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De la distanciation et de l'identification dans les films d'horreur...

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Message par Invité Ven 17 Mai 2013 - 0:49


erwan a écrit:salut Jerzy.
Le site deadline annonce que Juan Carlos Fresnadillo serait engagé sur un film américain, avec Shia Leboeuf ... http://www.deadline.com/2013/05/cannes-28-weeks-later-helmer-juan-carlos-fresnadillo-and-shia-labeouf-take-villain-turn/
Auparavant il avait été pressenti pour diriger l'adaptation de bioshock mais Ken Levine ne semblait pas lui faire confiance et finalement le projet a été annulé.
Lié à cela le four qu'a subi intruders au box office - Les sites de geeks l'évoquent à peine quand ils parlent du réalisateur - les dernières années n'ont pas dû être faciles pour lui Smile.
au niveau cinéma fantastique, j'ai vu le dernier Rob Zombie, the lords of salem, un petit film, plutôt charmant, sur la hantise qu'est la cinéphilie, avec comme métaphore une malédiction portée sur la descendance des femmes dans la ville de Salem. Ca ressemble assez à du Carpenter, première manière.
C'est cette influence du cinéma d'horreur du passé, faut il s'en éloigner, la combattre, ou en suivre résolument les traces, qui mène le film à son terme, modestement, avec un sentiment du tragique, un fatalisme revigoré, bandé. Plutôt une jolie surprise.
Je connais pas les autres films de ce type.
De la distanciation et de l'identification dans les films d'horreur... Rzlos

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De la distanciation et de l'identification dans les films d'horreur... Empty Re: De la distanciation et de l'identification dans les films d'horreur...

Message par Invité Ven 17 Mai 2013 - 0:53

Salut Erwan.



Oui, vu aussi le Lords of Salem de Rob Zombie (je vois un nombre incroyable de films fantastique/horreur ces temps-ci, par le streaming - même plus le temps d'en causer, pf. *): ai trouvé ça vraiment pas mal de sa part, qui se ressaisit ici - et ça fait plèz - après s'être fourvoyé dans deux remakes de Halloween - standardisés, sans âme et à côté de la plaque.

On retrouve dans ce Lords of Salem les qualités de ses premiers: gros travail graphique, soundtrack de malade, perfection dans le choix des morceaux (bien sûr, il est musicien avant tout), dimension méta-filmique, cf. infra. On y retrouve aussi sa délicieuse épouse et muse Sheri Moon (qui a pris néanmoins ici un petit coup de vieux, normal...). Dans l'ensemble, j'ai cependant trouvé que c'était un chouïa redondant (la référence insistante à Rosemary's baby, notamment, finit par lasser), et qu'il en faisait trop dans le maniérisme opératique, au détriment de l'atmosphère. Mais bon, ne boudons pas cette chouette petite pelloche.

J'aime à recommander, chaque fois qu'on m'en donne l'occasion, les deux premiers Rob Zombie:
house of the 1000 corpses, et
the devil's rejects.
Le second étant la suite de l'autre, mais dans une veine totalement différente.
Le premier est une espèce de gros trip électrocuté (traitement graphique et musical déjà à tomber: peut-être même son meilleur de ces points de vue) qui, sans être du "second degré" (tant mieux...) a ce côté "méta-cinématographique". Le paradoxe intéressant avec Zombie, c'est que justement la constante dimension "réflexive", "référentielle" (là, c'est Hooper et son TCM qui sont au centre de ses modulations amoureuses circus-freaky) n'annule pas du tout chez lui l'immersion, la dimension viscérale & sensorielle du trip. Aux antipodes d'un Wes Craven, quoi. (Cf plus bas l'habituel problème de la "distanciation" et de sa fausse vertu dans ce domaine particulier).
Le second dans un traitement plus réaliste, sec, à la Peckinpah. Pour un résultat assez inoubliable, atteignant même une sorte d'émotion lyrique, de poésie de la "route" (dans le final, d'anthologie: mais faut rien en dire).
Autre effet du paradoxe en question: cette coexistence de l'aspect "viscéral/premier degré" et de l'aspect "réflexif/distancié" suscite une schize de même nature dans les processus d'identification/rejet du spectateur: il est d'une part horrifié par cette galerie de freaks-marginaux, leurs crimes atroces, et d'autre part - sans synthèse possible - les trouve "attachants" (en ce qu'ils seraient, à titre de fiction, personnages de conte macabre - sorte de "retour du refoulé -, le "déchet" irrécupérable de la grande Amérique, morale, saine, etc - l'Amérique du fric et de la réussite).
Le même "chiasme", non-dialectique, assumé en tant que non-dialectique (les deux dimensions - sympathie/rejet - restent séparées sans relève de l'une par l'autre), opère dans Lords of Salem. Les sorcières sont d'une part l'objet de la peur répulsive, et de l'autre objet d'une certaine sympathie (en tant là encore que "retour du refoulé": notamment par leurs permanents blasphèmes gratinés, qui salissent toutes les valeurs de l'Amérique chrétienne - ce dont RZ finit par tirer un effet de comique défoulant, quoiqu'un peu facile).


Ces deux premiers films, je n'hésite pas à les classer parmi les meilleurs films du genre, de la décade.




* Vite fait. Ont retenu mon attention, à divers titres: V/H/S (nième "found foutage": composite, avec des bas très bas mais des hauts incroyablement intenses), Tony (chose britannique de très mauvais goût, forme de satire nihiliste virulente de la violence économique et sociale), May, corridor, resolution. Surtout Insensibles (déjà mentionné), et Dark skies - petit film fauché qui sur le thème archi-rebattu d'une invasion alien parvient à distiller, pour moi, une atmosphère plus prenante que plein d'autres.

Quant à Mama, produit par Del Toro, qu'on vante un peu partout: recyclage archi-bof, et la créature numérique, à la gestuelle faussement imprévisible, est d'un ridicule "pseudo-dark-waltdisneyien" achevé. 50 coudées en dessous de son autre prod don't be afraid of the dark (mais snobée, elle) dont j'ai fait un bref éloge ici.

Autre bouse languissante, célébrée je sais pas trop pourquoi: Nouvelle cuisine. Une purge hong-kongaise complète.
Autre œuvrette insignifiante largement surestimée par la Critique ayant pignon sur rue/toile: le remake de Evil dead, qui nous sert le set complet des effets & bidules téléphonés qu'on n'ose plus refourguer depuis 15 ans, même à des spectateurs n'ayant vu que 3 films d'horreur dans leur vie.

Le ponpon du tromblon étant selon moi atteint par le remake de Maniac avec Elijah Wood, par un certain Franck Khalfoun recruté pour servir les faux-bons concepts remakeurs de l'opportuniste et (presque toujours) sans talent Alexandre Aja (j'avais assez goûté son Mirrors).

Le Lustig était déjà à mes yeux une corvée pénible pour collégien en retenue, pellicule d'exploitation de 5è zone incompréhensiblement culte.

Alors là mes zamès, je comprendrai jamais: cet usage lourdingue et stéréotypé de la caméra subjective - un des poncifs du langage cinématographique les plus éhontément rabâchés. Censément l'acmé de "l'immersion" qui te-fait-vivre-toi-spectateur-à-l'intérieur-du-dedans-de-la-tête-d'un-vilain-psychopathe-effrayant". Parce que tu-vois-tout-depuis-les-yeux-du-gars-lui-même, t'es supposé vivre une expérience "extrême", ou "dérangeante" ou je ne sais quoi de l'inquiétante étrangeté. Procédé d'intérêt triple-zéro sur le plan dramaturgique, produisant l'exact inverse de ce qu'il ambitionne - à savoir une distanciation maximale -, et dont l'apparence de vain exploit purement technique semble mettre en transe certains amateurs.

Ou alors, à l'inverse, c'est cette "distanciation" qui est louée: comme si cet artifice éculé allait produire on ne sait trop quelle "mise en abyme de la vision": du spectateur regardant un film depuis la position d'un protagoniste lui-même spectateur. Waouw - du coup ça te fait saisir quelque chose d'incroyablement vertigineux; ça te rappelle à ta "situation de spectateur"; tu deviens - quelle saisissante expérience réflexive - quelque part le sujet du film que t'es en train de regarder; ça te donne l'occasion de "méditer", de "réfléchir" (au cas où ça ne t'aurait jamais traversé ni l'esprit ni les sens - selon l'antienne sémiocritique du spectateur-collé-passivement-à-la-vitre) sensoriellement [sur] le fait que t'en en train de regarder un film.

Genre de pignolage pseudo-théorique méta-truc qui était le pont-aux-ânes de la réflexion sur le discours cinématographique, ou littéraire, ou pictural, dans les années 70 "structuralisantes". Et qui semble encore une sorte d'Everest de profondeur dans certaines facs de cinéma où on fait de laborieux exercices d'analyse filmique sémio-rhétorique. On l'a assez souligné: la chose que supporte moins le "genre", c'est la "mise-en-abyme", le second degré, le clin d’œil, l'understatement, les trucs de réflexivité à deux balles, ou n'importe quoi qui te fasse sortir du film, n'importe quoi destiné à te rappeler (volontairement ou involontairement) que tu es en train de regarder ce film. Le "genre" angoisse/horreur/etc étant, comme le rappelle souvent Borges, celui qui repose sur un acte de foi absolu de la part du spectateur. L'auteur du film doit absolument prendre au sérieux l'histoire qu'il raconte, la peur qui en est le motif, comme il doit absolument prendre le spectateur & sa (possible) peur au sérieux. ***


A ce titre, des films aussi tartignoles-à-la-crème que jadis Angoisse de Bigas Luna sont encore célébrés comme d'ébouriffants et jouissifs "exercices de style" qui sont un pur "plaisir de cinéma", etc.

([Achtung, grösse spoilers. Pour les chanceux qui l'auraient jamais vu.] Avec ses soporifiques et attendues "mises en abyme" de film-dans-le-film-rhzz: attention mec, accroche-toi bien. Tu regardes un film d'horreur au cinéma qui montre des gens qui regardent un film d'horreur dans une salle de cinéma "a". Dans le film qu'y voient, y a un malâât qui enlève au bistouri les yeux des spectateurs dans une salle de cinéma "b" projetant d'un film d'horreur kitsch avec des dinosaures.. Et dans la salle "a", y a un mec - qu'a trop vu le film avec le gars au bistouri, ça l'a manifestement trop impressionné et ça l'a rendu malâât lui aussi - qui sort discretos de la salle pour aller faire du tir de ball-trap dans les gogues, au comptoir, etc. Alors du coup, toi, spectateur qu'es dans une salle de cinéma à mater un film qui montre un mec qui fait du ball-trap à l'extérieur de la salle du cinéma "a" où des gens regardent un film sur un mec enlevant les yeux des gens dans la salle de cinéma "b", tu commences à avoir les pépètes (t'expliquait Bigas Luna): tu vas pas pouvoir t'empêcher de te retourner - comme les gens dans la salle "a" - pour voir si y a pas un malâât derrière toi prêt à t'enlever tes yeux avec un bistouri. Et tu te retiens d'aller faire pipi, des fois que tu tomberais sur un maniaque rôdant dans les gogues ou à l'accueil.
Ben ouaih: un mec qu'a déjà vu ce film trop de fois, comme dans le film... etc, et rhzzzzz. Moi, j'avais vu ce film en salles à sa sortie (gros effet de bouche-à-oreille, LE truc à voir disait-on). Je trouvais ça tellement poussif et surligné, dans le postulat pavlovien mécanique (sans parler de l'esthétique criarde où tout le monde semble sapé comme dans Flashdance avec la moumoute peroxydée de Jakie Quartz), que ce fut un calvaire d'agacement et d'ennui mortel. Plus le truc de la spirale qui revient comme une scie, avec laquelle mommy zelda hypnotise son grand dadais qui bosse dans l'bistouri, et qui porte les lunettes d'Henri Chapier.
Je me suis jamais retourné, of course: peur - la seule vraie peur authentique que j'ai eue pendant la séance - de passer pour un demeuré congénital aux yeux de la personne derrière moi ou à côté de moi.
Je l'ai même revu récemment en dvd, pour lui donner sa deuxième chance: le même ennui mortel, mais obviously sans la peur de passer pour un demeuré.
Mais attention: on peut aller plus loin encore - film-dans-le-film-dans-le-film (dans le film) - oh mamma mia jusqu'où peut-on ne pas s'arrêter comme ça ?- mais bon sang arrêtez c'est trop d'angoisse, ma tête va exploser comme dans Scanners, c'est trop plus fort que du roquefort!)


Comme pour l'autre nanar cultifié Schizophrenia - aka Angst de Gérard Kargl, qui, lui, exploitait le filon usé de Maniac, mais sur le versant sonore: le monologue expressionniste en voix off, constamment ridicule, avec halètements et tout le bataclan. Dans la plus pure épocalité kitsch-eighties, saturé par la BO de Klaus Schulze hélas pas inspiré sur ce coup.

Film dont j'avais causé ici l'année passée :

- Schizophrénia (GK):

le nombre de gus qui se tirlipotent le zgeg sur ce machin minuscule qu'on redécouvre 30 ans après et qu'on auréole des titres publicitaires d’œuvre maudite, radicale, malsaine, tétanisante, traumatisante, etc, etc. Franchement, faut pas déconner. C'est d'un kitsch, d'un risible. Bon, on sent une prétention "arty" dans ce qui aurait pu être un épisode de la série Derrick, là-encore, en plus trash-glauque (quoique, les Derrick, je connais bien, c'est bien plus trash-glauque qu'on le prétend). Y a tout ce côté expérimental, si on veut, cet exploit esthético-technique des prises de vue faites à partir de miroirs fixés à la caméra. L'image est belle, le chef op polonais est un mec très intéressant, à l'écouter sur le bonus. Kargl a l'air également d'un bon gars, qui s'est endetté jusqu'au cou pour concrétiser son désir de cinéma "total" ou "radical".

(Gaspar Noé, comme dab, grand admirateur de daubasses inspirant ses propres daubasses, semble se faire pipi dessus comme un môme de 6 ans avec des propos d'une rare puissance spéculative, genre: "Karl et Zbig ont pas fait d'autres films ensemble, mais en tout cas, s'ils en avaient fait d'autres, eh bien j'aurais été très heureux de les voir".)

Mais à l'arrivée, faut bien oser le dire, ça casse pas trois pattes à un canard. Y a des tas de "connaisseurs" qui nous confessent que ce machin les a traumatisé à vie et les hante à jamais. On me fera pas croire ça. Henry, quoi qu'on en dise, c'était bien plus oppressant. Aucun rapport avec Funny games non plus, auquel on n'arrête pas de le comparer.
Lâchons le mot: c'est ennuyeux comme la pluie. Avec ses gros plans éculés de visages convulsifs et sa fausse-bonne idée prototypale du monologue en voix off du psychopathe (qui déploie toute la batterie convenue du fou en transe, grosse dépense physique de sa personne, sueur et tout le truc). Soi disant: oh mon dieu, on rentre vraiment à cause de ça à l'intérieur de la tête du mec, on avait jamais fait ça. Tu parles, on n'arrête pas de faire ça, et c'est un dispositif parmi les plus convenus et neuneus. Les pensées du mec, que voilà une plongée hallucinante dans l'esprit d'un "fou": "oh je vais les tuer, je suis tout excité, ma grand-mère n'était pas gentille quand j'étais petit, ah lui je vais l'étrangler, puis je m'occupe de la fille, je vais lui faire très peur, je vais leur faire très peur à tous, blablabla". Ri-di-cule. Faudrait expliquer, un jour, à tous ces impressionnables à la noix, que les "pensées" d'un psychopathe, c'est aussi banal et inintéressant que les "pensées" de n'importe quel non-psychopathe, qu'il n'y a aucun mystère fascinant dans ce qu'on nomme la "folie", aucune traversée du miroir, aucune "exploration de la face cachée, du monstre qui est en nous" etc. Les films vraiment effrayants, glaçants, sont précisément ceux qui parviennent à nous faire saisir au contraire l'absence de cette "intériorité" ou l’impossibilité de cette prétendue "intériorisation" des personnages monstrueux et de leurs actes monstrueux.
Le problème de l'identification est ainsi plus complexe que ça. Pour rentrer dans une histoire d'angoisse ou d'horreur x ou y, le spectateur a bien sûr besoin de s'identifier à ce qu'on lui raconte, au monde qu'on met en scène. Mais non pas, comme l'imaginent à tort ceux qui trouvent formidable cette fausse-bonne idée, en se trouvant placé sous le "point du vue" ou la "vision subjective" de l'assassin, ou du monstre: ce qui au mieux ne peut produire selon moi qu'une "dés-identification", donc l''ennui ou l'agacement qui en résultent. Au contraire, règle que confirment les meilleurs films du genre (tous ceux qu'on a abondamment discuté ici), en s'identifiant au point de vue de la victime, du témoin - qui ne comprennent pas ce qui leur arrivent, qui sont incapables, comme nous spectateurs, d'intérioriser, d'introjecter cette violence là, cette inhumanité là, comme une composante de leur "subjectivité".
Ou alors - et c'est ce que font tous les mauvais films d'horreur (slashers débiles indéfiniment reproduits) qui pour le coup ne sont pas spécialement ratés (au sens d'inefficaces) mais surtout et essentiellement puants, immondes -: il s'agit de proposer au spectateur un défouloir à son désir de violence, à ses pulsions censément sadiques.
Dans ce cas, soit l'assassin, le monstre, est au fond sympathique, celui à qui le spectateur peut s'identifier, parce qu'il s'en prend à des caricatures méprisantes d'êtres humains, et que c'est une joie très primaire que d'assister à leur mise à mort.
Soit la victime, à laquelle le spectateur s'est identifié, se comporte selon deux schémas intériorisables et cathartiques pour le spectateur: 1. soumise à un traitement dégradant atroce, elle se venge dans un déluge d'hémoglobine et de mutilations en tous genres; 2. elle se voit nécessairement contrainte, pour survivre, de se transformer elle-même en monstre sanguinaire ultra-violent.




*** C'est notamment à ces occasions qu'on saisit à quel point les analyses d'un Debord sur la "passivité" fondamentale du "spectateur" (analyses où il ne fait jamais que décliner le concept brechtien de distanciation) sont datées et faussées. Postulant une adhésion sans distance réflexive du spectateur à l'écran, depuis laquelle il faut partir pour "briser" sa dépendance imaginaire, sa dépendance à l'image. L'imaginaire étant dans le paradigme psychanalytique lacanien le régime platonicien de l'illusion, du leurre, de la tromperie, mais encore et surtout le symptôme d'une régression infantile, la manifestation d'une fuite hors du Réel et d'un déni du Symbolique.
Or le spectateur d'un film, tout comme le lecteur d'un roman, attendent justement de ce film, de ce roman, ou toute machine à "fictionner", l'expérience privilégiée qui sera pour eux une occasion de pratiquer en quelque sorte le contraire de ce que dans la phénoménologie de Husserl on nomme une "épochè" (ou suspension/neutralisation de la "thèse naturelle": cad de la croyance, adhésion, à l'existence des objets déjà constitués en "nature" par les prédicats psychologiques, la doxa, qui sont un rapport "faussé" à la "chose même" etc).
Délibérément, par décision, le spectateur ou le lecteur cherchent, dans et par l'art du romancier ou du cinéaste, à être "manipulés": enveloppés, englobés dans un Monde qui a sa cohérence et sa congruence propres en dehors d'un Réel qu'il savent reconnaître comme tel. C'est une passivité active. Une réceptivité productrice. Une production réceptrice (ce qu'est l'imagination transcendantale pour un Kant). Voire une imagination productrice (pour un Heidegger). Il désirent adhérer à une fiction, par l'acte de foi ou de croyance qui rend réel cet Irréel . Ce n'est pas qu'ils soient Idiots, passivement manipulés, confondant le "réel" et "l'irréel", incapables de faire la différence entre "réel" et imaginaire", prenant tels des "gogos" le reflet pour la chose, l'image pour la réalité, l'illusion pour la vérité. C'est au contraire parce qu'ils expérimentent et savent très bien cette différence qu'il peuvent suspendre cette différence, suspendre activement l'épochè elle-même (laquelle vise le retour à la chose-même, antéprédicatif, antéfictionnel...).
Aussi la théorie debordienne repose sur la vision la plus pauvre possible de ce que peut être non seulement l'imaginaire, mais encore le réel et le symbolique. Pauvreté, misère, de l'imaginaire (des masses, uniformisées ou au contraire atomisées) qui entraineraient conséquemment ce qu'un Stiegler se plaira plus tard de nommer, en rabâchant l'antienne psychanalytique, la pauvreté ou la misère du "symbolique", ainsi que la "déréalisation" ou "aliénation" du Réel. Soit encore, en toute simplicité, le règne de la "psychose" (les "masses" consuméristes sont "psychotisées"). Dimension mimétique de l'art qu'Adorno condamnait déjà dans les mêmes termes: réification, massification, aliénation, régression, psychotisme etc.

Aussi Debord, en platonicien fondamentaliste, ne pouvait théoriser le "spectacle" ou tout autre régime des fictions réclamant une passivité (en réalité active, productrice) que comme constituant un obstacle, barrage, écran, à la conscience, à la prise de conscience réflexive, par le spectateur-consommateur-passif, d'un Réel que ce spectacle ou ce régime renversent en leur contraire (cad une Illusion ET l'inconscience de baigner dans une illusion).
Aussi sa "stratégie" iconoclaste (d'inspiration brechtienne) consistant à prétendre réveiller le spectateur de son "sommeil dogmatique", en "brisant" ce qu'il postule principiellement comme l'obstacle à cette saisie réflexive: le "spectacle" (nécessairement passif, sans conscience, consumériste, hébéphrénique disait Adorno), en mettant le "spectacle" en abyme, en rappelant constamment au spectateur (ce qu'il serait censé ignorer ou refouler, le pauvre) qu'il regarde non un Réel mais des images, des analogons, des artefacts, des fictions, des illusions, etc, - cette stratégie est de nature aussi absurde, convenue et contre-productive que cette volonté westcravienne et autres de "mettre en abyme" leur films d'horreur.
Pour un résultat qui est juste une tautologie pauvre, que personne ne peut au fond ignorer: les images ne sont que des images, vous adherez comme des benêts à ce qu'on vous raconte, mais c'est fini, ce temps là. Le temps critique est venu, celui de "on ne nous la fait pas!"; "même pas vrai!". Tout ce qu'exigeait le sérieux du conteur, du faiseur, qui réclame l'acte, libre, de foi dans l'imaginaire, ou activement passif, réceptif, est renvoyé au domaine de la farce, du second degré, du clin d’œil, du scepticisme cynique. L'objet ouvragé par le conteur, le faiseur, est l'objet même qu'il méprise le plus: il n'y croit pas, il s'en moque, comme sont appelés à ne pas y croire et s'en moquer ses spectateurs. Cette disposition soi-disant critique au sens d'iconoclaste manifeste l'exact contraire d'une croyance en la possibilité de l'Art, au sens le plus général, aussi bien dans sa condition de production que dans sa condition de réception. Résultat - inverse de ce qui est visé: appauvrissement de l'imaginaire, donc du rapport au réel, donc de sa symbolisation, au profit du rappel tautologique d'un Réel plat et sans intérêt - Réel à rappeler de toute urgence à ceux qui n'auraient pas compris, vu, qu'ils consomment des images, des fictions; Réel douloureux, à rappeler, par une anamnèse choc brisant les phantasma, aux gogos aliénés, infantilisés, qui voudraient tant le fuir dans la foire aux illusions (allant cueillir des remords dans la fête servile, comme disait l'autre): A = A, et le reste n'est qu'illusion... Réveil salutaire, à partir duquel chacun pourra lutter pour redevenir maitre de sa vie aliénée, and son on... °°°










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Message par Borges Ven 17 Mai 2013 - 17:58

Hi Jerzy : Ca fait plaisir de voir que tu as réussi à échapper au trou noir enculture, et que tu as récupéré ta puissance d'écrire et penser "sur" des films; pas faire le point, tracer des lignes de fuite : Wink

Borges
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De la distanciation et de l'identification dans les films d'horreur... Empty Re: De la distanciation et de l'identification dans les films d'horreur...

Message par Invité Ven 17 Mai 2013 - 18:00

j'avais lu ce truc qui est en certain rapport avec ton sujet


http://ludicine.ca/sites/ludicine.ca/files/Perron%20-%20Iris%20-%201995.pdf

salut Borges au passage

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