de caméscope ou de super 8 qui montre l’équipe de tournage dans le bus. Une assistante de réalisation, puis un figurant qui jouait un gardien de bus zélé (qui se fait un peu engueuler par le reste de l’équipe de tournage pour avoir été rude avec elle) parlent avec elle pour la convaincre de continuer le tournage. Dans la fiction de ce tournage tous les figurants jouent leur propre rôle, leur propre conviction politique, sont sous-payés et trimballer dans un quartier de la ville qui n’est pas le leur. Mina finira plus tard par retrouver la vieille dame sur un vrai banc, vraiment abandonné.

Elle décide donc de rentrer chez elle à pied et en taxi. Elle connaît en partie le chemin et est en fait plus dégourdie que la fille qu’elle joue. Elle a toujours un micro sur elle, et le réalisateur décide de la suivre en mini bus. Cette dernière partie est très proche de la première, à ceci près que les taxis ont remplacé les bus, et que la petite fille est filmée de loin et souvent hors-champs,   parfois perdue par la caméra qui est plusieurs centaines de mètre devant ou derrière.

Le son donne la continuité qu’il n’y a  pas à l’image : dans un taxi il y a une discussion vive entre le chauffeur et une passagère sur la place des femmes dans le foyer, leur droit de travailler, mais on ne voit pas leur visages, sauf celui du chauffeur, qui à un moment sort pour changer une bombonne de gaz, puis revient dans le taxi en s’excusant alors que la passagère se moque d’elle (ce chauffeur est aussi le seul personnage du film qui se propre d’aider Mina sans la faire payer) : difficile de ne pas se dire que c’est à cause de la force politique de cette invisibilité, crédible, qui ne témoigne que des perception personnelles et spécifiques de la société iranienne plus que de positions politiques liées à une classe, que Panahi est en prison : on ne l’a pas puni d’avoir filmé une idéologie, ou d’avoir filmé un discours féministe, mais d’avoir su filmer la réduction de cette idéologie et ce discours à une opinion, un bloc du réel momentané et mal dessiné mais présent.

-Le film a une structure symétrique : au début du film, quand la première Mina (jouant le personnage) comprend qu’elle est perdue, elle d’adresse à la directrice de l’école, qui ne semble indifférente pour sa mère qui a sans doute eu un problème, et la confie à l’homme au scooter en disant (« si elle se perd je serais responsable »). A la fin lorsque la seconde Mina (jouant l’actrice dans son propre rôle) arrive au bon carrefour de Téhéran, elle demande la fin du chemin à un policier que son père (visiblement médecin) connaît. En en ayant à moitié conscience elle explique au policier le rapport de corruption qu’il met en œuvre lui-même (« mais si vous connaissez mon père : vous avez mis sa voiture à la fourrière parce qu’elle polluait, c’est une Renault 5, et lui a une fois soigné votre mère –sans doute gratuitement »). Le policier fait bien sûr celui qui ne sait rien,  mais Mina demande alors d’être elle-même confiée au responsable de la fourrière qui peut identifier la voiture, et ainsi remonter à la bonne adresse.

La directrice et le policier sont les deux termes des chaînes de conversations que noue la petite-fille, soit deux fonctions d’autorité. Ce sont aussi les deux seuls qui mettent au centre de leur réponse le chemin qu’elle doit prendre pour rentrer chez elle, tout en l’esquivant (ils confient Mina à quelqu’un d’autre, contre son gré, ou au contraire à sa demande). Les autres personnes parlent différemment à Mina, elles ne lui répondent pas directement mais racontent leur propre histoire (qui visiblement ennuie Mina). Comme si le film observait ce qui sépare les fonctions d’autorités (de formation, d’encadrement) du peuple : pour les premiers le récit de soi est une valeur d’usage (comprise littéralement, mais jugée ensuite voire déniée), pour les second une valeur d’échange (ce qui compte est de peser l’égalité possible d’une vie par rapport à celle d’une autre). Singulièrement Panahi indique, en montrant l’équipe de tournage, en laissant les acteurs se plaindre qu’ils sont mal payés pour jouer leur propre  rôle, que le réalisateur considère lui aussi le récit der soi de ses personnages comme une valeur d’usage plutôt que d’échange

-un aspect qui l’a frappé : le film évolue de plus en plus vers le formalisme et l’abstraction : au fur et à mesure qu’il avance on filme la ville comme un magma super personnel, avec des sons discontinus. Mais ce n’est pas platonicien : la forme n’est pas une origine ou une plus grande pureté . Plutôt ce qui résulte de l’épuisement ou de la résolution voire de la mort d’un rapport social (cela me semble la particularité du cinéma iranien : cette idée que la forme est devancée par quelque chose qui est déjà mort ou finissant, qui est de l’ordre du réalisme : il n’y pas un rapport de parallélisme ou d’opposition, mais plutôt d’absorption ou de replacement)

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 ><img src=" />


Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Empty Re: Le Miroir, Jafar Panahi, 1997

Message par Borges Dim 28 Juil 2013 - 12:42

Hi Tony, en mettant en forme (justifié, plus saut) ton texte pour le lire plus facilement, je crois avoir changé quelque chose...y a plus d'image.... désolé, si tu peux la reposter...
Borges
Borges

Messages : 6044

Revenir en haut Aller en bas

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Empty Re: Le Miroir, Jafar Panahi, 1997

Message par Invité Dim 28 Juil 2013 - 21:41

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror10

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror11

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror12

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror13

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror14

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror15

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Mirror16

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Le Miroir, Jafar Panahi, 1997 Empty Re: Le Miroir, Jafar Panahi, 1997

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum