Holy Motors
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balthazar claes
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Re: Holy Motors
Ceux qui célèbrent Carax aujourd'hui sont les mêmes qui l'ont empêché de tourner pendant vingt ans. Et oublions pas que comme Roger Corman distribuait Bergman et Fellini grâce à ses séries B, Christian Fechner a sauvé "Les Amants du Pont-Neuf" avec l'argent des "Charlots". Beau film sinon Holy Motors mais un peu triste.balthazar claes a écrit:. Evidemment et sans trop d'étonnement, c'est Pola X qui est présenté comme étant son "chef d'oeuvre". Un film qui a été démolit par tout le monde, parfait pour asseoir son statut de Génie incompris.
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Mangeclous a écrit:Ceux qui célèbrent Carax aujourd'hui sont les mêmes qui l'ont empêché de tourner pendant vingt ans. Et oublions pas que comme Roger Corman distribuait Bergman et Fellini grâce à ses séries B, Christian Fechner a sauvé "Les Amants du Pont-Neuf" avec l'argent des "Charlots". Beau film sinon Holy Motors mais un peu triste.balthazar claes a écrit:. Evidemment et sans trop d'étonnement, c'est Pola X qui est présenté comme étant son "chef d'oeuvre". Un film qui a été démolit par tout le monde, parfait pour asseoir son statut de Génie incompris.
C'est pas moi qui ai écrit ça, c'est Doc Apfelgluck. D'ailleurs moi j'aime plutôt bien Pola X, surtout si tout le monde l'a démoli. Ça doit être le film le plus linéaire de Carax, celui qui ressemble le moins à une compilation de morceaux de bravoure et le plus à un récit, et le pauvre fils Depardieu y est attendrissant, quand il se balade dans les rues avec Golubeva, sous le soleil en tirant sur sa clope, là, vers la minute 57 : https://www.youtube.com/watch?v=0XumlH6hAK0 . Il y a aussi Sharunas Bartas qui s'y autoparodie, c'est plus rigolo que Kylie Minogue. Puis en fait je ne hais point Carax, et ça fait vingt ans que je lui fous une paix royale, en ce qui me concerne. Les spectres ont certes un dossier en réserve, parution courant 2014, qui prend le parti de réfuter Holy Motors, film morbide, pompeux, nombriliste et apolitique, contre le consensus critique qui l'a encensé. Tous à vos agendas, ça va dépoter grave.
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Holy Motors
magnifique il faut que le revois sans tarder, la première fois me suis trop fait emporter par la vague.
Qu'est-ce qu'il a BC ? Et sinon c'est dans Spectres#2 ?
Qu'est-ce qu'il a BC ? Et sinon c'est dans Spectres#2 ?
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Si même toi tu n'achètes pas la revue des spectres, qui nous lira ? y a deux longs articles violemment anti-Holy Motors dans le numéro 2 ; l'un de Pietro Torrigani titré "Cinéma déjà-mort" ; l'autre qui développe le texte au début de ce topic. Moi ce que je dis surtout, c'est que Carax se prend pour l'ennemi public numéro un, comme Houellebecq et BHL ; mais qu'en fait il est aidé pour faire son film par la femme du président, pour faire un film larmoyant et narcissique encensé par tous les critiques.
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Holy Motors
j'ai déjà dit que 20 € c'est trop cher.
j'ai bien compris que le problème avec Carax c'était sa mécène. Personnellement je m'en moque. J'avais vraiment aimé Pola X, j"ai aimé celui-là, mais je n'irai pas contre le courant mean stream. Aucun intérêt, c'est publié. J'apprécie seulement la (large) filiation de ce film, qui pourrait aller de Cocteau à Wenders en passant par Nicholas Ray dont le dernier film, justement, s'intitule We can't go home again.
Je suis sensible à la noirceur subsumée de ce film, et je n'ai aucun à priori de quelque sorte que ce soit contre son auteur. Je n'en fait donc pas une affaire de personne qui me semble la meilleure voix de garage pour parler d'un film.
j'ai bien compris que le problème avec Carax c'était sa mécène. Personnellement je m'en moque. J'avais vraiment aimé Pola X, j"ai aimé celui-là, mais je n'irai pas contre le courant mean stream. Aucun intérêt, c'est publié. J'apprécie seulement la (large) filiation de ce film, qui pourrait aller de Cocteau à Wenders en passant par Nicholas Ray dont le dernier film, justement, s'intitule We can't go home again.
Je suis sensible à la noirceur subsumée de ce film, et je n'ai aucun à priori de quelque sorte que ce soit contre son auteur. Je n'en fait donc pas une affaire de personne qui me semble la meilleure voix de garage pour parler d'un film.
Invité- Invité
Re: Holy Motors
balthazar claes a écrit:Petit soliloque impressionniste à propos d'Holy Motors
"Le livre de la vie limpide et grimaçant"
Profession : génie. Carax fait dans le genre "vous n'avez jamais vu ça". Personne n'est aussi libre que moi. Allez vous faire foutre, c'est moi Abel Gance et Napoléon aussi. Je suis fou, oui, je suis l'artiste, c'est moi le roi. La plupart des critiques professionnels ont été littéralement aplatis par le film. Ils ne peuvent pas en parler ; acculés à s'extasier pour ne pas perdre la face. Le film ne ressemble à rien, ne cesse d'insulter les conventions esthétiques et narratives les mieux admises, délire sans se gêner sur tout et n'importe quoi, et pourtant fait film. Il fait un tout. Sa forme outrée, hérissée d'outrances le rend inattaquable. C'est tout le temps qu'il va trop loin, il aligne faute de goût sur faute de goût, il le sait très bien, tout le monde le voit et le bon goût devient dans son ombre une chose mesquine et méprisable. C'est libérateur, de la vraie bonne catharsis. Obsessions : le sexe, le meurtre, les monstres, la misère, la mort. Ça agresse et ça dézingue, ça fait un grand courant d'air. Le Saint Vomi de Carax purifie l'atmosphère.
Le film n'aurait pas pu se faire sans l'ex-première Dame apprend-on. On aura donc là le film signant l'époque du grand cinéphile NS. Un looseur, à la française. Moi l'auteur, je suis plus que politique. Cantat est là aussi dans un coin. Parlez-moi de multiplicités, d'interrègnes, de noces aparallèles. I was here before. L'identité nationale c'est moi et mes métamorphoses. Les roumaines qui font la manche ça me fait pas peur, ça me fait marrer, je les imite si je veux. Les ploucs de banlieue pavillonnaire, moi je les compare à des singes - et vous voudriez m'empêcher de tourner ? La burqua parlons-en, moi je dis Merde à la burqua - mais en même temps j'embrasse tout ça, je prends tout ça sous mon aile. Je suis la grande machine à laver de mon époque pourrie, je fais du beau avec du laid, puis du laid avec ce beau, rien ne m'arrête. Je suis Godard pas encore au musée, je travaille la pâte du réel à mains nues et les yeux grands ouverts.
Car moi je travaille le lieu commun. "Il suffit de concevoir que les vrais lieux communs sont des paroles déchirées par l'éclair et que les rigueurs des lois fondent le monde absolu de l'expression hors duquel le hasard n'est que sommeil". Ouais. Mauvais goût et lieu commun deviennent les piliers d'une esthétique. Le mauvais goût permet de dégager les contours de l'authentique lieu commun, il fonctionne comme une boussole à l'envers. Défiguration systématique, poétique de la défiguration. Carax sature le maniérisme au point de l'excéder.
Chaque scène se veut morceau de bravoure et blasphème, aucune qui ne vise le record d'audace et de convulsion. Carax se jette sur tous les sujets brûlants. Pas qu'il ait grand chose à nous en dire, de ces sujet brûlants. Il vient plutôt se placer là où ça se passe. L'impudeur guide le travail de Carax. La fameuse scène avec Eva Mendes ne frôle pas le ridicule mais le percute de plein fouet. Bravade, effondrement. Deleuze parle du mur du signifiant, qu'il ne sert à rien d'essayer de briser, on s'y casserait les dents, il est notre irrémédiable limite. Ce qu'on peut seulement tenter, c'est limer ce mur patiemment. Carax dédaigne cette prudence, il emploie une autre méthode : celle de l'acrobate. Denis Lavant se précipite sur le mur, prend appui sur lui et fait une pirouette dans les airs à la matrix avant de retomber indemne. Les acrobates savent rebondir sans se blesser. La course de Lavant, trademark caraxien, se conclut en séries de défaites et d'interruptions. Galoper pour arpenter à toutes vitesse une multitude de voies de garage. Si on laisse un flipper entre les mains d'un joueur un peu sérieux, la bille finira par explorer de manière exhaustive son territoire potentiel. Carax joue au flipper et Lavant va se cogner de partout.
Du grand n'importe quoi. Mais toujours le trait est si net, si limpide. Et ce n'importe quoi n'est pas recherché en lui-même, car c'est la fuite qui importe. Il s'agit tout d'abord de surprendre le public, de hérisser son attente blasée. C'est une éthique du spectacle qui s'oppose à la consommation des images, au rassurant prémâché des rengaines scénaristiques. Ces procédés qui prennent la main du spectateur et, le contraignant à penser à la place du film, lui proposent une petite visite guidée d'une thématique quelconque. Ce sont des films qui évoquent des problèmes, là où Holy Motors est le problème.
Parce qu'il ne va nulle part, le film se tient près de nous. Tous les autres films s'occupent d'eux-mêmes et de leurs petits effets, sont tournés sur eux-mêmes. Celui-là non. Au travers des postiches et des fausses cicatrices, on est de plain-pied avec le film. Le film est de plain-pied avec nos vies. Très au présent, ici. Aucune distance entre lui et nous, hormis celle, cent fois changée du masque de latex de l'acteur - : du medium. Il n'y a plus de pellicule entre nous et les films, s'afflige Carax, mais il faut faire avec cette absence. Ronde des masques. Des éclats de fiction, des ruines de récits flottent épars. Syndrome de Shéhérazade. A chaque fois in extremis éviter la désintégration. On n'y croit pas et pourtant si : en une demi-seconde, en une seule image, disons deux, on peut se trouver plongés dans une nouvelle fiction quelconque, et même au point d'incandescence de cette fiction. Ça fait partie des propriétés de l'espèce, on a tous une Margot éplorée embarquée à bord. Elle peut très bien s'accommoder de l'épopée du discontinu.
"C'était toujours des changements brusques, tout était à refaire, et ça n'en valait pas la peine, ça n'allait durer que quelques instants et pourtant il fallait bien s'adapter, et toujours ces changements brusques. Ce n'est pas un si grand mal de passer de rhomboèdre à pyramide tronquée, mais c'est un grand mal de passer de pyramide tronquée à baleine; il faut tout de suite savoir plonger, respirer et puis l'eau est froide et puis se retrouver face à face avec les harponneurs, mais moi, dès que je voyais l'homme, je m'enfuyais. Mais il arrivait que subitement je fusse changé en harponneur, alors j'avais un chemin d'autant plus grand à parcourir. J'arrivais enfin à rattraper la baleine, je lançais vivement un harpon par l'avant, bien aiguisé et solide (après avoir bien fait amarrer et vérifier le câble), le harpon partait, entrait profondément dans la chair, faisant une blessure énorme. Je m'apercevais alors que j'étais la baleine, je l'étais redevenue, c'était une nouvelle occasion de souffrir, et moi je ne peux me faire à la souffrance."
Le film n'essaie jamais de faire croire, il découd ses propres effets, c'est l'émotion sans la croyance. On est de plain-pied avec un film au présent car hors-fiction, hors-croyance, un film qui dé-représente. Ce que perd la représentation est récupéré du côté de la présence. Faut-il disparaître dix ans pour que la simple non-absence devienne une sorte de prodige ? Retour du fils prodigue. Show business christique.
ah parce que tu n'aimes pas ce qui est immédiat, poétique, populaire au sens ou les sensations, les sentiments, l'expérience du beau ou même de la vulgarité sont habituellement les choses du monde les mieux partagées - sauf pour quelque happy-few, bien planqué derrière son pseudo, clavier motor de gloire à la face de trois pelés et deux tondus, comme notre Oscar derrière les vitres de sa limousine - et ne goûte que ce qui est transcendance, traversée du miroir. Bouh le corps quelle horreur !!
Pas de chance ça existe.
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Séance de rattrapage, comme toujours.
Doux Jésus, quel nanar atteint d’éléphantiasis, ce Holy motors.
Dès l'ouverture, je me suis senti cerné par une imagerie "surréalisante" tarteàlacrèmifiante, qui n'augurait pas que des bonnes choses. Le type en pyjama, avec les lunettes Armani à verres fumés (fabriqués à Lausanne) sorties de chez Ardisson, la choucroute à pointes qui retombent estampillée "pop star punk has been des eighties", mélange de Jackie Quartz, Louis Bertignac, Catherine Lara après une chimio, j'avais pas capté d'emblée que c'était Carax en la personne de lui-même.
Ainsi donc, c'était une audacieuse mise en abyme, comme on en fait à tire larigot dans des spectacles de théâtre subventionné d'avant-arrière garde: l'artiste-metteur en scène se met en scène, tâtonne d'un lent pas dans un novotel, en longeant un papier peint mysterioso qui, en trompe l’œil, suggère quelque forêt nocturne de bouleaux nordiques d'une phosphorescence blafarde du plus bel effet. On croirait vraiment pouvoir s'agripper aux branches. C'est alors que se révèle, on ne s'y attendait pas du tout, une entrée dérobée et secrète menant aux mystères envoûtants et profonds d'un moi-tout (détenant la clef, par la magie méliesque de l'enfance, de la boîte à malices de ses souvenirs nostalgineux). Une ingénieuse ingénierie sonore artisanale nous évoque un gros cargo melvilien en partance, plein de fret lourd de 13 années de miroirs brisés qui portent malheur.
Comme dans les meilleurs films ratés de Jaco Van Dormael allant chercher (avec son mister nobody) son magritte d'or avec les dents, on sent qu'on va faire une espèce de voyage pas commun. D'autant moins commun et planplan que l'artiste débouche, comme de juste, sur le balcon d'une scène de cinéma-théâtre, où une salle de spectateurs semi-zombiques nous alerte que le cinéma en tant qu'objet réflexif de réflexion réfléchissante, va donc être le cœur et le sujet d'un dispositif très osé, qui va questionner quelque part son devenir, l'avenir de son passé, surtout, et placer l'artiste exilé en blanc pijama au cœur de ce vertigineux voyage dans des doubles de sézigue. Pessoïens. Rien que ça. On a envie de pouffer, déjà. Pourtant, tout n'est pas que rire dans cette magnifique œuvre ludique autant que crépusculaire.
C'est certes assez cuculapraloche, comme incipit. Mais comparé à ce qui va suivre, attention, c'est quand-même un véritable pur moment magique de cinéma brut en liberté comme on en voit deux par siècle, et encore. Selon la presse spécialisée allocinesque.
Dans un vertigineux dispositif d'emboîtement de poupées russes gonflables pirandelliennes en quête non d'auteur mais de spectateurs absents, vitrifiés par le monde moderne à l'âge de la reproduction technique (cette accumulation de spectacles conchumérichtes, etchetera, où on ne sait plus hélas ni rêver ni s'enchanter ni s'ébaubir, ni croire encore à la magie révolutionnaire du cinéma des origines), vont ensuite se succéder, en rangs serrés, jusqu'à la fin salvatrice :
30 tonnes de métaphores insistantes, usées jusqu'à la corde, et de symbolisme à trois-cinq balles. Sur le virtuel qui a tué la vie et le réel, le cinéma, l'amour et tout ça. Les tombes au père Lachaise ont comme épitaphe "visitez mon site web". Mais waouw, quoi. Ironie légère, subtilité du trait, à la jadis-Sempé, pour évoquer les masses solitaires atomisées et aliénées par leur ordinateur (de pompes funèbres, puisqu'on en est à des formules percutantes que même Gérard-taxi-Pirès n'oserait pas placer s'il remakait son film du même nom). Tout comme cette pique acérée, sur les grises banlieues résidentielles (Philippe Val ou Alexandre Adler ont du adorer): le pauvre plouc qui retrouve sa petite famille - cad des chimpanzés. ça c'est une allégorie bien trouvée ("allez, gorilles", qu'est-ce qu'on se marre. On se croirait dans Hara-Kiri du temps de Siné et du professeur Choron, la grande époque "libertaire" - tu parles). Et Manset, s'auto-recyclant, couine lamentablement là-dessus, avec un texte qu'on croirait pondu pour Julien Clerc par un Dabadie sous laroxyl.
Puis quel mime génial, ce Lavant. Comme dirait Timsit parlant de Michel Leeb, il passe de mendiante roumaine-bossue-à-chicots à fantomas super-fucker en latex-à-capteurs, et d'anthropophage pierrafeu à Guy Hamilton vieux, avec une virtuosité vertigineuse, là encore.
Maintenant, faut le dire, aussi: s'il était pas là, s'il faisait pas le show à lui tout seul, s'il donnait pas généreusement de son corps et de sa gueule hallucinants de faune méphistophélique, ça serait ptêt un nanar. Mais ça serait un nanar sans vie, sans folie, pas sympa.
Poésie ringarde à deux sous, une sorte de sous-Prévert de carte postale de Paris sous cloche de verre. C'est que du clicheton creux à tous les étages. Jeunet-Caro enfoncés les coudes dans le nez. L'éternel jeune vieux con paradigmatique nous refourgue ad nauseam toute sa quincaillerie naphtalineuse pseudo poético-philosophique, digne d'un cahier clairefontaine d'ado qui se prend pour Rimbaud ou je sais pas quoi, alors qu'il en est l'exacte antithèse mortifiante. Rimbaud nous disait: "il faut être absolument moderne"; Carax nous dit: "il faut être absolument réactionnaire". Et de faire interminablement défiler ses vignettes fétichistes, citationnelles et auto-citationnelles (y doute vraiment de rien) d'un âge d'or à jamais révolu. C'est vraiment le triomphe du cinéma d'antiquaire, sentant à chaque plan le musée de cire astiqué et le cadavre embaumé.
Bref, un concentré de nostalgisme narcissique et morbide. Et ça pue le fric pour dire merde au Fouquet's. Toujours le même branle-trip depuis les amants du pont neuf. On sent trop que le gars se fantasme comme le dernier des mohicans ou des poètes dans un monde où il n'a plus sa place, snif.
Dialogues-monologues "funèbres" - quand il y en a (il aurait pu nous épargner ça aussi) - aussi emmerdifiants qu'un feuilleton de Nina Companeez. Entre autres, la scène de Guy Hamilton fatigué et de sa secrétaire estropiée à son chevet. Y va la cracher enfin, sa valda, oui ou merde? J'en pouvais plus... Mais non, y se relève, comme un Lazare chiant, et ça continuuue. Oh la purge. Le colloque à la Samaritaine en ruines, par les deux vieux amants, qui se clôt d'abord par une imbitable chansonnette en hommage à Christophe Honoré rendant hommage à Jacques Demy, puis un suicide tristoune en forme d'écrasage sur le trottoir. Bwoaf.
Ah bigre... "ça donne bien à méditer", tout ça. Sur toutes les belles choses du monde d'avant, envolées, ma bonne dame. Le cirque, les acrobates, les transformistes, le mime marceau, la petite loge de l'artiste, avec les lampions, les facteurs à vélocipède, remplacés par les machines déshumanisantes des américwouains.
Sur le fond et la forme, avec ou sans limousines, je sais pas même si Cédric Klapisch parvient à faire aussi nase et visqueusement luisant avec son Paris (entre autres), un pic qu'on croyait indépassable dans l'histoire des daubes prétentieuses du cinéma français. Avec Le jour et la nuit de bhl, et surtout le Cinéman de Moix - avec lequel ce HM entretient des correspondances plus que troublantes, qu'il conviendrait d'analyser par le demi menu car insuffisamment soulignées à ce jour.
Une jolie photo léchée et de beaux travellings chiadés n'y changeront rien. ça fait pub martini-dry tendance sociocu pour la mairie de Paris et le guide du routard des Champs-Élysées. ça m'a fait penser aussi, non pas aux Yeux sans visage de Franju (y pousse vraiment les bobonnes, puis Franju, Franju, scuzi, ça sent un peu l'amidon aussi), mais à Subway de Besson. La touche 80s en moins mais son esprit gélifié en bonus.
Qu'est-ce qu'on pourrait dire encore?
Je me demande quand-même si la bite dressée à Lavant, c'est pas une prothèse en caboutchouk trop bien imitée, parce qu'elle bouge de façon absolument pas naturelle (cad qu'elle bouge pas du tout, quoi). Pis les fesses. Trop musclées, trop massives, pour son gabarit je veux dire. J'y crois pas. Honnêtement, j'y crois pas. Même en faisant des séances de fentes-avant intensives, t'as pas des fesses comme ça.
Non, c'est honteux. Ou alors c'est génétique. Bon ok je suis jaloux, et mauvaise langue.
En tout cas c'est un film où y a des putains de sfx merveilleux, ça au moins on peut le dire.
(Bon, pour le côté rock-rebelle qui dépote les orteils, on aura quand-même droit en interlude à une church-jam d'accordéons furieusement pogo-kusturicesques, du genre à défriser les moumoutes, et qui aurait fait un chouette clip sur arte pour le cirque du soleil ou Zingaro, en 2003. Unique moment qui m'a enthousiasmé, je dois dire. Même clichetonnant, c'était bath-punchy. Là, y avait quelque chose. Une niaque, de la vie, de l'émotion. Un peu comme dans le quadrille du Van Gogh de Pialat:)
Doux Jésus, quel nanar atteint d’éléphantiasis, ce Holy motors.
Dès l'ouverture, je me suis senti cerné par une imagerie "surréalisante" tarteàlacrèmifiante, qui n'augurait pas que des bonnes choses. Le type en pyjama, avec les lunettes Armani à verres fumés (fabriqués à Lausanne) sorties de chez Ardisson, la choucroute à pointes qui retombent estampillée "pop star punk has been des eighties", mélange de Jackie Quartz, Louis Bertignac, Catherine Lara après une chimio, j'avais pas capté d'emblée que c'était Carax en la personne de lui-même.
Ainsi donc, c'était une audacieuse mise en abyme, comme on en fait à tire larigot dans des spectacles de théâtre subventionné d'avant-arrière garde: l'artiste-metteur en scène se met en scène, tâtonne d'un lent pas dans un novotel, en longeant un papier peint mysterioso qui, en trompe l’œil, suggère quelque forêt nocturne de bouleaux nordiques d'une phosphorescence blafarde du plus bel effet. On croirait vraiment pouvoir s'agripper aux branches. C'est alors que se révèle, on ne s'y attendait pas du tout, une entrée dérobée et secrète menant aux mystères envoûtants et profonds d'un moi-tout (détenant la clef, par la magie méliesque de l'enfance, de la boîte à malices de ses souvenirs nostalgineux). Une ingénieuse ingénierie sonore artisanale nous évoque un gros cargo melvilien en partance, plein de fret lourd de 13 années de miroirs brisés qui portent malheur.
Comme dans les meilleurs films ratés de Jaco Van Dormael allant chercher (avec son mister nobody) son magritte d'or avec les dents, on sent qu'on va faire une espèce de voyage pas commun. D'autant moins commun et planplan que l'artiste débouche, comme de juste, sur le balcon d'une scène de cinéma-théâtre, où une salle de spectateurs semi-zombiques nous alerte que le cinéma en tant qu'objet réflexif de réflexion réfléchissante, va donc être le cœur et le sujet d'un dispositif très osé, qui va questionner quelque part son devenir, l'avenir de son passé, surtout, et placer l'artiste exilé en blanc pijama au cœur de ce vertigineux voyage dans des doubles de sézigue. Pessoïens. Rien que ça. On a envie de pouffer, déjà. Pourtant, tout n'est pas que rire dans cette magnifique œuvre ludique autant que crépusculaire.
C'est certes assez cuculapraloche, comme incipit. Mais comparé à ce qui va suivre, attention, c'est quand-même un véritable pur moment magique de cinéma brut en liberté comme on en voit deux par siècle, et encore. Selon la presse spécialisée allocinesque.
Dans un vertigineux dispositif d'emboîtement de poupées russes gonflables pirandelliennes en quête non d'auteur mais de spectateurs absents, vitrifiés par le monde moderne à l'âge de la reproduction technique (cette accumulation de spectacles conchumérichtes, etchetera, où on ne sait plus hélas ni rêver ni s'enchanter ni s'ébaubir, ni croire encore à la magie révolutionnaire du cinéma des origines), vont ensuite se succéder, en rangs serrés, jusqu'à la fin salvatrice :
30 tonnes de métaphores insistantes, usées jusqu'à la corde, et de symbolisme à trois-cinq balles. Sur le virtuel qui a tué la vie et le réel, le cinéma, l'amour et tout ça. Les tombes au père Lachaise ont comme épitaphe "visitez mon site web". Mais waouw, quoi. Ironie légère, subtilité du trait, à la jadis-Sempé, pour évoquer les masses solitaires atomisées et aliénées par leur ordinateur (de pompes funèbres, puisqu'on en est à des formules percutantes que même Gérard-taxi-Pirès n'oserait pas placer s'il remakait son film du même nom). Tout comme cette pique acérée, sur les grises banlieues résidentielles (Philippe Val ou Alexandre Adler ont du adorer): le pauvre plouc qui retrouve sa petite famille - cad des chimpanzés. ça c'est une allégorie bien trouvée ("allez, gorilles", qu'est-ce qu'on se marre. On se croirait dans Hara-Kiri du temps de Siné et du professeur Choron, la grande époque "libertaire" - tu parles). Et Manset, s'auto-recyclant, couine lamentablement là-dessus, avec un texte qu'on croirait pondu pour Julien Clerc par un Dabadie sous laroxyl.
Puis quel mime génial, ce Lavant. Comme dirait Timsit parlant de Michel Leeb, il passe de mendiante roumaine-bossue-à-chicots à fantomas super-fucker en latex-à-capteurs, et d'anthropophage pierrafeu à Guy Hamilton vieux, avec une virtuosité vertigineuse, là encore.
Maintenant, faut le dire, aussi: s'il était pas là, s'il faisait pas le show à lui tout seul, s'il donnait pas généreusement de son corps et de sa gueule hallucinants de faune méphistophélique, ça serait ptêt un nanar. Mais ça serait un nanar sans vie, sans folie, pas sympa.
Poésie ringarde à deux sous, une sorte de sous-Prévert de carte postale de Paris sous cloche de verre. C'est que du clicheton creux à tous les étages. Jeunet-Caro enfoncés les coudes dans le nez. L'éternel jeune vieux con paradigmatique nous refourgue ad nauseam toute sa quincaillerie naphtalineuse pseudo poético-philosophique, digne d'un cahier clairefontaine d'ado qui se prend pour Rimbaud ou je sais pas quoi, alors qu'il en est l'exacte antithèse mortifiante. Rimbaud nous disait: "il faut être absolument moderne"; Carax nous dit: "il faut être absolument réactionnaire". Et de faire interminablement défiler ses vignettes fétichistes, citationnelles et auto-citationnelles (y doute vraiment de rien) d'un âge d'or à jamais révolu. C'est vraiment le triomphe du cinéma d'antiquaire, sentant à chaque plan le musée de cire astiqué et le cadavre embaumé.
Bref, un concentré de nostalgisme narcissique et morbide. Et ça pue le fric pour dire merde au Fouquet's. Toujours le même branle-trip depuis les amants du pont neuf. On sent trop que le gars se fantasme comme le dernier des mohicans ou des poètes dans un monde où il n'a plus sa place, snif.
Dialogues-monologues "funèbres" - quand il y en a (il aurait pu nous épargner ça aussi) - aussi emmerdifiants qu'un feuilleton de Nina Companeez. Entre autres, la scène de Guy Hamilton fatigué et de sa secrétaire estropiée à son chevet. Y va la cracher enfin, sa valda, oui ou merde? J'en pouvais plus... Mais non, y se relève, comme un Lazare chiant, et ça continuuue. Oh la purge. Le colloque à la Samaritaine en ruines, par les deux vieux amants, qui se clôt d'abord par une imbitable chansonnette en hommage à Christophe Honoré rendant hommage à Jacques Demy, puis un suicide tristoune en forme d'écrasage sur le trottoir. Bwoaf.
Ah bigre... "ça donne bien à méditer", tout ça. Sur toutes les belles choses du monde d'avant, envolées, ma bonne dame. Le cirque, les acrobates, les transformistes, le mime marceau, la petite loge de l'artiste, avec les lampions, les facteurs à vélocipède, remplacés par les machines déshumanisantes des américwouains.
Sur le fond et la forme, avec ou sans limousines, je sais pas même si Cédric Klapisch parvient à faire aussi nase et visqueusement luisant avec son Paris (entre autres), un pic qu'on croyait indépassable dans l'histoire des daubes prétentieuses du cinéma français. Avec Le jour et la nuit de bhl, et surtout le Cinéman de Moix - avec lequel ce HM entretient des correspondances plus que troublantes, qu'il conviendrait d'analyser par le demi menu car insuffisamment soulignées à ce jour.
Une jolie photo léchée et de beaux travellings chiadés n'y changeront rien. ça fait pub martini-dry tendance sociocu pour la mairie de Paris et le guide du routard des Champs-Élysées. ça m'a fait penser aussi, non pas aux Yeux sans visage de Franju (y pousse vraiment les bobonnes, puis Franju, Franju, scuzi, ça sent un peu l'amidon aussi), mais à Subway de Besson. La touche 80s en moins mais son esprit gélifié en bonus.
Qu'est-ce qu'on pourrait dire encore?
Je me demande quand-même si la bite dressée à Lavant, c'est pas une prothèse en caboutchouk trop bien imitée, parce qu'elle bouge de façon absolument pas naturelle (cad qu'elle bouge pas du tout, quoi). Pis les fesses. Trop musclées, trop massives, pour son gabarit je veux dire. J'y crois pas. Honnêtement, j'y crois pas. Même en faisant des séances de fentes-avant intensives, t'as pas des fesses comme ça.
Non, c'est honteux. Ou alors c'est génétique. Bon ok je suis jaloux, et mauvaise langue.
En tout cas c'est un film où y a des putains de sfx merveilleux, ça au moins on peut le dire.
(Bon, pour le côté rock-rebelle qui dépote les orteils, on aura quand-même droit en interlude à une church-jam d'accordéons furieusement pogo-kusturicesques, du genre à défriser les moumoutes, et qui aurait fait un chouette clip sur arte pour le cirque du soleil ou Zingaro, en 2003. Unique moment qui m'a enthousiasmé, je dois dire. Même clichetonnant, c'était bath-punchy. Là, y avait quelque chose. Une niaque, de la vie, de l'émotion. Un peu comme dans le quadrille du Van Gogh de Pialat:)
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Eh bien en voilà une belle critique littéraire au sens "nulle" (ou Positif) du terme, càd une critique du sujet, pas une fois traversée par l'idée qu'un rythme, un geste, une expression, en gros l'espace et le temps et comment tout ça se structure et ce que tout ça bâtit, bref ce qui fait la "spécificité" du cinéma (pour parler comme grand-papa qui s'y connaissait un peu), ça existe indépendamment de "ce que ça veut dire".
Et suffit pas de citer Jeunet ou Besson pour croire avoir décrit de ce que le film nous montre. Par exemple l'abattement de Lavant, dans la scène finale, est bien plus fort que toute ton ironie et tes références banales à Philippe Val, et même plus fort que tous les discours que pourra tenir Carax sur le cauchemar pavillonnaire. Carax a vu quelque chose et a réussi à le représenter, et ça tu peux courir après, monsieur j'ai-mon-style-pas-touche-bande-de-jaloux.
En réalité, mon garçon, c'est bien ton gros texte plein à craquer d'autosatisfaction qui est atteint d'éléphantiasis. Carax est beaucoup moins hystérique et cabotin que toi, et d'ailleurs son film est classique au beau sens du terme : mesuré, posé, ferme. Il est précisément mature, et c'est toi le gamin incapable de s'en rendre compte, excité comme une puce que tu es à l'idée de "te faire" Carax. Ce qu'il pense par ailleurs de la modernité le regarde : un sujet ne fera jamais qu'un film est bon ou mauvais. J'en connais, des films "révolutionnaires", qui sont insipides et même nuls à chier. Et être "anti-réac" ne t'empêche pas d'être un sombre crétin, pas vrai ?
Et de trouver le moyen de s'exciter pile-poil quand c'est prévu, c'est-à-dire quand la musique s'excite, c'est-à-dire quand c'est le plus facile de s'exciter. C'est que ça ne s'arrange pas, hein mon petit ? Toujours aussi médiocre et malheureux, comme de juste. Et lâche comme pas deux.
Bisou.
Et suffit pas de citer Jeunet ou Besson pour croire avoir décrit de ce que le film nous montre. Par exemple l'abattement de Lavant, dans la scène finale, est bien plus fort que toute ton ironie et tes références banales à Philippe Val, et même plus fort que tous les discours que pourra tenir Carax sur le cauchemar pavillonnaire. Carax a vu quelque chose et a réussi à le représenter, et ça tu peux courir après, monsieur j'ai-mon-style-pas-touche-bande-de-jaloux.
En réalité, mon garçon, c'est bien ton gros texte plein à craquer d'autosatisfaction qui est atteint d'éléphantiasis. Carax est beaucoup moins hystérique et cabotin que toi, et d'ailleurs son film est classique au beau sens du terme : mesuré, posé, ferme. Il est précisément mature, et c'est toi le gamin incapable de s'en rendre compte, excité comme une puce que tu es à l'idée de "te faire" Carax. Ce qu'il pense par ailleurs de la modernité le regarde : un sujet ne fera jamais qu'un film est bon ou mauvais. J'en connais, des films "révolutionnaires", qui sont insipides et même nuls à chier. Et être "anti-réac" ne t'empêche pas d'être un sombre crétin, pas vrai ?
Et de trouver le moyen de s'exciter pile-poil quand c'est prévu, c'est-à-dire quand la musique s'excite, c'est-à-dire quand c'est le plus facile de s'exciter. C'est que ça ne s'arrange pas, hein mon petit ? Toujours aussi médiocre et malheureux, comme de juste. Et lâche comme pas deux.
Bisou.
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
Merci Baldanders, pour cette belle critique de ma "critique", qui une fois encore m'a perçé à jour, a saisi mes limites, et démontré ma médiocrité et mon malheur.
Tu n'as strictement rien compris à mon propos, le fil d'ariane qui l'inscrit dans la suite des "critiques" précédentes. Et c'est bien normal, puisque tu m'expliques bravement, depuis des années, que c'est un "tissu de conneries". Rien de nouveau, donc.
Et ce qui réjouit, comme d'habitude, c'est que pour que t'aies enfin quelque chose à raconter, autre qu'un copicol et de plus de trois lignes, il faut que tu t'arcboutes à mon éléphantiasis (le scoop: je passe mon temps ici à dire que c'est la caractéristique de mon "style": je décris donc l'éléphantiasis avec éléphantiasis), il faut que je sois au centre de tes puissantes projections psychologiques. C'est le prétexte, une 5001è fois, de démontrer plein de choses sur ma nature. Démarche courageuse, et opiniâtre, et constructive, que je salue.
Je ne vais pas te demander de me lâcher la grappe, je sais que c'est ton aliment. Il est donc évident que tu me suivras à la trace et à l'odeur, pour révéler au monde toute une série de tares fondamentales dont je suis porteur, et qui sont bien connues.
Simplement, tu m'excuseras: par lâcheté, je ne chercherai pas à répondre. En pure perte, puisque ce même tissu de conneries, le mien, a été amplement débattu ailleurs, et par le menu. Je vais donc fuir, éviter, et refouler. Et ne me risquerai pas à réagir dans le détail à ta brillante analyse, son inconsolable bêtise prétentieuse et pontifiante, elle aussi, et à côté de la plaque. Ce serait plonger tête baissée dans ton petit jeu de pervers, pour la 5002è fois.
PS: ton opiniâtreté et ton courage t'incitent à poster ta critique aussi sur mon blog. Par lâcheté, là encore, tu m'excuseras de poster là-bas la réponse que je t'ai faite ici. Et, au cas où t'aviserais de continuer à m'y harceler de tes pets de grenouille constipés, je t'effacerais bien entendu.
Tu n'as strictement rien compris à mon propos, le fil d'ariane qui l'inscrit dans la suite des "critiques" précédentes. Et c'est bien normal, puisque tu m'expliques bravement, depuis des années, que c'est un "tissu de conneries". Rien de nouveau, donc.
Et ce qui réjouit, comme d'habitude, c'est que pour que t'aies enfin quelque chose à raconter, autre qu'un copicol et de plus de trois lignes, il faut que tu t'arcboutes à mon éléphantiasis (le scoop: je passe mon temps ici à dire que c'est la caractéristique de mon "style": je décris donc l'éléphantiasis avec éléphantiasis), il faut que je sois au centre de tes puissantes projections psychologiques. C'est le prétexte, une 5001è fois, de démontrer plein de choses sur ma nature. Démarche courageuse, et opiniâtre, et constructive, que je salue.
Je ne vais pas te demander de me lâcher la grappe, je sais que c'est ton aliment. Il est donc évident que tu me suivras à la trace et à l'odeur, pour révéler au monde toute une série de tares fondamentales dont je suis porteur, et qui sont bien connues.
Simplement, tu m'excuseras: par lâcheté, je ne chercherai pas à répondre. En pure perte, puisque ce même tissu de conneries, le mien, a été amplement débattu ailleurs, et par le menu. Je vais donc fuir, éviter, et refouler. Et ne me risquerai pas à réagir dans le détail à ta brillante analyse, son inconsolable bêtise prétentieuse et pontifiante, elle aussi, et à côté de la plaque. Ce serait plonger tête baissée dans ton petit jeu de pervers, pour la 5002è fois.
PS: ton opiniâtreté et ton courage t'incitent à poster ta critique aussi sur mon blog. Par lâcheté, là encore, tu m'excuseras de poster là-bas la réponse que je t'ai faite ici. Et, au cas où t'aviserais de continuer à m'y harceler de tes pets de grenouille constipés, je t'effacerais bien entendu.
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Mais mon garçon, qui t'a fait croire que j'attendais une réponse de toi ? Autre chose : reprends le fil "Lost" depuis le début, reprends le fil "performances d'acteurs", reprends tes archives "enculture", et si tu oses affronter un miroir, tu te rendras compte que si l'un de nous deux ne lâche jamais l'autre, c'est bien toi. Ton aliment, c'est le harcèlement. Ici, je ne fais que te marcher dessus pour dire que Holy Motors est un bien meilleur film que ce que tes pauvres mains racontent, et si au passage je rappelle que tu es un médiocre, c'est d'une part pour venger quelques-unes de tes victimes, et d'autre part pour te le rappeler, au cas où tu le refoulerais. Tu commences à connaître la chanson, même si le sens des paroles t'échappe encore. Pas grave, on y reviendra tranquillou. Mais une autre fois hein, faut pas me prendre pour un puériculteur non plus.
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
Oh, je n'ai aucune inquiétude. Tel le morpion obsessionnel et vengeur qui a élu domicile en la douce tiédeur d'un rectum palpitant, tu continueras à t'y coller et à me l'astiquer, par loisir autant que par nécessité puéricultureuse.
Comme dirait Michaux parlant de ces animaux fantastiques qui plongent depuis les murs sur le malade alité, tu n'as de centre qu'en moi.
La puissance de ton discours n'en reste pas moins intacte, et passionnante: sur la spécificité du cinéma, qui ne se réduit pas à "ce que ça veut dire". Révélation fracassante, qui me déssille les paupières cousues et anesthésiées. Merci de m'instruire. Car j'insiste en permanence sur tout ce qui est irréductible au "signifiant". Encore un effort: tu vas réinventer l'eau chaude in situ, chétive pécore.
Simplement, un mauvais film, un pensum, comme ici, c'est précisément un film qui rabat sa matière sur du signifiant, et du signifiant pontifiant. ça s'appelle un cliché. Comme ce dont ta grosse tête fulminante et vengeresse est imbibée jusqu'à l'hydrocéphalite.
Quant à ta considération grotesque sur la "spécificité" du cinéma, c'est autre chose: je passe aussi ici mon temps à dire qu'il n'y a de spécificité de rien du tout, et que tous les arts sont impurs, contaminés de pied en cap les uns par les autres. Percept-affect-concept indétricotables. Qu'il n'y a de frontière que poreuse, spongieuse, entre littérature et cinéma, signe et matière, etc etc. Ta "spécificité du cinéma" relève sans surprise de cet ontologisme de grand-papa, qu'on a discuté ici amplement, et de tes habituels fantasmes de "pureté" de l'objet. Encore un effort, tu vas réinventer Parménide. Fantasmes d'une rare banalité, doxique et aussi vieille que la terre, parfaitement raccords avec ce qui t'enchante dans le discours, signifié et signifiant ô combien, dans l'image même, de ce Carax dont tu salues la "maturité".
Et ce ne sont pas tes invocations vengeresses et téléphonées à une capacité d'être affecté au delà ou en deçà des pauvres mots, dont seraient bien entendu dépourvus les "intellectuels" qui ne voient et ne sentent rien, mais se masturbent avec leurs doigts sur de la "théorie", qui y changeront quelque chose. Et qui changeront quoi que ce soit à tes doctes certitudes pénétrées de redresseur de torts de niveau pif-gadget.
Salut le nain, à très vite. Ne change pas de braquet, surtout, et continue à nous édifier de ta philosophie de l'art digne des interviews ineptes ou des articulets bouffés aux mites qui font tes délices.
Comme dirait Michaux parlant de ces animaux fantastiques qui plongent depuis les murs sur le malade alité, tu n'as de centre qu'en moi.
La puissance de ton discours n'en reste pas moins intacte, et passionnante: sur la spécificité du cinéma, qui ne se réduit pas à "ce que ça veut dire". Révélation fracassante, qui me déssille les paupières cousues et anesthésiées. Merci de m'instruire. Car j'insiste en permanence sur tout ce qui est irréductible au "signifiant". Encore un effort: tu vas réinventer l'eau chaude in situ, chétive pécore.
Simplement, un mauvais film, un pensum, comme ici, c'est précisément un film qui rabat sa matière sur du signifiant, et du signifiant pontifiant. ça s'appelle un cliché. Comme ce dont ta grosse tête fulminante et vengeresse est imbibée jusqu'à l'hydrocéphalite.
Quant à ta considération grotesque sur la "spécificité" du cinéma, c'est autre chose: je passe aussi ici mon temps à dire qu'il n'y a de spécificité de rien du tout, et que tous les arts sont impurs, contaminés de pied en cap les uns par les autres. Percept-affect-concept indétricotables. Qu'il n'y a de frontière que poreuse, spongieuse, entre littérature et cinéma, signe et matière, etc etc. Ta "spécificité du cinéma" relève sans surprise de cet ontologisme de grand-papa, qu'on a discuté ici amplement, et de tes habituels fantasmes de "pureté" de l'objet. Encore un effort, tu vas réinventer Parménide. Fantasmes d'une rare banalité, doxique et aussi vieille que la terre, parfaitement raccords avec ce qui t'enchante dans le discours, signifié et signifiant ô combien, dans l'image même, de ce Carax dont tu salues la "maturité".
Et ce ne sont pas tes invocations vengeresses et téléphonées à une capacité d'être affecté au delà ou en deçà des pauvres mots, dont seraient bien entendu dépourvus les "intellectuels" qui ne voient et ne sentent rien, mais se masturbent avec leurs doigts sur de la "théorie", qui y changeront quelque chose. Et qui changeront quoi que ce soit à tes doctes certitudes pénétrées de redresseur de torts de niveau pif-gadget.
Salut le nain, à très vite. Ne change pas de braquet, surtout, et continue à nous édifier de ta philosophie de l'art digne des interviews ineptes ou des articulets bouffés aux mites qui font tes délices.
Dernière édition par Bidibule le Mer 4 Sep 2013 - 22:43, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Bah ouais, le Phénix des forums, il y a de "l'irréductible au signifiant" dans Holy Motors, c'est très exactement ce que je dis. Et alors ça passe par quoi, nigaud ? Par ce que le cinéma est capable d'exprimer autrement que les autres arts. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'emprunte pas ou qu'il n'est pas contaminé par d'autres arts, pauvre âne, ça veut juste dire une chose toute simple : aucun autre ne photographie le mouvement. C'est pas plus compliqué que ça.
Mais Son Très Savant Nombril préfère évidemment se gargariser de grands mots tricotés sur mesure pour s'admirer dans le lac opaque de son Grand Oeuvre, et de parler de "percept-affect-concept", croyant avoir tout dit alors qu'il n'a fait que noyer le poisson.
Il est où le poisson, mon mignon ? Gros comme ton reniflant morveux au milieu de ton texte lamentable : tu as besoin d'humilier pour te sentir exister.
Y'a aucune analyse dans ton texte, rien qu'une caricature qui se nourrit d'elle-même, une réduction de tout ce que le film te propose à deux ou trois sentences réacs simplistes. Tu as jeté par-dessus bord ce qui ne casait pas dans ton jugement à l'emporte-pièce, pas grave tu t'en branles : tu fais dans le "style", et faut soi-disant avoir lu ton Oeuvre avant de commenter ce texte pour l'apprécier pleinement. C'est comme quand tu injuries les membres de ce forum qui ne pensent ou ne parlent pas comme toi : du "style" encore et toujours, et faudrait pas le prendre pour soi.
Bah pourquoi tu fais la gueule alors, Jerzy ? T'aimes pas ça quand on rappelle que tu es un médiocre ? C'est pourtant vrai que tu es un médiocre, et tu peux compter sur moi pour te le rappeler à chaque fois que l'occasion se présentera. Comme un "morpion" si tu veux, sauf que je suis là pour assainir. Bisou !
Mais Son Très Savant Nombril préfère évidemment se gargariser de grands mots tricotés sur mesure pour s'admirer dans le lac opaque de son Grand Oeuvre, et de parler de "percept-affect-concept", croyant avoir tout dit alors qu'il n'a fait que noyer le poisson.
Il est où le poisson, mon mignon ? Gros comme ton reniflant morveux au milieu de ton texte lamentable : tu as besoin d'humilier pour te sentir exister.
Y'a aucune analyse dans ton texte, rien qu'une caricature qui se nourrit d'elle-même, une réduction de tout ce que le film te propose à deux ou trois sentences réacs simplistes. Tu as jeté par-dessus bord ce qui ne casait pas dans ton jugement à l'emporte-pièce, pas grave tu t'en branles : tu fais dans le "style", et faut soi-disant avoir lu ton Oeuvre avant de commenter ce texte pour l'apprécier pleinement. C'est comme quand tu injuries les membres de ce forum qui ne pensent ou ne parlent pas comme toi : du "style" encore et toujours, et faudrait pas le prendre pour soi.
Bah pourquoi tu fais la gueule alors, Jerzy ? T'aimes pas ça quand on rappelle que tu es un médiocre ? C'est pourtant vrai que tu es un médiocre, et tu peux compter sur moi pour te le rappeler à chaque fois que l'occasion se présentera. Comme un "morpion" si tu veux, sauf que je suis là pour assainir. Bisou !
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
A propos de puerilité, de maturité de garçons et autres morveux, Carax me semble plutôt en être au stade vieux con. Ce que je ne saurais lui reprocher sans m'enfoncer, il y a bien droit -indépendamment de son âge d'ailleurs.
Non, ce qui peut gêner c'est que c'est précisément lorsqu'il exprime cette vieillesse aigrie qu'il est lourd, sentencieux. Il n'a pas l'ombre de la légèreté d'un Carné par exemple (en fin de carrière, depuis l'époque existentialiste-rive-gauche, Les tricheurs peut-être) qui montrait bien qu'il était un vieux con dépassé par son époque, incapable de la juger. Carax juge. C'est assez nul ce côté là. Prétentieux, ou bien aveugle sur le coup ? On s'en fout je suppose. Mais il ne fait pas du vieux con ni l'objet (ou l'un des objets) direct ni indirect du film. Ça ça pêche, ça manque de recul. Quel regard peut-il offrir ou même suggérer sur cet état d'esprit respectable ?
Non, ce qui peut gêner c'est que c'est précisément lorsqu'il exprime cette vieillesse aigrie qu'il est lourd, sentencieux. Il n'a pas l'ombre de la légèreté d'un Carné par exemple (en fin de carrière, depuis l'époque existentialiste-rive-gauche, Les tricheurs peut-être) qui montrait bien qu'il était un vieux con dépassé par son époque, incapable de la juger. Carax juge. C'est assez nul ce côté là. Prétentieux, ou bien aveugle sur le coup ? On s'en fout je suppose. Mais il ne fait pas du vieux con ni l'objet (ou l'un des objets) direct ni indirect du film. Ça ça pêche, ça manque de recul. Quel regard peut-il offrir ou même suggérer sur cet état d'esprit respectable ?
Eluent- Messages : 43
Re: Holy Motors
Carax est étonnant : il est le seul cinéaste à ma connaissance dont on peut suivre à la trace le passage de l'immaturité complète (période Boy Meets Girl - Mauvais sang - Les Amants du Pont-Neuf) à une critique radicale de cette immaturité (Pola X qui n'est que l'histoire tragicomique d'un puceau incapable de se relever de son premier traumatisme), puis à une sombre maturité, sombre au sens de mélancolique, celle d'un "vieux con" si on veut. Je crois qu'il serait d'accord (il a de l'humour). Mais si par "vieux con" on entend quelqu'un de sincèrement rongé par les regrets, et alors c'est autre chose que la pure et simple connerie.
Pour le rapport à l'époque, personne à mon avis n'est très bien placé pour faire la leçon sur comment la juger, comment en faire partie, etc. Ni toi, ni moi, et encore moins Jerzy qui a sombré corps et âme, et pour toujours semble-t-il, dans le narcissisme paranoïde.
Pour le rapport à l'époque, personne à mon avis n'est très bien placé pour faire la leçon sur comment la juger, comment en faire partie, etc. Ni toi, ni moi, et encore moins Jerzy qui a sombré corps et âme, et pour toujours semble-t-il, dans le narcissisme paranoïde.
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
Tu as l'ignorance de ta jeunesse ! Je t'assure on peut très bien se rendre compte qu'on est dépassé par les temps qui rampent, ça ne demande pas de compétence incroyable, et ça ne me paraît pas être d'une exigence démesuré dans ce cas d'escompter qu'un auteur se disqualifie alors (dans la mesure de son affliction hein, on ne parle pas de troglodytes des cons gelés, hum).Baldanders a écrit:Pour le rapport à l'époque, personne à mon avis n'est très bien placé pour faire la leçon sur comment la juger, comment en faire partie, etc. Ni toi, ni moi, et encore moins Jerzy qui a sombré corps et âme, et pour toujours semble-t-il, dans le narcissisme paranoïde.
Donc oui on peu se disqualifier soi-même ça se fait, ça ne compte pour rien que j'insinue que son jugement ne vaut pas tripette parfois, ce qui compte c'est que lui n'a pas fait l'effort. Et bon j'ai juste cité Carné comme exemple qui me semblait particulièrement lisible du vieux con qui assume et gère ça dans son cinéma. Il y a sans doute exemple plus impressionnant, la liste serait trop longue, et puisque tu traîne par ici difficile d'imaginer que tu n'aies pas vu de nombreux bons films habité par un esprit vieux cons. Tout ça pour dire que si, ça se fait, ça n'est pas même particulièrement rare.
Par ailleurs les arguments du genre personne n'est mieux placé pour juger de X, ben autant dire que X est un objet sur lequel il ne faut pas réfléchir (quand X c'est l'époque ça en libère du temps de cerveau lent), ou encore c'est le retour au relativisme des sophistes, on va s'épargner de refaire le démontage d'accord ?
Eluent- Messages : 43
Re: Holy Motors
Bah non, c'est pas le seul inéaste à vieillir, le lien parcours filmographique et ce que tu appelles "sombre maturité" tu le retrouve complètement dans l'ensemble du cinéma italien des années 50-70 (c'est même le sujet de films aussi différents qu' "Avant la Révolution" et "Nous nous sommes tant aimé", "Il était une fois en Amérique"). Tu sembles méconnaître le fait que la vieillesse n'est pas une invention récente. Si j'étais méchant je dirais que Carax recycle même et surtout la maturité (même si je comprends que tu défends la fin du film).Baldanders a écrit:Carax est étonnant : il est le seul cinéaste à ma connaissance dont on peut suivre à la trace le passage de l'immaturité complète (période Boy Meets Girl - Mauvais sang - Les Amants du Pont-Neuf) à une critique radicale de cette immaturité (Pola X qui n'est que l'histoire tragicomique d'un puceau incapable de se relever de son premier traumatisme), puis à une sombre maturité, sombre au sens de mélancolique, celle d'un "vieux con" si on veut. Je crois qu'il serait d'accord (il a de l'humour). .
Invité- Invité
Re: Holy Motors
On est sans cesse dépassé par les temps qui courent, puisqu'ils n'arrêtent pas de courir. Dire que ça va trop vite n'est pas parler comme un vieux con, à mon avis. Et courir après le temps qui court revient souvent à se comporter comme un jeune décervelé. Mais sans doute suis-je moi aussi un vieux con.Eluent a écrit:
Tu as l'ignorance de ta jeunesse ! Je t'assure on peut très bien se rendre compte qu'on est dépassé par les temps qui rampent, ça ne demande pas de compétence incroyable, et ça ne me paraît pas être d'une exigence démesuré dans ce cas d'escompter qu'un auteur se disqualifie alors (dans la mesure de son affliction hein, on ne parle pas de troglodytes des cons gelés, hum).
Donc oui on peu se disqualifier soi-même ça se fait, ça ne compte pour rien que j'insinue que son jugement ne vaut pas tripette parfois, ce qui compte c'est que lui n'a pas fait l'effort. Et bon j'ai juste cité Carné comme exemple qui me semblait particulièrement lisible du vieux con qui assume et gère ça dans son cinéma. Il y a sans doute exemple plus impressionnant, la liste serait trop longue, et puisque tu traîne par ici difficile d'imaginer que tu n'aies pas vu de nombreux bons films habité par un esprit vieux cons. Tout ça pour dire que si, ça se fait, ça n'est pas même particulièrement rare.
Par ailleurs les arguments du genre personne n'est mieux placé pour juger de X, ben autant dire que X est un objet sur lequel il ne faut pas réfléchir (quand X c'est l'époque ça en libère du temps de cerveau lent), ou encore c'est le retour au relativisme des sophistes, on va s'épargner de refaire le démontage d'accord ?
Je ne comprends pas bien quel effort Carax aurait dû faire : il parle franchement, dans son film, de ce qui lui déplaît dans son époque, mais par la voix d'un personnage pas spécialement sympathique et à l'identité plus que trouble. Je ne dirai pas qu'il lui donne raison : il a fait un portrait où sans doute il y a de lui, mais pas seulement.
Quant à X (l'époque), je crois vraiment qu'il ne suffit pas de parler de "l'époque" pour prétendre y avoir réfléchi, ni de traiter Carax de "vieux con" pour qu'il en soit un, ni de faire tomber trois tonnes d'ironie sur son blog pour avoir raison d'un film aussi protéiforme que Holy Motors. Je ne censure personne, je dis juste que "l'époque" selon toi ou moi ou l'autre naze, ça ne revient pas au même, et que je ne jurerais pas avoir une idée plus juste de "l'époque" que toi parce que "l'époque" c'est quand même drôlement fourre-tout comme terme.
Sauf que les films de Carax ne parlent que de lui, de lui se rêvant artiste, puis se rendant compte qu'un rêve ce n'est pas comme de vivre (c'est Pola X), et faisant maintenant une sorte de bilan amer sur tout ce qu'il aurait pu réaliser s'il n'avait pas été si con.Tony le Mort a écrit:Bah non, c'est pas le seul cinéaste à vieillir, le lien parcours filmographique et ce que tu appelles "sombre maturité" tu le retrouve complètement dans l'ensemble du cinéma italien des années 50-70 (c'est même le sujet de films aussi différents qu' "Avant la Révolution" et "Nous nous sommes tant aimé", "Il était une fois en Amérique"). Tu sembles méconnaître le fait que la vieillesse n'est pas une invention récente. Si j'étais méchant je dirais que Carax recycle même et surtout la maturité (même si je comprends que tu défends la fin du film).
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
Le film me plaît quand on sent qu'il parle de sa relation avec Binoche, lui trouve des substituts et des analogons, il ya une sorte de biffurcation entre Kylie Minogue, l'histoire avec sa fille, avec la jeune nourrice, c'est 3 fois la même relation fantasmée de manière différente. Moins quand il fait une sorte de méta-théorie anthopologique et culturelle godardienne de la mort du cinéma (même si l'idée que la CCTV absorbe le cinéma est intéressante, mais le film est trop ancré sur une imagerie touristique et nostalgique de Paris pour aller loin dedans et en tirer des conclusions en dehors de maintenir une ancienne esthétique)
Dernière édition par Tony le Mort le Jeu 5 Sep 2013 - 13:20, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Ah oui ? Moi, ne m'ont intéressé ni l'une (la biographie) ni l'autre (la théorie). J'ai vu le film deux fois, on en a beaucoup parlé avec des amis, et on n'a jamais évoqué ces deux dimensions.
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
Le problmème c'est que cette mort est plus traitée comme une idéologie (qui ne réclame que de se positionner par rapport à elle) qu'une théorie
Invité- Invité
Re: Holy Motors
Tu ne crois pas à ce que tu écris-là. C'est précisément ce qu'on désigne par vieux con. En fait tu viens de trouver la définition. C'est une question de vitesse. Et il court le film de Carax, ça saute, ça s'agite, c'est un peu comme une vision de vieux con qui s'imagine que l'époque ne fait que sauter de clips choquants en clips choquants sur Youtube & Cie sans ligne ni assomption possible, et qu'en s'agitant à son tour il pourra se convaincre de ne pas être dépassé. Ouais à bien y réfléchir c'est en fait pire que ce que je pensais, c'est un mode assez triste du vieux con. C'est une course perdue, il a juste décidé dans son film qu'il n'y avait pas de sens. En fait ça transpire de fatigue. Fatigué de devoir faire du nouveau pour exister, fatigué des nouveautés.Baldanders a écrit:Dire que ça va trop vite n'est pas parler comme un vieux con, à mon avis.
Eluent- Messages : 43
Re: Holy Motors
Tu trouves que le film de Carax s'agite tant que ça ? Je ne trouve pas : il est très posé, maîtrisé. Par contre, oui, il y a de la fatigue, c'est même le sujet, mais il s'agit de la fatigue physique et morale du personnage, à ne pas confondre avec le film.
Baldanders- Messages : 351
Re: Holy Motors
Je profite de ce plaisant débat pour livrer une mouture intermédiaire de l'article qui est publié dans la revue. Dans la première version, celle qui est en tête de ce topic, j'étais plutôt pro-Carax. Puis en essayant de développer, j'en suis arrivé à une sorte d'illumination, notamment suite à une remarque que m'avait fait SP : Carax m'est alors apparu comme une espèce de "pervers narcissique", comme on peut le voir dans le texte ci-dessous. Dans un troisième temps, mon opinion s'est arrêtée sur l'idée que Carax était avant tout un poseur germanopratin. Au terme de ce processus ridicule, je peux dire que je n'ai plus tellement d'opinion sur ce film, mais que j'ai effectivement produit un texte qui dit qu'il est tout pourri, et dont je me sens plus ou moins tenu de rester solidaire.
*
Les animaux domestiques
Holy Motors est une litanie d'altruicides sans nuance ni questionnements. Chaque séquence consiste en un assassinat ou une mort, ou revient à traiter un Autrui par-dessus la jambe. Mais ce n'est encore rien dire, ça pourrait être un film d'horreur, il y en a des très bien qui ne cessent d'assassiner leurs personnages, sans doute. Mais, dans leur cas, le jeu de massacre sert à faire peur ; ici il ne sert qu'à gonfler l'ego de l'auteur, du génie de service.
Le prologue installe Leos Carax, en toute modestie, dans la posture d'un être différent du commun des mortels, au destin tragique et solitaire, et assoit l'idée que le cinéma et lui, c'est tout comme.
Séquence 1 : Monsieur Oscar est un homme d'affaires. Dans sa limousine, il parle au téléphone avec un associé. La scène est en soi insignifiante (elle évoque vaguement l'idée que les riches sont de plus en plus riches et impitoyables de nos jours : pas faux), mais est reliée à deux autres, la 2 et la 8. Dans la 8, il s'agira pour MO d'assassiner pour son compte personnel, "hors-rôle", l'homme d'affaires à qui il était en train de parler dans cette première séquence, trahissant ainsi à la fois le contrat de l'acteur et l'idée de l'amitié.
Séquence 2 : Monsieur Oscar est à présent une vieille mendiante étrangère. A ce stade du film, ce qui est mis en relief est l'enchaînement des deux premières séquences, l'enjambement du grand écart entre le monde du riche homme d'affaires et celui de la pauvre mendiante. Que dire de cet enchaînement, si ce n'est qu'il provoque un choc facile. Le film se propose en quelque sorte d'embrasser du regard tous les aspects de la réalité sociale, de résoudre toutes les différences. "Monsieur Oscar" serait ainsi le nom de celui qui peut porter toutes les identités, aborder tous les sujets et comprendre toutes les différences, à la manière du journal télévisé. Cette revendication de légitimité ne se solde pourtant par aucun acquis. La mise en parallèle des situations de la mendiante et du miliardaire ne permet de produire nulle pensée, si ce n'est un vague "y a de l'injustice, c'est bien triste". L'effet se veut à la fois pathétique et ironique. Le film prétend faire coexister ces deux réalités antithétiques sur un même plan ; mais il ne les dialectise pas, se contente de les juxtaposer et d'affirmer qu'une imitation de ces deux situations par le même acteur suffit à en rendre compte. En somme la réalité de l'une comme de l'autre est expédiée, au profit d'un zapping à la fois moralisateur, pompeux ("ici on aborde courageusement les grandes questions"), et ironique ("ici c'est l'enfance de l'Art, et l'art de l'enfance, on peut jouer avec tout ce qu'on veut").
Séquence 3 : c'est celle consacrée à la motion capture. Après avoir pu admirer les prouesses indéniables de l'acrobate Denis Lavant, on voit celui-ci tirer avec une mitraillette tout en courant sur un tapis roulant. La course de Denis Lavant, trademark caraxien (emprunté à Buster Keaton), est ici réduite à sa version grinçante : il s'agit de courir dans le vide, dans un non-décor, en tirant des coups de feu. C'est en somme la parodie du cinéma de Carax par lui-même ; mais on en vient à se demander si son cinéma n'a finalement pas toujours été coincé au stade de la parodie.
Ensuite surgit une belle jeune femme, et sans un mot elle et MO entament des ébats sexuels dans leur costume de latex. L'ordinateur traduit la scène en transformant le couple en aliens hideux. On entend ici, a priori, une critique du cyber-sexe et de la pornographie contemporains. En 91, Carax déclarait : "Aujourd’hui, il faut faire l’amour dans le caoutchouc pour pas crever, ce que je comprends, je suis pour la santé, mais les préservatifs sont partout, pas que dans les chambres à coucher, on vit dedans. Toute cette hygiène du corps et de l’âme, ça me répugne totalement." On peut entendre cette complainte banale sur une époque où les impératifs d'une idéologie sécuritaire rendent les relations plus ternes et plus factices. Le latex est ici est ce qui rend monstrueux les ébats des amants. Il est donc condamné, alors qu'il est sensé par ailleurs être ce qui permet le jeu de rôles de l'acteur, cette "féérie". Mais personne n'a demandé à Carax cette scène pornographique. Il se livre ici gratuitement à ce qu'il dénonce en montrant des ébats entre deux parfaits étrangers. Ce qui ressort c'est que MO entame tout naturellement une relation sexuelle avec une femme parce que celle-ci est calibrée sur le modèle d'une mannequin. Le message est alors le suivant : moi, Carax, je souffre beaucoup de la pornographie de mon époque, c'est pourquoi je vous en sers une tranche. Le jeu est double, car le film, d'un côté, célèbre le virtuel, les masques et les jeux de rôle de son personnage principal, et de l'autre condamne ce virtuel comme étant ce qui nous prive de toute authenticité et nous sépare d'autrui. Cette contradiction ne sert qu'à faire enfler la posture romantique de l'auteur, qui prétend en somme que ses contradictions non résolues sont identiques à celles de son époque, pour s'en affirmer finalement le peintre officiel.
La quatrième séquence est une variation sur le même thème. Le personnage de "Monsieur Merde", que Leos Carax qualifie en entretien de figure de "l'immigré raciste", en charge d'incarner le côté "immonde" de sa personnalité, kidnappe une autre mannequin, et l'entraîne dans les catacombes. Cette créature monstrueuse, qui vient d'arracher avec les dents plusieurs doigts à une autre femme, se montre atteinte par la beauté du mannequin, qui, quant à elle, reste silencieuse et inerte, voire inepte. (C'est ce qu'on voit tout au long du film : si Monsieur Oscar a trop de rôles à jouer, les personnages qu'il rencontre n'en ont pas assez, nul intérêt ne leur est porté.) Le personnage de l'autre est à nouveau réduit à un mannequin sans vie, sans épaisseur, et il nous faut nous intéresser uniquement aux désarrois du double de l'auteur. Lequel se déclare donc blessé par la beauté ; celle-ci le fait souffrir. Apercevant un sein, il se tourne en gémissant vers le ciel, et marmonne quelque chose à l'adresse d'un dieu sévère, lequel semble au fait de ses "mauvais penchants". Il faudrait alors féliciter le monstre, qui, au lieu de violer la jeune fille puis de la découper en rondelles, se contente de la voiler, puis d'exhiber son pénis en érection. L'allusion à la question du voile islamique, qui résonne dans les débats depuis des années, est ici pesante. Or il faut bel et bien conclure que ce que nous en dit Carax, c'est que, pour des gens arriérés, le voile peut se comprendre. C'est ici une superbe performance, dans le genre du racisme culturel.
La séquence propose donc une parodie de burqa, pour s'achever sur une dérision de pièta. Et il n'y a rien d'autre à voir, nulle relève, dialectique ou autre, de tout ce cynisme. L'auteur semble bloqué au stade de son personnage, et ne sait que blasphémer vainement. Au nom de ce qui est supposé être une admirable vigueur transgressive, on a un "Grand-Auteur" qui se paie donc une belle et célèbre actrice, pour l'utiliser dans le rôle d'un pot de fleurs.
Séquence 5 : un père, apprenant que sa fille n'a pas su se montrer populaire à sa première soirée, s'en prend durement à elle et lui prédit qu'elle est, pour son malheur, condamnée à "vivre avec elle-même". Cette évocation d'une vie uniquement faite d'un face à face avec soi-même nous ramène au thème d'un monde sans autrui. Ce qui est gênant c'est que l'adolescente qui joue le rôle de la fille est la propre fille de Carax, sur laquelle il projette semble-t-il sa propre situation, en la condamnant à vivre le même sort : ce qui constitue un procédé pervers, toute "liberté de l'artiste" mise à part. On pourrait sans doute dire que la séquence vaut pour aveu... aborde au moins le problème. Qu'elle dénonce, au moins sur le mode de la dénégation ou de la projection, le procédé pervers qu'elle met en jeu. Mais faut-il en remercier Carax ? Il se livre en définitive, toujours au nom de son statut proclamé de Génie, à une scène de traque et d'acharnement sur sa propre fille. Il y a monstration, exposition publique d'un procédé pervers : mais à quel moment y a-t-il une distanciation minimale, un indice que tout cela vaut pour une réflexion, une prise de recul - à défaut d'une condamnation ?
Cette séquence, comme l'avant-dernière qui la rendra plus explicite, montre des gens "ordinaires", un Monsieur-tout-le-monde et sa fille. Le comportement de la fille est ordinaire : elle ne s'est pas amusée à sa première soirée, c'est quelque chose qui arrive tous les jours. Elle est une adolescente mal dans sa peau, rien de plus banal. Là où l'extraordinaire surgit, c'est dans le comportement de Monsieur Oscar. C'est sa véhémence qui produit un décalage. Or cette véhémence renvoie à ses autres rôles, lesquels sont à peu près tous tournés autour de la figure de l'héroïque assassin. MO tue, se tue, est tué mais il est toujours le héros, et le seul héros puisque les autres personnages ne sont que des figurines sans relief. Son comportement est toujours placé au-delà de la critique : n'est-il pas l'émissaire du Génie qui, dans son immense bonté, nous offre ce film ? Dans cette mesure, il est clair que la cruauté du père dans cette séquence n'est pas du tout remise en question. Ce qui est mis en cause, c'est la médiocrité des gens ordinaires, leur manque de supériorité. Carax adresse en quelque sorte un clin d'oeil pervers à sa propre fille, lui intimant l'ordre d'être comme lui, "au dessus" de tous les autres, dans un face-à-face morbide avec elle-même, et en fin de compte, avec lui-même. C'est avec une absence totale de distanciation que cette séquence met finalement en jeu un mécanisme que l'on peut qualifier d'incestueux.
Séquence 6 : un interlude décontracté, avec Bertrand Cantat qui tape le boeuf dans une église. Comment ne pas lire la scène dans le sens d'une sympathique réunion d'altruicides ? Carax vient nous dire qu'il défend Cantat : de quoi, pourquoi, on ne sait pas. On nous intime l'ordre de comprendre que Cantat est un grand artiste, et qu'il ne faut jamais censurer les artistes : posture qui semble admirable de générosité. Mais tout cela est dit par allusion, en douce, à l'image de Bertrand Cantat qui se trouve placé derrière un groupe de musiciens, et qu'on aperçoit à peine : si on n'a pas été prévenu qu'il est là, il est difficile de le reconnaître. L'affirmation est donc louvoyante et ambiguë : on peut tout aussi bien conclure qu'une petite place est concédée discrètement à Cantat, par altruisme, à nouveau dans ce souci œcuménique de tout embrasser, tout réunir sous son aile. Mais, dans la mesure où le film ne cesse de mettre en scène le meurtre virtuel, la caution d'un meurtrier réel crée un malaise. On en vient en définitive à mettre en doute la distinction entre meurtre réel et meurtre virtuel, puisqu'ils sont réunis dans le même film. On peut encore parler de procédé pervers.
Séquence 7 : Monsieur Oscar tue son double et prend son apparence pour dissimuler le crime, mais son double, dans un dernier sursaut de vie, le tue à son tour. Les deux cadavres gisent côte à côte. Puis Monsieur Oscar, on ne sait plus trop lequel des deux du coup, se relève et part en titubant pathétiquement. On peut renvoyer cela à la phrase dite un peu avant au sujet de la condamnation à "vivre avec soi-même". Dans un monde sans autrui, il ne reste plus guère qu'à se tuer soi-même, pour rire. On pourrait dire qu'à la fois, il y a eu représentation d'un double meurtre, et qu'en même temps il ne s'est rien passé. Encore un dispositif contenant des messages contradictoires et s'annulant l'un l'autre, dont il ne reste à l'arrivée qu'une représentation complaisante d'un meurtre de plus, et l'idée que l'auteur est une conscience souffrante. Et c'est finalement le meurtre lui-même qui est parodié.
Les détails en eux-mêmes de la séquence sont insignifiants. Cela se passe dans des halles où des travailleurs d'origine asiatique sont occupés à leurs affaires réelles. Carax utilise, comme dans Pola X, le thème des clandestins comme décor, pour se donner l'air d'avoir un avis sérieux sur la question. Il est "pour" les clandestins, contre la misère et l'injustice : on ne peut que l'en féliciter. Monsieur Oscar pousse le mimétisme jusqu'à prononcer quelques mots en chinois (ou dans une autre langue asiatique). Son personnage est déguisé dans le style d'un petit malfrat, d'un "dur" des milieux interlopes. Tout cela n'est bien sûr que du vernis et de la parodie, et n'a pour fonction que de servir de toile de fond exotique à la scène "mentale" d'entre-assassinat des doubles. Ça pourrait aussi bien se passer aux sports d'hiver, mais on peut encore entendre dans le cliché un jugement de valeur. Carax n'a pas le temps de s'intéresser aux travailleurs ; il préfère se regarder dans un miroir, et prendre le ciel et le public à témoin que tout en se haïssant, il s'aime infiniment, et que c'est bien difficile pour lui.
Scène 9 : MO est un vieil homme qui agonise dans un hôtel luxueux. Une jeune fille éplorée lui dit qu'elle l'aime infiniment, qu'il a tant fait pour elle autrefois, qu'elle a le coeur brisé suite à un mauvais mariage, et que tout ce qu'elle veut c'est rester auprès de lui jusqu'à sa fin imminente, pendant que des violons déchirants se font entendre. La dimension parodique du jeu de Lavant se cache moins que jamais, il adopte une voix de tête suraigüe et ridicule pour prononcer de graves sentences finales sur le fait que, ce qu'il y a de beau dans la vie c'est l'amour, "la mort c'est bien, mais l'amour n'y est pas". C'est néanmoins peut-être l'une des scènes les moins détestables du film ; ça a beau être des clichés, c'est pas faux. Mais il s'agit toujours du même type de manipulation : tout un arsenal est convoqué pour susciter une émotion, mais dans le même temps on nous indique que cette émotion n'est pas vraie, que tout cela c'est de la blague. Il y a un détail volontairement "grinçant" : la jeune fille a un pied bot. Le film est rempli de tels effets grinçants, de la défiguration de Michel Piccoli (dont la brève apparition en guest star ne sert qu'à énoncer quelques phrases poético-lyriques supplémentaires) à toutes celles de Denis Lavant. Dans l'économie de la scène, quelle est l'utilité de ce pied bot, en quoi n'est-il pas gratuit ? Il a bien la même fonction que le voile jeté sur Eva Mendes : il dit que la beauté est une offense, un affront, et qu'il importe de blasphémer la beauté, de la railler, de la parodier. Sous couvert d'audace et de liberté souveraine de l'artiste, Carax ne cesse d'imposer ses petites horreurs, ses petits crimes, ses petites obsessions. Alors qu'il nous propose un plan de cette jeune fille enlevant sa robe, dans un hommage qui se veut d'une pureté cristalline à la beauté de son actrice, il vient lui greffer une prothèse gratuite ; tout comme il avait rendu Juliette Binoche aveugle dans les Amants du Pont-Neuf.
Dans la séquence 10, Kylie Minogue chante une chanson qui est une parodie d'une chanson émouvante. Le refrain bégayant, "Who were we when we were who we were ?" est en soi un sarcasme. Dans les locaux en ruines de la Samaritaine, elle et MO se rappellent leur amour perdu. Elle finit écrasée sur le sol, suicidée. Le dispositif nous précise qu'elle est, comme MO, une "joueuse de rôles", et que tout ça est encore une comédie sans importance. Le grand amour renvoie donc, encore et toujours au double : c'est une autre lui-même (et une star internationale : c'est important pour son ego) qui est son âme-sœur. Encore une fois il y a une projection du tourment intime de Carax sur autrui, et représentation d'un altruicide.
Séquence 11, dite des grands singes. Un homme rentre un soir dans son pavillon de banlieue. Il semble désespéré, et on voit bien pourquoi : cette rue composée de maisons toutes identiques installe d'emblée l'idée d'une aliénation cauchemardesque. Pire encore pour ce pauvre banlieusard : sa femme et son enfant sont des singes. Il leur parle avec affection, et ils regardent ensemble par la fenêtre, tels des animaux en cage, pendant qu'une chanson pathétique de Gérard Manset se fait entendre. On peut dire que cette séquence évoque, du point de vue de cet homme, l'enfer de vivre une vie indifférente, le désespoir d'un monde privé d'âme. La chanson dit : "on voudrait revivre, mais ça ne se peut pas." Or, qui voudrait revivre un tel enfer ?
Cet homme se sent tragiquement seul, d'accord : mais pourquoi recourir à des singes pour représenter cette solitude ? Ils figurent ici au titre de dérision de l'humanité, comme dans une publicité célèbre pour la lessive Omo. Il y aurait des tas de choses passionnantes à montrer au sujet des singes ; ici on a choisi de les cantonner à la parodie de l'humanité. L’humanité se trouve abaissée au niveau de la parodie, mais les singes ne se voient en revanche aucunement relevés, au contraire plutôt humiliés par le dispositif. Eux aussi sont parodiés en tant que singes, en fin de compte.
On a donc un homme, lui-même déguisé, singeant l'amour familial, entouré de singes, auxquels il adresse des paroles de tendresse factice. L'idée de solitude est ainsi mise au carré, et encore aggravée par la confrontation ironique avec le lyrisme de la chanson de Manset. On voudrait revivre... quand exactement ? Après que ce temps-ci soit passé, après la mort de cet entourage débile et disgracieux... après la disparition de ce qui nous est contemporain. Par dégoût pour ce monde-ci, on souhaite une extra ball : repartir à zéro, au lieu de se pencher sur ce monde-ci pour essayer d'y vivre. C'est ce que dit le film, et il ne dit rien d'autre que ce désir altruicide. Il ne s'en distancie aucunement, et ne cesse au contraire d'enfoncer le même clou.
Séquence 12 : des limousines qui parlent, c'est rigolo. Bon, ce qu'elles disent n'est ni drôle ni intéressant (elles évoquent, à leur tour, leur disparition imminente), et c'est un grincement parodique de plus, mais il faut savoir se montrer bon public.
12 séquences donc, pour un antéchrist de pacotille.
*
Les animaux domestiques
Holy Motors est une litanie d'altruicides sans nuance ni questionnements. Chaque séquence consiste en un assassinat ou une mort, ou revient à traiter un Autrui par-dessus la jambe. Mais ce n'est encore rien dire, ça pourrait être un film d'horreur, il y en a des très bien qui ne cessent d'assassiner leurs personnages, sans doute. Mais, dans leur cas, le jeu de massacre sert à faire peur ; ici il ne sert qu'à gonfler l'ego de l'auteur, du génie de service.
Le prologue installe Leos Carax, en toute modestie, dans la posture d'un être différent du commun des mortels, au destin tragique et solitaire, et assoit l'idée que le cinéma et lui, c'est tout comme.
Séquence 1 : Monsieur Oscar est un homme d'affaires. Dans sa limousine, il parle au téléphone avec un associé. La scène est en soi insignifiante (elle évoque vaguement l'idée que les riches sont de plus en plus riches et impitoyables de nos jours : pas faux), mais est reliée à deux autres, la 2 et la 8. Dans la 8, il s'agira pour MO d'assassiner pour son compte personnel, "hors-rôle", l'homme d'affaires à qui il était en train de parler dans cette première séquence, trahissant ainsi à la fois le contrat de l'acteur et l'idée de l'amitié.
Séquence 2 : Monsieur Oscar est à présent une vieille mendiante étrangère. A ce stade du film, ce qui est mis en relief est l'enchaînement des deux premières séquences, l'enjambement du grand écart entre le monde du riche homme d'affaires et celui de la pauvre mendiante. Que dire de cet enchaînement, si ce n'est qu'il provoque un choc facile. Le film se propose en quelque sorte d'embrasser du regard tous les aspects de la réalité sociale, de résoudre toutes les différences. "Monsieur Oscar" serait ainsi le nom de celui qui peut porter toutes les identités, aborder tous les sujets et comprendre toutes les différences, à la manière du journal télévisé. Cette revendication de légitimité ne se solde pourtant par aucun acquis. La mise en parallèle des situations de la mendiante et du miliardaire ne permet de produire nulle pensée, si ce n'est un vague "y a de l'injustice, c'est bien triste". L'effet se veut à la fois pathétique et ironique. Le film prétend faire coexister ces deux réalités antithétiques sur un même plan ; mais il ne les dialectise pas, se contente de les juxtaposer et d'affirmer qu'une imitation de ces deux situations par le même acteur suffit à en rendre compte. En somme la réalité de l'une comme de l'autre est expédiée, au profit d'un zapping à la fois moralisateur, pompeux ("ici on aborde courageusement les grandes questions"), et ironique ("ici c'est l'enfance de l'Art, et l'art de l'enfance, on peut jouer avec tout ce qu'on veut").
Séquence 3 : c'est celle consacrée à la motion capture. Après avoir pu admirer les prouesses indéniables de l'acrobate Denis Lavant, on voit celui-ci tirer avec une mitraillette tout en courant sur un tapis roulant. La course de Denis Lavant, trademark caraxien (emprunté à Buster Keaton), est ici réduite à sa version grinçante : il s'agit de courir dans le vide, dans un non-décor, en tirant des coups de feu. C'est en somme la parodie du cinéma de Carax par lui-même ; mais on en vient à se demander si son cinéma n'a finalement pas toujours été coincé au stade de la parodie.
Ensuite surgit une belle jeune femme, et sans un mot elle et MO entament des ébats sexuels dans leur costume de latex. L'ordinateur traduit la scène en transformant le couple en aliens hideux. On entend ici, a priori, une critique du cyber-sexe et de la pornographie contemporains. En 91, Carax déclarait : "Aujourd’hui, il faut faire l’amour dans le caoutchouc pour pas crever, ce que je comprends, je suis pour la santé, mais les préservatifs sont partout, pas que dans les chambres à coucher, on vit dedans. Toute cette hygiène du corps et de l’âme, ça me répugne totalement." On peut entendre cette complainte banale sur une époque où les impératifs d'une idéologie sécuritaire rendent les relations plus ternes et plus factices. Le latex est ici est ce qui rend monstrueux les ébats des amants. Il est donc condamné, alors qu'il est sensé par ailleurs être ce qui permet le jeu de rôles de l'acteur, cette "féérie". Mais personne n'a demandé à Carax cette scène pornographique. Il se livre ici gratuitement à ce qu'il dénonce en montrant des ébats entre deux parfaits étrangers. Ce qui ressort c'est que MO entame tout naturellement une relation sexuelle avec une femme parce que celle-ci est calibrée sur le modèle d'une mannequin. Le message est alors le suivant : moi, Carax, je souffre beaucoup de la pornographie de mon époque, c'est pourquoi je vous en sers une tranche. Le jeu est double, car le film, d'un côté, célèbre le virtuel, les masques et les jeux de rôle de son personnage principal, et de l'autre condamne ce virtuel comme étant ce qui nous prive de toute authenticité et nous sépare d'autrui. Cette contradiction ne sert qu'à faire enfler la posture romantique de l'auteur, qui prétend en somme que ses contradictions non résolues sont identiques à celles de son époque, pour s'en affirmer finalement le peintre officiel.
La quatrième séquence est une variation sur le même thème. Le personnage de "Monsieur Merde", que Leos Carax qualifie en entretien de figure de "l'immigré raciste", en charge d'incarner le côté "immonde" de sa personnalité, kidnappe une autre mannequin, et l'entraîne dans les catacombes. Cette créature monstrueuse, qui vient d'arracher avec les dents plusieurs doigts à une autre femme, se montre atteinte par la beauté du mannequin, qui, quant à elle, reste silencieuse et inerte, voire inepte. (C'est ce qu'on voit tout au long du film : si Monsieur Oscar a trop de rôles à jouer, les personnages qu'il rencontre n'en ont pas assez, nul intérêt ne leur est porté.) Le personnage de l'autre est à nouveau réduit à un mannequin sans vie, sans épaisseur, et il nous faut nous intéresser uniquement aux désarrois du double de l'auteur. Lequel se déclare donc blessé par la beauté ; celle-ci le fait souffrir. Apercevant un sein, il se tourne en gémissant vers le ciel, et marmonne quelque chose à l'adresse d'un dieu sévère, lequel semble au fait de ses "mauvais penchants". Il faudrait alors féliciter le monstre, qui, au lieu de violer la jeune fille puis de la découper en rondelles, se contente de la voiler, puis d'exhiber son pénis en érection. L'allusion à la question du voile islamique, qui résonne dans les débats depuis des années, est ici pesante. Or il faut bel et bien conclure que ce que nous en dit Carax, c'est que, pour des gens arriérés, le voile peut se comprendre. C'est ici une superbe performance, dans le genre du racisme culturel.
La séquence propose donc une parodie de burqa, pour s'achever sur une dérision de pièta. Et il n'y a rien d'autre à voir, nulle relève, dialectique ou autre, de tout ce cynisme. L'auteur semble bloqué au stade de son personnage, et ne sait que blasphémer vainement. Au nom de ce qui est supposé être une admirable vigueur transgressive, on a un "Grand-Auteur" qui se paie donc une belle et célèbre actrice, pour l'utiliser dans le rôle d'un pot de fleurs.
Séquence 5 : un père, apprenant que sa fille n'a pas su se montrer populaire à sa première soirée, s'en prend durement à elle et lui prédit qu'elle est, pour son malheur, condamnée à "vivre avec elle-même". Cette évocation d'une vie uniquement faite d'un face à face avec soi-même nous ramène au thème d'un monde sans autrui. Ce qui est gênant c'est que l'adolescente qui joue le rôle de la fille est la propre fille de Carax, sur laquelle il projette semble-t-il sa propre situation, en la condamnant à vivre le même sort : ce qui constitue un procédé pervers, toute "liberté de l'artiste" mise à part. On pourrait sans doute dire que la séquence vaut pour aveu... aborde au moins le problème. Qu'elle dénonce, au moins sur le mode de la dénégation ou de la projection, le procédé pervers qu'elle met en jeu. Mais faut-il en remercier Carax ? Il se livre en définitive, toujours au nom de son statut proclamé de Génie, à une scène de traque et d'acharnement sur sa propre fille. Il y a monstration, exposition publique d'un procédé pervers : mais à quel moment y a-t-il une distanciation minimale, un indice que tout cela vaut pour une réflexion, une prise de recul - à défaut d'une condamnation ?
Cette séquence, comme l'avant-dernière qui la rendra plus explicite, montre des gens "ordinaires", un Monsieur-tout-le-monde et sa fille. Le comportement de la fille est ordinaire : elle ne s'est pas amusée à sa première soirée, c'est quelque chose qui arrive tous les jours. Elle est une adolescente mal dans sa peau, rien de plus banal. Là où l'extraordinaire surgit, c'est dans le comportement de Monsieur Oscar. C'est sa véhémence qui produit un décalage. Or cette véhémence renvoie à ses autres rôles, lesquels sont à peu près tous tournés autour de la figure de l'héroïque assassin. MO tue, se tue, est tué mais il est toujours le héros, et le seul héros puisque les autres personnages ne sont que des figurines sans relief. Son comportement est toujours placé au-delà de la critique : n'est-il pas l'émissaire du Génie qui, dans son immense bonté, nous offre ce film ? Dans cette mesure, il est clair que la cruauté du père dans cette séquence n'est pas du tout remise en question. Ce qui est mis en cause, c'est la médiocrité des gens ordinaires, leur manque de supériorité. Carax adresse en quelque sorte un clin d'oeil pervers à sa propre fille, lui intimant l'ordre d'être comme lui, "au dessus" de tous les autres, dans un face-à-face morbide avec elle-même, et en fin de compte, avec lui-même. C'est avec une absence totale de distanciation que cette séquence met finalement en jeu un mécanisme que l'on peut qualifier d'incestueux.
Séquence 6 : un interlude décontracté, avec Bertrand Cantat qui tape le boeuf dans une église. Comment ne pas lire la scène dans le sens d'une sympathique réunion d'altruicides ? Carax vient nous dire qu'il défend Cantat : de quoi, pourquoi, on ne sait pas. On nous intime l'ordre de comprendre que Cantat est un grand artiste, et qu'il ne faut jamais censurer les artistes : posture qui semble admirable de générosité. Mais tout cela est dit par allusion, en douce, à l'image de Bertrand Cantat qui se trouve placé derrière un groupe de musiciens, et qu'on aperçoit à peine : si on n'a pas été prévenu qu'il est là, il est difficile de le reconnaître. L'affirmation est donc louvoyante et ambiguë : on peut tout aussi bien conclure qu'une petite place est concédée discrètement à Cantat, par altruisme, à nouveau dans ce souci œcuménique de tout embrasser, tout réunir sous son aile. Mais, dans la mesure où le film ne cesse de mettre en scène le meurtre virtuel, la caution d'un meurtrier réel crée un malaise. On en vient en définitive à mettre en doute la distinction entre meurtre réel et meurtre virtuel, puisqu'ils sont réunis dans le même film. On peut encore parler de procédé pervers.
Séquence 7 : Monsieur Oscar tue son double et prend son apparence pour dissimuler le crime, mais son double, dans un dernier sursaut de vie, le tue à son tour. Les deux cadavres gisent côte à côte. Puis Monsieur Oscar, on ne sait plus trop lequel des deux du coup, se relève et part en titubant pathétiquement. On peut renvoyer cela à la phrase dite un peu avant au sujet de la condamnation à "vivre avec soi-même". Dans un monde sans autrui, il ne reste plus guère qu'à se tuer soi-même, pour rire. On pourrait dire qu'à la fois, il y a eu représentation d'un double meurtre, et qu'en même temps il ne s'est rien passé. Encore un dispositif contenant des messages contradictoires et s'annulant l'un l'autre, dont il ne reste à l'arrivée qu'une représentation complaisante d'un meurtre de plus, et l'idée que l'auteur est une conscience souffrante. Et c'est finalement le meurtre lui-même qui est parodié.
Les détails en eux-mêmes de la séquence sont insignifiants. Cela se passe dans des halles où des travailleurs d'origine asiatique sont occupés à leurs affaires réelles. Carax utilise, comme dans Pola X, le thème des clandestins comme décor, pour se donner l'air d'avoir un avis sérieux sur la question. Il est "pour" les clandestins, contre la misère et l'injustice : on ne peut que l'en féliciter. Monsieur Oscar pousse le mimétisme jusqu'à prononcer quelques mots en chinois (ou dans une autre langue asiatique). Son personnage est déguisé dans le style d'un petit malfrat, d'un "dur" des milieux interlopes. Tout cela n'est bien sûr que du vernis et de la parodie, et n'a pour fonction que de servir de toile de fond exotique à la scène "mentale" d'entre-assassinat des doubles. Ça pourrait aussi bien se passer aux sports d'hiver, mais on peut encore entendre dans le cliché un jugement de valeur. Carax n'a pas le temps de s'intéresser aux travailleurs ; il préfère se regarder dans un miroir, et prendre le ciel et le public à témoin que tout en se haïssant, il s'aime infiniment, et que c'est bien difficile pour lui.
Scène 9 : MO est un vieil homme qui agonise dans un hôtel luxueux. Une jeune fille éplorée lui dit qu'elle l'aime infiniment, qu'il a tant fait pour elle autrefois, qu'elle a le coeur brisé suite à un mauvais mariage, et que tout ce qu'elle veut c'est rester auprès de lui jusqu'à sa fin imminente, pendant que des violons déchirants se font entendre. La dimension parodique du jeu de Lavant se cache moins que jamais, il adopte une voix de tête suraigüe et ridicule pour prononcer de graves sentences finales sur le fait que, ce qu'il y a de beau dans la vie c'est l'amour, "la mort c'est bien, mais l'amour n'y est pas". C'est néanmoins peut-être l'une des scènes les moins détestables du film ; ça a beau être des clichés, c'est pas faux. Mais il s'agit toujours du même type de manipulation : tout un arsenal est convoqué pour susciter une émotion, mais dans le même temps on nous indique que cette émotion n'est pas vraie, que tout cela c'est de la blague. Il y a un détail volontairement "grinçant" : la jeune fille a un pied bot. Le film est rempli de tels effets grinçants, de la défiguration de Michel Piccoli (dont la brève apparition en guest star ne sert qu'à énoncer quelques phrases poético-lyriques supplémentaires) à toutes celles de Denis Lavant. Dans l'économie de la scène, quelle est l'utilité de ce pied bot, en quoi n'est-il pas gratuit ? Il a bien la même fonction que le voile jeté sur Eva Mendes : il dit que la beauté est une offense, un affront, et qu'il importe de blasphémer la beauté, de la railler, de la parodier. Sous couvert d'audace et de liberté souveraine de l'artiste, Carax ne cesse d'imposer ses petites horreurs, ses petits crimes, ses petites obsessions. Alors qu'il nous propose un plan de cette jeune fille enlevant sa robe, dans un hommage qui se veut d'une pureté cristalline à la beauté de son actrice, il vient lui greffer une prothèse gratuite ; tout comme il avait rendu Juliette Binoche aveugle dans les Amants du Pont-Neuf.
Dans la séquence 10, Kylie Minogue chante une chanson qui est une parodie d'une chanson émouvante. Le refrain bégayant, "Who were we when we were who we were ?" est en soi un sarcasme. Dans les locaux en ruines de la Samaritaine, elle et MO se rappellent leur amour perdu. Elle finit écrasée sur le sol, suicidée. Le dispositif nous précise qu'elle est, comme MO, une "joueuse de rôles", et que tout ça est encore une comédie sans importance. Le grand amour renvoie donc, encore et toujours au double : c'est une autre lui-même (et une star internationale : c'est important pour son ego) qui est son âme-sœur. Encore une fois il y a une projection du tourment intime de Carax sur autrui, et représentation d'un altruicide.
Séquence 11, dite des grands singes. Un homme rentre un soir dans son pavillon de banlieue. Il semble désespéré, et on voit bien pourquoi : cette rue composée de maisons toutes identiques installe d'emblée l'idée d'une aliénation cauchemardesque. Pire encore pour ce pauvre banlieusard : sa femme et son enfant sont des singes. Il leur parle avec affection, et ils regardent ensemble par la fenêtre, tels des animaux en cage, pendant qu'une chanson pathétique de Gérard Manset se fait entendre. On peut dire que cette séquence évoque, du point de vue de cet homme, l'enfer de vivre une vie indifférente, le désespoir d'un monde privé d'âme. La chanson dit : "on voudrait revivre, mais ça ne se peut pas." Or, qui voudrait revivre un tel enfer ?
Cet homme se sent tragiquement seul, d'accord : mais pourquoi recourir à des singes pour représenter cette solitude ? Ils figurent ici au titre de dérision de l'humanité, comme dans une publicité célèbre pour la lessive Omo. Il y aurait des tas de choses passionnantes à montrer au sujet des singes ; ici on a choisi de les cantonner à la parodie de l'humanité. L’humanité se trouve abaissée au niveau de la parodie, mais les singes ne se voient en revanche aucunement relevés, au contraire plutôt humiliés par le dispositif. Eux aussi sont parodiés en tant que singes, en fin de compte.
On a donc un homme, lui-même déguisé, singeant l'amour familial, entouré de singes, auxquels il adresse des paroles de tendresse factice. L'idée de solitude est ainsi mise au carré, et encore aggravée par la confrontation ironique avec le lyrisme de la chanson de Manset. On voudrait revivre... quand exactement ? Après que ce temps-ci soit passé, après la mort de cet entourage débile et disgracieux... après la disparition de ce qui nous est contemporain. Par dégoût pour ce monde-ci, on souhaite une extra ball : repartir à zéro, au lieu de se pencher sur ce monde-ci pour essayer d'y vivre. C'est ce que dit le film, et il ne dit rien d'autre que ce désir altruicide. Il ne s'en distancie aucunement, et ne cesse au contraire d'enfoncer le même clou.
Séquence 12 : des limousines qui parlent, c'est rigolo. Bon, ce qu'elles disent n'est ni drôle ni intéressant (elles évoquent, à leur tour, leur disparition imminente), et c'est un grincement parodique de plus, mais il faut savoir se montrer bon public.
12 séquences donc, pour un antéchrist de pacotille.
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Holy Motors
Ton texte, Balthazar, démarre à partir de postulats contestables. Il y a d’autant moins d’ « altruicide » dans Holy Motors que justement son personnage principal joue différentes figures de l’Autre que lui-même, comme tu le remarques d’ailleurs dès ton commentaire de la scène 2. Un acteur – quelqu’un d’hors-jeu social, de marginal, peut-on dire – va se mettre littéralement dans la peau d’un riche, puis d’une mendiante, etc. On peut discuter de la façon dont il va se mettre dans ces peaux, mais au moins on peut reconnaître qu’il le fait, et que si être attentif à autrui consiste à essayer de se mettre à sa place, alors il n’y a pas d’ « altruicide » dans Holy Motors, bien au contraire. Il y a tant de films qui font semblant de confronter des étrangers qui sont les mêmes (cf. séquence 8 ), qui sont tous les mêmes produits d’un scénario surdéterminant. Ici, le faux DSK de la séquence 1, la mendiante de la 2 et l’acteur n’ont rien en commun.
Autre chose : je ne vois pas en quoi le prologue pose que Carax est un génie. Il montre, littéralement, quelqu’un de mal voyant qui tâtonne et trouve une porte, qui donne sur une salle de cinéma. Mon interprétation est que Carax veut nous signifier qu’il a trouvé une clef pour faire un film, rien de moins mais rien de plus.
Séquence 1 : elle n’est pas insignifiante du tout, elle est très ironique et très drôle à mon goût : le même qui peut être « impitoyable » est salué affectueusement par sa petite famille bien lotie. Par ailleurs, la scène suppose qu’il y a eu tout un « avant », pendant lequel Lavant a joué un certain temps (on ne sait pas combien, et y songer donne le vertige) au riche, ce qui est rendu comique par le fait qu’on découvre très vite que c’était en fait un acteur. Il y a en filigrane l’idée que ces gens de pouvoir sont des acteurs, des faussaires.
Séquence 2 : je la trouve très belle, on a vraiment le sentiment de ce que c’est qu’une présence immobile au milieu de passants. Cette mendiante est montrée comme digne et tenace dans l’indifférence générale.
Séquence 3 : elle n’a rien de gratuit, puisque la copulation devient monstrueuse. Il n’y pas de « célébration du virtuel » mais une tentative de montrer la transformation d’un corps en quelque chose d’étranger à lui-même. Ce n’est pas la scène que je préfère, mais elle n’a rien de pervers.
Séquence 4 : les premiers à utiliser l’actrice comme un pot de fleurs, ce sont les « artistes-photographes » qui font les magazines, c’est un fait réel à partir duquel Carax a imaginé la rencontre de deux extrêmes, la Belle et la Bête. Etant donné que dans ce film comme dans son court « Merde », la Bête est une Bête (et non un Afghan), il faut voir la réaction de cette Bête à la beauté de la Belle comme la réaction logique d’une Bête qui refuse d’être dominée mais ne peut pas s’empêcher de l’être par ses pulsions. C’est ce qui la pousse à cacher cette Beauté qui l’esclavagise. (L’ironie est qu’il fait marcher sa Belle voilée comme dans un défilé, petite pique à l’encontre de la mode qui pare les femmes et ne les découvre jamais.) On peut considérer ça comme une explication de l’invention de la burqa, et personnellement je ne trouve pas cette explication stupide. C’est une parabole, pas une dénonciation (par ailleurs, Carax est un des rares cinéastes à s’être publiquement déclaré opposé aux guerres menées par l’OTAN contre l’Afghanistan, etc.)
Séquence 5 : si le père fait preuve de violence envers sa fille, alors il y a bien distanciation. On ne comprend pas bien pourquoi le père s’énerve ainsi, et d’ailleurs il se retrouve seul et malheureux une fois qu’il a déposé sa fille. Que celle-ci n’ait pas eu le temps d’exister est une chose, mais qu’elle soit niée par la mise en scène en est une autre. Au contraire, elle existe d’autant plus que son père n’a pas cherché à la comprendre. S’il y a un aveu dans cette scène, c’est celui d’une culpabilité. Qui a un enfant sait tout ce qu’on peut projeter sur lui.
Interlude : qui peut dire qu’il y a Bertrand Cantat parmi les musiciens ? Seulement ceux qui ont lu les critiques qui ont tenu à le souligner. Et dans 20 ans, tout le monde s’en foutera. Donc il n’y a aucune volonté de Carax de donner un sens à cette présence, justement cachée.
Séquence 8 : pastiche de film de genre à la Tarantino, où Carax signifie qu’un assassin, dans ce genre de films, ne tue que ses semblables, bref que ça n’a pas de sens. Ce qui est parfaitement juste. C’est la scène la plus explicitement « cinématographique » : son découpage très visible, le look des personnages, le « scénario » du sketch, tout est exactement de l’ordre du pastiche. Y voir un discours de Carax sur le rapport de soi à soi est hors-sujet : il parle d’un certain cinéma.
Séquence 9 : j’avoue franchement ne pas avoir compris le sens et l’utilité de cette scène, mais je trouve certains détails très beaux : la façon dont la fille se regarde dans la glace au début, ou dont les acteurs se quittent la scène terminée.
Séquence 10 : Carax a choisi de mettre en scène la rencontre avec l’être jadis aimé suivant les canons de la comédie musicale. Je ne vois pas où est-ce que ça pourrait faire penser qu’il s’agit là d’une « comédie sans importance », au contraire. L’idée de la scène est celle du vertige : sur le toit comme sur le balcon à l’intérieur de la Samaritaine, le vide tout proche est sensible, la catastrophe est sûre, la catastrophe arrive. L’âme-sœur est un rêve perdu, un absolu reconnu comme inatteignable et donc tragique.
Séquence 11 : c’est un cauchemar, que tu décris bien, mais il faut le prendre comme un cauchemar, pas comme la réalité vue par Carax, sous peine de le traiter d’irresponsable. Oui, l’idée d’un monde anesthésié et animalisé hante l’imaginaire de Carax, le mien aussi, et celui de beaucoup d’autres qui ont la trouille de voir le monde se débarrasser de toute altérité. Ce cauchemar, montré comme tel (et dont la chanson de Manset souligne l’horreur), contredit ton idée que Carax ne fait que tuer « l’autre » : il exprime seulement le regret de ne pas assez le rencontrer.
Séquence 12 : je n’ai pas trouvé ça très drôle, ces limousines qui parlent, mais instructif : elles discutent du monde d’après elles, quand il n’y a aura plus de moteurs. C’est quoi ton moteur, exactement ?
Autre chose : je ne vois pas en quoi le prologue pose que Carax est un génie. Il montre, littéralement, quelqu’un de mal voyant qui tâtonne et trouve une porte, qui donne sur une salle de cinéma. Mon interprétation est que Carax veut nous signifier qu’il a trouvé une clef pour faire un film, rien de moins mais rien de plus.
Séquence 1 : elle n’est pas insignifiante du tout, elle est très ironique et très drôle à mon goût : le même qui peut être « impitoyable » est salué affectueusement par sa petite famille bien lotie. Par ailleurs, la scène suppose qu’il y a eu tout un « avant », pendant lequel Lavant a joué un certain temps (on ne sait pas combien, et y songer donne le vertige) au riche, ce qui est rendu comique par le fait qu’on découvre très vite que c’était en fait un acteur. Il y a en filigrane l’idée que ces gens de pouvoir sont des acteurs, des faussaires.
Séquence 2 : je la trouve très belle, on a vraiment le sentiment de ce que c’est qu’une présence immobile au milieu de passants. Cette mendiante est montrée comme digne et tenace dans l’indifférence générale.
Séquence 3 : elle n’a rien de gratuit, puisque la copulation devient monstrueuse. Il n’y pas de « célébration du virtuel » mais une tentative de montrer la transformation d’un corps en quelque chose d’étranger à lui-même. Ce n’est pas la scène que je préfère, mais elle n’a rien de pervers.
Séquence 4 : les premiers à utiliser l’actrice comme un pot de fleurs, ce sont les « artistes-photographes » qui font les magazines, c’est un fait réel à partir duquel Carax a imaginé la rencontre de deux extrêmes, la Belle et la Bête. Etant donné que dans ce film comme dans son court « Merde », la Bête est une Bête (et non un Afghan), il faut voir la réaction de cette Bête à la beauté de la Belle comme la réaction logique d’une Bête qui refuse d’être dominée mais ne peut pas s’empêcher de l’être par ses pulsions. C’est ce qui la pousse à cacher cette Beauté qui l’esclavagise. (L’ironie est qu’il fait marcher sa Belle voilée comme dans un défilé, petite pique à l’encontre de la mode qui pare les femmes et ne les découvre jamais.) On peut considérer ça comme une explication de l’invention de la burqa, et personnellement je ne trouve pas cette explication stupide. C’est une parabole, pas une dénonciation (par ailleurs, Carax est un des rares cinéastes à s’être publiquement déclaré opposé aux guerres menées par l’OTAN contre l’Afghanistan, etc.)
Séquence 5 : si le père fait preuve de violence envers sa fille, alors il y a bien distanciation. On ne comprend pas bien pourquoi le père s’énerve ainsi, et d’ailleurs il se retrouve seul et malheureux une fois qu’il a déposé sa fille. Que celle-ci n’ait pas eu le temps d’exister est une chose, mais qu’elle soit niée par la mise en scène en est une autre. Au contraire, elle existe d’autant plus que son père n’a pas cherché à la comprendre. S’il y a un aveu dans cette scène, c’est celui d’une culpabilité. Qui a un enfant sait tout ce qu’on peut projeter sur lui.
Interlude : qui peut dire qu’il y a Bertrand Cantat parmi les musiciens ? Seulement ceux qui ont lu les critiques qui ont tenu à le souligner. Et dans 20 ans, tout le monde s’en foutera. Donc il n’y a aucune volonté de Carax de donner un sens à cette présence, justement cachée.
Séquence 8 : pastiche de film de genre à la Tarantino, où Carax signifie qu’un assassin, dans ce genre de films, ne tue que ses semblables, bref que ça n’a pas de sens. Ce qui est parfaitement juste. C’est la scène la plus explicitement « cinématographique » : son découpage très visible, le look des personnages, le « scénario » du sketch, tout est exactement de l’ordre du pastiche. Y voir un discours de Carax sur le rapport de soi à soi est hors-sujet : il parle d’un certain cinéma.
Séquence 9 : j’avoue franchement ne pas avoir compris le sens et l’utilité de cette scène, mais je trouve certains détails très beaux : la façon dont la fille se regarde dans la glace au début, ou dont les acteurs se quittent la scène terminée.
Séquence 10 : Carax a choisi de mettre en scène la rencontre avec l’être jadis aimé suivant les canons de la comédie musicale. Je ne vois pas où est-ce que ça pourrait faire penser qu’il s’agit là d’une « comédie sans importance », au contraire. L’idée de la scène est celle du vertige : sur le toit comme sur le balcon à l’intérieur de la Samaritaine, le vide tout proche est sensible, la catastrophe est sûre, la catastrophe arrive. L’âme-sœur est un rêve perdu, un absolu reconnu comme inatteignable et donc tragique.
Séquence 11 : c’est un cauchemar, que tu décris bien, mais il faut le prendre comme un cauchemar, pas comme la réalité vue par Carax, sous peine de le traiter d’irresponsable. Oui, l’idée d’un monde anesthésié et animalisé hante l’imaginaire de Carax, le mien aussi, et celui de beaucoup d’autres qui ont la trouille de voir le monde se débarrasser de toute altérité. Ce cauchemar, montré comme tel (et dont la chanson de Manset souligne l’horreur), contredit ton idée que Carax ne fait que tuer « l’autre » : il exprime seulement le regret de ne pas assez le rencontrer.
Séquence 12 : je n’ai pas trouvé ça très drôle, ces limousines qui parlent, mais instructif : elles discutent du monde d’après elles, quand il n’y a aura plus de moteurs. C’est quoi ton moteur, exactement ?
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